La Porsche 356 Carrera Abarth GTL, une alliance aussi redoutable qu’éphémère

Publié le par Benjamin

La Porsche 356 Carrera Abarth GTL, une alliance aussi redoutable qu’éphémère

Il fut un temps où Porsche n’était pas encore le constructeur qui faisait peur à tout le monde sur les circuits du monde entier. Un temps où le scorpion d’Abarth n’était pas encore indissociable de la galaxie Fiat. C’est ce qui a permis la rencontre de ces deux noms mythiques autour d’une même auto : la Porsche 356 Carrera Abarth GTL.

De vieilles connaissances

Voir ces deux noms s’associer peut sembler étrange vu de 2021. Mais en se replongeant dans l’histoire de l’automobile italienne, on y trouve une logique presque implacable.

À partir du début des années 50, Porsche se lance réellement dans la compétition. On ne parle pas encore des prototypes mais uniquement des GT et c’est évidemment le seul modèle de la gamme, la 356, qui s’attaque aux différents circuits, rallyes et courses de côte du vieux continent. Pour autant, les petites voitures allemandes sont loin des voitures italiennes sur bien des épreuves, même si les premiers succès commencent à tomber.

Ferdinand Porsche n’est plus là et c’est Ferry qui développe le constructeur. L’objectif est simple : construire une auto de course, basée sur la 356 avec plus de performances. Simple, c’est en fait vite dit.

À l’époque l’industrie allemande n’est plus tournée vers la compétition. Mercedes s’est retiré des circuits (avec des hommes qui étaient de toute façon des gloires de l’avant-guerre) et c’est bien en Italie qu’on trouve une vraie industrie des sports mécaniques. Ferry fait appel à un vieil ami de son père : Piero Dusio. L’homme a créé la marque Cisitalia qui, malgré la beauté et l’ingéniosité de sa 202 n’a pas fait long feu.

Dusio commence par mettre en contact Ferry et Zagato. À cette époque ce n’est pas qu’un simple carrossier. Les autos frappées du Z sont certes belles, mais ce sont souvent des versions allégées et préparées des coupés italiens. Des bêtes de course. Le savoir-faire est évident mais devant la complexité du cahier des charges, il refuse.

Finalement Dusio va faire appel à son ancien directeur technique. C’est Carlo Abarth, qui vole de ses propres ailes depuis quelques années. L’aventure Cisitalia est bien loin. Des kits d’échappements aux autos 100% sorties de son atelier sur mécaniques Fiat ou Simca, l’austro-italien a fait son chemin. D’ailleurs ça tombe bien, il parle allemand ce qui va faciliter les choses pour créer la nouvelle auto !

La Porsche 356 Carrera Abarth GTL arrive

Nous sommes en 1959 et le préparateur italien doit avoir des maux de tête à voir le cahier des charges qui lui est donné, en partie par Porsche, et par les règlements sportifs. La voiture de course doit conserver le châssis, les freins, la direction et la base moteur de la 356. Cependant, rien n’empêche de retoucher à la carrosserie.

Carlo Abarth y voit une bonne opportunité d’améliorer le poids et l’aérodynamique de l’auto. Une belle façon de palier à la faible puissance d’alors du moteur dérivé de la Coccinelle ! Pour autant l’italien n’est pas carrossier ni designer. Il va alors demander à Scaglione de dessiner une nouvelle carrosserie. Le Cx passe de 0.398 à 0.365 et ça se voit. La Porsche 356, dans cette version Carrera Abarth est transfigurée. L’avant est plus allongé avec un porte à faux avant important. L’arrière est toujours aussi court mais retombe de façon plus abrupte. Ce n’est pas un Kammback, mais on s’en approche autant que le moteur en porte-à-faux le permet.

La mise en œuvre sera faite chez Motto. Ce n’est pas le plus connu, ni le plus prestigieux des carrossiers mais il est un sous-traitant tout indiqué quand il s’agit de fabriquer des carrosseries alu.

Enfin le préparateur italien va apporter sa touche personnelle en se consacrant au moteur de la Porsche 356 Carrera Abarth. La base c’est le moteur de 1587,5 cm³ (le 1600) qui a équipé les Porsche 356 A et qui s’apprête à être la monte « de base » des 356 B. Sa puissance de base est modeste : 60ch sur les autos de base. Mais les préparations l’ont amené à 115 ch sur les Carrera GT. C’est le point de départ de Carlo Abarth qui commence par travailler l’échappement, sa spécialité avec un système imposant mais qui fait passer la puissance à 128ch. Avec un travail sur le reste des éléments, la Carrera Abarth affiche désormais 135 ch.

Le prototype est accepté et Porsche commande 20 exemplaires et une option sur 20 autres autos. Toutes seront des autos de compétition.

Lancement compliqué mis succès rapides

Les trois première autos sont assemblées et partent chez Motto pour se faire habiller. Mais au retour Abarth est plus que mécontent de la qualité des autos. Il doit reprendre le travail et finalement c’est son atelier qui se chargera des autos suivantes durant l’année 1960.

Dès le mois de mai les Porsche 356 Carrera Abarth se retrouvent en compétition. C’est la Targa Florio qui sera son baptême du feu, excusez du peu ! L’équipage Strähle-Lissmann-Linge court en GT de moins de 2.5 litres… et l’emporte avec une 6e place au général.

Strähle et Walter ajoutent une victoire de classe au 1000 km du Nürburgring 15 jours plus tard avec une 7e place au général.

Le règlement des 24h du Mans est plus adéquat pour l’auto qui est engagée en Sports 1600. En fait l’auto n’est pas en classe GT car il s’agit d’un prototype. Abarth est allé jusqu’au bout de son idée et a proposé une auto avec des freins à disque ! La particularité de la course, c’est que Abarth engage trois Fiat-Abarth avec sa propre équipe quand Porsche est présent avec Walter et Linge. Ces deux derniers vont ajouter une nouvelle victoire de classe avec une 10e place au général… devant la 718 RS 60 de Barth et Seidel !

Buchet et Walter vont emmener la Porsche 356 Carrera Abarth au pied du podium sur le Tour de France 1960. Malheureusement, ce sont les 250 GT SWB qui monopolisent ce dernier, s’adjugeant le triplé en classe GT.

On ajoutera enfin une victoire de classe pour Graham Hill au Tourist Trophy et on a une année 1960 aux étagères bien remplies.

On pourrait croire que cela va être un tremplin pour la carrière de l’auto… mais pas du tout. Les relations entre le constructeur de Stuttgart et le préparateur italien vont s’arrêter subitement. Abarth veut aller plus loin avec un châssis spécial, un moteur à 4 arbres à cames en tête et un carter sec. Mais Porsche refuse.

Pire, le constructeur ne va pas lever l’option pour les 20 autos supplémentaires. Les prétextes sont les retards de livraison, qui ne concernent en réalité que les trois autos reprises après le passage chez Motto ou des problème de qualité, notamment sur la direction… pourtant fournie par l’usine. La relation entre les deux entités est rompue… mais la Porsche 356 Carrera Abarth est loin d’être enterrée !

La belle carrière des Porsche 356 Carrera Abarth

Les autos ne sont pas retirées des circuits pour autant. C’est d’ailleurs l’usine qui engage les deux 356 Carrera Abarth qui s’attaquent à la Targa Florio pour une nouvelle victoire de classe de Strähle et Pucci (6e juste devant celle de Linge- Von Hanstein). Hahnl Jr. et Zick ajoutent une nouvelle victoire de classe au Nürburgring.

Aux 24h du Mans une auto sur les deux engagées voit l’arrivée pour une nouvelle victoire de classe, en GT 1600 cette fois, pour Linge et Pon, sous la bannière de l’usine. Graham Hill va ajouter une seconde victoire de classe de suite au Tourist Trophy tandis que l’auto brille dans des courses plus régionales.

Par contre les autos abandonnent au Tour de France et se ratent aux 1000 km de Paris.

En 1962 deux autos sont envoyées aux 12h de Sebring pour une nouvelle victoire de classe GT 1600 au crédit de Holbert et Gurney. Hermann et Linge assurent la troisième victoire de classe de suite en GT 1600 à la Targa Florio, et Barth, toujours avec Linge, la troisième victoire de classe de rang aux 1000 km du Nürburgring !

Aux 24h du Mans, trois autos sont engagées, deux sont à l’arrivée et la 7e place de Barth et Herrmann est une nouvelle fois synonyme de victoire de classe !

Ajoutez des victoires à Trier, à Nassau, à Zandvoort et il faut pousser les murs pour exposer les trophées de la 356 Carrera Abarth !

Si les Porsche 356 Carrera Abarth se font moins présentes, on les voit plus aux 24h du Mans par exemple, elles continuent leur carrière en 1963. À Sebring une auto équipée d’un 2 litres gagne sa classe avec Wester et Holbert, Cassel et Sesslar remportant la classe 1600.

À la Targa Florio, la 5e place de Koch et von Schröter assure une nouvelle victoire de classe et ce même Koch, sur l’auto de Strähle, remporte une autre victoire de classe au Nürburgring. La Porsche 356 Carrera Abarth s’est vraiment réservé certaines courses !

On la voit en DARM, en SCCA, dans les courses de côtes mais les victoires de classe internationales sont terminées. Pas mal pour une auto que personne n’attendait à ce niveau !

Les Porsche 356 Carrera Abarth de nos jours

Rares à l’époque, elles le sont encore plus aujourd’hui. La bleue qui illustre une partie de cet article est ainsi une réplique exacte / continuation de l’auto qui brilla au Tour de France.

Ces autos sont rares, leurs sorties en course encore plus. On a eu la chance d’en voit deux au Grand Prix de l’Age d’Or 2016 mais depuis… c’est calme ! Même aux enchères, ce sont des autos qu’on voit peu alors qu’elles y auraient toute leur place.

Des autos de spécialistes ? Assurément !

Photos complémentaires : les24heures.fr

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.