Alpine A610, les bonnes intentions ne font pas tout

Publié le par Benjamin

Alpine A610, les bonnes intentions ne font pas tout

Jusque très récemment, c’était l’Alpine de route la plus performante de toutes mais aussi… la dernière ! Avec l’Alpine A610, Renault, car c’est bien le losange qui est totalement à la manœuvre, voulait gommer les défauts de sa devancière, viser les sommets, mais il a manqué beaucoup de choses…

Remplacer et faire mieux

La série des Alpine GTA, qu’elles soient atmo ou Turbo ont surfé sur la conception et le visuel de l’A310, même si on avait déjà changé beaucoup de chose. Mais le succès n’a pas vraiment été au rendez-vous.

Le but était clairement annoncé : sortir de la sportive radicale et tendre vers une vraie montée en gamme. Il fallait tout simplement aller chercher Porsche ! Dans les faits, si les performances étaient là, les finitions n’étaient pas en rapport avec le tarif affiché par les autos. 6494 exemplaires en 5 ans, c’est peu. Et au moment de la remplacer, il fallait faire mieux avec l’A610.

Côté technique l’Alpine A610 va tout miser sur l’équilibre et la répartition des masses. Les Alpine GTA étaient pointées du doigt pour leur avant flottant à haute vitesse et une rigidité un peu faible. Alors on renforce le châssis, qui reste fidèle au principe de la poutre centrale utilise beaucoup plus de tôles embouties qui viennent remplacer les tubes soudés de l’avant et le plancher composite. On ajoute également des renforts de porte. Résultat : le poids augmente de 200 kg pour atteindre 1420 kg ! Par contre on améliore grandement la répartition des masses qui passe de 38/62 à 43/57.

Ecorche Alpine A610- Alpine A610

Côté moteur, pas de miracle. Aussi décrié qu’il soit, le V6 PRV reste l’unique V6 français de l’époque, le seul qui puisse motoriser une auto qui vise les Porsche. Pour le coup on utilise la version 3 litres, 2975 cm³ pour être précis. Ce Z7X est une nouveauté pour le groupe Renault, seules les 605 et XM l’ont déjà embarqué chez PSA. Par contre, chez Renault, on ne va pas le laisser atmosphérique. Gavé par un Turbo Garett T3 qui souffle à 0,766 bar, il sort 250ch à 5750 tours/minute. Le couple atteint 350 Nm à 2900 trs/min.

Moteur Alpine A610 Artcurial- Alpine A610

De belles valeurs ! Avec cela l’Alpine A610 est annoncée pour 265 km/h (limités) et met 6,1s pour atteindre les 100 km/h. Alain Serpaggi est mis à contribution pour mettre au point la nouvelle machine.

Un physique déjà vu

Est-ce que le BEREX, le centre d’étude de Renault a tout misé sur la technique ? En tout cas, au moment d’étudier la ligne de l’auto, les crédits viennent à manquer. Il faut donc reprendre les surfaces vitrées des GTA sur l’Alpine A610. Même si l’ensemble des éléments de carrosserie, cette simple réutilisation va grandement nuire à l’auto. Sa ressemblance est trompeuse, on la prendra facilement pour un restylage plutôt que pour une nouvelle auto.

Le style va d’ailleurs être plus… bourgeois, plus sage. Si ce n’est pas forcément vrai, en comparaison des premières GTA, l’Alpine A610 est forcément moins extravagante que les ultimes GT Turbo Le Mans. La principale différence vient des phares. Ceux-ci reprennent l’idée, mort-née, des pop-up qui devaient équiper les GTA vendues aux USA. L’arrière est quasi identique. On note aussi des jantes de 16″ mais qui reprennent toujours le dessin « Turbine » des Alpine et Renault Turbo de l’époque.

À l’intérieur : on attaque !

LA FINITION. Finalement, toutes les améliorations apportées sur les points précédents sont moins importantes que celle-ci. Avec le positionnement de l’Alpine A610 on se place sur un segment où toutes les autos sont performantes, où le design reste une affaire de goût mais où on en veut pour son argent. Et ça passe par un intérieur bien équipé et bien fini.

Le budget manque pour tout refondre. Alors on se contente de retouches en ce qui concerne la forme et l’ergonomie de la planche de bord. Surtout, on abandonne les plastiques bas de gamme. Le sol est tapissé d’une épaisse moquette, les sièges en velours sont de qualité et peuvent être changés par du cuir. L’autoradio se commande depuis le volant et on peut même en avoir un avec CD, comble de la modernité, en option.

L’Alpine A610 reste une 4 places assez théorique vue l’habitabilité arrière. Surtout qu’on a forcément besoin de la place pour les bagages, le coffre avant ayant disparu.

Beaucoup de modifications et beaucoup d’espoirs. La voiture est prête début 1991.

L’Alpine A610 saluée !

Une petite semaine après la fin de la Guerre du Golfe, les amoureux de l’automobile ont rendez-vous au salon de Genève du 7 au 17 Mars 1991. L’endroit est parfait pour dévoiler une telle auto. Dire que l’Alpine A610 soulève un vent d’enthousiasme serait largement enjolivé.

Pour autant, la presse reçoit la voiture et livre de très bonnes impression. Le moteur, et en particulier le couple, impressionnent. Certains écrivent même que l’auto n’a rien à envier au Porsche et Ferrari. La présentation ? Si personne ne s’extasie, elle évite cependant les critiques. L’Alpine A610 est lancée et Renault attend les résultats de pied ferme !

Alpine A610 duo- Alpine A610

Renault déchante vite

Dès la fin de l’année 1991, on doit se résoudre à l’évidence : ça part très mal ! En 6 mois on a vendu une soixantaine d’autos avant que ça ne s’accélère un peu. Alpine paye désormais son absorption par Renault.

Depuis la victoire aux 24h du Mans en 1978, Alpine n’est plus présent en sport automobile. C’est Renault qui a le beau rôle, en faisant briller ses moteurs en F1. Alpine est donc une marque dont la fibre compétition, et par là la fibre sportive tout simplement, appartient au passé. Ce cruel manque d’image est un sacré frein. Quand on vend une auto à 400.000 francs, on s’attaque à Porsche, toujours aux avant-poste en endurance et à Ferrari, qui restera toujours Ferrari quelle que soit la qualité intrinsèque des autos proposées !

Pour améliorer cette image, Renault veut capitaliser sur les JO d’Albertville dont le losange est partenaire. Ainsi on propose l’Alpine A610 « Olympique 92 ». Pas d’évolution sportive, mais une présentation spécifique. Les autos de la série sont peintes en blanc glacier, l’intérieur fait appel à un cuir de couleur clair. L’équipement est riche et deux autos sont utilisées pendant les jeux et donc bien visibles. Ces deux autos… seront les seules de la série ! Vendus comme occasions après les jeux, ils ne seront rejoints par aucune voiture commandée par un quelconque client !

Alpine A610 Olympique 92- Alpine A610

On réagit vite. Ainsi on relance une nouvelle série limitée dès le 3 Juin 1992. À un mois du Grand Prix de France, on dévoile l’Alpine A610 « Magny-Cours ». L’auto est évidemment dévoilée sur le circuit. Cette fois elle est verte foncée, de la carrosserie aux jantes. On ajoute une sellerie noire et une plaque numérotée. 30 Exemplaires sont au programme. Pas de quoi déchaîner les foules pour autant. L’Alpine A610 ne peut pas vraiment capitaliser sur l’image de Renault en F1. Si Mansell et Patrese assurent bien le doublé en F1 début Juillet, c’est un moteur Renault, dans une Williams, qui gagne. Pas d’Alpine dans l’équation !

Début juillet, c’est d’ailleurs le changement de millésime. L’Alpine A610 « classique va donc évoluer avec un seuil de porte ajouré. On propose, en option, le cuir vu sur la Magny-Cours. Il faudra, par contre, attendre la fin d’année pour la doter des nouveaux pneus Michelin.

L’année 1993 sera une année charnière. Les ventes ont baissé en 1992 et il faut relancer la machine pour atténuer la catastrophe industrielle qui semble inévitable. Dés le début d’année on lance de nouvelles jantes à 5 branches au dessin plus aéré. Le moteur passe à 2963 cm³, une réduction de cylindrée destinée à l’homologation sur certains marchés qui ne change rien aux performances. Rien n’y fait, les ventes ne repartent pas et elles s’effondrent même.

Le BEREX enterre alors le projet d’un cabriolet, en réalité peu avancé, et planche sur une version encore plus puissante. Ce serait une Alpine A610 évolution dont la puissance serait portée à 280ch, le couple à 420 Nm et qui se différencierait par sa carrosserie : ailes élargies (comme sur la GTA Le Mans) et aileron. De bien belles perspectives mais le développement est stoppé. L’Alpine A610 ne se vend plus : 36 exemplaires fabriqués en 1993 !

On tente un dernier « coup » en 1994 avec la proposition d’un service permettant de se créer une voiture totalement sur mesure. C’est un « coup »… d’épée dans l’eau puisqu’aucune commande n’en découle.

Cette année-là, une Alpine A610 fait une apparition en compétition. C’est Legeay Sports Mecanique qui engage une auto en GT2. Qualifiée 34e, l’auto est pilotée par Jean-Claude Police, Benjamin Roy et Luc Galmard. Si ce n’est pas la plus performante, elle se classe 13e de la course, ce qui lui vaut la 5e place de la catégorie. Par contre, la même voiture engagée l’année suivante échouera à se qualifier.

Alpine A610 aux 24h du Mans 1994

Néanmoins, on sait très bien que l’Alpine A610 est déjà morte, la marque avec elle, puisqu’on prépare le lancement d’une auto qui aurait pu être une Alpine quand on regarde sa définition : le Spider.

La dernière Alpine A610, rouge, sort de Dieppe en Avril 1995. 818 exemplaires auront été produits, un véritable camouflet !

L’Alpine A610 en collection

Hormis la première Alpine, l’A106, produite à 251 exemplaires, l’Alpine A610 est la plus rare des autos de Dieppe… De fait, elle ne court pas les rues et les annonces sont bien rares. Il vaut mieux passer par un club et avoir accès aux propriétaires, que d’attendre que l’une d’elles arrive sur le marché. Avec un tel volume, difficile de donner une cote fiable. On situera la fourchette entre 30 et 50.000 €, les séries limité étant les plus recherchées.

En tout cas, si vous sautez le pas, vous tiendrez un morceau d’histoire, la dernière Alpine de la première génération.

Photos additionnelles : Wheelsage et Artcurial

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

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