Tour et détours à Dinard Élégance 2021

Publié le par Hugues Desoize

Tour et détours à Dinard Élégance 2021

Il faut bien l’avouer, je me sentais bien étrange en ce lundi matin brumeux. Je fais quelques pas sur la digue déserte de Dinard à la recherche de je ne sais quoi, je ne sais qui. Il me semble encore distinguer la longue silhouette d’une Hispano T 49 Berline 1937 ou d’une Lancia Astura. Il me semble percevoir au lointain une femme au chapeau haute-couture démesuré. En tenant l’oreille, je perçois presque le son mélodieux du 8 Cylindres d’une Ballot 3/8 LC 1921. Je reste immobile devant la plaque de la FFVE indiquant aux néophytes ce qui s’est passé en ce lieu il y a 100 ans pile poil. C’est bien le seul élément qui me confirme que je n’ai pas rêvé les jours précédents. Mais quitte à vous raconter, autant que je vous raconte depuis le début…

Un beau Prélude

Je l’attendais de pied ferme ce Dinard Élégance 2021, pensez-vous à deux pas de la maison, un concours d’élégance à la française, cela ne se voit pas tous les jours. D’autant plus qu’il y 3 ans j’avais vécu un fort beau moment. Cette année nous fêtons un anniversaire, 100 bougies ça s’arrose !

Convié par le président de Dinard Élégance, Denis Cohignac, à découvrir deux beautés d’exception, dès le Vendredi afin d’alimenter de futures articles (non vous ne sauriez rien, même sous la torture de votre meilleur Single Malt 25 ans d’âge). J’arrivais donc sur le lieu de rendez-vous autant rempli d’espérance que la batterie de mon Nikon.

Il est 16h, le soleil brille sur les calandres des premières autos arrivées, Talbot T23 Chapron, Delage D6.70 Sport Letourneur et Marchand, Delahaye Chapron de Mr le président. Une Renault 4CV à la remorque mono roue et chargée, pour un départ en congés, s’est garée un peu à l’écart comme si elle n’osait pas se joindre à ses aînés. Ceci dit la baie de Saint Malo juste derrière elle, c’est du plus bel effet. Quelque chose me dit que la petite popu prépare quelque chose.

Petit à petit, le parking se remplit de véhicules tous plus extraordinaires les uns que les autres. Une Aston DB4 1960 fait son entrée, une Horch 853 cabriolet puis une Moretti 2300S par Michellotti s’il vous plaît. C’est au tour d’une CORD 810 Coach 1936, une Delage D8.23 châssis court surbaissée, fascinante…

Une 300SL 1954 toutes ailes déployées fait son apparition. Arrive ensuite un Lancia Astura Pinin Farina 1938 sur un filet de gaz me donnant le vertige. Je ne sais vers quelle auto pointer mon objectif, il en arrive de partout. Le déclencheur crépite et je commence à pester contre ces maudits touristes qui envahissent la place et trouble l’harmonie qui régnait jusque-là.

Quand v’la ti pas qu’un énergumène en tongs, bermuda fluo et serviette sur l’épaule traverse mon champ de vision comme un cheval affolé, mais où va-t-il donc ?

Je me rends compte au son qui rebondit sur mon tympan que ce n’est pas un Flash de la marque à l’hirondelle…, je quitte mon viseur une seconde et c’est bien les douces lignes d’une Bugatti 57 Atalante qui se profilent. Une dame en descend avec la grâce qui va avec l’auto et est immédiatement interpellée par le touriste. Je me dis qu’il va y avoir comme qui dirait un conflit, de classe sociale, de génération ou de culture, ça va fritter !

Eh bien non, que nenni ami lecteur friand de violence. Pas du tout, la dame répond à chaque question avec ses mots choisis. Elle élude la question sur le prix de sa voiture par: « La valeur marchande, cher monsieur n’est rien en comparaison de son intérêt historique », pas sûr que le gus est compris quelque chose, et enfin invite son interlocuteur à passer la tête dans le saint des saints à savoir l’habitacle de sa Type 57. J’en connais un qui n’est pas près de s’en remettre.

Arrive dans un bruit (mais peut-on parler de bruit) si particulier, les ancêtres de la bande, une Lion-Peugeot type VA 1907, qui n’est pas tout à fait une Peugeot, une Clément Bayard phaéton, une Renault XA Phaéton, les deux dernières étant dites « Roi des Belges » à savoir deux places avant et deux places arrière. Le temps passant, ces belles classiques déchaînant les foules, elles ne sont plus du tout accessibles.

La Digue, lieu d’histoire

Sur la digue, c’est encore une autre histoire, en face le casino trône LA Ballot 3/8 LC. Madame impose le respect. Par son âge d’abord, 100 ans ça commence à faire pour une auto, part son gabarit, part ses innovations (je reparlerai de cela plus tard) mais aussi part son palmarès, victorieuse en autre au premier Grand Prix d’Italie à Brescia le 4 Septembre 1921, tiens un autre anniversaire pour ce Dinard Élégance ! Elle impressionne même le jeune adulte addicte aux chefs d’œuvre cinématographiques « Fast and Furious » qui s’approche avec une humilité teintée de curiosité.

La digue se remplit petit à petit et devient un bien beau musée éphémère. Je croise les belles quittées plus haut mais en repère de nouvelles, telle cette Lancia B20 GT dépouillée de ses artifices pour cause de compétition, 65 ans après sa sortie d’usine, elle est en forme mamie.

Les sons de la sono annoncent que l’inauguration de la plaque FFVE « Lieu de l’Histoire Automobile » va prochainement débuter.

Il y a 100 ans jour pour jour avait lieu ici, le premier Concours d’Elégance Automobile à la Française. Pendant une cinquantaine d’années, les plus belles carrosseries toutes confondues ont défilé sous le regard admiratif des Dinardais d’un jour ou de toujours.

Mr Jean-Louis Blanc président de la FFVE a fait le déplacement et pas tout seul en plus. Les responsables politiques locaux prennent la parole après Denis Cohignac qui présente l’histoire des lieux et la suite des réjouissances. Il faut dire que le discours de Mr le député est assez apprécié, quand il affirme la prise de conscience par ces Messieurs de l’assemblée de l’importance patrimoniale et économique des véhicules de collections et ce que représente la préservation et donc l’utilisation de ce patrimoine.

Le jour déclinant, je ne peux m’empêcher de prendre encore quelques clichés. Mais il faut rentrer car mon acolyte de News d’Ancienne, j’ai nommé Vincent Decours, vient me rejoindre pour l’apéro, il nous faut préparer la folle journée qui nous attend demain… Il n’y pas que dans le ciel qu’il y a des étoiles… (rien à voir avec Mercedes)

Le Tour Dinard Elégance s’invite sur la Côte d’Emeraude

La nuit fût courte et agitée, c’est le jour J pour le Tour d’Élégance de Dinard, première étape du Dinard Élégance. On nous annonce une bonne centaine de véhicules venus de toute la région, pour une balade en bord de mer des plus sympathique.

Je file réveiller ma belle (mon Aronde, pas ma chère et tendre épouse qui m’accompagne dans cette affaire) après quelques semaines de sommeil pour cause de congés. Un peu d’angoisse en faisant les niveaux. Va-t-elle démarrer ? Angoisse habituelle du conducteur d’anciennes qui ne m’a pas quittée depuis 25 ans d’utilisation de mon engin démoniaque. Un coup de clé et le Flash Spécial s’ébroue dans un bruit caractéristique (en fait elle avait fait quelques tours de roues la veille, ça aide).

Nous voici partis pour une quinzaine de kilomètres de tour de chauffe, toujours dans la brume. Nous rejoignons la première équipe à Dinard, la seconde équipe partant de la région Rennaise, nous rejoignant à Saint Jacut de la mer directement. Nous arrivons à l’heure convenue sur le lieu de rendez-vous l’esplanade du Prieuré dans l’accès est privatisé et facilité par la Police Municipale de Dinard qui assure le coup. Heureusement car vu le nombre de véhicule, je ne vous dis pas le b……. Sans oublier la super équipe de bénévoles.

Pas de perte de temps, on est positionné (devant, en plus pas mal pour les photos). Plaque de rallye, bracelet d’accès (après présentation du passe sanitaire) et roadbook, ainsi que les numéros à joindre en cas de soucis, nous sont remis. On sait recevoir au Tour Elégance de Dinard.

Le petit café et la madeleine avalés nous voici en piste pour la promenade. Les motards ouvrent la voie et fluidifient le parcours. Une quinzaine de kilomètres à faible allure (un peu trop à mon goût car pas facile de choisir entre la seconde et la troisième, 40 Km/h ce n’est pas assez pour une Simca Sport (Pourtant d’habitude c’est moi qui ralenti le traffic). Petits villages sympas, routes champêtres et badauds au bord des route, nous déridons nos Klaxons.

Arrivée d’étape triomphante à Saint Jacut, les gens sortent des maisons pour voir ce qui se passe, faut dire que la file est longue et il y a du sacré beau monde pour le Dinard Élégance. Un Bus Citroên des fifties de toute beauté nous sert de repaire. En arrivant sur la grande étendue herbeuse de la pointe du chevêt, je mesure l’importance de l’évènement. Les Delahaye côtoient les Peugeot 403 et les MG, les Hispano (à partir de 2 c’est du pluriel).

Ma plus grande surprise ce sont les Studebaker, trois Stud en même temps c’est rare. L’Avanti 1963 présentée au concours, à probablement entraînée les autres.

Du capot d’une XK sort une fumée peu rassurante mais nous la recroiserons plus tard, rien de grave donc.

Un petit coup blanc et une galette ou des huitres et ça repart (ne pas oublier que nous sommes en Bretagne tout de même)

Cette fois ci l’allure est parfaite. Nous avons la calandre d’une belle XK 140 Dans le rétro, la poupe d’une magnifique Volvo P1800 devant nous, et la mer sur le côté. C’est bien un pare-brise panoramique ! Le moulin tourne parfaitement et les freins ne chauffent plus. Je ne l’ai pas dit plus haut mais à l’aller je n’en n’étais pas fière.

Nous arrivons à Dinard sous un soleil éclatant, la ville bondée pour ce premier week-end d’été de la saison (en Septembre c’est bien tard). 

Stationné dans cet endroit extraordinaire qu’est le Port Breton pour la pause déjeuner, les places à l’ombre sont fort recherchées. Les visiteurs ne regrettent pas le déplacement, une Horsch à coté d’une Talbo Lago, elle-même entre une Bugatti et une DB4 c’est pas communs. Reine du bal, la Mercedes 300 SL déclenche l’admiration des petits et des grands, surtout des dames d’ailleurs (c’est sans doute grâce à un de ses anciens proprios un certain Paul Newman), moi jaloux ?

16 h, il est temps de quitter les lieux pour la digue, distante de 2 ou 3 kilomètres. Et là la foule des grands jours, nous nous garons par rangée de 4 véhicules, guidés par les bénévoles qui ont bien du mal à canaliser tout le monde. De jeunes gens placent des cartons sous les véhicules en prenant le soin de demander si le moteur est à l’avant ou à l’arrière. Ils pensent à tout vous dis-je. Un spectateur ouvre même la porte passager de mon épouse. Non mesdames, la galanterie n’est pas morte…

La digue est noire de monde, Dinard Élégance fait recette. Je me demande si le 4 Septembre 1921 il y avait autant de public. À l’époque on a annoncé 20.000 personnes. Je ne peux m’empêcher de me mettre à la place des conducteurs des voitures de la Bugatti et autres Horsch, plus habitués aux salons équipés de cordons de sécurité.

À 18h, en voiture. Il faut se préparer pour le Concours d’élégance, le gros morceau du Dinard Élégance. Nous repartons en file indienne au milieu d’une haie d’honneur improvisée, et sous les applaudissements de tous ces gens. J’en ai encore les poils qui se dressent. C’est le moment le plus émouvant de cette journée et dans le top 5 de ma vie de conducteur de vieilles guimbardes.

Pour notre part, la fille à l’hirondelle ayant bien gagné le droit au repos, nous repartons la ramasser sous sa housse, la tête déjà pleine de belles images.

À propos de belles images, Vincent se rue sur le parking du manoir de Port Breton. Car c’est à cet endroit que l’attend THE CAR, j’ai nommé la Lancia Florida Coach Pinin Farina de 1955. Unique au monde, elle a quitté son musée privé Italien pour se joindre aux participants de Dinard Élégance. Un évènement à elle toute seule.

Le concours d’élégance à la Française de Dinard Élégance 2021

Le jour décline, la scène de ce fabuleux spectacle s’offre à nous, encore presque vide, nous repérons les différents endroits où se placer pour avoir le meilleur angle. Les spectateurs arrivent par grappes après contrôle de leur passe sanitaire. Les places assises se remplissent vite. Rapidement se sont les pelouses qui sont occupées. Pas de soucis l’endroit est vaste.

Attention, le quartet de Jazz égraine les premières notes d’un standard, c’est parti pour 2h30 de bonheur. 

Mr Patrick Rollet, érudit incontestable et ancien président de la FIVA, faut-il le rappeler, détaille les autos du concours Dinard Élégance et nous régale de ses commentaires, évoquant au public et au jury, loin d’être tous des spécialistes, des anecdotes sur la grande et petite histoire automobile. 

Les autos défilent, les conducteurs et leur passagère en grandes tenues mettent en scène leur véhicule, les musiciens essayent d’adapter les thèmes musicaux aux véhicules. Top comme d’hab. Puis vient le temps du vote de ce jury à la parité homme-femme exemplaire.

Verdict

  • Grand Prix d’excellence : Cord Westchester 810 – 1936 (Xavier Jenvrin et Marie-Line Delaunay)
  • Prix spécial du jury : Ballot 3/8 LC Grand Prix d’Italie en 1921 – 1920 (Alexander Schaufler)
  • Prix ville de Dinard : Bugatti T 57 Atalante – 1937 (Albert et Juliana Wetz)
  • Authenticité : Renault 4CV – 1956 (Didier & Christine Fourcault)
  • Belle voiture française : Delahaye Coach 135 Faget Varnet – 1948 (Philippe Bonnuit & Martine Constans)
  • Catégorie Post classique (après 1960) : Fiat Cabriolet Moretti 2300 S Michelotti – 1964 (Jean-Luc & Chantal Despierre)
  • Cat Classique (1946 à 1960) : Mercedes 300 SL “papillon” – 1954 (Alain & Monique Guivarch)
  • Cat Post vintage (1931 à 1940) : Lancia Astura Pininfarina – 1938 (Antony & Emilie Missiounis (Collection Karosas))
  • Cat Vintage/vétéran (avant 1914 et de 1919 à 1930) : Talbot cabriolet K78 – 1930 (Gilles et Andrée Deramecourt)
  • 2ème Prix Post Classique : Ferrari Cabriolet 275 GTS – 1965 (Benoît et Emilie Bellier)
  • 2ème Classique : Jaguar XK 120 FHC – 1954 (Pierre et Marie-Jean Cléon)
  • 2ème Post vintage : Talbot Lago cabriolet T23 Chapron – 1939 (Daniel et Martine Cabart (Collection J.Winter))
  • 2ème Vintage/vétéran : Delage D8 C Cabriolet Chapron – 1930 (Patrick et Dominique Houdayer)
  • Prix du Coup de cœur : Lancia Florida Pininfarina -1955 (Emmanuel et Chatuna Bacquet (Collection Lopresto))

Le dernier prix remis, les spectateurs se lèvent. Il fait frais, je ne m’en étais même pas rendu compte. Un peu parti, un peu nase, je descends les marches jusqu’au parking. Va falloir un peu de temps pour redescendre vers la vraie vie.

Conclusion

Un magnifique événement tout simplement. Il montre bien que le français aime l’automobile. Si Dinard Élégance a fait le plein, de spectateurs et de participants, ce n’est pas pour rien !

Hugues Desoize

Breton et collectionneur, dans l'automobile au jour le jour, Hugues se rend sur les rassemblement en Simca ou en Solex et vous les fait vivre sur News d'Anciennes depuis l'été 2021.

Commentaires

  1. Hugues

    Un TRES GRAND MERCI pour ce reportage, je me demande pourquoi je ne suis pas allé là-bas

    Répondre · · 21 septembre 2021 à 23 h 34 min

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