Circuit des Remparts 2021 ou le retour du ricin

Publié le par Thibaut

Circuit des Remparts 2021 ou le retour du ricin

Qu’il a dû être long le temps pour le public angoumoisin et toute l’équipe de Jean Marc Lafont… 735 jours ont-ils dénombré depuis le Circuit des Remparts 2019… car l’événement aura connu comme beaucoup d’événements les affres de celle que l’on appelle COVID. Alors malgré la pluie, malgré le Pass Sanitaire, malgré l’absence des Anglais, oui, Angoulême a renoué en 2021 avec son comparse de tous temps, le Circuit des Remparts !

Rapide tour de la question : c’est quoi le Circuit des Remparts ?

Pour l’occasion, je vous ramène en 1939, à Angoulême. L’Automobile Club des Deux Sèvres – Charente – Vendée se décide à y inaugurer une course auto et moto, en ville, le Circuit des Remparts vient de voir le jour. Stoppée nette par la Seconde Guerre Mondiale (oui, je me refuse à l’appeler Deuxième), la course reprendra ses droits en 47, mue peu à peu par des noms comme Trintignant, Loyer, Martin ou Fangio. Nouvelle interruption en 55 puis direction 78, jusqu’à nos jours.

Le Circuit des Remparts et son volet routier

Car oui, le Circuit des Remparts (et vous allez le re-découvrir dans ses lignes) se présente autant en piste qu’en dehors… pour ce premier compte rendu du WE, prenons la direction du Rallye International de Charente.

En parallèle du Circuit des Remparts, il propose à ses équipages un détour par quelques uns des plus coins de Charente, de Nord Charente cette année.

Quant à moi, c’est au Château de la Rochefoucauld puis au Mémorial de la Résistance que j’ai choisi de les observer (planqué sous mon parapluie cela dit, vous allez le constater). Petit coup de cœur pour la Fiat et sa déco qui fleure bon les vacances au soleil…

Avant la course, l’élégance et la restauration

C’est réellement tout un week-end qui met la ville au diapason de l’automobile et sature son atmosphère d’un délicat fumet d’huile de ricin… et comme tout bon WE, il commence le vendredi soir avec le Concours d’Elégance. Malheureusement, activité professionnelle et distance obligent, impossible pour mon comparse et moi-même de le couvrir… nous avons donc loupé la truculence du propos du Maestro Biétry et la finesse des mises en lumière tant des autos que des équipages. On tâchera de faire mieux l’année prochaine…

Nos pas nous portent alors vers l’Esplanade St Martial et le tivoli qui a pris pied à ceux de l’église du même nom. Et c’est cette fois Robert Ameteau que nous retrouvons au micro… ainsi que 6 hommes en costume. Ils s’affairent sur une sélection d’autos, les hument, les inspectent, les écoutent et prennent des notes. Drôle de ballet peut-être, mais à tendre l’oreille, on captera rapidement que ces 6 hommes ne sont ni des profanes ni des touristes.

M. Robert Louis Brézout-Fernandez, le maître ès Concours d’état pour la FFVE (que je remercie au passage s’il lit ces lignes pour son cours accéléré) nous l’expliquera au micro : il s’agit ici de juger, pour chaque auto présentée, de la qualité de la restauration certes mais aussi de l’authenticité du modèle.

Et à l’inverse de nos camarades outre-Atlantique, pourtant « inventeurs » du Concours d’état, il ne s’agit pas seulement de juger de l’aspect esthétique de l’auto : le but est ici de coller au mieux à l’aspect d’origine du véhicule présenté, le tout étant détaillé dans un manuel mis à disposition librement par la FFVE (lequel manuel est disponible en cliquant ici). Ce sont alors 3 administrateurs de la FFVE et 3 professionnels locaux qui seront juges de paix entre les beautés présentées.

Et Robert, le chef d’orchestre de ce Concours, nous indiquera (non sans raison) que le plateau est assez intéressant cette année : de la DS à la Bédélia, de la Porsche 911 2.7 RS à l’Amilcar en passant par la Ferrari 250 GTE… on traverse les époques, les styles, les « classes ». Expérience nouvelle pour moi, mais vraiment plaisante : en néophyte, on dira d’une auto qu’elle est belle, qu’elle semble bien restaurée, qu’elle flatte l’œil et/ou l’oreille… mais ici, chaque vis est inspectée, chaque bruit du moteur interroge, la technicité qui ressort des inspections force le respect.

A l’issue de ce ballet, on retrouvera comme Prix d’Excellence une magnifique DS 21 née en France, expatriée en Angleterre par un grand-breton passionné puis rapatriée en France par le même Nigel. Dans sa robe blanc tirant sur le beige, elle aura forcé le respect par une restauration splendide (pour info, Vincent en avait essayé un exemplaire, c’est à relire ici). Le Coup de Coeur du Jury quant à lui sera attribué à un Bignan de 1922 : cette fois-ci, ce n’est pas l’immaculée robe qui sera saluée, mais la conservation exceptionnelle qu’il présente, ses rides sont parfaitement présentes et il semble pourtant prêt à prendre la route à la moindre sollicitation.

Place au spectacle, en piste !

On a parlé Concours, on a parlé Rallye… mais le Circuit des Remparts ne serait pas le Circuit des Remparts si la poudre ne parlait pas une fois les roues posées sur la piste. Alors filons, plateau par plateau, découvrir les résultats, on s’intéressera ensuite aux plateaux dits « de démonstration »

Plateau Maurice Trintignant : les avant-guerre

C’est le plateau des cyclecar et des avant-guerre en général, probablement mon plateau préféré… les autos sont celles qui ont donné ses lettres de noblesse au Circuit des Remparts. Frazer Nash, Amilcar, Riley, etc, seront de la partie, et ne manqueront pas de ferrailler sans coup férir.

16- Circuit des Remparts

A l’issue des essais, les numéros 66, 67 et 86 constituent le tiercé dans l’ordre. Vient le temps des courses, et la 67 quittera le podium, ce sont donc les Frazer Nash numéros 66 de D. Cawley et 86 de J. Fenning qui emportent les deux premières places, suivies par l’Austin numéro 79 de M. Elder.

Notons qu’on retrouve dans la course la BMW 315/1 qu’avait pu essayer Fabien au printemps.

13- Circuit des Remparts

Plateau Marc Nicolosi : des Bugatti et un hommage

Pour les passionnés, c’est l’un des plateaux les plus attendus tant il est rare de pouvoir admirer en piste un si grand nombre de ces légendes du sport automobile… pour les locaux et les habitués, il n’était pas moins attendu ce plateau Nicolosi, notamment pour son hommage rendu à Grégory Ramouna : multiple vainqueur sur le plateau Bugatti, grand ami de Jean Marc Lafont et son coéquipier sur le Tour Auto 2013, le monde du sport automobile en ancienne a appris sa disparition, le 21.02.2020 à la suite de l’incendie de son garage à Bordeaux.

Unanimement apprécié sur les paddocks, c’est donc tout naturellement que l’organisation du Circuit des Remparts a décidé de remettre un Trophée Grégory Ramouna au leader de ce plateau. C’est dire si la bagarre aura été de tous les instants…

1- Circuit des Remparts

A l’issue des qualifs, il fallait avoir joué les 39, 44 et 43. Après avoir ravi le public à grands coups de passes d’armes entre gentle(wo)men, la 44 de T. Lafont prend le leadership devant la 39 de B. Williams et c’est la numéro 46 de A. Graignic qui complètera le tableau.

31 1- Circuit des Remparts

Plateau Jean Claude Andruet : comme un air de slogan pour Skip

Ce plateau, c’est celui des « petites mais puissantes » : de la Mini, de la Frog… et l’incroyable Jean Claude Andruet. Pas seulement pour donner son nom au plateau, mais pour s’essayer au Circuit des Remparts en Marcos. Je dois le reconnaître, ce plateau aura particulièrement attiré mon œil dans le viseur pour une chose toute bête : les Mini donnent quasi systématiquement la patte dans ce « droite serré ».

5- Circuit des Remparts

Les duels auront été jolis, mais il faut reconnaître que le trio de tête qui s’impose à l’issue des qualifs aura quasiment régné en maître sur ce plateau : la rédaction vous conseille donc d’avoir joué les 16, 8 et 5 dans un premier temps, la 16 de N. Pinon, la 5 de JF. Dumoussaud et la 8 de F. Bancaud dans un second.

6- Circuit des Remparts

Plateau Jean Pierre Beltoise : les gros bras

Là pour le coup, on quitte la fragilité apparente des avant-guerre et Bugatti, on s’exonère du gabarit réduit des Mini, on sort les gros bras, bienvenue aux GT(S) du Circuit des Remparts.

20- Circuit des Remparts

Et c’est l’une des plus belles sonates à deux voix qui se sera joué sur ce plateau : une Lotus d’un côté, une Diva de l’autre (la sonate, la Diva, vous l’avez ?), un bonheur à voir s’ébattre sur piste. Et sans surprise, ce sont donc les numéros 170 (P. Ancelin), 165 (D. Kohler) et 158 (P. Baert) qui s’imposent donc lors des qualifs. Seule la 158 cèdera sa place, c’est donc la 168 (F. Biraben) qui emporte la 3ème place.

24- Circuit des Remparts

Plateau Henri Greder : les reines du rallye

Ce plateau, ce sont des autos que nous avons plus l’habitude de voir arpenter les spéciales que les circuits : Alpine A110, Ford Escort, etc. et c’est sur ce plateau que la plus belle passe d’armes aura eu lieu, sur ce plateau que le Circuit des Remparts aura offert du pur pilotage-spectacle. Car oui, adopter une conduite de rallye sur un circuit, ça peut donner du joli… et l’Escort en aura offert : chaque virage aura été passé en glisse, le regard par la fenêtre conducteur, impressionnant de précision.

29- Circuit des Remparts

Et d’efficacité ! Car les qualifs verront la spectaculaire numéro 200 de M. Duez prendre la 2ème place derrière la 182 de JF Besson (une habituée du leadership sur l’Historic Tour) et devant la 197 de P. Ancellin (une véritable habituée des rallyes, préparée par les talentueux Fun Meca Sport). A l’issue de la course, la 200 s’imposera tout à fait, prenant le lead sur la 186 de D. Kohler sur la 189 d’E. Empois.

3- Circuit des Remparts

Plateau démonstration Jean Pierre Jaussaud : place aux Super

Qu’elles soient Tourisme ou Production, aucun complément nécessaire à ce titre… car les Super Tourisme et Super Production sont parmi les autos les plus puissantes de cette édition du Circuit des Remparts. Mention spéciale à la 406 Silhouette qui, inhabituelle sur ce genre d’événement, aura eu bien des difficultés à passer les virages serrés…

26- Circuit des Remparts

Plateau Louis Rosier : les années 50 entrent en piste

Les années 50 en matière de compétition automobile, c’est le temps de l’innovation qui part un peu dans tous les sens, on cherche à gagner sur tous les tableaux et les constructeurs tentent d’asseoir leur domination à tous les étages… et ça donne donc un plateau tout à fait incroyable parce que méconnu et tout à fait hétéroclite !

19- Circuit des Remparts

Plateau démonstration Georges Monneret : retour aux sources

Ah ça ne fait pas longtemps que je plonge, orteil après orteil, dans le monde de la moto ancienne… mais quel incroyable spectacle en piste ! Ça pétarade, ça n’avance pas vraiment, mais ça ferraille à tous les étages et met sur le devant de la scène le boulot des pilotes !

Plateau Emile Mors : les prem’s des prem’s

Vous voulez de l’ancienne ? Vous voulez de l’ancienne de course ? Eh bien l’Emile Mors ce sont les toutes premières anciennes dédiées à la course de vitesse… alors oui, c’est beau, et oui, les pilotes ont l’air de se battre avec leurs voitures, incroyable à voir !

9- Circuit des Remparts

Conclusion : pourquoi c’est génial ?

Alors bien sûr, l’événement n’est probablement pas exempt de défauts… mais aucun ne m’a vraiment interpellé ni même dérangé, si ce n’est le temps plus que maussade.

Mais il faut surtout se mettre en tête une chose, et c’est probablement son plus gros défaut à ce Circuit des Remparts : c’est qu’il ne dure qu’un WE et que ça ne suffit manifestement pas pour tout voir. Car au spectacle en piste, il faut ajouter un spectacle que je qualifierai de municipal. Ce n’est pas une rue, pas un quartier, pas un arrondissement qui se plongent dans cette atmosphère incroyable, mais tout une ville !

Vous pouvez arpenter toutes les rues du centre-ville d’Angoulême, vous y trouvez un club exposant, un commerçant qui décore sa vitrine, un passant plongé dans son programme… toute la ville devient alors un paddock à ciel ouvert. Plus encore, les paddocks eux-même s’éclatent dans tout le centre-ville : les Superproductions siègent près de la pré-grille, mais les motos trônent au cœur de l’Hôtel de Ville… bien sûr, ni Jean Louis ni moi n’avons pu tout voir, mais il suffit d’échanger avec les parties prenantes pour voir « l’effet Circuit des Remparts ».

Le pilote de Riley que je vais citer pour son premier Circuit des Remparts ne m’en voudra sûrement pas si je dévoile le secret de notre conversation à l’issue de sa course. Imaginez un grand bonhomme sortir de sa petite anglaise avec un sourire à se décrocher les oreilles et me dire « je crois que j’ai menti à Françoise… j’avais promis de ne pas rouler trop fort… mais c’est pas possible, on se prend bien trop au jeu, c’était incroyable ».

Son comparse, Ian, s’approche alors … il est moins fatigué que Philippe puisque son Austin Seven a eu la bonne idée d’exploser le vase d’expansion dans son 4ème tour. Déçu Ian ? Non, car outre son témoignage de bonheur à l’issue d’un tour d’honneur en dépanneuse sous les hourras du public, il ajoute que dans ce plateau, c’est une famille qui roule, et que voir les copains se faire plaisir, c’est déjà énorme. Philippe de compléter qu’il a potassé sa course, biberonné aux récits de course d’Igor, des conseils de roulage des vieux d’la vieille… ils ne sont pas concurrents, mais complices dans le hold-up qui piquera au public ses applaudissements.

Bref, c’est un esprit qu’il est difficile, voir impossible de trouver ailleurs qu’à Angoulême : la technicité et la pression d’une course, la bonhommie d’une sortie entre potes… partagée avec toute une ville ! Robert Ameteau verbalisera ce que je pense de l’événement : « on apporte l’automobile aux gens, on redore son blason, on la popularise »…

Si je peux me permettre le mot de la fin : bravo. Bravo à Jean Marc Laffont et à son équipe, bravo à l’ASA des Remparts et aux Commissaires de piste, bravo à l’ensemble des équipages et exposants, bravo au public… et à l’année prochaine, car je me demande encore comment j’ai pu louper les éditions précédentes !

21- Circuit des Remparts

Thibaut

Copilote, président de l'AutoMoto Classic de l'Ouest, Directeur de Course FFSA... et rédacteur/photographe pour News d'Anciennes (depuis 2017) lorsque les évènements s'y prêtent. C'est au guidon d'une Terrot TENOR de 1963 et au volant d'une Lancia FULVIA 1.3S de 1971 que j'arpente les routes de France... c'est fort de ces différentes casquettes que je tâcherai de vous faire vivre par procuration autant d'évènements que possible : pas toujours de manière professionnelle, mais avec une constante sincérité...Viendriez-vous avec moi découvrir ce que la passion de l'auto ancienne a de plus diversifié ?

Commentaires

  1. Hugues Chaussin

    Et bravo à la municipalité d’Angoulême qui a le bon goût et l’intelligence d’être à fond derrière « ses » Remparts. N’en deplaise à quelques empêcheurs de tourner en rond qui verraient volontiers ce patrimoine vivant disparaître, Angoul’aime ses remparts. Vous l’avez très bien relaté après votre tour de ville

    Répondre · · 24 septembre 2021 à 11 h 04 min

    1. Thibaut

      Vous avez tout à fait raison ! A l’heure où les ZFE font les gros titres et où l’automobile ancienne devient sujet de discorde entre usagers et municipalités, il est tout à fait époustouflant de voir un tel dispositif se mettre en branle !

      Répondre · · 24 septembre 2021 à 11 h 20 min

  2. Robert-Louis BREZOUT-FERNANDEZ

    Merci Thibaut pour l’ensemble de cet excellent article passionné et passionnant.
    Vos compliments à propos du Concours dEtat et de Restauration que je présidais me vont droit au coeur. Tous les juges, de la FFVE aussi bien que locaux, tous bénévoles es-concours, vous remercient par ma voix. Notre professionnalisme désintéressé montre bien qu’il est inutile de payer (cher !) sa place dans ce concours (gratuit !) afin d’espérer obtenir la palme . . . Ici, comme ailleurs lorsque la FFVE officie, l’origine reste le maître mot ! Encore merci.

    Répondre · · 24 septembre 2021 à 12 h 30 min

    1. Thibaut

      A mon tour de vous remercier, tant pour ce message que pour l’accueil que vous m’avez fait sur place. Notez que mes compliments étaient là aussi sincères : l’exercice du Concours d’état m’était totalement étranger et j’y débarquais avec une curiosité mêlée d’un peu de crainte car je sais ne pas être très technicien en la matière… et pourtant, l’occasion était trop belle pour la louper, pour ne pas m’y intéresser ! Merci encore pour cette belle découverte, en espérant pouvoir assister (et pourquoi pas en organiser un jour) à d’autres Concours !

      Répondre · · 24 septembre 2021 à 14 h 27 min

  3. coste bernard

    Un grand merci et un immense bravo pour votre reportage que l’on déguste avec délice comme on boit un bon vin mais sans modération pour le coup !
    Félicitations pour la qualité des commentaires et des photos et comme vous on ne comprend pas pourquoi on n’est jamais encore allé déguster cette merveilleuse fête de l’automobile!
    N’en déplaise aux écologistes radicaux faiseurs de leçons
    Je prends RV pour l’an prochain
    BRAVO encore

    Répondre · · 27 septembre 2021 à 12 h 52 min

    1. Thibaut

      Vous n’avez pas idée à quel point vos compliments m’enchantent et votre conclusion m’honore ! Si j’ai pu susciter ou conforter l’envie de (re)découvrir un évènement ne serait-ce que d’une personne, c’est que ce que je propose a du sens !

      Répondre · · 27 septembre 2021 à 14 h 42 min

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.