Swallow Doretti, le roadster qui fit peur aux plus grands

Publié le par Benjamin

Swallow Doretti, le roadster qui fit peur aux plus grands

Au Rallye de Fougère on a eu l’occasion de voir des autos qu’on ne voit pas souvent. La plupart étaient venues d’Angleterre et parmi elles, oh surprise, on retrouvait une Swallow Doretti. Une auto qui est d’ailleurs la seule représentante de sa marque, une marque particulière car initiée et soutenue… par une femme ! On vous présente cette belle histoire.

Une histoire au féminin

Avant de parler de Swallow Doretti, il faut parler de sa créatrice. Elle se nomme Dorothy Deen, elle est née en 1922 en Californie et elle aime les belles mécaniques ! Elle tient ça de son père Arthur Andersen, ingénieur qui se fait connaître en développant les moteurs Whizzer destinés à motoriser des vélos ! Dorothy est impliquée dans l’aventure et est même pilote d’essai ! Plus tard, c’est elle qui vend, par correspondance des moteurs d’avion fabriqués par son père.

Quand son père achète deux Morgan, elle s’achète une MG TD. Si elle court avec, c’est surtout avec un nouveau business que le duo va se faire connaître. Ils proposent des accessoires pour ces petites autos anglaises qui font fureur en Californie. Ailes, porte-bagages ou pare-soleil sont au catalogue de Cal Specialities dont la ligne d’accessoire est appelée Doretti, forme latine, et donc européenne, de Dorothy.

Dorothy Deen- Swallow Doretti

Arthur Andersen change souvent de travail et le voilà employé chez Tube Investments, une société produisant des tubes en acier et travaillant avec les plus grands constructeurs de l’époque. Parmi ces constructeurs il y a Triumph. Il rencontre Sir John Back et un deal est alors passé. Alors que sa fille et lui importeront les futures TR2 en Californie, celle-ci sera également la base d’une voiture toute nouvelle, la Swallow Doretti.

La Swallow Doretti débarque

Pour fabriquer une voiture, pas question d’y aller seul. Andersen va alors impliquer Tubes Investments de deux façon. La première, c’est tout simplement dans la fabrication de la nouvelle voiture. Celle-ci va utiliser un châssis de TR2 mais va le modifier sur les dessins de Franck Rainbow. Avec 76mm de plus en largeur et un empattement de 178mm plus long, la Swallow Doretti sera à la fois plus logeable et plus stable. La carrosserie sera fabriquée en aluminium permettant de garder un poids raisonnablement bas.

Côté design, le même Rainbow crée une belle carrosserie, mix entre les influences anglaises et italiennes. En fait, ça ressemble à du Michelotti, mais ça reste un ovni ! Le fait est que le dessin est réussi et suffisamment « féminin » pour son utilisation.

Tubes Investments est également mis à contribution… pour la marque de la Swallow Doretti. En fait, Tubes Investments s’est porté acquéreur de Swallow Coachbuilding Company Limited en 1946. Cette société vous dit peut-être quelque chose puisque c’est elle qui fut fondée par William Lyons et William Walmsley pour fabriquer des carrosseries, puis des sidecars puis les SS Cars. Quand le nom SS est abandonné par Lyons, seul aux commandes, il revend ses participations dans Swallow et la marque reste à l’abandon pendant quelques années.

La nouvelle voiture se fait vite remarquer, grâce au travail de Dorothy Deen via Cal Sales, une société créée pour l’occasion. Les Swallow Doretti sont expédiées aux USA, en Californie, où la jeune femme en fait la promotion. La présentation dure 6 jours, à l’Hôtel Ambassador de Los Angeles en Janvier 1954. Deen fait tout : la vente, la création du réseau de distribution et même le mannequin pour les pubs de la marque !

Elle profite également des performances de l’auto qui, avec ses 90ch et son overdrive est plus légère que la TR2 et se distingue dans les courses de SCCA (sans vrai résultat). Elle atteint en effet les 60mph en 12,3 secondes et tape les 100mph en pointe ! Autre avantage de l’auto, dans un tout autre registre, l’habitacle bien mieux fini que dans la Triumph.

En bref, les affaires démarrent bien. La promotion est efficace et surtout la Swallow Doretti est une bonne voiture. En un peu plus d’un an on produit 276 voitures dans l’usine et elles se vendent bien malgré un prix de 1102 £ (1158 £ avec overdrive) contre les 887£ de la TR2. Peut-être même qu’elles se vendent trop bien.

Les « grands » ont raison de la « petite »

Mine de rien, 276 exemplaires, c’est un joli score. C’est certes inférieur à celui de la Triumph ou celui de la Jaguar XK120, les deux autos entre lesquelles la Swallow Doretti s’intercale. Le souci c’est que la marque est en plein essor et devrait monter en puissance. Une MKII, en fait un FHC ou coupé hard-top est en préparation.

Swallow Doretti MKII- Swallow Doretti

C’est le moment où William Lyons voit rouge. Le président de Jaguar et ancien propriétaire de la marque goûte moyennement la concurrence qui lui est faite… par un de ses fournisseurs ! Jaguar est un des plus gros clients de Tube Investments. Lyons réussit à convaincre Black. Jaguar et Triumph s’opposent donc à la fabrication de la Swallow Doretti. Si celle-ci ne cesse pas, Tube Investments pourrait perdre un de ses plus gros marchés et ce n’est pas une petite voiture de sport qui comblerait le vide !

La Swallow Doretti est donc enterrée, MkI comme MkII.

Dorothy Deen après la Swallow Doretti

Si Deen ne peut plus compter sur Triumph pour sa voiture, elle va continuer de travailler avec la marque. Cal Sales, vend toujours des Triumph TR2 puis TR3… et ce jusqu’au début des années 60 quand sa société est rachetée par Triumph ! Cal Specialties continue de vendre des accessoires tandis que Cal Services se charge de réparer les voitures, bref c’est une entrepreneuse qui a le vent en poupe.

Avant que Triumph ne rachète sa société, elle va d’ailleurs influer sur les décisions prises par le constructeur et une anecdote l’illustre. Elle repeint des TR2 avec des couleurs rouges, noires et jaunes alors que les couleurs du catalogue sont plus pastels. Résultat : les autre distributeurs qui voient ces couleurs les demandent et elles seront bientôt au catalogue pour la TR3.

Après avoir revendu Cal Sales (qui avait quand même écoulé 15.000 Triumph en 1959), elle se verra proposer un poste pour vendre des BMW par Max Hoffman, qu’elle déclinera finalement. Dorothy Deen reste cependant une des seules femmes (la seule ?) à avoir été autant impliquée dans la naissance d’une marque automobile.

Dorothy Dean avec une Triumph TR3- Swallow Doretti

Les Swallow Doretti en collection

Avec une si faible production, il n’est pas étonnant que les Swallow Doretti soient rares sur les événements. En France, n’en parlons même pas. Même si elle y fut importée officiellement par Jacques Savoye, elle est confidentielle. C’est évidemment aux USA qu’on en retrouve le plus, les anglaises en conduite à droite étant très rares, mais c’est bien l’une d’elles qu’on a croisé à Fougères.

Concernant le prix de l’auto, on évolue évidemment bien au-dessus de la Triumph TR2. Une Swallow Doretti peut se trouver aux alentours des 60.000 € mais il faudra pas loin de 90.000 € pour un beau modèle et encore plus pour une voiture état concours. Reste à la trouver (pour ça vous pouvez scruter les ventes aux enchères).

Photos complémentaires : Doretti & Italia blog et RM Sotheby’s

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Gougnard

    tres interessant ce reportage merci Benjamin

    Répondre · · 1 septembre 2023 à 18 h 18 min

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