Le V6 PRV aurait-il dû être un V8 ?

Publié le par Benjamin

Le V6 PRV aurait-il dû être un V8 ?

Rares sont les moteurs qui ont aussi mauvaise presse que le V6 PRV. Pourtant, c’est bien lui qui a permis aux marques automobiles françaises de pouvoir s’affranchir du 4 cylindres qu’on retrouvait des autos les plus populaires aux plus sportives. Si le V6 PRV est aussi moqué, c’est à cause de sa sonorité étrange qui serait due au fait que le moteur aurait dû être un V8. On va commencer par conclure : c’est faux. Mais on vous explique.

Les deux moteurs Z

Après avoir été rebâtie par le plan Pons, l’industrie automobile française a fait l’impasse sur les gros moteurs. À la fin des années 60, les constructeurs élargissent pourtant leur gamme. Tous veulent viser plus haut de gamme. Citroën mise sur le moteur à piston rotatif et investit dans la Comotor. Du côté des deux plus grands constructeurs, Renault et Peugeot, on va rationnaliser. Les deux mastodontes décident de s’allier et créent la Française de Mécanique qui va produire des moteurs à Douvrin.

Pourtant le premier né, ce sera le moteur X, qui n’a rien de haut de gamme puisqu’il équipera quelques années plus tard les Peugeot 104, c’est connu, ET les Renault 14, ça l’est moins.

Mais ce n’est qu’un premier pas. En s’associant avec le Suédois Volvo, qui connaît le même souci de dépendance aux 4 cylindres et qui est encore plus dépendant du marché américain et de ses grosses cylindrées, on crée la société des « Moteurs PRV » qui va produire à Douvrin. Moteurs, c’est bien au pluriel.

Vu que la famille des Moteurs X est en route, la prochaine sera celle des Moteurs Z. En effet c’est une famille de moteur qui est décidée. D’un côté on retrouvera le ZM, un V6, et de l’autre, le ZO, un V8. Deux moteurs qui ont une parenté très étroite.

En effet, la rationalisation est poussée jusqu’au bout. Afin d’utiliser des pièces et de l’outillage déjà existants pour les moteurs XN des (petites) Peugeot 504 on part sur un alésage de 88 mm. La course est fixée à 73 mm ce qui permet une cylindrée unitaire de 444 cm³. Le V6 cubera donc 2664 cm³ et évitera la fiscalité française, pas très accommodante avec les autos de plus de 2,8 litres. Le V8 cubera lui 3552 cm³, une cylindrée modeste, mais on est ni allemand, ni italien !

Les deux moteurs doivent apparaître au milieu des années 70 : on lancera le V6, le plus attendu, en 1974 et le V8 deux ans plus tard. Mais le choc pétrolier va passer par là. La consommation du V6 est déjà grande, celle du V8 sera énorme. Le moteur ZM ira jusqu’au bout. Pas le ZO.

PS : dommage que l’affichette ne soit pas correcte !

L’inconvénient de la double conception

Les deux moteurs n’avaient pas qu’une cylindrée unitaire en commun. En fait, c’est toute la conception qui était commune, si bien que le moteur ZM était un ZO amputé de deux cylindres ! Problème pour le ZM, on a privilégié l’architecture du ZO avec son V8 dont les bancs de cylindres sont logiquement à 90°. Mais le ZM est resté avec ses bancs à 90°… et on a pas revu le vilebrequin.

Alors quel est le souci ? Dans un moteur quatre temps, on retrouve un allumage, une combustion dans un cylindres tous les deux tours de vilebrequin. Celui fait donc 720°. Néanmoins, les bielles ne sont pas toutes sur le même plan, c’est le principe du vilebrequin. Du coup, on divise ces 720° par le nombre de cylindres. Sur un 6 cylindres, on a un allumage tous les 120° quand il est de 90° sur un 8 cylindres.

Sur les moteurs en V, on peut dévier de ces angles. Ainsi, les V6 sont souvent à 60° puisque les bancs de cylindres opposés « s’annulent ». Sur le V8, on reste à 90° presque tout le temps.

Dans le cas de notre V6 PRV ZM à 90°, on a un allumage tous les 90° et un autre tous les 150°. En fait, le moteur ne tourne pas rond. On retrouve des « loupés » à l’allumage, ce qui a pour origine le fait que le moteur ait une sonorité si particulière. La solution, c’est l’adoption d’un vilebrequin à manetons décalés qui permette de rattraper ces soucis. Le V6 PRV y passera bien. Mais seulement en 1985.

L’avantage (oublié) de la conception du V6 PRV

Que des inconvénients ce V6 à 90° ? Il y en a un qui a permis à ce moteur de se retrouver sous bien des capots, qu’ils soient avant, centraux ou arrières : la compacité du moteur. Avec un angle de 90°, il est logiquement moins haut, mais plus large.

Schema Hauteur Moteur-

Et ça va être un vrai avantage, un avantage qui va d’ailleurs permettre au V6 PRV d’obtenir un certain succès dans des autos sportives ! On notera d’ailleurs, que c’est un avantage recherché sur un autre V6 à 90° : celui de la Citroën SM !

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Régis VIRIOT

    Merci Benjamin pour ces précisions qui remettent l’histoire dans le bon ordre. Ces moteurs ont connus de multiples versions et utilisations qui peuvent fournir matière à nombre d’articles à venir.
    Ainsi que le « PR » des 505, R20, CX, etc…

    Répondre · · 9 août 2022 à 12 h 01 min

    1. Benjamin

      Le Douvrin (je préfère ce nom) mériterait aussi un article en effet.

      Répondre · · 9 août 2022 à 15 h 48 min

    2. Avouac

      Non, pas de PRV sur la CX, mais sur la XM dès sont lancement.

      Répondre · · 13 août 2022 à 10 h 24 min

      1. Régis VIRIOT

        Nous sommes bien d’accord, j’évoquais le Douvrin sur la CX, pas le PRV

        Répondre · · 29 août 2022 à 12 h 27 min

  2. Philippe

    Et oui l’angle du bloc a favorisé son intégration sous le capot des dernières Alfa 155 TI du championnat DTL (Busso ne vous dit pas merci).
    Les V6 Mercedes sont apparus avec 90° pour des raisons d’outillage commun avec les V8 avant de passer à 60°.

    Répondre · · 9 août 2022 à 12 h 22 min

  3. De B

    Superbe article merci de montrer cela
    La vraie désaffection envers ce moteur réside un peu aussi dans sa puissance faible et sa consommation forte : un moteur solide … mais quand même raté sur le plan motoriste et l’angle n’explique pas tout loin de la.
    Lance en 2,664 cm3 il donnait … 128 ch aux États Unis, 130 dans la 604 ou la r30 et 144 si ma mémoire est bonne dans l’espace v6. Pour 14-16 l aux 100
    Le 2,2 4 cylindres lui était bien supérieur
    En revanche peu de nox et il a même été le moteur le plus propre aux États Unis pendant plusieurs années.

    Répondre · · 9 août 2022 à 16 h 00 min

  4. Lescaut

    Merci pour cet article.
    J’ai roulé à La Garenne dans les années 70 (1974 1975 ?) avec un prototype 604 V8 ZO. Elle était noire et avait une bosse sur le capot pour loger l’admission. Je ne sais plus dire la date exacte mais les motoristes de La Garenne travaillaient encore dessus.

    Répondre · · 9 août 2022 à 19 h 23 min

  5. Allan Wagos

    C’est une fois les manetons décalés du PRV 6 que ce moteur tournait rond …( j’ai revendu cette année ma Safrane V6 Baccara 170 CV …moteur très souple et silencieux, increvable également ) le PRV 6 a même équipé la Lancia Théma avant qu’elle adopte un moteur Ferrari …..Un avion de tourisme Robin également, y compris un blindé militaire Sagaie de reconnaissance ….Une Mercury aux USA …etc…..

    Répondre · · 10 août 2022 à 11 h 50 min

  6. Stephane T

    N’oubliez-pas que le V6 PRM a aussi été utilisé dans la DeLorean !

    Répondre · · 12 août 2022 à 23 h 43 min

  7. Vlgm

    La sm avait un moteur d’origine Maserati il me semble, assez difficile à régler à l’allumage me semble t’il d’ailleurs.

    Répondre · · 13 août 2022 à 14 h 54 min

  8. Jpierre

    Toute la question est de savoir pourquoi le vilebrequin du V6 première mouture n’avait pas les manetons décalés. D’autant que, comme les manetons sont jumelés, il n’y a pas de contrepoids pour faire le lien entre les manetons si on les décale. Ce problème de métallurgie et de forgeage a été résolu ensuite pour donner un allumage régulier.

    Répondre · · 28 août 2022 à 16 h 04 min

    1. philippe

      Peut-être parce-que la technique du vilebrequin coulé et non forgé ne semblait pas le permettre à l’époque ?
      En tous cas le V6 Renault-Gordini, le V6 Maserati et autres Chevrolet 3.8 étaient bien à 90° mais manetons décalés.

      Répondre · · 29 août 2022 à 9 h 50 min

      1. JPierre

        Certainement la bonne explication, Philippe.

        Répondre · · 30 août 2022 à 17 h 24 min

      2. JEAN PHILIPPE GUIGNARD

        eh non philippe , ces moteurs là etaient à manetons commain , tout comme le prv

        Répondre · · 11 janvier 2024 à 21 h 53 min

        1. Philippe

          Ok, c’est étonnant parce-que seul le PRV était considéré comme boiteux et décrié pour ces caractéristiques. Ici un article – a noter qu’ils évoquent le PRV monté dans les Alfa 155 DTM, peu connu. six-cylindres.blog4ever.com/6-cylindres-en-v-a-90-avec-manetons-non-decales

          Répondre · · 12 janvier 2024 à 10 h 09 min

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