Alejandro De Tomaso, une jeunesse romanesque et un incontournable de l’industrie italienne

Publié le par Benjamin

Alejandro De Tomaso, une jeunesse romanesque et un incontournable de l’industrie italienne

Vous avez forcément entendu parler d’Alejandro De Tomaso. Cet italo-argentin s’est fait connaître avec sa propre marque, mais en étant également propriétaire d’autres constructeurs. Et ce succès n’est pas dû au hasard et s’est construit sur un début de vie qui mériterait carrément un film pour le relater… et il y aurait du suspens et des rebondissements au programme !

De fermier aisé à expatrié !

C’est le 10 Juillet 1928 qu’Alejandro de Tomaso naît à Buenos Aires. Ses parents sont propriétaires d’une immense ferme de 120.000 hectares située sur les contreforts des Andes. Ils sont aisés et ne sont pas QUE des fermiers. Sa mère Isabella Maria Esther Ceballos est une descendante directe de l’ancien vice-roi espagnol de l’Argentine, Pedro de Ceballos et elle en tire une belle fortune. Son père, Antonio de Tomaso est fils d’immigrés italiens (il est né Antonio Di Tomasso) et élu député dès 1914. En 1932, il devient ministre de l’Agriculture et décède le 3 Août 1933.

Alejandro de Tomaso n’a pas vraiment le temps d’entreprendre de grandes études et se retrouve vite à gérer les fermes familiales. À la fin de la seconde guerre mondiale, il part vivre à Buenos Aires où il se fait remarquer comme étant un des opposants de Juan Perón. Il aurait fréquenté un certain Ernesto Guevara, mais se fait surtout remarquer en étant une des plumes du journal d’opposition Clarin, où il écrit dans la rubrique économique et reprend des idées conservatrices chères à son père… qu’il a finalement peu connu. Le gouvernement Perón n’est pas connu pour son amour de la démocratie. Il est arrêté et assigné à résidence dans ses ranchs, éloignés de la capitale.

Rompant, pour quelques temps, ses liens en politique, Alejandro De Tomaso se lance dans sa passion pour l’automobile. Il achète d’abord une Bugatti 35 qui lui permet de faire ses premières armes sur des courses locales. En 1955 il participe à sa première course mondiale, les 1000km de Buenos Aires. Avec Reyes, ils emmènent leur Maserati A6GCS à la 7e place.

Alejandro De Tomaso dans les annees 40- Alejandro De Tomaso

Mais la même année, la politique le rattrape. Il participe à une tentative de coup d’état. L’affaire est découverte. Alejandro De Tomaso décide alors de fuir. Il emmène deux valises, pleines billets obtenus en vendant les terres de sa femme (qui reste en Argentine avec leurs trois enfants), et il pilote son avion personnel jusqu’en Uruguay. Il y reste très peu de temps et finit par poser ces fameuses valises dans la région de Modène, là d’où vient sa famille.

Alejandro de Tomaso fait LA bonne rencontre

La politique est derrière lui, l’agriculture aussi. Nous sommes en 1956 et il rencontre, en Italie, une certaine Elizabeth Haskell. Surnommée Isabelle, elle-même est pilote de course, et c’est un héritage familial : c’est la petite-fille de William Durant, l’un des créateurs de la General Motors. Ils se marient vite, mais passent surtout leur vie sur les circuits.

Alejandro De Tomaso et Isabelle- Alejandro De Tomaso

En 1956 il participe ainsi à de nombreuses courses sur une Maserati 150S. Seule la première course de la saison voit l’auto terminer. Comme un pied de nez, c’est aux 1000 km de Buenos Aires où il termine 4e avec Carlo Tomasi, remportant au passage la classe des Sports 1.5.

Alejandro De Tomaso ouvre également son petit atelier de préparation de moteurs de course. En parallèle, il fait la rencontre de ses « voisins » de Bologne, les frères Maserati qui ont fondé OSCA. C’est sur l’une de leurs machines que le couple De Tomaso-Haskell enlève la 6e place des 1000 km de Buenos Aires en 1957 avec une nouvelle victoire de classe. Alejandro se retrouve au départ des plus grandes courses, des 12h de Sebring aux 1000 km du Nürburgring. En 1958 il continue sa tournée des circuits et décroche, cette fois, sa première victoire de classe au Mans, sur une OSCA S750TN avec Davis. Il participe aussi à deux Grand Prix de F1, sur des OSCA, mais sans résultat probants.

L’année suivante, avec le soutien de la société Rowan Industries, propriété du frère d’Elizabeth, De Tomaso et Haskell fondent les Automobili De Tomaso à Modène. Leur logo reprend le T qui était marqué au fer rouge sur le bétail de la ferme d’Alejandro et le drapeau argentin. L’atelier prend vite de l’importance, surtout qu’Alejandro De Tomaso quitte les Maserati, leur reprochant un trop grand conservatisme. Il veut voler de ses propres ailes.

Automobili de Tomaso : d’abord la course !

L’atelier commence par fabriquer de petites monoplaces. Comme toutes les marques, cela passe d’abord par des Formule Junior. Mais petit à petit la marque se développe. En 1961, la De Tomaso 801 fait son apparition au Grand Prix de France, engagée par la Scuderia Serenissima avec un moteur OSCA pour un abandon. En Italie, trois autos sont engagées, dont deux avec des moteurs Alfa Romeo. Toutes abandonnent. Les tentatives suivantes ne seront pas plus belles, la monoplace est pataude et pas très aérodynamique…

Pour montrer le savoir-faire de sa firme, Alejandro De Tomaso décide de créer une sorte de démonstrateur : la Vallelunga. Voulue comme une auto de route, le but est de vendre le concept à un grand constructeur et rentrer des devises pour continuer à courir.

Le constructeur ne viendra jamais. Mais la firme produit finalement la voiture et fait son entrée dans le giron des constructeurs automobiles. En parallèle, De Tomaso tente de s’attaquer aux sports prototypes, avec des barquettes carrossées par Fantuzzi et des moteurs BRM les Sport-1000, puis avec la Sport-5000 à laquelle Caroll Shelby collabore un temps, sans grand résultat.

La Mangusta succède à la Vallelunga. Les autos sont désormais des créations Ghia, que Alejandro De Tomaso à racheté auprès de Ramfis Trujillo, fils du dictateur de la République Dominicaine et qu’il revendra en 1970. Il possèdera également, et dans des circonstances un peu étranges, le carrossier Vignale. C’est cette année là qu’il dévoile la création la plus célèbre de sa marque : la Pantera !

Ghia, Vignale, Pantera, trois noms attachés à Ford. Alejandro De Tomaso s’est lié avec Lee Iacocca et le géant à l’ovale doit prendre les rennes de la petites firmes. Mais les déboires de la Pantera, pas au niveau quand on parle de qualité, plombent les ambitions de ce rachat. Ford stoppe toute collaboration, à l’exception de la fourniture du moteur.

En 1970, De Tomaso fait son retour en Formule 1. Le Frank Williams Racing Cars engage une De Tomaso 505-38 motorisée, évidemment, par un V8 Cosworth mais les autos ne verront pas l’arrivée. Pire, Piers Courage perd la vie à Zandvoort au volant de l’auto.

De Tomaso 505 38- Alejandro De Tomaso

En 1971 et 1972, De Tomaso se diversifie et propose une grosse berline, la Deauville, concurrente des Jaguar XJ et le Coupé Longchamps sur la même base. Ces autos plus luxueuses restent confidentielles et seule la Pantera assure la continuité du constructeur.

Alejandro De Tomaso, le serial constructeur

Les autos à son nom ne suffisent pas. À partir des années 70, Alejandro De Tomaso va se retrouver à la tête de nombreux constructeurs italiens. Automobiles, mais pas seulement !

En 1971 il rachète le constructeur de petites cylindrée MotoBi. L’année suivante c’est de Benelli dont il prend le contrôle et en 1973 on ajoute Moto Guzzi. À chaque fois, il n’acquiert pas seul les marques et profite des prises de contrôle de la GEPI, l’agence italienne

Deux ans plus tard, c’est sur quatre roues que son nom est de nouveau à l’honneur. En Mai, Citroën annonce son désengagement de Maserati, suite au rachat par Peugeot. La firme de Modène est reprise par la GEPI mais en Août, Alejandro De Tomaso vient au secours de la marque et prend les rennes de la société, sans en être majoritaire. La GEPI est soulagée puisqu’il annonce, dans un premier temps, la conservation des emplois. Il ne tiendra pas sa promesse et licencie la moitié des effectifs dès l’année suivante.

L’année suivante Alejandro De Tomaso rachète Innocenti. British Leyland reste au capital et Benelli y entre. La GEPI est encore dans les parages ! Ce sont toujours des mécaniques Mini qui propulsent les autos, au design revu par Bertone.

Assez étonnamment, peu de synergies sont créées entre ses sociétés. On notera simplement l’apparition du V8 Maserati sur la Longchamps. Chez Maserati, c’est surtout l’apparition de la famille des Biturbo qui est notable.

Du côté des constructeurs Motos, les premiers produits relancent les marques. Mais dans les années 80, le soufflé retombe et toutes les marques se retrouvent en difficulté, y compris Maserati dont les déclinaisons de la Biturbo se vendent moins bien que prévu. La marque De Tomaso, elle, vivote autour de sa Pantera sa proposer grand chose.

En 1989, Alejandro De Tomaso entame un désengagement complet dans ses différentes participations. À partir de 1990 Maserati passe sous contrôle Fiat, tout comme Innocenti. Benelli, qui a fusionné avec Moto Guzzi l’année précédente est revendue à un ancien ouvrier de la marque devenu magnat de l’industrie. MotoBi a déjà cessé ses activités en 1984.

Il ne garde dans son giron que sa propre marque. La Pantera 90 Si est lancée en 1990, revue par Gandini, mais elle ne se vend pas. La Guarà débarque en 1993, basée sur un prototype Maserati. L’auto est évoluée mais elle reste confidentielle. Propulsée par un moteur BMW, elle ne sera vendue qu’à 52 exemplaires en 10 ans.

La marque vivote, mais Alejandro De Tomaso également. En 1993 un AVC le laisse partiellement paralysé et l’oblige à se retirer des affaires. Son fils Santiago reprend la main. Il décède finalement le 21 Mai 2003 à Modène.

On notera d’ailleurs que la marque a survécu et propose, depuis 2019, la P72 qu’on a pu voir évoluer en nombre au Mans Classic cette année.

Photos Additionnelles : De Tomaso Automobili

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. gougnard

    superbe l’histoire de de tomaso et l’inevitable pantera merci

    Répondre · · 10 août 2022 à 19 h 40 min

  2. LUCAS Jean-Jacques

    On prête à Colin Chapman sa sentence « Light is right », sorte de principe de construction des automobiles sportives. C’est un lieu commun. Les De Tomaso commencèrent bien ainsi, avec leur architecture faite pour la course et le dessin si gracile de la Vallelunga. Mais après, elles ont changé de registre en changeant de mécanique et atteintes par l’embonpoint. Gordon Murray rend hommage à la Vallelunga avec sa T.33 (V12 tout de même pour celle-ci) dont le dessin de la caisse lui semble venir en citation. Au passage, très bien vu le récit efficace des rachats, fusions, associations conditionnant toute l’histoire de cette marque. La Vallelunga me semble avoir eu une suiveuse fordienne, tant dans l’esprit que dans la forme avec la GT 70 (V6 puis L74 Cosworth 1,6 litre), ce qui permet d’évoquer la Ligier JS 1, de même esprit. L’italo-américaine Mangusta au V8 Ford marquait la rupture avec le précepte de la compétition. Une belle grosse GT comme en promettait la deuxième demi-décennie 60’, à foison, forcément en Italie. Et en plus, son capot moteur à deux volets antagonistes dans le sens de l’architecture faisait sa singularité. Bref, la plus belle, à tout point de vue, reste la Vallelunga, les autres sont flatteuses, flagorneuses, joliment dessinées, solidement motorisées, mais avec quelques Lamborghini sur leur chemin (Urraco, Jalpa) par exemple. Mais, ne trouvez-vous pas chez De Tomaso une certaine réplique avec un autre argentin versé dans l’automobile superlative, exclusive, sportive, solidement financé, et évidemment installé dans la Motor Valley ? Lui fait venir ses moteurs d’Allemagne. Il y a un petit quelque chose de De Tomaso chez Pagani non ?

    Répondre · · 12 août 2022 à 14 h 26 min

    1. Benjamin

      Il y a un air de famille entre les deux histoires. Si ce n’est que Pagani s’est bien tenu de ces nombreux rachats.

      Répondre · · 12 août 2022 à 15 h 07 min

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.