Alpine GTA, quand Dieppe monte en gamme

Publié le par Benjamin

Alpine GTA, quand Dieppe monte en gamme

Déjà avec l’A310, Dieppe avait voulu sortir de l’image d’un constructeur d’autos radicales et sportives pour ne conserver que le sport… et tenter de monter en gamme. L’influence de Renault était certainement très forte. En tout cas pour la remplacer, les Alpine GTA ont placé le curseur encore plus loin.

Alpine GTA, évolution en douceur

Au début des années 80 l’Alpine A310 commence à accuser le poids des ans. Non pas que ses performances soient totalement dépassées, mais elle est apparue en 1971 et sur un marché quand même haut de gamme, il faut de la nouveauté.

Cependant on va garder nombre de ses idées pour construire celle qui lui succédera. En fait, celles qui lui succéderont puisque GTA est le nom interne des deux projets qui deviendront les Alpine V6 GT et V6 Turbo.

Parlons d’abord du dessin. Il est vrai que l’A310 était efficace et on s’oriente vite vers une douce évolution avec plus de volume. Le bureau de style de Renault est mis en concurrence avec Heuliez où c’est un certain Gérard Godfroy, connu pour avoir travaillé quelques années auparavant sur la Peugeot M24 et plus tard sur les Venturi, qui signe cette ligne. Très aérodynamique, Cx de 0,28, elle n’oublie pas les fondamentaux et on reconnaît aisément la marque… au point que les non-initiés peuvent les confondre ! Cette étude sera revue par Renault et se démarque de l’A310 par le fait qu’elle est composée de plusieurs panneaux et plus d’une coque moulée d’un seul tenant.

On garde aussi l’architecture : le châssis poutre tant aimé pour sa légèreté est reconduit mais il est totalement nouveau. Mais Alpine est désormais très Renault. Alors la régie impose de réutiliser au maximum des pièces de grande série. Le train avant des Alpine GTA est ainsi dérivé de celui de la R25, le train arrière et les freins sont ceux de l’A310 V6 (eux-même empruntés à la R5 Turbo 2) et la crémaillère est celle de la Renault Fuego !

On garde aussi le moteur, au moins pour la version V6 GT qui reprend donc le V6 PRV mais troque le 2.7 litres contre le 2849 cm³ de 160 ch. Et dès le départ on prévoit une version supérieure, la V6 Turbo qui embarquera également le PRV, mais sa version à manetons décalés, qui supprime quelques soucis dus à l’angle de 90° entre les bancs de cylindres. Il perd en cylindrée en affichant 2458 cm³ mais ajoute donc un turbo pour arriver à 200 ch.

Mais les Alpine GTA évoluent aussi sur d’autres points. GTA signifie Grand Tourisme Alpine et si la première partie fait penser à Alpine, les nouveautés sont très GT. Ainsi on ajoute une (petite) rangée de sièges et l’intérieur est dessiné par Gandini, et il est plutôt bien équipé. Son style tranche avec une gaieté proche celle de la cathédrale de Dresde.

Les premier prototypes sont réalisés par le BEREX (Bureau d’Études et de Recherches Exploratoires) de Renault. C’est Alain Serpaggi qui étrenne les prototypes, légèrement différents de ceux que l’on peut croiser sur nos routes actuelles. Tous ces prototypes seront détruits, à l’exception de celui-ci, sauvé miraculeusement et vu à la vente Artcurial de Rétromobile 2018 :

Le lancement à double étage des Alpine GTA

Au salon de Genève 1985 on sait qu’une nouvelle Alpine sera présentée. Déjà la presse s’emballe avec une auto mue par un moteur Turbo qui ira taquiner la Porsche 944.

Seulement sur le stand, c’est la déconvenue. Des deux Alpine GTA seule la V6 GT est présentée. La version atmosphérique avec ses 160 ch. Les performances sont loin d’être ridicules puisqu’on annonce fièrement 235 km/h en pointe et un 0 à 100 en 8,5 secondes.

Mais voilà, Renault a commis plusieurs erreurs. Outre la déception de ne pas voir la version Turbo, quelques griefs sont notés dès le départ. Le losange est bien visible à l’avant et seul l’arrière comporte une mention Renault-Alpine. Et une Alpine n’est pas une Renault.
On remarque également bien vite que si l’habitacle a un dessin sympathique, il est très austère. Et puis le tissu des sièges et les plastiques de mauvaise qualité de l’habitacle, combinés à des finitions déplorables pour une auto qui a des ambitions comme l’Alpine GTA, font oublier les équipements de l’auto, plus que complets, et l’espace disponible à l’intérieur.

Vendue 175.000 frs, elle est tout de même mieux placée que la Porsche 944. Et puis les premiers essais montrent bien que la conduite est moins piégeuse que l’A310. On est bien dans une GT et on oublie presque qu’elle a le moteur à l’arrière.

Le tableau n’est pas complètement noir mais n’est pas idyllique non plus.

Septembre 1985 : l’Alpine V6 Turbo est enfin là

L’attente sera finalement de courte durée. Mais trop longue pour faire oublier les premières impressions.

La nouvelle auto se distingue sur deux points qui font passer son Cx de 0,28 à 0,30 : une aération supplémentaire à l’avant et un becquet à l’arrière. On note aussi des optiques arrières fumés, des jantes spécifiques à dessin « turbine » rappelant le turbo et marquage V6 Turbo sur la custode.

Côté performances, avec 200ch on atteint les 250 km/h en pointe et le 0 à 100 est abattu en 8s. La Porsche 944 Turbo est battue mais la finition ne s’est pas améliorée.

Cependant les ventes montrent bien que le public attendait la « bonne version » de l’Alpine GTA. En 1986, première année où les deux versions sont proposées ensemble, 264 V6 GT et 1035 V6 Turbo sont produites !

En parallèle on travaille sur la visibilité de l’auto. Une formule monomodèle est présentée : l’Europa Cup. Se courant en levé de rideau de grands événements (dont des Grand Prix de F1) ces autos sont vendues avec un arceau et surtout des préparation moteur permettent de passer la puissance à 220 voire jusque 275 ch ! Et si ces autos sont conçues pour la course, elles ont leur carte grise et certaines resteront des autos de route !

Les Alpine GTA US

Avec le rachat d’AMC-Jeep, Renault espère avoir un beau débouché pour les Alpine GTA. Encore une fois on regarde du côté de Stuttgart puisque les USA sont un marché privilégié pour les Porsche. Mais tout ne va pas se passer comme prévu.

On prépare une version de l’Alpine GTA pour le marché local. Forcément il faut faire quelques adaptations. La première est de la doter de phares pop-up. La face avant est totalement adaptée avec des clignotants qui se trouvent près des phares et de gros pare-chocs. Au final l’auto à celle qui lui succédera : l’A610. L’auto est ainsi 13cm plus longue ! Côté moteur c’est le V6 PRV en version Turbo qui est logé sous le capot arrière, mais dans une version dépolluée qui retombe à 180ch.

La voiture est prête en 1987… mais Georges Besse, principal défenseur de l’offensive Renault outre-atlantique est assassiné. Et Renault choisit de se désengager totalement laissant les 21 autos produites sans réel débouché. 12 Seront vendues à des amateurs mais aucune autre ne sera produite.

Les évolutions des Alpine GTA

En 1989 on décide de remettre Alpine en valeur et de relancer les ventes en remettant un coup de projecteur sur les autos. Cela passe par la série limitée Mille Miles. Et Renault s’efface en partie.
Sur le capot, le A de Alpine remplace le losange et un autocollant gris reprenant ce même A est installé. À l’arrière le monogramme Renault-Alpine cède sa place à un unique Alpine. Le A est également apposé sur les roues. Une seule couleur est disponible : un rouge écarlate nacré et verni.
On en profite aussi pour revoir l’intérieur qui pare les sièges et le tableau de bord d’un cuir gris qui améliore sensiblement l’aspect général.

Techniquement, l’auto reste une V6 Turbo et compte toujours ses 200 ch. 100 exemplaires seront produits, chacun avec sa plaque numérotée.

En 1990 les Alpine GTA vont connaître de profonds changements. Déjà on arrête la production de la version atmosphérique, dont seuls 81 autos ont été vendues en 1989 et 31 en 1990 pour terminer les stocks.
La V6 Turbo doit également se plier aux nouvelles normes antipollution. Un catalyseur est installé. Problème : l’installation en position centrale arrière limite fortement les développements. Quand la R25 dotée théoriquement du même moteur sort toujours 205 ch, la puissance tombe sur l’Alpine à « seulement » 185 ch. La vitesse de pointe perd 10 km/h dans l’opération.

Mais cette année là sort également la dernière version spécifique de l’Alpine GTA : la Le Mans. Là on touche à la ligne et le résultat plaît par son homogénéité et les muscles qu’il montre. Le bouclier est revu et tient d’une seule pièce avec les ailes avant, élargies. Les clignotants sont sous les phares qui sont eux redessinés par ce « masque ». En fait ce n’est pas Renault qui est à l’origine de ce kit, puisqu’il est apparu dans le catalogue d’un spécialiste allemand du Tuning, Kleinemeir, dès 1987 !

L’intérieur est également revêtu de cuir et on peut y ajouter une chaîne hi-fi.

Par contre niveau performances, c’est la douche froide puisque c’est le V6 catalysé qui se retrouve sous le capot avec ses 185 ch. En option on peut quand même la commander avec une préparation Danielson. Là on obtient 210 canassons et la vitesse de pointe flirte de nouveau avec les 250 km/h.

Limitée à 300 exemplaires, c’est le chant du cygne des Alpine GTA. Fin 1990 elle laisse sa place après 6494 exemplaires produits dont seulement 1509 atmosphériques. Un chiffre qui paraît faiblard, mais dont la moyenne annuelle est plus haute que l’A310 ! Sa remplaçante est dans les tuyaux… et son histoire sera à peu près similaire.

Les Alpine GTA de nos jours

Si vous cherchez une dieppoise qui soit plus GT que purement sportive, vous devez considérer les Alpine GTA. Et les prix vous donneront raison.

Les moins onéreuses sont les versions atmo. Vous en trouverez entre 20 et 25.000 €. Les versions Turbo catalysées se trouveront généralement en dessous des 30.000 € et les Turbo non-catalysées peuvent grimper au dessus de cette barre.

Évidemment les séries limitées des Alpine GTA, les Mille Miles et Le Mans sont plus difficiles à trouver mais ont des prix relativement semblables. Elles peuvent ainsi monter au dessus des 35.000 € pour les plus beaux exmplaires.

Source principale : Les Alpinistes

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Régis V

    Comme à l’habitude l’article est bien documenté et permet de s’y retrouver dans l’évolution du modèle. Mais je prends le clavier pour un demi hors sujet car une fin de phrase m’a interpellé: « moins piégeuse que l’A310 ». Si je peux émettre une hypothèse: une 310 à la géométrie bien réglée n’est pas piégeuse. Mais ladite géométrie a la mauvaise évolution facile et nombre de propriétaires non avertis se plaignaient et subissaient jusqu’à rencontrer un bon conseilleur et repasser assez souvent leur voiture sur le banc.
    La GTA a reçu des voies et un empattement augmentés qui contribuent à reculer les limites.

    Répondre · · 17 juillet 2020 à 9 h 39 min

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