Acheter une Voiture Ancienne : « l’aspiration » quand tous les prix augmentent, un mal pour un bien ?

Publié le par Benjamin

Acheter une Voiture Ancienne : « l’aspiration » quand tous les prix augmentent, un mal pour un bien ?

Le français râle. Des fois il a raison et il a raison de râler. Des fois il a tort et ça fait deux raisons de râler. Le collectionneur d’automobile ancienne râle particulièrement à cause de la hausse des prix des voitures anciennes. Même en dehors de la classique spéculation (qui peut exister mais reste marginale), le prix des voitures anciennes est en hausse constante depuis maintenant une quinzaine d’année. En plus, ce phénomène touche les autos les plus mythique mais avec le phénomène d’aspiration, il touche aussi les autres. On vous explique pourquoi et pourquoi c’est un mal pour un bien.

Le phénomène d’aspiration, qu’est-ce que c’est ?

Quand deux autos se suivent, celle de devant crée un trou d’air qui aspire la deuxième et la fait accélérer. Ça c’est ce qu’on peut voir en course. Sur la route, on vous déconseille fortement de vous y essayer. C’est finalement le même mécanisme qu’on peut appliquer au prix des voitures anciennes. Pour cela il faut un leader et une, deux, ou plus, automobiles anciennes dans le rôle des suiveuses.

On prend donc une auto haut de gamme ou simplement mythique, par son aura historique ou sa place dans la « pop culture ». La demande va augmenter pour ce modèle prisé, bien plus que la simple inflation. Au bout d’un moment, le nombre de passionnés pouvant se permettre l’achat va se raréfier. Ils vont se rabattre sur une version moins chère, voire un autre modèle dans le même style et plus récent ou plus diffusé.

Grâce à cela, certains modèles vont sortir de l’ombre petit à petit. L’aspiration se fera en cascade jusqu’à ce que tous les modèles concernés soient devenus chers. C’est une sorte d’effet d’aubaine pour beaucoup.

Vous avez compris le principe ? Non ? Avec quelques exemples ça devrait aller mieux.

Nota : toutes les cotes exprimées ici proviennent de Collector Car Value et s’appliquent à des véhicules en état exceptionnel.

Exemple 1 : les Porsche 911

Pourquoi parler de la Porsche 911 ? Elle n’est pas si répandue mais LE baromètre du marché de l’automobile ancienne. Ce n’est pas pour rien si Hagerty l’utilise comme tel pour un de ses indices, très prisés et très exact au niveau des tendances du prix des anciennes. En tout cas, l’évolution des prix de ce modèle et de ses différentes générations est un parfait exemple du phénomène d’aspiration.

Regardons la Porsche 911 2.0L « SWB », les toutes premières autos construites entre 1964 et 1966. Au début des années 2000, leur prix s’est envolé, passant de 30.000 € en 2004 à près de 250.000 € en 2014. Vous l’aurez compris, cette 2.0L originelle sera notre « locomotive ».

Car derrière elle, tout se met en branle. La suivante, c’est la 2.0L des années 67 et 68. Sa valeur est égale, en 20040, à la première. Moins exclusive, son prix va cependant grimper un peu moins. Pourquoi il grimpe ? Ceux qui ne peuvent se payer la SWB se rabattent sur celle-ci. Pourquoi il monte moins ? Parce que la diffusion n’est pas la même, l’exclusivité aussi. Le plateau au-delà duquel on demande trop d’argent pour le modèle est atteint plus rapidement.


Derrière c’est une vraie cascade. Sur la période concernée, la 2.2 S (70-71) passe de 30.000 € à 180.000 € tandis que la 2.2 E (moins chère à la base) s’arrête vers les 140.000 €. Et l’aspiration marche aussi pour les 2.4 S et E, avec à chaque fois un peu moins de valeur finale (en 2014).
Toutes ces autos vont ensuite stagner, leur prix ne peut grimper sans qu’elles deviennent invendables mais la demande reste élevée. On atteint un plateau pour ces quatre premières générations.


Du côté des autos plus récentes, les SC, les 3.2 et les 964 par exemple, la hausse est beaucoup plus mesurées. Plus loin dans la file, elles ne bénéficient pas du phénomène d’aspiration qu’ont connu les Porsche 911 plus anciennes. Au mieux, les prix doublent, mais une chose est sûre : ils ne stagnent pas !

Par contre, quand les premières de cordée ralentissent et se stabilisent, ces dernières continuent de grimper. En effet, les plus anciennes sont difficilement achetables par les « primo-collectionneurs ». Alors que font-ils ? Ils se rabattent vers les modèles moins chers. Du coup ces modèles restent moins chers mais voient leur prix continuer à augmenter puisque la demande est toujours élevée pour les 911.

En 15 ans, toutes les Porsche 911 sont devenues plus chères. Les 993 suivent petit à petit et même les 996 commencent à être touchées malgré l’image très moyenne qu’elles véhiculent !

Techno Classica Essen 2018 par Gaultier Vilour pour News dAnciennes 54-

Exemple 2 : les Citroën 2CV

L’exemple de la Porsche 911 ne vous convainc pas car il est trop élitiste ? Alors, à ce qui semble être l’autre bout du spectre, intéressons-nous à la bonne vieille deuche.

On repart de 2004. À ce moment, il n’y a que les A de la première génération qui commencent à s’approcher des 10.000 €. Quand la cote explose, pour tendre vers les 60.000 € (on rappelle qu’on ne parle que d’autos en état concours), les A de deuxième génération suivent à distance. Elles sont également aspirées et voient leur prix passer de 6000 € à près de 20.000 € ! Quand les premières se stabilisent en 2014, il reste de la place pour les secondes pour grimper encore et approcher des 25.000 € vers 2017. Les plateaux sont atteints et la cascade commence.

Derrière, sans surprise, ça suit ! Les 2CV AZ, les prochaines sur la liste chronologique étaient en dessous des 5000 € et l’aspiration les amène vers les 15.000 €. Mais quand les A se stabilisent à prix fort, la demande se répercute sur ces AZ et depuis deux ans, les prix repartent à la hausse et dépassent les 20.000 € ! Toujours à distance, car partant de moins de 5000 €, les AZAM passent de 3500 à 7000 € entre 2004 et 2014, se stabilisent au dessus des 12.000 entre 2017 et 2019 et repartent à la hausse depuis deux ans.

Le pire ? Même les 2CV6 ont été aspirées ! Encore une fois les prix sont plus faibles que sur les modèles plus anciens. Mais là encore, ils sont encore en « légère » hausse, pour le moment en tout cas. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas que les récents records réalisés sur des 2CV neuves concernent des autos très récentes.

Finalement, l’aspiration finit même par toucher les Dyane et Ami ! Pire, on se retrouve à une aspiration qui sort carrément du cadre des Citroën puisque des 4L sont également aspirées par les 2CV !

Exemple 3 : avec des modèles différents

On vous a donné deux exemples faciles avec deux autos aux multiples générations. Mais ce qui est intéressant avec le phénomène d’aspiration, c’est quand on montre la corrélation entre deux modèles de marque différentes. Mais par contre, il faut que ces deux modèles mythiques soient de périodes comparables et que leur aura soit à peu près identique.

Ici on va scruter les Fiat 500 (modèle D) et les Mini (850) construites respectivement entre 1960 et 1965 et entre 1959 et 1967.

En 2004 les plus belles Fiat 500 D valent autour des 7000 €. Leur prix explose et en dix ans elles atteignent déjà leur palier, légèrement en dessous des 20.000 €. Le phénomène d’aspiration se répercute sur la gamme des Fiat 500, avec les modèles plus récents notamment, mais s’observe aussi sur la cote d’autres modèles.

Ainsi, la Mini 850 en a bénéficié. Pourquoi elle ? Parce qu’elles s’adressent aux même passionnés, ceux qui veulent une petite voiture, que tout le monde connaît, avec une bouille reconnaissable… et qui ont toutes les deux connu un renouveau avec la sortie de modèles néo-rétro. Du coup, que fait le prix de la Mini ? Entre 2004 et 2014 il passe de 3000 à 11.000 €. Et comme la Fiat 500 a atteint son palier, et qu’il est élevé, la Mini continue de monter.

Un mal pour un bien ?

Ce phénomène d’aspiration est bien embêtant puisqu’il empêche de nombreux passionnés d’accéder aux voitures anciennes qui les font rêver. C’est bien la base du problème. Mais il y a aussi des aspects positifs !

Des autos inaccessibles…

On va d’abord évoquer le point noir d’une telle hausse des prix : certaines voitures anciennes deviennent inaccessibles. C’est vrai, mais le problème n’est pas généralisé. Quand on parle d’une populaire, une 4L ou une 2CV par exemple, il est vrai que la hausse des prix rend ces autos inabordables pour ceux qui voudraient se lancer dans la collection. Néanmoins, il existe toujours une alternative et ça peut être l’occasion de se mettre à la recherche d’une auto moins chère et moins connue. Elle est moins mythique la plupart du temps, mais ça fait sortir des sentiers battus. Pour ces autos là, le regain d’intérêt ne pourra être que bénéfique (et commencer un autre phénomène d’aspiration).

Pour des autos plus chères, c’est un faux problème. Beaucoup de ceux qui hurlent devant les prix atteints par des Porsche 911 ou des Ferrari (quel que soit le modèle) ne devraient finalement pas s’y intéresser autant s’ils étaient raisonnables. La plupart n’avaient pas les moyens de se les offrir à l’époque de leur sortie et n’ont, finalement, jamais eu les moyens de se les acheter, quelle que soit leur cote ou l’année. Ce n’est pas un problème de hausse de prix de la voiture ancienne mais un souci de niveau de vie. Malheureusement le marché de l’automobile ancienne n’a pas grand chose à faire de ces soucis sociologiques.

… mais des autos mieux préservées

Ne faites pas de raccourci ! En parlant de hausse des prix on ne parle pas d’autos qu’on conserve plus à l’abri (même si cela arrive très souvent) pour les préserver. Non, ce qu’on veut dire, c’est que cette hausse des prix s’accompagne généralement d’un relèvement généralisé de l’état des voitures disponibles sur le marché.

Tout d’abord au niveau de la disponibilité des pièces. Il faut toujours des pièces pour restaurer une automobile ancienne, voire pour le simple entretien. Une fois les stocks anciens disparus, il faut impérativement refabriquer. Et ces refabrications coûtent cher.

Quand il faut mettre 500€ dans une pièce, c’est tout de suite plus « acceptable » si la voiture ancienne en question vaut 10.000 €. Si elle en vaut 1500€, autant racheter une autre auto ! La hausse des prix permet aussi que les pros s’intéressent beaucoup plus à ces refabrications. Pensez-vous que les Méhari et deuches seraient aussi bien pourvues si les prix étaient restés les mêmes qu’il y 15 ans ?

D’ailleurs, au delà de l’offre, la qualité est obligée de suivre. Une pièce de mauvaise facture peut éventuellement être mise sur une auto à bas prix. Mais au bout d’un moment, quand le prix de la voiture exige une restauration de qualité, les pièces doivent suivre.

D’autre part, ce qui est vrai pour les pièces l’est aussi pour les restaurations. On comprend qu’il soit compliqué de mettre 30.000 € dans la restauration complète d’un Alfa GTV, même si c’est parfois la seule solution pour sauver l’auto. Mais il faut bien se dire que c’était la même chose il y a encore 10 ans avec le GTV Type 105 (le coupé Bertone si vous préférez). Celui-ci a vu son prix augmenter et maintenant vous avez la possibilité, mais pas l’assurance, de retrouver votre mise en revendant l’auto. C’est ce que permet la hausse des prix.

Conclusion :

Certains peuvent déplorer la hausse des prix. Mais au moins vous avez explication au fait que certaines autos « banales » aient vu leur prix exploser.

Car le phénomène d’aspiration prend le dessus sur tous les autres phénomènes : spéculation, offre et demande, tous sont en fait régis par l’aspiration et le déport de la demande vers d’autres versions et domaines. Et tant qu’on sera de plus en plus d’amateurs de véhicules anciens, le phénomène devrait perdurer.

La seule issue à ces phénomène est malheureuse : que les anciennes soient devenues tellement marginalisées par les règles de circulation et par la difficulté de les fournir en carburant qu’on ne puisse plus les utiliser. Quand bien même, certaines autos devenues « muséiques » resteront chères tandis que d’autres partiront simplement vers des routes plus permissives.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. POISSON Jean-Claude

    La flambée des prix des véhicules anciens, plus particulièrement des populaires comme la 2cv, pose un problème essentiel : celui de la transmission d’une passion. Continuer à faire vivre une ancienne ayant été utilisée par des générations, c’est aussi la pérenniser dans les décennies à venir. Il s’agit donc de rendre l’objet le plus accessible possible auprès des jeunes. Si l’accès n’est plus possible, comment la transmission peut-elle avoir lieu ?

    Répondre · · 11 août 2023 à 16 h 56 min

    1. Benjamin

      Le problème vient aussi de la volonté des propriétaires. Dans le cas d’une 2CV = la transmettre gratuitement (dans la famille) voire une somme raisonnable pour un jeune ou surfer sur les prix et empocher un x2 ?

      Répondre · · 11 août 2023 à 17 h 55 min

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