La Bricklin SV-1, belle promesses mais fin suspecte

Publié le par Benjamin

La Bricklin SV-1, belle promesses mais fin suspecte

À l’US Motor Show, Nicolas est tombé sur une vraie rareté, surtout en France. Si vous ne connaissez pas la Bricklin SV-1, c’est tout à fait normal. Pour faire bref : vous prenez l’histoire de la De Lorean DMC-12 et vous faites un copier-coller quelques années auparavant en remplaçant l’Irlande par le Canada. Dans le détail, c’est effectivement une sacrée histoire qu’on vous raconte de suite.

De la plomberie à la construction automobile

Premier parallèle avec De Lorean : le fondateur mégalo. Mais là on va encore plus loin dans les histoires troubles et ça commence bien avant l’aventure de la Bricklin SV-1. Malcolm Bricklin est le fils d’un plombier. À seulement 19 ans, en 1958, il fait passer l’entreprise dans une autre dimension en lançant Handyman America. Ce magasin de fournitures de plomberie est novateur avec ses magasins ouverts 7 jours sur 7. Le concept intéresse beaucoup de monde et devient une franchise.

Néanmoins, Malcolm Bricklin a surtout flairé une belle arnaque. Il empoche les quelques millions de dollars des franchisés, organise son insolvabilité et quitte la compagnie juste avant qu’elle ne soit déclarée en faillite !

Après s’être fait plutôt discret, le revoilà avec une nouvelle entreprise. Il fonde Subaru of America en 1968 et importe de façon exclusive les produits de Fuji Heavy Industries, la maison mère de Subaru. Deux produits sont au programme, un scooter qui se vend très bien et la Subaru 360.

Subaru 360 1- Bricklin SV-1

Cette dernière est une microcar qui détone sur le marché américain et qui est surtout très mal vue niveau sécurité. En bradant les autos et organisant des compétitions de stationnement sur des parkings de supermarchés, Malcolm Bricklin réussit à écouler 10.000 voitures !

Ce succès, de chiffres, lui permet d’ouvrir le capital et de mettre la société en bourse. Subaru est en pleine expansion et veut reprendre la main. La marque rachète alors l’entreprise à prix fort.

Bricklin se lance alors dans un nouveau projet. Et comme De Lorean quelques années plus tard, son ambition est « simple » : produire une voiture novatrice !

Les belles promesses de la Bricklin SV-1

C’est à Phoenix qu’il lance General Vehicles, la société qui devra produire une voiture. Elle doit être belle et performante. Surtout elle doit être sûre, très sûre. Plus que la pollution, c’est la sécurité qui est alors l’argument n°1 aux USA et c’est là-dessus que va surfer la Bricklin SV-1 dont le SV signifie tout simplement Safety Vehicle.

Évidemment, Malcolm Bricklin n’a rien d’un ingénieur. Pour concevoir sa voiture il fait appel à Bruce Meyers, le créateur des buggies du même nom. L’homme va réutiliser ses bonnes vieilles recettes en utilisant un châssis de Cox, un moteur de Cox mais va, quand même, proposer une carrosserie moderne et fermée. Cette auto n’est pas du goût de Bricklin puisque c’est un Kit-Car alors que l’homme veut une « vraie » voiture. Il fait donc revoir le projet par Dick Dean et surtout par Marshall Hobart qui créent les lignes définitives de l’auto en ajoutant, notamment, les portes papillon, comme la DMC-12 quelques années plus tard.

Bricklin Grey Ghost- Bricklin SV-1

La Bricklin SV-1 est née. L’auto est, évidemment, mue par un V8 venant de Détroit, un AMC 360ci de 220ch. De nombreux autres éléments mécaniques sont repris sur les étagères des Big Three et la voiture est prête.

Sur le papier, elle est effectivement prometteuse et vise la Chevrolet Corvette au niveau des performances. Côté sécurité, la Bricklin SV-1 met le paquet. Les pare-chocs caoutchouc sont « légaux » et résistent à un choc à 5mph. Mais on va plus loin en montant celui de devant sur amortisseurs ! Le châssis tubulaire entoure l’habitacle et le réservoir lui garantissant de bons résultats aux crash-tests.

Côté équipements, on ne lésine pas : direction et freinage assistés, ouverture des portes automatique avec vérins, radio AM-FM, pneus radiaux, vitres teintées, etc. En plus de cela, on propose un prix imbattable pour la Bricklin SV-1 : 4000 $ !

Les belles promesses de Bricklin

Pendant que la Bricklin SV-1 se prépare, Malcolm Bricklin s’attaque à l’industrialisation. Il fait de prétendues études de marché qui prévoient un volume de 10.000 autos… par an !

Un chiffre qui va séduire au New Brunswick, état de l’Est Canadien. Son premier ministre, Richard Hatfield est en pleine campagne électorale. On a besoin de deux usines avec des centaines d’emplois à la clé. Le New Brunswick va donc avancer 4,5 millions de dollars et garantir un prêt de 12 autres. Le Canada rajoute 3 millions de dollars. Malcolm Bricklin a alors vendu 67% de la société et c’est le New Brunswick qui est propriétaire de l’usine dont vont sortir les voitures. Là encore, ça ressemble à la DMC !

La carrière de la Bricklin SV-1

Malgré l’argent public, la société a du mal à tout mettre en place. Il faut encore plus d’argent et on va demander aux 400 concessionnaires de payer l’intégralité des pré-commandes. Sauf que le prix a grimpé à 6000 puis finalement 7490 $. Avec cette rentrée d’argent frais, on finalise l’auto et on fabrique les premières autos, en retard évidemment, qui arrivent chez leurs clients en 1974.

Le parallèle avec la De Lorean reprend de plus belle. Les ouvriers canadiens sont pleins de bonne volonté mais ne sont clairement pas des ouvriers de Détroit. Les soucis de qualité sont nombreux.

Commençons par la carrosserie. Du premier prototype on a créé une voiture en argile, elle-même scannée à Détroit pour devenir un « master » en bois sur lequel on créée les moules. Les moules servent à fabriquer les panneaux de carrosserie qui sont ensuite fixés sur la structure. Pour la couleur, on ne peint pas les panneaux mais on les teint dans la masse. Le procédé est cependant mal maîtrisé et les premières Bricklin SV-1 présentent de nombreux défauts d’aspect.

Autre problème : les portes. La Bricklin SV-1 est sensée les ouvrir via un bouton qui enclenche les vérins. Sauf que ceux-ci sont mal dimensionnés et rendent l’âme après quelques utilisations. De fait, les portes ne s’ouvrent plus, ce qui n’empêche pas qu’elles ne soient pas étanches !

On doit donc remédier à ces problèmes, sans que la trésorerie ne soit vraiment assurée ! Malgré un prix qui grimpe à 9980 $ pour les autos de l’année 1975, on a du mal à payer les fournisseurs. Les pièces sont achetées là où on les trouve et on doit même changer de moteur en abandonnant le moteur AMC pour un Ford Windsor de 351ci de base avec 175ch au programme.

Moteur Ford de la Bricklin SV 1- Bricklin SV-1

Seules 2062 sont fabriquées en 1975 alors qu’on devait atteindre le chiffre de 1000 Bricklin SV-1 chaque mois ! Dès Septembre 1975, l’usine est condamnée, les pouvoirs public ne voulant pas remettre de l’argent dans l’aventure, et mise séquestre ! Quelques autos sont encore sur les lignes et seront terminées et vendues en 1976. Au total 2854 Bricklin SV-1 auraient été construites. 40.000 autos commandées ne seront jamais livrées !

Bricklin s’en tire bien

L’échec de la Bricklin SV-1 aurait dû mettre Malcolm Bricklin dans la panade… mais c’est bien l’état du New Brunswick qui est majoritaire dans la société et va devoir s’acquitter des 40 millions de dollars de dettes ! Est-ce que le plan était délibéré ou juste suffisamment bien réfléchi avec un pire des cas bien anticipé par Malcolm Bricklin ?

Le nom de Bricklin n’est même pas suffisamment entaché pour qu’il se retire de l’automobile. Il va ensuite importer des Fiat aux USA (les 124 et X1/9) va aller plus loin dans la blague en faisant de même avec des Yugo, en reproduisant la recette Subaru avant de se lancer dans la production d’un vélo électrique. Enfin, c’est finalement lui qui va tomber sur plus malin quand il se lance dans le projet d’importer les Cherry chinoise aux USA et en Grande-Bretagne alors même que le constructeur utilisera ses ressources pour travailler avec Chrysler !

Pour en finir avec la Bricklin SV-1, l’auto a été fiabilisée par les fans. On estime leur nombre entre 1100 et 1500, plus de la moitié en soit. Et si elle n’a pas l’aura de la DMC-12 malgré une histoire semblable, c’est qu’elle n’a pas connu son Zemeckis !

Images supplémentaires : Wheelsage

Bricklin SV-1 au Haynes Museum

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Igor

    Super article, je viens de découvrir votre blog !

    Répondre · · 18 juillet 2023 à 18 h 01 min

  2. Gougnard

    super reportage merci Benjamin

    Répondre · · 18 juillet 2023 à 19 h 19 min

  3. denis

    ah les arnaques, ce n’est pas nouveau !! merci du reportage

    Répondre · · 18 juillet 2023 à 21 h 17 min

  4. Aymeric

    L’article raconte bien l’histoire de cette marque malgré certains raccourcis mais quel dommage ce titre! quel intérêt de reprendre ce terme d’arnaque dans le titre comme dans l’article de carjager ? parler de la bricklin SV1 comme d’une superbe arnaque c’est caricatural et vraiment réducteur, dommage, j’aurai vraiment préféré que les photos de ma voiture soient accolées a un autre titre.

    Répondre · · 20 juillet 2023 à 0 h 44 min

    1. Benjamin

      Les raccourcis sont obligatoires sinon l’article serait plus long que l’histoire de la marque ! Le titre est le plus compliqué à trouver, je vous avoue ne pas avoir fait attention au titre de l’article de Paul (je suppose). J’ai vraiment eu du mal à le trouver. Je viens de tester une autre version, vous me direz si c’est plus à votre goût.
      En tout cas, bravo pour faire rouler une telle voiture par chez nous. Si ça vous tente, un reportage plus approfondi avec un essai de la voiture pourrait se faire.

      Répondre · · 20 juillet 2023 à 8 h 57 min

  5. Aymeric Langella

    Ce titre est quand même plus sympa , je pense que vous serez à la traversée de Paris , nous pourrons nous y voir

    Répondre · · 29 juillet 2023 à 10 h 31 min

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