Histoire de Carrossiers, ép. 35 : Pinin Farina, pt1 : 1930-1940

Le plus connu pour la fin ! Après avoir parlé des plus grands carrossiers italiens, les autres sont ici, on attaque le mythe : Pininfarina. Et on va reprendre au début, quand le carrossier était dans l’ombre familiale et n’était pas le plus connu des carrossiers italiens.

Gian-Battista Farina le fondateur

Les Farina, voilà une famille italienne qui a eu un impact majeur sur l’industrie automobile. Gian-Battista est l’avant-dernier des 11 enfants de la famille, né en 1893. Son père est d’abord cultivateur mais déménage dans le Piémont où il trouve du travail chez Fiat en 1899. Gian-Battista, que tout le monde appelle Pinin (diminutif de Giuseppe), a déjà une attache à l’automobile.

Alors qu’il a treize ans, deux de ses frères, Giovanni, initialement charron et qui a cherché à construire sa propre voiture, et Battista, se lance dans la carrosserie en fondant les Stabilimenti Farina. L’entreprise va vite connaître du succès, si vous voulez en savoir plus, c’est par ici. « Pinin » Farina s’y forme. Apprenti; il touche à tout.

Doué, il n’a que 19 ans quand Agnelli fait appel à ses talents pour travailler sur la Fiat Torpedo qui sera sa première création. Après la première guerre mondiale il prend la direction des USA où il étudie la fabrication à la chaîne, notamment chez Ford. Henry Ford lui proposera d’ailleurs un emploi, qu’il décline, préférant rester chez Fiat. Car c’est bien chez Fiat qu’il reste de nombreuses années. Ce travail lui permet notamment de courir.

En 1930, à 37 ans, il décide de prendre son indépendance. Il fonde la Carrozeria Pinin Farina, forcément à Turin. Il n’est pas seul dans cette aventure. Ses associés sont Gaspare Bona, qui prend la tête de la société et Vincenzo Lancia, le constructeur lui-même ! Les premières réalisations ne tardent pas à arriver, avec déjà un certain style que Pinin Farina maîtrise parfaitement. Les Lancia, logique, Fiat, pareil sont de la partie mais déjà on travaille sur des Isotta Fraschini ou même Rolls-Royce ! 90 Salariés travaillent au 107 Corso Trapani et fabriquent, dès la première année, 90 carrosseries !

Le style est alors assez simples : ailes avant fines, grand radiateur le plus vertical possible et long capot arrondi sur le dessus. L’aérodynamique est rapidement une des priorités de la Carrozzeria Pinin Farina et une soufflerie est créée dès les premières années. Les Alfa et Lancia sont les reines de l’atelier, avec des cabriolets renommés. Dès 1931, une Lancia Dilambda est primée au Concours d’Élégance de Monte-Carlo.

Les carrosseries sont souvent uniques ou fabriquées en très petites séries. Les Cadillac, Mercedes-Benz, Hispano-Suiza, Packard s’ajoutent peu à peu aux châssis italiens. Pinin Farina signe également l’une des dernières autos présentées par Vincenzo Lancia : l’Aprilia qui sera un beau succès commercial. Pendant ce temps, les Astura et Alfa Romeo 6C et 8C se déclinent dans des styles de plus en plus aérodynamiques.

Les carrosseries de Pinin Farina sont de plus en plus enveloppantes, les ailes ne sont plus toujours vraiment séparées et intègrent des phares. C’est finalement assez novateur… à la fin des années 30 !

Néanmoins, alors que la Carrozzeria Pinin Farina s’affirme comme un grand d’Italie, dans un secteur hyper concurrentiel malgré tout, la seconde guerre mondiale vient stopper l’élan. Les ateliers sont réquisitionnés par l’état pour y construire des chariots, des barques… le bois remplace le métal.

La suite, le mois prochain.

Quelques réalisations de Pinin Farina avant-guerre

Commençons par le tout début. En 1930 on retrouve surtout de grosses voitures. De gauche à droite on retrouve une Lancia Dilambda Cabriolet, une Isoatta Fraschini 8A et une Rolls-Royce Silver Ghost.

L’année suivante on retrouve déjà un style qui s’affirme. À gauche, sur l’Hispano-Suiza H6, c’est l’avant qui est caractéristique, l’arrière étant celui d’un coupé classique, très hippomobile. À droite l’Alfa Romeo 6C 1750 est beaucoup moins classique avec un radiateur et un pare-brise inclinés.

Toujours en 1931, Pinin Farina s’attaque à son premier châssis non-italien. C’est une Cadillac V16 au style finalement peu italien.

L’année 1932 peut être vue comme un certain début. Pinin Farina réalise en effet sa première Lancia Astura, un cabriolet très classique, à gauche, et sa première Alfa Romeo 8C, une 2300 bien plus racée, à droite.

Cette même année, première Ford de la Carrozzeria avec une V8 Cabriolet mais on signe aussi des autos plus petites comme cette 508 Ballila Spider.

Le style s’affirme encore en 1933. En témoigne une autre 8C, toujours une 2300, bien plus arrondie et au radiateur vraiment profilé qu’on a pu voir à Rétromobile 2020.

Si cet aérodynamisme n’est pas de mise sur toutes les carrosseries, il s’étend. Exemple avec cette Lancia Astura Cabriolet Royal Aerodinamico et cette Alfa 8C 2300 Coupé Victoria, toutes deux de 1934. On note quand même les pare-brise qui sont tous inclinés, tout comme les radiateurs.

Les petites autos se font rares mais sont également plus belles. En 1935, Pinin Farina sort une petite série de cette Lancia Augusta Cabriolet.

En parallèle, le style « Aerodinamico » s’installe sur tous types de châssis. Deux autres exemples de 1935 avec cette 8C 2300 Pescara et cette Astura Cabriolet (les modèles phares du carrossier à cette période, vous l’aurez compris).

Pour autant, on sait aussi faire du massif quand le client cherche le luxe plus que le sport. À gauche une Rolls-Royce Phantom II et à droite une autre Astura.

En 1936 on retrouve notamment cette superbe Lancia Astura Tipo Bocca qu’on a pu voir lors de Rétromobile 2022. Les Tipo Bocca ont remporté plusieurs prix en leur temps : Torino ou le San Remo et encore aujourd’hui avec Pebble Beach en 2016 (plus la catégorie en 2021), Amelia Island en 2013 et la Villa d’Este en 2014.

L’aérodynamisme est également poussé encore plus loin. Cette 6C 2300 Pescara fut primée à Milan en 1936.

En 1937, Pininfarina s’attaque à la reine des Alfa Romeo 8C : la 2900. Si Touring est connu pour ses réalisations, cette 2900B Corto Spider est finalement encore plus originale !

Côté Aerodinamica, on ne s’arrête pas aux « Grosses » voitures. Cette Lancia Aprilia est travaillée façon auto des records et ce genre de carrosserie est décliné sur divers châssis.

En 1938 on voit apparaître des lignes « américaines » dans les productions de Pinin Farina. C’est une mode partagée avec les autres carrossiers italiens et directement issue du mouvement Streamline. À gauche, une Aprilia Cabriolet et à droite une Fiat 2800.

Les styles cohabitent chez Pinin Farina. Témoignage avec ces deux Astura. La première, à gauche est une Aerodinamica, avec des influences Streamline. La seconde, à droite est bien plus moderne et préfigure déjà le style de l’après-guerre.

Les dernières créations d’avant-guerre de la Carrozzeria sont toujours dans la même veine. On retrouve par exemple ces Alfa Romeo. À gauche, une 8C Spider Aerodinamica, à droite une 6C 2500 SS Cabriolet Sport, toutes deux de 1939.

On s’arrête là pour les avant-guerre. Rendez-vous le mois prochain pour la suite !

Photos additionnelles : Wheelsage