Essai d’une Jaguar XK120, 70 ans et toujours jeune

Publié le par Ludovic

Essai d’une Jaguar XK120, 70 ans et toujours jeune

Il y a des jours comme ça où l’on se lève d’un pied déterminé, et chez News d’Anciennes ça arrive régulièrement lorsqu’on sait ce qu’on va essayer dans la journée. Ce jour-là, ce fut une spéciale anglaise. Si l’autre attendra encore au chaud quelque semaines, vous n’allez pas être déçus, on se lance dans le grand bain avec l’essai d’une sublime Jaguar XK120. Une auto mythique, il n’y a pas d’autre mot, aussi agréable à regarder qu’impressionnante, on va découvrir tout ça ensemble.

Notre Jaguar XK120 du jour

Extérieurement : des lignes dignes des plus grands designer

Vous vouliez d’abord revenir sur son histoire ? On ne va pas trop s’y attarder, en fait Benjamin a déjà traité le sujet. Il vous parlera même des différentes évolutions de l’auto.

Ce qui est fou à propos de la Jaguar XK120 c’est de se dire que c’est William Lyons lui-même, fondateur de la marque, qui un jour a décidé de se lancer dans le dessin de cette fabuleuse auto sans faire appel à la moindre société de stylisme en carrosserie automobile. Et ce qui est encore plus fou, c’est de savoir que le challenge était de la créer en seulement deux mois de temps. Le défi est amplement réussi.

Le sublime dessin de la Jaguar XK120

À la base, ce ne devait être qu’un démonstrateur conçu à la va-vite pour compenser le retard pris dans l’industrialisation de la Mark V qui devait étrenner le moteur XK. Et il faut bien se dire que ça aurait été vraiment, mais alors vraiment dommage.

Elle reprend des codes stylistiques qui vont devenir tout simplement mythiques. D’abord un capot long et plutôt fin. La calandre est assez haute mais pas très large, comme une calandre d’avant-guerre en pleine mutation vers le style des autos de l’après-guerre. Cela se confirme avec les ailes de la Jaguar XK120, séparées du capot, mais pas trop. Pour bien replacer l’auto dans son époque, il suffit d’un coup d’œil aux rétroviseurs, placés en haut de ces ailes. Entre les deux on retrouve les phares, forcément ronds et pas encore totalement rejetés sur les « coins » de la voiture.

En-dessous, les deux demis pare-chocs sont simples, nervurés mais rectilignes. C’est d’ailleurs un des traits typiques de la Jaguar XK120 et permet de la différencier en quelques secondes de sa descendante directe la XK140 dont le pare-chocs avant est en une seule pièce.

Le profil de notre anglaise mérite aussi qu’on s’y attarde. Le dynamisme apporté par l’avant, long, est tout de suite visible. L’habitacle est rejeté vers l’arrière et semble creusé dans la ligne générale sans la dénaturer. D’ailleurs, rien ou presque ne vient casser la ligne, pas de baguette chromée, pas d’ornement ou de badge, seule la trappe servant à aérer l’habitacle est découpée dans la carrosserie. Les roues arrière sont en partie carénées et d’ailleurs ces roues se démarquent aussi avec leur simplicité.

La capote est invisible et c’est normal. Notre Jaguar XK120 de 1952 est un roadster, la première des carrosseries disponibles. L’année suivante, un roadster viendra compléter la gamme (qui comprend déjà un coupé, le FHC que Benjamin et Mark avaient essayé il y a quelques années) avec une capote apparente et des montants de pare-brise plus épais.

Jaguar XK120 par Mark pour News dAnciennes 1- Jaguar XK120

L’arrière de la voiture est aussi épuré que le reste de la voiture. Le coffre immense est parfaitement lissé, seuls les feux arrière chromés ressortent et sont plutôt bien intégrés. Deux butoirs, cette fois-ci verticaux, rappellent les pare-chocs présents à l’avant. On aperçoit également les deux longues sorties d’échappement qui ne dénaturent en rien les lignes de cette Jaguar XK120.

Bref, une auto aux lignes simples mais parfaites !

L’intérieur : à l’image du reste de la voiture

La particularité de la Jaguar XK120 à sa sortie c’était de la trouver à des prix très attractifs. Trop bas pour être vrai ! Bizarre pour une sportive, surtout quand on regardait du côté de la concurrence. Puisque la voiture est parfaite à l’extérieur, il faut forcément s’attendre à la déception une fois à l’intérieur… Et bien non !

jaguar xk120 5- Jaguar XK120

Les matériaux utilisés sont de très bonne facture et parfaitement intégrés. Le petit secret de Jaguar était dans la conception, ici tout est symétrique de façon à déplacer le volant à droite ou à gauche suivant le pays de destination, les pièces restaient les mêmes.

Sur celle-ci, les couleurs contrastent merveilleusement bien avec la couleur crème de la carrosserie. Si vous voulez le nom de ces couleurs : rouge et, non pas crème, mais « Biscuit ». On retrouve un immense volant digne des plus gros camions. Celui-ci on ne peut le rater. Personnellement, j’aime beaucoup les grands volants et il faut bien ça pour manœuvrer cette auto qui est tout de même imposante.

L’instrumentation est simple, installée au centre de l’habitacle. Cinq compteurs, pas besoin de plus, et quelques boutons. Nous ne sommes pas dans les années 80 et il y a peu de risques de se perdre dans les commandes !

Sous le capot : le point de départ de ce projet

Si vous n’avez pas eu le courage d’aller faire un tour sur l’article de Benjamin (c’est pas bien !), la Jaguar XK120 est née grâce à ce moteur ! En effet, le moteur était prêt avant même que William Lyons ne décide sur un coup de tête de le présenter dans une série limitée de voiture de sport telle que l’on vous la présente dans cet article.

jaguar xk120 10- Jaguar XK120

On retrouve donc un moteur 3,4 litres commun aux autres XK et jusqu’à certaines voitures des 24 heures du Mans dont la Type C et la Type D. Bien né, ce moteur sur lequel vont se pencher Williams Heynes, Walter Hassan, Claude Bailly et, évidemment, William Lyons lui-même, est alors un des tous meilleurs. 160 ch SAE au programme, c’est bien suffisant pour une voiture de sport de l’époque.

Il faut aussi dire que les premières Jaguar XK120 sont légères. Et même après le changement industriel de 1950 qui voit la carrosserie passer de l’alu à l’acier, les 1325 kg de l’ensemble se contentent parfaitement de la cavalerie proposée. Le tout est transmis aux roues arrière via une boîte 4 vitesses.

Si on doit ajouter quelques mots sur la technique, n’oubliez pas que la XK120 est la première de la bande. Donc les freins à disques, qui seront introduits par sa déclinaison de course, la Type C, ne sont pas encore au programme.

Au volant de la Jaguar XK120

La première chose qui peut choquer lors de la prise de volant d’une Jaguar XK120 c’est déjà l’installation. On pourrait en faire un paragraphe tellement c’est peu aisé ! En effet, même avec de larges portes, il peut être compliqué de s’installer avec le grand volant qui laisse assez peu de place à la manœuvre. Avec de l’entraînement cela semble très simple, personnellement je ne connais pas l’astuce et je me contente de me mettre en mode contorsionniste. Et pourtant je ne fais qu’1m71 !

Une fois l’opération réalisée par contre on est super bien installé, les jambes sont à l’horizontale. Il ne reste plus qu’à démarrer pour réveiller le six cylindres. On est dans une belle ancienne mais on sent tout de même l’ADN sportif de l’animal.

Je ne sais pas pourquoi mais cette auto m’impressionne, ça reste un mythe de l’automobile. C’est assez confortable malgré ce qu’on pourrait croire. La conduite « allongée » peut-être déroutante aux premiers abords mais on s’y fait vite. Au niveau des commandes, tout tombe plutôt sous la main, il faut juste connaître par cœur les boutons car rien n’est indiqué. Pour démarrer par exemple, impossible de le faire moi-même, heureusement que le propriétaire est là !

Bref, en route, bien accompagné par une Austin-Healey qui veut montrer qu’elle est encore plus sportive !

Jaguar XK120 par Mark pour News dAnciennes 6- Jaguar XK120

Les premiers tours de roues

La dame a un certain âge et pourtant je la trouve plutôt moderne pour l’époque. Les vitesses sont plutôt simples à trouver malgré ce que j’en avais entendu, la voilà partie sur de la petite route et on profite du temps qui est également de la partie, pour rouler cheveux au vent. Que demander de plus…

Une chose assez drôle sur la Jaguar XK120 c’est le fait d’avoir le bras à l’extérieur de la voiture en roulant. C’est un passage obligé car les portières sont près du corps. Et puis ce volant il faut bien l’agripper pour piloter la bête… et même sans la piloter à un gros rythme. En effet, il faut faire attention à bien suivre le mouvement de l’auto car celle-ci aura la fâcheuse tendance à se balader de droite à gauche et profiter de la moindre imperfection de la route pour vous y emmener.

En tout cas, l’anglaise se montre impériale dans ce rôle de roadster pour dévorer la route. Pas besoin de scruter le compteur, je suis encore loin d’avoir exploité tout le potentiel du moteur. Il faut dire que les premiers kilomètres sont vraiment effectués avec une certaine retenue, qui dépend autant de mon appréhension que de l’état de la route.

Arrivé à un carrefour, je dois tourner à gauche. TUUUT ! Oups, j’ai malencontreusement actionné le klaxon ! Forcément il est tellement haut/long je ne saurais le définir, il a une forme de tête d’obus ! En tout : cinq ou six coups de klaxon. Même Sébastien de BR Motors Classic et propriétaire du véhicule se fait avoir à chaque manœuvre !

La mise en place passée, sans que je puisse affirmer que je sois en confiance, je commence à avoir la Jaguar XK120 bien en main. Alors comme c’est c’était une sportive. Et bien on va essayer !

Seconde ligne droite, je lance la voiture qui le fait sans broncher, c’est bluffant et c’est fait facilement, juste avec mon pied droit. Certes, l’appui demandera une petite habitude, la position allongée des jambes n’est pas la meilleure pour cette opération. Mes oreilles apprécient le son du moteur, on roule avec élégance mais avec un félin bien planqué sous le capot.

Jaguar XK120 par Mark pour News dAnciennes 3- Jaguar XK120

On arrive ensuite dans un village, et là aussi je suis assez étonné de la polyvalence de cette voiture. Au final, on joue assez peu du levier de vitesses car le moteur a du couple. Il faudra toutefois faire attention à anticiper (comme la majorité des anciennes en fait) puisque le freinage n’est pas son point fort. Autre point qui trahira l’âge de la Jaguar XK120 : sa capacité à passer les dos d’âne sans vouloir arracher la ligne d’échappement !

Une fois les dernières maisons dépassées, je peux réappuyer sur l’accélérateur. Le XK (le moteur) n’a pas besoin de tomber un rapport pour bien repartir. Il est coupleux et accepte sans broncher de partir à l’assaut des haut-régimes. Restons quand même mesurés avec ce terme, le 6 en ligne date des années 50 et la puissance est atteinte à 5000 tours tandis que le couple max s’obtient à 2500 tours. Par contre, à ces régimes, la mélodie est sublime.

Arrivent forcément quelques virages. Cette fois le coude se décolle de la portière. Mes mains agrippent fermement le grand volant de la Jaguar XK120 mais la taille généreuse du volant permet de limiter les mouvements nécessaires au bon placement de l’auto dans la courbe. L’avant est long, je suis assis par terre et il faut avouer que niveau visibilité, mes 171 cm me limitent la vue mais la corde est atteinte et l’anglaise avale ce virage. Le suivant demande un léger coup de frein. Pas de risque de se retrouver encastré dans le volant mais l’opération est validée.

Si le couple permet de ne pas changer de vitesse, la conduite sportive le requiert. J’ai donc descendu d’un rapport avant le virage. Ceux pour qui la boîte Jaguar est synonyme de calvaire et qui craignent un maniement vraiment à l’ancienne n’ont pas goûté une boîte parfaitement restaurée. Elle ne souffre d’aucun reproche et la relance n’en est que plus vive. Je laisse le moteur monter dans les tours avant de passer la quatrième… et de calmer un peu le jeu. Oui, cette fois, j’ai regardé le compteur de la Jaguar XK120.

Pour autant, si la Jaguar XK120 était une voiture de sport en 1952, il faut bien se dire qu’en 2023, peu de collectionneurs la rentreront dans le garage pour une telle utilisation. De fait, je me recale au rythme qui colle bien à son image : celui qui permet de s’enivrer du moteur, de discuter sans trop s’égosiller avec le passager et de profiter des premiers rayons de soleil « chauds » du printemps.

Il est maintenant temps de rentrer l’auto dans son showroom. TUUUT ! Oups un dernier coup de klaxon pour la route !

Conclusion

C’est typiquement le genre d’auto auquel je n’attendais pas forcément quelque chose et c’est justement grâce à ce type d’essai que l’on comprend l’intérêt qu’ont les collectionneurs pour la Jaguar XK120.

C’était une voiture exceptionnelle déjà à l’époque et je pense pouvoir dire que la Jaguar XK120 est loin d’être dépassée, même 75 ans après sa sortie. Alors oui, ça demande quelques efforts pour rentrer à l’intérieur mais ça aurait mérité quelques heures de plus à son volant pour profiter du caractère de ce roadster sportif. Malheureusement les essais sont toujours trop courts !

Les plus de la Jaguar XK120Les moins de la Jaguar XK120
La superbe ligneLa position de conduite
Le moteurL’accès à bord
Les performancesLe prix en constante hausse
Le plaisir du roadster
image- Jaguar XK120
Fiche techniqueJaguar XK120
Années1948 – 1954
Mécanique
Architecture6 cylindres en ligne
Cylindrée3442 cm³
AlimentationDeux carburateurs double-corps
Soupapes12
Puissance Max162 ch à 5000 trs/min
Couple Max264 Nm à 2500 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 4 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Position MoteurLongitudinale Avant
FreinageTambours AV et AR
VoiesAV 1295 mm / AR 1270 mm
Empattement2591 mm
Dimensions L x l x h4394 x 1575 x 1334 mm
Poids (relevé)1325 kg
Performances
Vmax Mesurée193 km/h (120 mph)
0 à 100 km/h9,6s
400m d.a17s
1000m d.a31,4s
Poids/Puissance8,28 kg/ch
Conso Mixte± 13 litres / 100km
Conso Sportive± 19 litres / 100 km
Prix± 90.000 €

Conduire une Jaguar XK120

Vous êtes aussi conquis que nous ? Il est vrai que ça donne envie ! Maintenant on va parler de ce que vous devrez payer pour vous glisser au volant. Déjà, il faut se dire que la Jaguar XK120 n’est pas si rare. En tout cas pour une auto de cette gamme et de cette époque. Elle fut un vrai succès commercial avec 12.055 exemplaires produits entre 1948 et 1954, un succès en grande partie dû à son prix bas. Ajoutez qu’elle a gardé une réelle aura au fil des ans et que beaucoup de modèles ont été particulièrement bien préservés ou restaurés.

Notez aussi que si vous voulez une conduite à gauche, il faudra vous dire qu’il y a de très grandes chances pour que l’auto convoitée ait été vendue aux USA, le marché n°1 de la Jaguar XK120 et même de ses descendantes.

Pour ce qui est du prix pur, dites-vous que les coupés sont les plus abordables. En fonction de l’état, vous pourrez en trouver dès 60.000 € mais vous pourrez monter à 80.000 € pour les plus beaux. Les versions roadster sont répandues mais plus recherchées et là vous commencerez autour des 80.000 € et vous pourrez monter bien plus haut pour un modèle aussi beau que celui que nous avons eu entre les mains. Etonnamment, les cabriolets (DHC) ne sont pas beaucoup plus abordables car ils sont plus rares. Enfin, sachez que les Jaguar XK120 d’avant 1950, uniquement des roadster mais avec une carrosserie alu, demandent de rajouter entre 30 et 50% à ces prix !

Si vous voulez payer un peu moins cher, et qu’en plus vous avez envie de plus de place à bord, vous pouvez toujours vous tourner vers une Jaguar XK140… mais vous n’économiserez pas grand chose !

Côté mécanique, le moteur XK était inauguré par la Jaguar XK120 mais il a continué longtemps sous le capot des autos de la marque. La disponibilité des pièces est plutôt bonne même si, clairement, le Brexit a fait augmenter les prix et a rallongé les délais. Vous pourrez toujours vous attaquer vous-même à la mécanique, simple et accessible, mais vous pourrez aussi compter sur de nombreux professionnels dans le pays qui sauront vous entretenir ou restaurer votre auto.

En attendant, vous pouvez retrouver ce magnifique exemplaire chez BR Motors Classic, merci à Sébastien pour le prêt de ce bijou de l’automobile et pour le partage de sa passion.

Ludovic

Ayant rejoint News d'Anciennes courant 2017, Ludovic et sa fidèle Coccinelle parcourent les rassemblements à la conquête de reportages photos.

Commentaires

  1. Gougnard

    superbe jaguar merci ludovic

    Répondre · · 1 mai 2023 à 19 h 08 min

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