Centenaire de Paul Armagnac, l’histoire du pilote gascon

Publié le par Valentine

Centenaire de Paul Armagnac, l’histoire du pilote gascon

Dans une semaine, le Tour Auto 2024 fera escale sur le circuit Paul Armagnac, vrai nom du circuit de Nogaro. Bel hommage puisque l’année 2024 marque également le centenaire de sa naissance, il est en effet né il y a 100 ans, le 18 novembre 1924 à Toulouse. Plusieurs événements le mettront en avant cette année et on vous propose se vous replonger dans l’histoire de ce grand personnage de la course automobile française.

Une vie avant la course

Paul Armagnac est originaire du département du Gers, dans le sud de la France. Son père, Jean, s’intéresse à l’aviation très tôt. Il crée l’aéroclub de Nogaro en 1930. Ses compétences lui valent d’être appelé à la base Francazals de Toulouse pour former les pilotes pendant la guerre. Homme de responsabilité et d’autorité, en 1943 il est recruté pour commander une des quatre compagnies du Bataillon de l’Armagnac créée par Maurice Parisot.

Paul suivra les traces, voire l’exemple de son père Jean. Obligé d’interrompre ses études de droit à Tarbes, alors qu’il n’a que 19 ans et demi, Paul s’engage au sein du Bataillon de l’Armagnac à son tour pour chasser les troupes de l’occupation. Il sera blessé au combat à Aire sur Adour le 15 août 1944.

Muté dans les Charentes, il prend plaisir à se lancer dans un rodage de soupapes de la Traction Citroën de son commandant. Paul est à ce moment là le chauffeur de son commandant et cartographe. (Tiens, voilà des prédispositions pour son futur centre d’intérêt : le pilotage de voitures de compétitions en rallye)

Muté à la caserne de Cholet, Paul suit des cours de mécanique et le 1er août 1945 il obtient le brevet militaire valable pour la conduite des véhicules automobiles de l’armée et de la marine. Le 5 novembre 1945 il est libéré. Au sortir de la guerre et à la fin de la période militaire le jeune Paul est amoureux de Geneviève. Comme sa belle-famille exige que Paul ait une vraie situation, son père Jean l’introduit auprès de l’étude d’huissier de Condom où il se formera avant de prendre l’étude d’huissier de Riscle.

Il passe son brevet de pilote à l’aéroclub de Nogaro en 1947. La même année, le 9 juin, il se marie à Geneviève Deloste à Lourdes. Il installe ensuite sa famille dans la maison qu’il va acquérir à Saint Mont. C’est seulement à partir de ce moment là que vont commencer ses premières participations à des rallyes régionaux.

Geneviève Deloste et Paul Armagnac

Ses débuts de pilote

Paul Armagnac a donc commencé sa carrière au début des années 1950 au volant d’une Simca Aronde dans des rallyes régionaux. En 1952, il participe avec son copilote Marcel Lauga au Tour de France Automobile, terminant à la 34e place du classement général. Il continue aussi dans les rallyes : Rallye de Dax, de l’Armagnac, de Bordeaux et bien d’autres. En plus d’y participer, Paul Armagnac fait aussi partie de l’organisation du rallye de l’Armagnac, aux côtés de Robert Castagnon qui est alors à la tête de l’écurie éponyme.

L’année suivante, il est 12e de la Coupe de Printemps à Linas-Montlhéry. Il participera à nouveau au Tour de France mais aussi aux 12 heures d’Hyères. C’est lors de cette épreuve qu’il rencontre René Bonnet et démarre son engagement dans l’écurie Deutsch-Bonnet.

Armagnac et Deutsch-Bonnet

En 1954, Armagnac rejoint donc Automobiles Deutsch et Bonnet, une marque à laquelle il restera fidèle pendant près d’une décennie. Il fait ses débuts en tant que pilote d’usine aux 12 Heures de Reims, partageant une DB – Panhard avec Louis Cornet.

D.B est une marque française née en 1932 de la rencontre de deux passionnés de course automobile installés à Champigny sur Marne, à l’est de Paris : Charles Deutsch, ingénieur, polytechnicien et René Bonnet, garagiste et mécanicien ingénieux. Si les premières D.B couraient avec la mécanique des Traction Avant, celles utilisées par Paul Armagnac étaient équipés du petit bicylindre à plat Panhard.

Un pilote polyvalent

Paul Armagnac a également participé à la Formule Monomill, une nouvelle catégorie créée par Bonnet pour les petites monoplaces équipées d’un moteur Panhard 850 cm³ bicylindre à plat, remportant des victoires à Caen et à Narbonne Plage. Grâce à ces résultats, Armagnac remporte le Formula Monomill Challenge Dunlop en 1954.

Le 11 septembre 1954, Paul Armagnac partage une D.B HBR – Panhard avec Gérard Laureau lors du RAC Tourist Trophy à Dundrod, cinquième manche du Championnat du monde des voitures de sport. Le duo a terminé 21ème au classement général, premier de sa catégorie et premier de la formule Handicap.

Poursuivant avec la Formule Monomill en 1955, Armagnac remporte sa manche du Dakar au Sénégal, terminant deuxième derrière Claude Storez en finale.

Le 10 avril de la même année, Armagnac fait ses débuts en Formule 1 accompagné de Storez. Ils sont tous les deux dans la liste des engagés du Grand Prix hors championnat de Pau. Leur D.B Monomill avait un moteur Panhard suralimenté de 746 cm³ donnant 85 ch, entraînant les roues avant. Il ne pesait que 350 kg contre les 180ch et 600 kg de la plupart des autres voitures. Paul Armagnac a terminé 10ème, huit tours derrière le vainqueur Jean Behra dans une Maserati 250F, Storez a abandonné.

Plus tard dans l’année, Paul Armagnac participe pour la toute première fois aux 24 Heures du Mans. Son coéquipier sera Gérard Laureau. Ils subiront une roue cassée lors de la 23e heure de course. Le duo a ensuite remporté une autre victoire de classe, 17e place au classement général, lors du RAC Tourist Trophy de 1955 à Dundrod.

Moteurs 4eme TR 3 1955- Paul Armagnac

1956, la grande année de Paul Armagnac

La saison 1956 s’avère être la plus réussie pour Paul Armagnac, qui remporte une victoire de classe, 16e place au classement général des 12 Heures de Sebring, au volant d’une DB HBR5 – Panhard avec Guillaume Mercader.

Puis, il obtient une étonnante 10ème place au classement général et première de l’indice de performance aux 24 Heures du Mans, associé une fois de plus à Laureau. Au cours de ces 24 heures, ils ont parcouru 3.103 kilomètres (1.928,5 miles) à une vitesse moyenne de 129,3 km/h (80,3 mi/h), au volant de la minuscule D.B HBR5 – Panhard 746 cm³.

Paul Armagnac terminera aussi 17ème du Tour de France Automobile cette année là, copiloté par M. Rougier, cette fois dans une 850 cm3 DB – Panhard. La même année, il sera également premier de la série T au Rallye de l’Armagnac.

D’autres belles épreuves

En 1957, Paul Armagnac est 15e des Coupes de Salon à Linas-Montlhéry, puis il chute lors de la course sur route des Mille Miglia. Au 24 Heures du Mans, Gérard Laureau et lui abandonnent à la suite d’un accident en course. L’année suivante, il est 13ème au Mans avec Jean-Claude Vidilles sur une DB HBR4 – Panhard, puis il termine deuxième derrière Laureau aux 3 Heures de Pau – Coupe Internationale de Vitesse.

Enfin, en 1959, Paul Armagnac remporte l’Indice de Rendement Thermique, 11ème au classement général, aux 24 Heures du Mans, partageant ce triomphe avec Bernard Consten sur une DB HBR4 – Panhard. Au début de la saison, lui et Laureau avaient remporté leur catégorie aux 12 Heures de Sebring. Au Tour de France automobile, Armagnac avec son copilote Paul Justamond terminent 11e du classement.

En 1960, avec Laureau, Paul Armagnac inscrit de nouveau son nom au palmarès des 24h du Mans en remportant la victoire à l’indice sur une barquette D.B HBR4.

Le circuit de Nogaro

Toujours ami avec Robert Castagnon, avec qui, on le rappelle, il organisait le rallye de l’Armagnac, l’idée leur prend de créer un circuit à Nogaro. Paul demande alors à son père, Jean, de lui céder un bout de terrain de l’aéroclub de Nogaro pour y installer le circuit. Paul Armagnac s’est pour le tracé largement inspiré de celui de Sebring, en Floride, qu’il a fréquenté en 1956 et en 1959.

Le circuit sera inauguré en 1960. Paul arrivera d’ailleurs 2ème à la toute première course organisée sur le circuit la même année.

Connu comme le premier circuit construit à cet effet en France, c’était un lieu de club court et sinueux. Au fil des ans, la piste a été prolongée à plusieurs reprises et les installations se sont développées selon les normes internationales. D’ailleurs cette année on y passera avec le Tour Auto !

Un fin de carrière tragique

L’année 1962 sera une année noire pour Paul, mais aussi pour sa famille. Son épouse Geneviève perdra la vie en la donnant à sa fille Corine en 1962, à l’âge de 38 ans.

Deux semaines seulement après l’accident mortel d’Henri Oreiller lors de la Coupe du Salon à Linas-Montlhéry, Paul Armagnac est tué sur la même piste, après une violente sortie de piste lors de la dernière séance d’essais du samedi des 1000 Km de Paris, prévue le dimanche 21 octobre 1962.

Le « Quatrième Circuit » de Linas-Montlhéry de 7,784 kilomètres a accueilli l’événement, qui était la dernière manche du Championnat du monde des voitures de sport 1962. Le parcours comprenait l’ovale incliné et le virage à la Côte Lapize.

7- Paul Armagnac

L’accident s’est produit le samedi 20 octobre 1962. À l’approche du pendage près de la Butte de Couard, pour des raisons qui n’ont jamais été comprises, la René-Bonnet de Paul Armagnac a glissé sur le côté, a heurté le talus droit et a roulé en tonneau sur la route, avant de s’écraser contre le talus du côté droit de la piste. Le malheureux conducteur a été éjecté de son siège, après avoir subi d’importantes fractures du crâne. Armagnac est rapidement transporté à l’hôpital de Corbeil mais, malgré des soins intensifs, il succombe à ses blessures deux jours plus tard.

Lors de ses funérailles, Robert Castagnon son ami de toujours prononcera les mots suivants « et crois, mon cher Paul, que ton nom ne mourra pas dans l’oubli; il restera pour nous un flambeau d’enthousiasme et de foi dans la vie. »

Peu de temps après sa mort prématurée, la piste de Nogaro a été nommée « Circuit Paul Armagnac » en son honneur. Le 18 août 1963, une course de voitures de sport « Critérium Paul Armagnac » a été organisée à Nogaro dans le but de collecter des fonds pour ses quatre enfants. C’est Jean Vinatier dans une Lotus 27 qui fut le vainqueur.

Fier de son parcours, Paul Armagnac aurait aimé plus que tout avoir un fils pour lui transmettre ses goûts et compétences pour ses différentes activités, notamment d’agriculteur et de pilote de voitures de compétition.

C’est sa dernière fille Corine qui, ne l’ayant pratiquement pas connu, non pas qu’elle se sentira investie de reprendre l’héritage du papa, mais cherchera à vivre ce qu’il ressentait en course, en devenant elle aussi pilote de voiture de course, comme pour mieux le connaître. Comme son papa (Simca Aronde – Monomil DB – Barquette DB -Formule 1 DB – Cooper), elle pilotera des automobiles de tourisme et des formules (Citroën AX – Citroën Saxo – Formule Ford).

Corine Armagnac Formule Ford- Paul Armagnac

Centenaire de Paul Armagnac

Le pilote Paul Armagnac a donc eu une carrière de pilote, et une vie, très remplie et variée. Hyper actif, il n’était pas qu’un simple pilote mais aussi un agriculteur, un chef de famille et même responsable d’une étude d’huissier ! Armagnac était réputé pour son humilité et son esprit sportif.

Entrepreneur et visionnaire, il transforme la propriété du beau-père laissée en friche en véritable entreprise agricole rentable cultivant une grande surface, 100 hectares, sachant profiter des nouveaux outils, fruits de la révolution industrielle à l’orée des trente glorieuses. Bref, c’était un homme couteau suisse et les locaux de Nogaro et alentours sont attachés à sa mémoire.

Natif de Nogaro, Gérard Ducès, patron de l’Hotel Restaurant Solenca face au circuit Paul Armagnac durant 27 ans, propose en 2022 aux quatre filles de Paul Armagnac de créer un site internet retraçant la carrière de leur papa.

M. Ducès a en 2022 eu l’opportunité d’acquérir le D.B HBR5 Le Mans que Paul Armagnac a piloté lors du Tour de France 1957. Ce 33ème véhicule de sa collection a été présenté le 7 octobre 2023, lors de l’inauguration du site internet à Nogaro, bien sûr.

Ce site retrace toute la carrière du pilote, avec de nombreuses photos classées par année de compétition – mais aussi hors compétition, des vidéos et notamment une interview de Paul Armagnac et plusieurs de René Bonnet, son palmarès exhaustif… un site richement documenté !

L’inauguration de ce site internet marque le début du centenaire de la naissance du pilote gascon Paul Armagnac aux nombreuses victoires internationales, né le 18 novembre 1924.

Valentine

Passionnée d'automobile depuis de nombreuses années, Valentine, étudiante en journalisme, rejoint l'équipe de News d'Anciennes en tant qu'apprentie. Les voitures anciennes, elle aime en parler, les prendre en photo mais surtout en prendre le volant !

Commentaires

  1. denis

    merci madame pour ce beau résumé (d’un scorpion, comme moi)

    Répondre · · 18 avril 2024 à 19 h 58 min

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