Debrief des enchères de la Monterey Car Week

Publié le par Thibaut Perez

Debrief des enchères de la Monterey Car Week
Retroencheres 2-

Au cœur du « ghetto pour riches » que constitue la zone de Carmel – Monterey en Californie, les autos anciennes et modernes, tant qu’elles sont luxueuses, sont à l’honneur de la Monterey Car Week. Et c’est lors de cette semaine informelle, formée de dizaines d’événements plus ou moins public autour du concours de Pebble Beach, que se déroulent traditionnellement trois des plus grandes ventes aux enchères de l’année. Et cette année, elles ont été riches en enseignements.

Les résultats des enchères ont déjà été traités sur News d’Anciennes. Ceux de RM Sotheby’s sont ici, ceux de Bonhams par là et ceux de Gooding&Co ici. On ne va pas revenir sur les résultats de chaque vente mais sur ce qu’ils peuvent nous indiquer.

La valeur moyenne des voitures vendues est en hausse

C’est en effet un curieux paradoxe qui s’est produit cette semaine folle à Monterrey : on a vendu moins de voitures qu’en 2019 (-25%), et pourtant la valeur totale des ventes a progressé de quelques 35% par rapport à cette même année. La raison ? Les organisateurs ont mis en avant des véhicules particulièrement rares, et surtout l’intérêt des collectionneurs internationaux ne se dément pas. Malgré la crise une McLaren F1 de 1995 vendue par Gooding & Co. s’est vendue pour 20,5 millions de dollars, ce qui en fait la voiture la plus chère vendues aux enchères depuis 2018.

Il y a bien eu une petite déception avec une Porsche 917 K de 1970 (qui est apparue dans le film de Steve McQueen « LeMans »). Celle-ci devait rapporter entre 16 et 18,5 millions de dollars, mais n’a pas trouvé d’acheteur avec une offre maximale de « seulement » 15 millions de dollars. Les experts s’accordent cependant à reconnaitre que le prix de réserve était probablement trop élevé pour un véhicule uniquement dédié à la piste. Une autre Porsche 917 K qui figurait également dans « LeMans », s’était ainsi vendue pour 14 millions de dollars en 2017.

Mais en dehors de ces autos « locomotives » les catalogues (à l’exception de celui de Bonhams) étaient particulièrement fournis en voitures estimées au dessus du million. Conséquence du covid avec nécessité pour certains de se séparer de quelques bijoux de famille ? Besoin de rattraper le temps perdu en vendant des autos qui « auraient dû » l’être dans les derniers 18 mois ? En tout cas, cela participait à cette valeur moyenne à la hausse.

Les classiques d’après guerre restent des valeurs sures

Autre constat, les classiques continuent d’attirer les investisseurs. On notera ainsi que parmi les dix plus grosses ventes de Monterrey sept concernent des sportives d’après guerre, dont cinq Ferrari(s). Avec en première position une troublante 1959 Ferrari 250 California LWB Competizione Spider, qui a trouvé nouvel amant pour quelques 10.6 millions de dollars.

Dans le même temps et à des prix plus bas, on remarque des prix à la hausse, ou au moins soutenus, en ce qui concerne les Lamborghini Miura, les Mercedes 300 SL. Des autos qu’on retrouve fréquemment dans les ventes et qui prouvent qu’elles peuvent encore grimper.

Il semblait loin de Monterrey l’effet youngtimers. Qu’on se le dise, chez les riches on aime les valeurs sures.

Le marché américain des anciennes se montre extrêmement dynamique

Il ressort aussi de la semaine de Monterrey que l’engouement pour les anciennes continue de progresser aux Etats Unis.

En effet, les événements étaient très suivis et Monterrey a attiré une foule comparable aux années passées alors que les étrangers, qui représentent une part significative des participants habituellement, étaient pratiquement absents du fait des restrictions de voyage. Ce beau succès touristique souligne combien les Etats Unis sont importants pour les collectionneurs d’anciennes, entrainant par leur dynamisme une reprise soutenue du secteur. Rappelons que selon l’indice Hagerty la cote des anciennes y a progressé de près de 10% au cours des 12 derniers mois.

La Monterey Car Week est, chaque année, un événement couru pour la vente aux enchères des anciennes. Et ce n’est pas le cru 2021, même privé de beaucoup de ses touristes, participants et acheteurs étrangers qui a modifié quoi que ce soit.

Les gros prix de retour

Si on trouve d’autres ventes aux enchères avec de très gros prix, c’est bien lors de la Monterey Car Week qu’on retrouve les plus gros prix lors des ventes aux enchères.

7 autos ont dépassé les 10 millions de dollars, sous le marteau en 2015, autant en 2016, 3 en 2017, 3 en 2018, une seule en 2019 et aucune en 2020, l’événement ayant été annulé.

En 2021, on en a vu deux, toutes les deux lors des ventes de Gooding & Co. Pourtant, RM Sotheby’s proposait également trois auto pouvant dépasser ce cap et une seule se vend, sous les 10 millions de dollars.

Cela marque à la fois un retour, timide, des très grosses estimations dans les salles des ventes, mais aussi le fait qu’elles n’attirent plus autant. Il y a quelques années ces gros prix étaient proposés aux enchères car on savait qu’elles allaient partir et que les acheteurs allaient être nombreux. Sinon, elles passaient par les départements de vente privée, ou se vendaient de gré à gré.

Les voir revenir dans les salles montre que ces autos ont besoin d’être reexposées pour se vendre. Et lors de la Monterey Car Week, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Les millionnaires présentes mais pas toujours faciles à vendre

Les autos millionnaires proposées étaient donc nombreuses. Lors de la Monterey Car Week 2021 elles ont été 87 à dépasser le cap du million et même 6 à se vendre entre 5 et 10 millions. Ce sont des chiffres parmi les plus élevés de ces dernières années… mais elles ne sont pas forcément faciles à vendre.

On note en effet que si le taux moyen de vente est compris entre 87 et 89% lors des trois grosses ventes de cette année, on perd presque 10 points sur ces autos.

Si les classiques de l’après-guerre sont donc plus « faciles » à vendre comme on le disait, certaines étaient estimées trop haut pour un marché qui est toujours en « rémission ». Et une fois sortis de cette catégorie d’auto, les résultats sont contrastés.

Pour les avant-guerre par exemple, la Bugatti Type 35, une icône de son temps, signe un record du monde pour le modèle. La Mercedes-Benz 26/120/180-S-Type de 1928 réalise le plus gros prix de la vente Bonhams en dépassant son estimation mais l’unique Bucciali TAV30, malgré tout ce qu’elle représente ne s’est pas vendue et les attentes qui étaient placées en elle par la maison anglaise, ne se vend pas.

Des estimations compliquées

C’est un autre point à remarquer lors des ventes de la Monterey Car Week cru 2021. Les estimation se sont révélées être un casse-tête. Ainsi on a vu des autos estimées bien trop haut, pour le marché actuel en tout cas. Le parfait exemple, c’est l’Aston Martin DB4 GT Zagato de RM Sotheby’s. Si elle reste le plus gros prix de la vente avec 9.520.000 $, elle était estimée entre 11 et 14 millions. Au moins, pas de souci avec le prix de réserve.

Ce n’est pas la seule dans ce cas de figure. Beaucoup d’autos, particulièrement quand les estimations se situaient entre 5 et 1 million de dollars, terminent sous l’estimation basse. Et si d’habitude on retrouvait des autos qui contrebalançaient ce fait en dépassant leurs estimations hautes, elles ont cette fois été bien rares !

On scrutera les prochaines enchères pour confirmer ces quelques indications. Mais souvent la Monterey Car Week donne le ton pour une année complète de ventes aux enchères.

Thibaut Perez est un économiste amoureux des belles automobiles. Lui-même collectionneur il restaure ses autos et il est à l’origine, avec deux amis, de Rétroenchères, une marketplace européenne dédiée aux véhicules de collection.

Thibaut Perez

https://retroencheres.fr/

Thibaut est un des fondateurs de Rétroenchères et contribue à News d'Anciennes depuis l'automne 2020. Acteur du monde de la vente d'anciennes, il nous propose de nous intéresser au marché du véhicule de collection dans notre rubrique Acheter une Ancienne.

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