Petite Histoire des Concours d’Élégance à la Française

Publié le par Hugues Desoize

Petite Histoire des Concours d’Élégance à la Française

En toute objectivité et sans chauvinisme excessif, le concours d’élégance automobile à la française tout comme « les escargots à la Bourguignonne » ne pouvait naître qu’en France. En effet, fermons les yeux et remontons le temps quelques instants.

Une tradition plus ancienne que l’automobile

La tradition chez nous a du sens. On s’aperçoit, pour peu qu’on s’y intéresse, que rien n’arrive par hasard.

Avant l’automobile, il y avait les chevaux. Ces même chevaux furent attelés à des voitures (tiens déjà ce terme).

Dès le XVIIème siècle le savoir faire français était réputé pour ses réalisations de grande qualité. Phaéton (pas la Volkswagen), grand break (non pas la Volvo 740), coupé de voyage (toujours pas la Volvo P1800) étaient déjà destinés à éblouir les foules. Les carrossiers Français rivalisaient en matière de luxe et d’ingéniosité. Comme le dit mon cousin : «la concurrence créé l’émulation et l’émulation la compétence».

Bref, parmi toutes ces réalisations apparaît, fin XVIIème, une voiture légère, 2 places, facile à conduire seul et sans cocher tout en y trouvant un certain plaisir. Elle se nommait la GIGUE.

L’essayer c’est l’adopter. Voici l’aristocratie Parisienne qui se prend le goût de parader dans les parcs et jardins de la capitale en rivalisant avec des attelages plus élégants les uns que les autres.

De là à trouver l’origine de l’expression «la mienne est mieux que la tienne» (la voiture pas la dame à côté) il n’y a qu’un pas !

Mais revenons à nos moutons… les concours, pas Michelle (je sais elle est facile).

Les ingrédients des Concours d’Élégance à la Française

Les années défilent et voici qu’apparaissent de drôles d’engins. De loin ce sont des voitures hippomobiles mais point d’équidés pour les mouvoir. Par contre vacarme et odeurs étranges les accompagnent, effrayant humains et volailles. Le conducteur au physique athlétique indispensable, se devait tout à la fois de gérer freinages, accélérations et les passages de vitesses tout en guidant sa machine sur des routes qui n’en sont que l’ébauche. Tout cela à la vitesse phénoménale de 20 km/h.

Ces dames cependant se disent que ce nouveau moyen de mobilité n’est pas dénué d’intérêt. Ainsi la duchesse d’Uzès, qui fût la première femme à être brevetée « conductrice d’Automobiles » en 1894. C’est dans ce contexte que naissent les premières concentrations d’automobiles, mais c’est tout de même trop tôt pour parler de Concours d’Élégance.

Ainsi, du côté de Bordeaux, le concours naît en 1901, bien qu’important et prisé du beau monde, c’était plus une présentation du savoir technologique qu’un concours d’élégance. L’aspect pratique et la protection des occupants primant sur l’aspect purement esthétique.

Arrive là dessus la première guerre, les hommes partent aux champs d’honneur se sacrifier pour la patrie. Les ingénieurs planchent sur des machines qui faucheront la jeunesse des deux camps dans leurs plus belles années. Les femmes sont embauchées dans les usines de munitions d’artillerie, dont entre autre les noms de Renault, Peugeot et Citroën se lisent en grand sur le mur d’entrée.

Vient enfin la victoire, ceux qui ont la chance d’en revenir veulent «oublier» cette terrible épreuve pendant laquelle la vie mondaine a fait une pause. Rien ne sera comme avant on le sait bien, mais l’on se doit d’essayer. D’autant plus que beaucoup de choses ont changé.

Tout d’abord, il y a la technique avec des automobiles plus fiables, qui s’affranchissent de certaines contraintes pour donner plus de sens aux formes. Et de ce côté là, les carrossiers Français, fort de leur passé et de la traditions nationale, ont fait merveille.

Sur des châssis et moteurs développés par de grands noms tel que Bugatti, Delage, Hispano-Suiza, Talbot-Lago, Voisin et bien d’autres… Mais aussi des constructeurs plus populaires comme Renault, Peugeot, Citroën, des carrossiers indépendants comme Chapron, Figoni & Falaschi, Gangloff, Guilloré, Kellner, Kelsch, Labourdette, Proux, Pourtout, Letourneur et Marchand, Saoutchik conçoivent des carrosseries uniques.

À travers tous ces grands noms, l’automobile est devenue une œuvre artistique sur bien des plans.

Ensuite, il y a une certaine émancipation féminine. Mesdames, notamment dans les couches populaires peuvent revendiquer une part non négligeable de la victoire. Elle s’affranchissent de certains corsets du passé pour gagner le droit de briller seules au volant de leur bolide et ce, dans leurs plus belles tenues. Elles peuvent ainsi s’affirmer et prouver à ces Messieurs (ou aux autres dames) qu’elles savent conduire tout aussi bien que leurs chauffeurs ou leurs époux.

Enfin, qui dit briller en société dit aussi revêtir les toilettes les plus stylées et originales.

C’est là qu’entrent en scène les grandes maisons de couture, trouvant à travers ces femmes des ambassadrices (c’est plus classe qu’influenceuses non?) qui leur donneront une visibilité que les revues de mode ne peuvent pas toujours leur offrir. Triste époque où Instagram, Facebook et autres Twitter n’existaient pas…

Dernier ingrédient d’un concours réussi, il faut un lieu. Le cadre doit être raffiné, connu et reconnu par les représentants les plus haut gradés de la bonne société. Lieu où l’on peut voir et être vu des gens de sa condition. Une ville d’eau, ou bien une cité balnéaire, un cadre sympathique près de Paris comme Bagatelle ou d’une ville importante firent parfaitement l’affaire.

Nous y voilà, nous avons tout les ingrédients, reste à trouver un chef qui saura les accommoder pour en faire une sauce parfaite.

Un chef cuistot pour parfaire la recette

Cet homme là, c’est Mr André Becq de Fouquières. Homme de lettres, mondain patenté, orateur de talent, son carnet d’adresse de qualité lui permettra de rassembler ce qui se fait de mieux en terme de personnalités prestigieuses.

Pour ne laisser aucune place au hasard, il mettra en place quelques règles qui définissent encore aujourd’hui les concours. Il établira un système de notation permettant de classer par un système de points, le style du véhicule, le confort , l’élégance qu’il reliait à la tenue de la conductrice et les efforts d’harmonie avec sa voiture. Le jury attribuant les points était composé des plus grandes personnalités du moment tel que le grand Duc Cyril de Russie, le Comte Emanuel de la Rochefoucault mais aussi Mme Louis Blériot.

Naturellement, puisque les lieux qui s’imposaient étaient fréquentés habituellement par tout «ce grand monde», on s’organisa pour se retrouver géographiquement mais aussi temporellement à Hyères puis Cannes en Avril, Vichy fin Juin, Deauville en Juillet, Le Touquet en Août puis Bordeaux, Biarritz, Dinard début septembre et enfin Monte Carlo.

Fin connaisseur du luxe à la française, André Becq de Fouquières n’est pas un expert automobile. La monture n’est qu’un accessoire qui doit valoriser la dame et sa toilette par opposition à ce qui apparaîtra sous le nom de concours d’état.

Là est l’essentiel pour comprendre ce qu’est un concours d’élégance à la française. Une vitrine du savoir faire national mis en valeur par des personnalités des plus en vogue. Mondain certes mais pas que, ces évènements sont très suivis par les Français et « font vendre », c’est pourquoi tout le monde veut en être. Ainsi en 1924, le concours de Dinard attirera plus de 20.000 personnes et 60 participants.

Concours dEpoque 11-

Le sport automobile y est également représenté par l’intermédiaire de Mme Anna-Cécile Rose-Itier, pilote de talent avec 6 participations aux 24h du Mans et 5 au rallye de Monte-Carlo ainsi qu’à de nombreux GP au volant de sa Bugatti 37A. Nous pouvions aussi croiser les épouses des grands noms de la course automobile comme Mme Jacques Bignan, constructeur et gagnant de 7 GP entre 1924 et 1926 ou encore Mme Guy Lapchin dont le mari couru 7 fois au Mans entre 1935 et 1953.

Puis le ciel s’obscurcît pour les belles carrosseries comme pour tout le reste.

Les chemises brunes envahissent l’Europe et bien d’autres pays. L’automobile Française entra dans un hiver trop long.

La tempête passée, l’année 1946 voit renaître l’automobile Française. Le plan Pons attribua des objectifs de production, des cibles commerciales à chaque constructeur. Il fallait relancer l’économie. Ainsi Delahaye (GFA) se fit attribuer la mission de produire des autos haut de gamme destinées à l’exportation et à produire des devises. On se servit alors des vedettes de Music Hall, de cinéma et de la mode pour se montrer en compagnie de belles carrosseries, le tout en photos couleurs désormais.

Cependant le parfum n’est plus le même, l’automobile Française a perdu de sa superbe. Les carrosseries uniques disparaissent. La standardisation sous contrainte de restrictions diverses règne en maître. L’artisanat automobile vecteur d’innovation et d’une certaine flamboyance n’est plus.

Dans ce contexte les concours disparaissent peu à peu au profit d’autres manifestations ou bien changent de pays.

Ainsi avec Pebble Beach en 1950 et Meadow Brook en 1979, s’exporte un concept quasi exclusivement centré sur le véhicule. Certains évènements perdurent à l’étranger comme le célèbre « Concorso d’Eleganza Villa d’Este ». Mais là aussi seule l’auto est jugée.

Le retour des concours à la française

Tout n’est pas perdu. Des amateurs éclairés, soutenus par des municipalités fières de leur histoire, des partenaires soucieux de travailler leur image grâce à des évènements de qualité, mais aussi des collectionneurs et des musées séduits par l’idée que le patrimoine doit être accessible au public et ainsi susciter des vocations parmi les futures générations relancent cette belle machine.

Nous voyons même des constructeurs (ceux qui sont toujours là) partant d’une stratégie plus vaste via leur département « héritage » s’impliquer, sans doute inspirés par l’adage « pour savoir où on va, il faut comprendre d’où on vient ».

Même les maisons de couture réapparaissent telles que Dior, impliqué dans l’organisation du Paris-Granville. Le fait que Granville soit le siège de la villa familiale si chère à Christian Dior n’est surement pas étranger à cette décision.

Face à la multiplication des manifestations, la FFVE officialise (s’auto proclame) le Concours d’Elégance afin de conserver l’essence même de ce type d’évènements. Celle-ci à été amenée à étudier un règlement permettant d’organiser les présentations en se basant sur des critères de rareté, d’authenticité et d’esthétique des automobiles. Sans oublier l’élégance, le style et l’harmonie des équipages, afin d’éviter les déguisements anachroniques ou de mauvais goût.

Sport et Collection 2021 338-

Cette charte, débouche ainsi sur un label sélectionnant pour 2021 dix-sept concours, malheureusement pour beaucoup annulés compte tenu des contraintes sanitaires qui représentent un obstacle insurmontable.

Gageons que ceux maintenu n’auront que plus de succès, récompensant ainsi ce que les organisateurs et leurs équipes auront dû endurer en stress et complications diverses.

Que l’on soit spectateur ou participant, il faut vivre un concours un jour. Il y règne un parfum, un brin suranné mais tellement particulier. Voir ces équipages d’une classe peu commune accompagnant leur monture roulant au pas et entendre le son du moteur venu d’un autre âge pour illustrer le tout. Parlons aussi des commentateurs souvent érudits, dont les descriptions contiennent des informations peu évoquées, rendant chaque présentation particulière et unique.

Pour partager avec vous ces instants extraordinaires, nous vous proposerons prochainement une incursion au beau milieu d’un tel évènement qui s’annonce tout simplement «topissime».

Vous voulez du glamour, de l’aventure, des engins que même dans vos songes les plus secrets vous aviez renoncé à croiser un jour… un peu de patience.

Attention au départ, vérifiez vos billets ! Nous partons le 3 Septembre pour le Concours de Dinard, vous aurez les infos ici.

Merci à Denis Cohignac pour son aide précieuse.

Hugues Desoize

Breton et collectionneur, dans l'automobile au jour le jour, Hugues se rend sur les rassemblement en Simca ou en Solex et vous les fait vivre sur News d'Anciennes depuis l'été 2021.

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