La Mercedes qui ne voulait pas sortir de sa grotte

Publié le par Benjamin

La Mercedes qui ne voulait pas sortir de sa grotte

Ce matin c’est un de nos lecteurs, Cedric Cheval, qui nous emmène dans un road-trip… étonnant. Direction les grottes de Rocamadour.

Mars 2018 avait oublié ses obligations de réchauffement climatique, faut dire qu’à 4h du matin le soleil était parti bosser au Japon, réchauffant deux trois Skyline en goguette.

Il faisait froid ce jour-là mais le mot “roadtrip” avait été prononcé par mon pote Christophe. Ce mot magique, promesse d’aventure, est sans doute le seul pouvant amener ma carcasse à se hisser en position verticale au milieu de la nuit, en attendant que la prostate n’en soit une deuxième raison.

Christophe, largement aussi accro aux boites à roues que moi, vient de s’offrir une Mercedes 450 SL type R107, récemment importée des States par un garage situé dans le Lot. Quand on se dit qu’elle a été fabriquée à Stuttgart, on aura intérêt à porter des chemises à fleurs au retour pour contre-balancer son bilan carbone…

«T’inquiète, je ne l’ai pas essayée mais le gars m’a dit qu’elle était bien, qu’il savait ce qu’il vendait».
Payée d’avance, en l’état, importée par un garagiste qui répond qu’”il sait ce qu’il vend” quand on lui pose des questions… Si la CIA avait un système d’alerte anti-merguez, on aurait déjà fait disjoncter un satellite… L’inquiétude monte, mais la vue de ma propre Mercedes 280s w116 et de celle de mon fils trépignant d’impatience à l’idée d’une balade fait vite disparaitre ces idées grises. Et puis les causes perdues ça ne nous a jamais fait peur !

Je vous épargne la longue descente par l’autoroute A71 depuis les Yvelines, où la classe S nous rappelle qu’elle a été conçue pour ces longs trajets : confort Pullman, vitesse de train Corail et autonomie (avec 96l dans le réservoir, encore heureux !) sont donc au menu.

C’est donc l’esprit léger que nous arrivons dans le Lot où les villages ont un nom qui finit par “AC”, sans doute pour marquer leur amour de la distribution. C’est mignon, vert, vallonné et sinueux, je me rêve au volant d’une 308 GTS à lécher le point de corde du bout de mes pneus…

Très vite, les visages de mes passagers commencent à ressembler au vert citron de la carrosserie, je reprends donc la conduite coulée qui sied à l’auto de Derrick et nous arrivons apaisés à destination. Nos mines étirées se garent devant un petit garage digne d’un Diorama, personnages inclus… la bâtisse est une meulière qui passerait pour une gare de train électrique, je cherche les roches en cartons et les arbres en plastique…

Mercedes de Rocamadour 41-

Le garagiste à ma grande surprise s’anime et me sort de ma boite de jeu, il parle soit un patois rural très marqué, soit souffre d’un dentier mal ajusté… Nous comprenons de la Bête que la Belle nous attend à côté, sous un abri de fortune. La SL y apparaît encore plus élégante, comme une fleur rare au milieu d’un champs d’orties, elle ne demande qu’à retrouver les sables fins des cours d’honneur, les mains gantées des voituriers, la malle emplie de bagages monogrammés d’un certain LV (Lave-Vitre ?). Courage, ta captivité arrive à son terme, tes preux chevaliers vont te libéreeeer !

« C’est la classe à Dallas » dirait Bobby Ewing. La belle habillée d’une robe marron glacé et d’un cuir caramel se déguste des yeux. A part peut-être les feux US qui semblent avoir été piqués sur une Renault 30 mais le remplacement des doubles foyers par des yeux de biche doit être réalisable.

Mercedes de Rocamadour 23-

Démarrage : la SL s’ébroue, tiens le ralenti, le V8 ronronne… je chéris l’honnêteté des Hommes qui habitent cette belle région, restée vierge de la compromission, de la vénalité et où la parole est d’or ! Moment de fou rire quand même lorsqu’au moment de l’allumage des phares, seul le phare droit et le feu de position gauche s’allument.

Heureusement, le garagiste, homme de précision, parangon de la délicatesse donne une claque magistrale à la boite à fusibles pour refaire fonctionner l’ensemble ! Ça marche peut-être pour les phares mais pour le reste… c’est quand même la première que je rencontre qui allume ses phares quand on lui actionne le lave-glace (comme cette phrase est ambigüe…)

Le cœur allégé, nous partons en convoi vers la station la plus proche car la belle a soif. Premiers tours de roues et il faut bien admettre que la SL se traîne, les 217 canassons sont sous sédatifs et l’inquiétude monte, tout comme cette odeur de métal chaud qui me rappelle celle de mon TER quand il vient me capturer pour aller au boulot… A fond, la SL monte péniblement à 60km/h et la perspective de ramener l’auto commence à s’effriter, en tout cas pas en un jour…

Qui connait les vieilles autos aura diagnostiqué au nez des freins bloqués, finalement un classique sur les autos longtemps immobilisées mais pas si simple à résoudre sans atelier à portée de main. Si on ajoute à ça une batterie à plat, des sièges repeints, un tableau de bord fissuré recouvert, des clés qui ne ferment pas l’auto et un chauffage permanent, ça commence à faire beaucoup et je sens que le moral de Christophe commence à descendre bien bas… On hésite entre rire ou pleurer, on pleure donc de rire !

C’est fou comme on aura eu du mal à se rendre à l’évidence, à admettre que bon sang cette auto n’est pas une affaire, qu’elle ne fonctionne pas et que jamais elle ne remontera chez nous par la route ! Comme dans un Tex Avery, nous pédalions au-dessus du vide, la pesanteur nous attendait et nous ramènerait sans ménagement à terre ! La déception finira par céder le terrain à la colère, les visages blanchissent, les sourcils froncent ! Mon sang fit un tour le premier et une envie de meurtre me traversa l’esprit, « je vais retourner au garage et lui expliquer ce que je pense de son honnêteté ! » pensais-je.

Démarrage, j’appuie à fond sur le champignon et malgré toute la résistance des freins et de la mécanique je fonce métal hurlant vers cette pauvre échoppe qui doit commencer à trembler rien qu’à entendre le son apocalyptique d’une SL ivre de douleur venue chercher VENGEANCE ! Il faut dire que pour ne rien arranger le pare-soleil ne tenait pas en place et était venu me frapper le front en plein assaut, décuplant ma rage…

C’est donc dans cet état d’esprit calme et posé que j’arrivais chez la future victime et déboulait comme Godzilla dans l’atelier, prenant de surprise les clients et le garagiste pour lui déverser toute ma colère. Le bougre tenta bien de rattraper le coup et de dégripper les freins pour nous voir partir au plus vite mais vu que je les avais un peu soudés, il n’eut pas l’occasion de se faire un peu pardonner.

Epilogue : L’auto fut rapatriée chez moi et commençât un long chantier de remise en route toujours pas terminé 2 ans après. Gageons qu’un jour, en garant la belle auto dans une cour d’honneur, son propriétaire sourira d’avoir délivré cette princesse des grottes de Rocamadour…

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Beuthe

    Bravo pour la narration de cette aventure épique ; j’avoue sadiquement qu’il l’a énormément plu avec à la clef quelques bons fou-rire ! Cela m’a fait me rappeler un certain nombre d’achats ces derniers 40ans, dont le premier était un lot de deux minis acheté à les 17ans, par téléphone. « Une affaire » dixit je jeune vendeur. En effet . Et cela ne m’a pas calmé, que du contraire ! Souvenirs…

    Répondre · · 30 avril 2021 à 16 h 24 min

    1. Cédric CHEVAL

      Merci ! En ce mois de novembre 2021, mon pote s’en sépare. Il a fait pas mal de choses dessus comme la sellerie, les feux, la révision de l’allumage, l’échappement… Le prochain propriétaire pourra rouler avec mais devra passer du temps dessus s’il est exigeant. La SL R107 est recherchée et la cote monte malgré les nombreux exemplaires produits, ce qui me laisse croire qu’une belle restauration ferait du sens et ne serait pas de l’argent de perdu. J’ai moi même acquis une 350 SLC dernièrement, une SL avec un toit quoi, que je fais préparer pour le rallye et ça, ça promet de belles histoires encore !

      Répondre · · 4 novembre 2021 à 14 h 29 min

  2. Steph

    Un grand bravo pour cette histoire qui ma énormément fait rire (le texte est truculant, ouaf ouaf ouaf!!) et qui m’a permis de me rappeler un tas d’achats mémorables ces 38 dernières années, de voitures disooooons… pleines de surprises! Notamment lors de mes 17ans, mon premier achat d’une voiture – ou plutôt d’un lot de deux Minis (les vraies, pas les autres…) – achetées par téléphone sur base d’une petite photo en noir et blanc, placée dans les colonnes « occasions » d’un journal Bruxellois, spécialisé dans les annonces en tous genres. Bien entendu, dixit le vendeur, ces deux voitures étaient « l’affaire du siècle »! De fait. Mais de quel siècle s’agissait-il? Mystère ;0)) Bref, ce fut le début de pas mal d’autres achats « du siècle » jusqu’il y a 5ans. Et là, je me sens à nouveau capable de faire des bêtises. Yapluka. Encore merci pour ces fou-rire :0) !

    Répondre · · 30 avril 2021 à 16 h 55 min

  3. bit-mignon bernard

    On espère la suite des aventures ,la remontée de l’auto et les travaux effectués et si le garagiste indélicat s’est au moins excusé et a compensé sur la prix d’achat.

    Répondre · · 6 mai 2021 à 10 h 44 min

  4. Villa

    Ne jamais acheter une voiture que l’on n’a pas vu . CQFD.

    Répondre · · 13 janvier 2022 à 10 h 03 min

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