La Talbot Solara : le début de la fin ?

Publié le par Valentine

La Talbot Solara : le début de la fin ?

La Talbot Solara, cette berline française aux consonnances hispaniques est une auto un peu oubliée parmi les voitures anciennes des années 80. Elle représente une période de crise (identitaire autant que financière) chez PSA et derrière sa petite carrière se cache l’histoire de la tentative de faire revenir le nom Talbot sur la scène automobile. On vous raconte.

Chrysler, Simca et PSA : un mariage à l’origine du bébé Talbot

Pour comprendre un petit peu pourquoi la Talbot Solara est née, il faut revenir en arrière. Le tout début de l’histoire commence en 1963. Oui, je remonte loin mais il faut tout comprendre ! Cette année-là, la marque Chrysler devient l’actionnaire majoritaire d’une marque à l’hirondelle que l’on connaît bien, Simca. En 1970, Chrysler rachète les toutes dernières part qui appartenaient encore à Fiat et devient propriétaire de Simca, qui devient alors la filiale française de Chrysler. Les modèles s’appellent encore Simca mais le constructeur se nomme bien Chrysler France à partir de ce moment-là.

Je vous préviens, nous n’en sommes qu’aux prémices d’un triangle amoureux digne des Feux de l’Amour. A la fin des années 70, Chrysler traverse une grosse crise. En 1978, c’est le groupe PSA qui finit par racheter Chrysler Europe, composé des trois filiales : évidemment Simca en France, Rootes et Sunbeam en Angleterre et Barreiros en Espagne. PSA était fraichement nommé ainsi suite au rachat de Citroën par Peugeot en 1974. Ce rachat est un avantage pour Chrysler puisque l’Europe n’a plus d’intérêt pour le groupe et en plus d’une jolie somme, Chrysler reçoit des actions PSA.

C’est aussi un bel avantage pour PSA. Ces marques proposées par Chrysler Europe sont pour PSA une opportunité de s’implanter sur ces marchés européens. De plus, l’usine Simca/Chrysler de Poissy est une usine qui va permettre à Peugeot de renforcer ses capacités de production. Quoi de mieux pour combattre la concurrence que de la racheter ?

Pourquoi Talbot ?

Après cet énorme investissement, PSA veut utiliser à son avantage les ressources héritées de Chrysler. Peugeot décide alors de tirer un trait sur le nom de Simca. Il faut alors trouver un nom sous lequel toutes les voitures du groupe seraient vendues.

Talbot était, à l’origine, le nom d’une marque automobile disparue en 1958, après avoir été rachetée par Simca. C’est le serpent qui se mord la queue, oui. Talbot construisait des autos de prestige et ce nom était donc associé à un certain standing qui plaisait à Peugeot. D’après PSA, le nom Simca était quant à lui peu apprécié en Europe. C’est donc pour cela que Peugeot choisit Talbot comme nouveau nom pour ces autos.

Dès 1979, les Chrysler Simca deviennent des Talbot Simca. La Simca Horizon par exemple se voit offrir son tout nouveau badge : un T pour Talbot, entouré d’un cercle. Les Chrysler Simca 1307 et 1308 elles aussi seront un temps commercialisées sous ce logo. Toutefois, ces modèles vont vite disparaitre, au profit de la 1510. PSA reprend les 1307 et 1308, les modifie légèrement et font ainsi naitre la 1510. En même temps, Peugeot lance une grande campagne de publicité expliquant ce changement de nom.

De la 1510 à la Solara il n’y a qu’un pas

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est la question que devait se poser PSA en 1979. Malgré la campagne de pub censée faire comprendre à la clientèle que Chrysler Simca, c’est terminé, les français peinent à s’y retrouver.

Le nom Talbot lui-même posait problème. Certains, connaissant l’origine de ce nom y voyait un non-sens tandis que pour d’autres il n’évoquait rien du tout. Mais surtout, tout était confusion. Certains 1510 vendues Talbot portent encore le badge Chrysler et cela cause l’incompréhension. De même que certaines Talbot Horizon sont encore badgée Simca Chrysler. Il est donc temps pour Peugeot de créer une auto qui nait sous le nom Talbot et qui ne s’appellera qu’ainsi.

On fait donc à nouveau chez PSA une petite séance de recyclage et on reprend la base de 1510. Il n’y a pas de petites économies dit-on. On offre à cette dernière une nouvelle version, en berline tricorps. Cette nouvelle auto sera toutefois désignée comme un nouveau modèle à part entière : la Talbot Solara. Pas Chrysler Simca Solara, ni Talbot Simca, juste Talbot. Voilà qui est plus simple. Enfin, presque…

Avec la Solara, on verra aussi naitre sous le nom Talbot les Tagora, plus grande et Samba, plus petite. Du coup, au milieu de tout ça, la 1510 toujours commercialisée fait un peu tache par son nom. De plus, comme la Solara est issue de la 1510, certaines toutes premières seront encore serties de logos… Chrysler Simca !

La naissance de la Solara n’est toutefois pas qu’une histoire de nom. Cette dernière est donc une version 4 portes et tricorps, de la 1510. L’arrière tout entier de la voiture sera revu pour créer la Talbot Solara. Dans les années 70, les berlines à hayon représentaient une nouveauté de plus en plus répandue. Il y avait quand même autant d’amateurs de berlines tricorps que de berline à hayon.

Peugeot était la marque des « bourgeois de province » par excellence, et préférait les berlines tricorps à la ligne fastback. La preuve en est avec les autos de la marque au lion : les 305, 504 et 505 suivent cette architecture. Sochaux veut donc proposer à sa clientèle une Talbot destinée à être plus statutaire que la 1510, tout en restant une auto plus abordable que les Peugeot elles-mêmes.

La Talbot Solara garde donc une ligne sobre et discrète. Elle était d’ailleurs plutôt moderne pour son époque.

Les évolutions de la Talbot Solara

La Talbot Solara débute donc sa carrière en 1980. Elle sera présentée pour la toute première fois à Versailles.

Sous le capot de la dernière née, on ne change pas une équipe qui gagne puisque PSA va y placer le fameux moteur Poissy. Déjà dans la 1510, il s’agit d’un moteur 4 cylindre en ligne apparu pour la première fois dans la Simca 1200 et popularisé par la 1100. Le Poissy est un moteur fiable et économique, c’est donc une option de choix pour la Solara.

A son lancement, la Talbot Solara était disponible en entrée de gamme en version LS et GL. Ces deux autos étaient équipées d’un 1.5l de 1442 cm³ délivrant 70 et 85ch chacun. En haut de gamme, la Solara a le droit au 1.6l pour équiper les GLS et SX. Le 1.6l, de 1592cm³ pour être précis, développait alors 88ch.

Dès 1982, le moteur Poissy de 1.6l connait une amélioration et passe à 90ch. En même temps, c’est la fin de carrière pour la Talbot 1510. Cette dernière ne connait plus assez de succès et la place est laissée à la Solara. En France seulement, car sa production continue en Espagne, en Grande Bretagne, mais aussi en Finlande et en Nouvelle-Zélande !

Pour le millésime de 1983, la Talbot Solara GL reçoit, elle aussi, le 4 cylindre 1.6l dans une version dégonflée. Ce dernier, avec un carbu simple corps, développait alors 70ch. La même année, deux séries spéciales viennent compléter la gamme : la Pullman, équipée d’un moteur 1.5l et l’Executive qui sera motorisée comme la nouvelle GL. Ces nouvelles versions sont mieux optionnées et effleurent le haut de gamme pour la clientèle Talbot.

En 1984 on effectue des améliorations mécaniques, en ajoutant dans les Solara de nouvelles boîtes de vitesses proposées par Peugeot. Celles-ci remplacent les anciennes transmissions Simca.

Puis, l’année suivante c’est à l’esthétique que l’on s’attaque. On supprime la calandre en plastique avec un peu de chrome pour du plastique peint couleur caisse, plus à la mode à l’époque. L’intérieur aussi est remanié, on va emprunter à la Peugeot 305 le volant, le levier de vitesse et les commodos pour les greffer dans la Solara.

Talbot Solara

C’est aussi en 1985 que les versions LS et GL abandonnent le moteur 1.3l pour le 1.6l. Ces dernières étaient disponibles dans les deux versions du moteur, en 70 et 90ch.

Finalement, la Talbot Solara ne sera ni tout à fait premium, ni tout à fait sportive, ni bas de gamme pour autant. Elle est un mélange de tout ça. Elles restaient des autos fiables, avec des finitions et un tarif attractif par rapport aux Peugeot et Renault à l’époque. Les séries spéciales pouvaient même permettre un certain standing supérieur !

Une belle carrière malgré tout

1985 marquera la dernière année de production de la Talbot Solara sur le sol français. Sa carrière ne s’arrête pas là, elle sera ensuite produite en Espagne. En effet, la chaîne de production de Poissy est à partir de ce moment là réservée à un tout autre projet : la future Peugeot 309.

A peine née (ou ressuscitée) , la marque Talbot se voit déjà écarté. La crise issue du krach pétrolier touche beaucoup PSA, qui se trouve, dans une situation difficile et la 205 commence seulement à revigorer la santé du groupe. Trois marques deviennent de trop pour le groupe et Talbot s’éteint en 1986.

La Talbot Samba, créée sur la base de la 104 est une réussite mais cela ne suffit pas à garder Talbot. La Talbot Solara s’en sort finalement bien dans ce contexte difficile. La concurrence est rude, la Peugeot 305, la Citroën BX et la Renault 18 dominent le marché mais la Solara sera tout de même produite à 184.976 exemplaires au milieu de tout cela.

Fin de carrière espagnole

La fin de carrière de la Solara sera donc en Espagne. Elle y sera fabriquée jusqu’en 1987. Le nom Solara n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard, il a aussi été choisi pour plaire à ce marché. On produit en Espagne la série Escorial, une version haut de gamme qui se veut l’équivalent de la Solara SX française. Elle sera d’ailleurs disponible en version Diesel, motorisée avec le 1.9l XUD PSA de 65ch.

La Talbot Solara en collection

Il est difficile de donner une fourchette de prix pour le marché actuel concernant la Talbot Solara. Si elle a tout de même été produite dans un certain nombre, il est assez difficile d’en trouver une à vendre de nos jours. De plus, comme elle n’a pas beaucoup de succès parmi les collectionneurs, le peu de modèles trouvables ne sont pas toujours en très bon état. Les Talbot Solara semblent toutefois sortir un peu de l’oubli. Elles sont finalement de bonne routières, facile à conduire pour un prix qui reste abordable.

Pour parler de la côte, une Solara même dans une version peu optionnée et d’entrée de gamme vaudra au moins 2.000 à 2.500€. Une belle SX ou une version Executive ne se vendra pas moins de 5.000 voire 6.000€. C’est finalement l’occasion d’acquérir une ancienne originale sans avoir un énorme budget.

Photos complémentaires : Wheelsage

Valentine

Passionnée d'automobile depuis de nombreuses années, Valentine, étudiante en journalisme, rejoint l'équipe de News d'Anciennes en tant qu'apprentie. Les voitures anciennes, elle aime en parler, les prendre en photo mais surtout en prendre le volant !

Commentaires

  1. Didier Tougard

    Cet article me rappelle des (bons) souvenirs, La Talbot Solara SX fut ma première voiture achetée neuve en octobre 1981 ! Finalement une des plus fiables que j’ai possédées !

    Répondre · · 1 mars 2024 à 17 h 38 min

  2. Philippe

    3 marques étaient de trop dans les années 80 et désormais Stellantis cumule … 10 marques !

    Répondre · · 1 mars 2024 à 22 h 07 min

    1. Pierre

      C’est un peu plus complexe que cela, qu’on le veuille ou non. PSA était exsangue dans les années 80, sur ses propres fonds. Regardez la quantité d’investisseurs extérieurs au capital de Stellantis, et vous verrez que 10 marques, avec une mauvaise segmentation, est envisageable. Même si, quand on voit la direction prise, il ne va pas en rester beaucoup d’ici peu…

      Répondre · · 2 mars 2024 à 9 h 38 min

      1. LESIMPLE

        Mauvaise segmentation… Du 1.2 l Puretech aussi!

        Répondre · · 2 mars 2024 à 10 h 21 min

        1. Jean-Pierre MANIERE

          Excellent !

          Répondre · · 8 mars 2024 à 20 h 47 min

      2. Robert

        Oui, Peugeot-PSA-Stellantis a une pratique historique de couler les marques qu’il rachète !

        Répondre · · 2 mars 2024 à 17 h 32 min

        1. Philippe

          Et là non puisque Tavares a décidé de ressuciter Lancia sans trop qu’on sache à quelle clientèle il s’adresse entre DS, Alfa et Lancia – ce qui précisément avait fait que Marchionne la laisse disparaître.

          Répondre · · 4 mars 2024 à 9 h 38 min

  3. dref

    Article sympa, merci.
    Je me souviens de ce joyeux b*rdel, quand j’étais gamin, où ces quelques modèles semblaient produits par plusieurs marques à la fois.
    Si vous ne l’avez pas déjà fait, dans la même lignée je serais intéressé par un (ou deux) articles sur la Rancho et la Baguera (aucune idée de l’orthographe ), pour lesquelles il me semble qu’on avait les même parties-prenantes, mais avec Matra en plus, non ?

    Répondre · · 2 mars 2024 à 9 h 53 min

  4. amelo

    Je me suis fait enfumé plusieurs fois au démarrage sur la série de feux a Dreux , je me croyais le roi du run en A112 Abarth 70cv mais rien a faire contre le couple d une tagora sx !!!

    Répondre · · 2 mars 2024 à 12 h 13 min

  5. dambrugeac

    Peugeot a toujours été un destructeur de marque. Talbot à suivi le sort de Hotchkiss, comme Panhard avec Citroën, ou Delage etc… Et après on s’étonné qu’il ne reste plus aucune marque de prestige en France…

    Répondre · · 2 mars 2024 à 14 h 37 min

  6. Ganet

    Après une excellente 1308GT j’ai continué avec la Solara SX, que du bonheur ,je reste nostalgique de ce temps là donc….de ma jeunesse

    Répondre · · 2 mars 2024 à 19 h 41 min

  7. Chobert

    Je travaillai dans une concession Simca à l’époque, c’était une bonne voiture très confortable. Le rachat de Simca par Peugeot avait donné beaucoup d’espoir , mais cela n’a duré pas longtemps, et il est arrivé la même chose qu’à Panhard fin des années 60

    Répondre · · 7 mars 2024 à 13 h 21 min

  8. Jacques

    L’automobile c’est comme la politique, au moins y a de partis au moins y a d’adhérents. Pour vendre beaucoup il faut ratisser large . Tavares l’a compris.

    Répondre · · 27 avril 2024 à 6 h 53 min

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