Histoire de Carrossiers, ép. 16 : Touring et les Superleggera

Publié le par Benjamin

Histoire de Carrossiers, ép. 16 : Touring et les Superleggera

On change de pays dans nos histoires de carrossiers. Après vous avoir parlé des carrossiers français dans les épisodes précédents, vous les retrouvez ici, on attaque maintenant l’Italie. Sacré morceau me direz-vous, surtout que certains sont arrivés jusqu’à nous ! On commence néanmoins avec un carrossier disparu : Touring.

Anderloni, les Isotta-Fraschini, la course et les Peugeot

Felice Bianchi Anderloni- Touring

Avant de parler de la Carrozzeria Touring, il faut parler de son créateur. C’est Felice Bianchi Anderloni, né à Milan en 1882. Beau-frère des trois créateurs du constructeur Isotta-Fraschini il devient pilote d’essai puis responsable des essais pour la marque jusqu’à son service militaire. La première guerre mondiale met un coup d’arrêt à cette carrière. La crise économique qui suit le conflit change la direction de la marque et Anderloni se retrouve n’être plus QUE pilote. Il remporte notamment la Coupe des Alpes sur Isotta-Fraschni toujours. Mais ses relation avec la marque se détériorent et il noue alors des liens avec l’antenne italienne de Peugeot.

Il engage notamment en course des 172 BC, plus petites et plus légères. Il prend alors conscience que le poids est un ennemi pour la sportivité des autos. Fin 1925 il s’associe avec un juriste, Gaetano Ponzoni, Anderloni est également juriste de formation et ils rachètent la société de carrosserie automobile Falco.

25 Mars 1926 : la Carrosseria Touring est créée

Ponzoni va s’occuper de la gestion de l’entreprise. Anderloni et Ascari, l’ancien propriétaire de Falco, seront en charge de la technique. Installée à Milan dans une zone où les usines automobiles sont nombreuses, Touring habille des Alfa Romeo et des Isotta-Fraschini dès ses débuts. Il faut dire qu’Ascari est le frère d’Antonio, pilote Alfa de l’époque et Anderloni a gardé des bons contacts auprès des clients de son ancienne marque fétiche.

Surtout Touring va acquérir une licence pour produire des carrosserie reprenant le système Weymann. Créé en France son but est de baisser le poids des autos. Pour le coup il supprime les tôles d’acier, alors fixées sur un faux-châssis en bois, lui même fixé à la structure de la voiture. Certains éléments de carrosserie sont alors en cuir ou en simili. Mais il va aussi plus loin car au lieu de rigidifier l’ensemble il fixe les panneaux avec des silent-blocs permettant aux différents matériaux de « bouger » ensemble.

Rapidement Touring va se développer autour du système Weymann et le développer lui-même. Ce n’est pas la seule source d’innovation puisqu’on brevète aussi un système de capote et des pare-chocs qui se déforment.

Si le style est d’abord timide, les autos qui sortent de chez Touring gagnent peu à peu en caractère en proposant notamment des ligne de toit plus fuyante que les autres carrossiers ou des proportions moins conventionnelles. Les autos se montrent dans des concours d’élégance… et elles gagnent des prix amenant d’autres clients.

Touring habille également des autos sportives. Des Alfa remportent ainsi la catégorie tourisme des Mille Miglia 1931 et 1932. Des victoires qui changent le regard des classes moyennes et qui lancent une belle collaboration entre les deux entités milanaises.

C’est à la même époque que la Carrozzeria propose ses Flying Star, peintes en blanc-crème et toutes en rondeurs. On supprime également le marchepied et le résultat est vraiment original dans le paysage automobile de l’époque. Si c’est d’abord une Isotta-Fraschini Tipo 8A qui la revêt, elle habillera ensuite des Alfa 6C et autres Fiat 522. Une 6C remporte ainsi le concours d’élégance de la Villa d’Este en 1931. Touring est lancée !

Vient ensuite une période « Streamline » qui en plus de ses forme est marquée par l’abandon progressif du système Weymann. Les carrosseries métalliques sur base Alfa permettent de gagner de nouveaux succès en course, notamment les Mille Miglia 1935. Mais Touring travaille surtout sur un nouveau concept qui va définitivement asseoir sa renommée.

La naissance du système Superleggera

Le système Weymann a été abandonné à cause de l’emploi des matériaux non-métalliques mais ne manquait pas de bonnes idées. Le système Superleggera repose lui sur une structure fine, tubulaire et métallique, qui supportera une carrosserie alu. Le régime fasciste italien le met en effet en avant puisque le pays en dispose et lui permet d’avoir une relative indépendance.

L’ensemble est très léger et le style Touring s’y prête parfaitement. Et puis les premières autos Superleggera marquent les esprits : c’est une Alfa Romeo 8C 2900B, le vaisseau amiral de la marque qui l’inaugure.

Très vite Touring est contacté pour habiller des dizaines d’autres autos luxueuses ou en recherche de performance. Ainsi on retrouve également des carrosserie Supperleggera sur des BMW 328 aux Mille Miglia.

Reprise après-guerre

Forcément les activités automobiles de Touring sont mises entre parenthèses durant la guerre où ce sont des véhicules militaires et des pièces détachées qui sortent de l’atelier.

La reprise se fait avec mes Superleggera. En 1948 Felice Anderloni décède et son fils Carlo prend la relève. Les Alfa Romeo 6C représentent une grande part de la production mais très vite d’autres constructeurs vont venir s’intéresser à la marque. Ainsi dans les années 50 et jusqu’au début des années 60, Touring propose sa licence Superleggera à Aston Martin et habille (et dessine souvent) les première Lamborghini et les Maserati d’alors.

Néanmoins le système montre ses limites face à l’accroissement des volumes de production. De fait les demandes sont moindres, et les demandes spéciales, directement formulées par les clients deviennent nulles.

Touring pense avoir trouvé la parade au milieu des années 60. La première étape c’est un lourd investissement dans une nouvelle usine pour produire les Hillman Super Minx et Sunbeam Alpine pour l’Italie.
La seconde c’est avec la production des Alfa Romeo Giulia GTC, un cabriolet sur base de « coupé Bertone ».

Las, le premier projet tombe à l’eau avec la faillite du groupe Rootes. Et puis le GTC est un échec commercial, stoppé après 1000 exemplaires.

Touring met ses dernières forces dans deux autos exposées au salon de Turing 1966. D’abord une nouvelle Lamborghini pour remplacer la 400 GT, la Flying Star, mais le projet n’est pas retenu. Ensuite un cabriolet 4 places sur base Fiat 124 qui ne sera pas non plus retenu.

Le 31 Décembre 1966, Touring ferme ses portes

Néanmoins Touring va revenir, c’est en 2006 et la carrozzeria va se spécialiser dans la réparation des anciennes productions de la marque mais également dans la création de prototypes et autos uniques.

Quelques créations signées Touring

Cette image du salon de Milan en 1927 montre bien la mise en avant du système Weymann, et c’est une Isotta Fraschini qui est à l’honneur.

Isotta Fraschini 1927 par Touring- Touring

Cette Alfa Romeo 6C 1750 GS date de 1931. Une réalisation élancée mais encore relativement classique.

Alfa Romeo 6C 1750 GS Touring- Touring

En 1937 on retrouve donc cette Alfa Romeo 6C 2300 Pescara. Elle a été vendue par RM Sotheby’s à la Villa Erba en 2019.

C’est la même année qu’apparaissent les Alfa Romeo 8C 2900B. La noire ci-dessous date de 1938 et a remporté le Concours d’Élégance de Chantilly en 2016. La grise, de 1938 également est exposée au Musée Alfa Romeo et la rouge, de 1939, est celle de la vente Artcurial à Rétromobile de 2019.

En 1940 on retrouve un style très ressemblant à celui des 8C sur cette Fiat 2800 Berlinetta proposée par RM Sotheby’s à Paris en 2019.

La même année c’est cette BMW 328 MM habillée par Touring qui remporte les Mille Miglia, devant d’ailleurs une 6C 2500 Touring !

À la fin des années 50, Touring accompagne le développement de Ferrari en carrossant diverses autos dont ces deux 166 MM :

Nouveau client pour le Superleggera, en 1951 Pegaso se lance et c’est Touring qui est chargé des carrosseries.

La même année on retrouve les premières Ferrari « America » parmi les travaux du carrossiers comme cette 340 :

Cette Alfa Romeo 1900 C est carrossée dans un style très fin en 1955.

En 1957 apparaît la Maserati 3500 GT. Si le dessin est du à Vignale, c’est bien par le système Superleggera qu’elle est liée au carrossier.

En 1958 sort la première Aston Martin Superleggera, c’est la DB4.

À partir de 1959 Touring habille en Superleggera des Lancia Flaminia coupé et cabriolet qui resteront malgré tout dans l’ombre des version Zagato.

En 1963 commence la production de la plus fameuse des Jambes Bond car, la DB5, toujours Superleggera :

L’année suivante, Touring est choisi pour habiller la première Lamborghini de l’histoire, c’est la 350 GT :

En 1965 l’un des derniers projets de Touring consiste à proposer le dessin de celle qui deviendra la DBS. On parle plus en détail de cette DBSC par ici.

Pour autant on continue sur la lancée de la DB5 avec la DB6 et son style qui a peu évolué, mis à part l’arrière :

Toujours en 1965 sortent les premières Giulia GTC, dernière collaboration (de la première carrosserie Touring) entre Alfa et le carrossier.

En 1966 la Lamborghini 400 GT 2+2, qui remplace la 350 est proposée et toujours avec une carrosserie Superleggera :

Enfin la dernière Touring, c’est la renaissance de l’appellation Flying Star, sur une Lamborghini, on en parle en détail par ici.

Images complémentaires : Coachbuild

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. HERVE CORDEL

    magnifique article!
    Juste une question : d’ou provient l’appellation touring des BMW ?
    Je pense surtout a la 2002 Touring
    Cordialement

    Répondre · · 10 janvier 2021 à 19 h 51 min

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