Alpine A106, Rédélé en a rêvé, il ne l’a pas faite

Publié le par Benjamin

Alpine A106, Rédélé en a rêvé, il ne l’a pas faite

La toute première, c’est elle. Celle qui fera entrer le nom Alpine dans les dictionnaires des constructeurs automobiles, celle qui sera le point de départ d’une formidable aventure que tous les amateurs d’automobiles connaissent. Mais l’Alpine A106 a des origines bien plus compliquées qu’il n’y paraît.

Rédélé et ses sportives

Jean Rédélé est bien celui qui a développé Alpine. Mais il a mis longtemps avant d’arriver à créer sa marque. Plus jeune concessionnaire Renault de France, du côté de Dieppe, il est également pilote le week-end. Et forcément il utilise une auto au losange, en l’occurrence la 4CV. Mais celle-ci n’offre que des performances limitées, même si des dérivés sportifs apparaissent et courent notamment au Mans.

Il décide donc d’améliorer la 4CV, d’abord en préparant le moteur, puis en la dotant d’une boîte à 5 vitesses et enfin en créant l’allégeant au maximum. Tant qu’à faire il veut lui donner une carrosserie la plus jolie possible. Il fait alors appel à l’italien Michelotti qui dessine un coach qui est fabriqué par Allemano. C’est la Rédélé Spéciale qui est préparée dans les ateliers de Charles Escoffier, concessionnaire parisien de Renault… et beau-père de Rédélé. La voiture s’impose dans sa première course au Rallye de Dieppe.

Rédélé Spéciale- Alpine A106

Il veut améliorer la ligne et commande une seconde auto. Celle-ci va se faire remarquer par un industriel américain, Zack Reed. Il veut construire cette auto aux USA pour faire concurrence aux roadsters anglais. Un roadster est à son programme, basé sur la Louis Rosier, mais aussi un coach, basé sur la nouvelle Rédélé Spéciale.

Elle deviendra la « The Marquis » et devra être habillée avec une carrosserie plastique renforcée à la fibre de verre. En plus de la cession des plans et de la licence, Reed financera l’outillage pour que Rédélé fabrique son auto, en acier par contre, en Europe. Malgré les 150 châssis de 4CV commandés à Renault, Reed n’arrivera jamais à industrialiser son auto… et Rédélé ne verra jamais son outillage. Ses rêves de constructeurs se sont presque envolés quand il commande une troisième auto à Michelotti, au dessin remanié, mais dont la carrière reste très discrète.

Les prémices de l’A106

L’idée de la 4CV sportive à carrosserie coach est également restée dans la tête de Charles Escoffier. Le fils de ce dernier tombe sur une étude de coach chez Chappe et Gessalin. Le rapprochement est fait et on crée une première auto, sur châssis de 4CV à peine modifié, sur lequel est collé (en fait pris en sandwich avec un procédé dont les carrossier ont alors la primeur) la carrosserie coach. Cette première auto est présentée à la direction de Renault en Février 1955 et reçoit le feu vert pour aller plus loin.

Rédélé n’est pas complètement oublié. Escoffier lui a proposé de s’associer dans cette affaire. C’est sur les succès en course du Dieppois que veut capitaliser le parisien. Le premier prototype s’appelle d’ailleurs 4CV Alpine en référence à la seconde place qu’à pris Rédélé au Critérium des Alpes 1954.

Rédélé se chargera de la promotion et de la commercialisation de l’auto. La société Alpine est créée à Paris, 13 rue Forest, le 6 Juillet 1955 et c’est là que son assemblées les trois premières autos, une bleue, une rouge et une blanche.

Alpine A106 1- Alpine A106

L’Alpine A106 définitive

Les trois autos sont présentées à Boulogne quelques jours plus tard. Elles ne s’appellent plus 4CV Alpine mais Alpine A106. Si une légende veut que le numéro 106 soit issu d’un numéro de course de Rédélé, il est en fait issu du type mine des 4CV sportives de l’époque, les 1060, 1062 et 1063.

Le moteur est donc dérivé de celui de la 4CV. Avec 747 cm³ il obtient ses 21ch par un carbu double-corps Solex, bien aidé par des pistons et une culasse en alliage léger comme on dit à l’époque. Le moteur transmet aux roues arrières par une boîte 3 vitesses ou une 5 vitesse, extrêmement chère et proposée en option à la suite de l’acquisition par Rédélé de la licence auprès de Georges Claude qui l’a mise au point.

La carrosserie est bien en polyester et châssis et trains roulants sont ceux de la 4CV. Rédélé aurait aimé créer son châssis-poutre, mais il est trop cher pour la jeune société… et attendra la suite.

L’Alpine A106 pèse à peine plus de 500 kg et peut accrocher les 125 km/h ! De belles perspectives sportives s’ouvrent quand Renault donne son oui définitif.

Les évolutions de l’Alpine A106

L’Alpine A106 est révélée au grand public au salon de Paris 1955. On ne peut pas dire que les commandes pleuvent, mais elles sont là.

Rédélé veut à tout prix avoir son mot à dire et veut modifier l’auto, en particulier au niveau des trains roulants. Si c’est refusé pour le modèle « de base », finalement la version Mille Miles apparaît en 1956. L’arrière fait appel à un système à quatre amortisseurs. En plus la voiture est propulsée par le moteur de la 4CV 1063 et ses carbus Weber qui sort 38ch ! La vitesse de pointe passe à 145 km/h !

Le modèle 1957 se distingue par des clignotants à l’avant et un nouveau pare-brise spécifique en lieu et place de la lunette arrière de Renault Frégate !

Au salon de Paris 1957 le grand public découvre l’Alpine A106 Cabriolet. Jean Rédélé a créé sa propre société, RDL, à Dieppe et va construire cette auto. Il a gagné son bras de fer puisque « son » projet dessiné par Michelotti s’impose contre celui d’Escoffier réalisé par Chappe et Gessalin ! De fait Rédélé a pu (enfin) apporter un renfort à l’avant de l’auto. Relativement léger il change énormément le comportement de l’auto.

En parallèle on dévoile la nouvelle venue, l’A108 qui reprend une mécanique de Dauphine tout en étant étroitement dérivée de l’Alpine A106.

À l’automne 1958 on présente la dernière version de l’Alpine A106. Le coupé sport est en fait un cabriolet doté d’un toit, un coupé hard-top en somme. Son dessin sera d’ailleurs repris et affiné sur l’A108… puis l’A110 mais on saute des étapes.

Durant l’année 1959 on arrête la fabrication des coupés sports et cabriolets à Dieppe pour se consacrer à l’A108. Mais les coachs restent au catalogue jusqu’en 1960 quand Chappe et Gessalin proposent une version 2+2 de l’A108.
Au total cette première Alpine aura été produite à 251 exemplaires.

Conclusion

Rédélé se voyait constructeur indépendant. Ce n’est pas avec l’Alpine A106 qui a réussi son coup, au moins pas au début. Néanmoins le tour de force du cabriolet fabriqué par ses soins lui permettra de reprendre la main sur une auto qui n’était pas de lui ! Ce que l’on ne peut pas dire des A108 et A110 qui portent bien plus sa marque.

Les Alpine A106 de nos jours

Les Alpine A106 ne courent pas les rues… et encore moins les courses historiques, contrairement à leurs descendantes. Leur cote se situe autour des 45.000 €… mais difficile de donner une cote à une auto avec un si petit volume d’échange. Proportionnellement les A108 et A110 sont bien plus présentes !

En tout cas, si vous croisez une Alpine A106 profitez pour admirer, ce n’est pas courant… du tout !

Photos additionnelles : André Leroux, L’Automobile Ancienne, Autoworld

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Philippe

    Récemment dans une interview Jean Gessalin a raconté qu’il avait dessiné et commencé de construire le coach pour son propre compte au sein du garage de son père et ses oncles Chappe et Gessalin à Brie-Comte-Robert et que c’est pendant son service militaire qu’il se la fera « piquer », la famille ayant conclu le deal avec Charles Escoffier. Il aura sa revanche en créant la marque CG 15 ans plus tard. La société Chappe et Gessalin aura fourni toutes les caisses en fibre de l’époque en France, notamment pour DB mais pour d’autres marques moinsconnues.

    Répondre · · 21 mai 2020 à 18 h 21 min

    1. Seb

      Oui cette histoire est vraie, il part au service et se fait piquer le projet pendant son absence…

      Répondre · · 6 janvier 2022 à 0 h 49 min

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