La 911 Carrera 2.7 RS : l’enfant prodige de Stuttgart

Publié le par Valentine

La 911 Carrera 2.7 RS : l’enfant prodige de Stuttgart

Queue de canard, ailes élargies et poids plume, telles sont les caractéristiques qui ne laissent nulle place au doute. C’est bien de la Porsche 911 Carrera 2.7 RS dont nous allons vous parler aujourd’hui. Cette dernière est un mythe, qui contribue à la naissance d’un mariage qui dure entre la route et la piste au sein de la firme Porsche.

Née pour l’amour du sport

Pour comprendre pourquoi Porsche a souhaité créer cette voiture mythique, il faut revenir un peu en arrière. De 1969 à 1971, c’est la Porsche 917 qui dominait le championnat du monde d’endurance. Cette dernière était si performante que la FIA a décidé de modifier ses règles d’homologation. A partir de 1972, les voitures inscrites en Groupe 5 ne devront pas dépasser une cylindrée de 3.0. Cette décision élimina immédiatement la 917 de la liste des concurrentes.

Vous vous en doutez, l’histoire ne s’arrête pas là, elle commence tout juste. Porsche se penche alors sur son modèle phare, la 911, afin d’en faire un monstre de la piste. Le but étant de viser la catégorie Groupe 4 (Special Gran Turismo). Il fallait donc créer une voiture de route qui serait vendue à minima à 500 exemplaires afin de pouvoir homologuer une nouvelle voiture pour concourir. Porsche reprend alors la 911S, équipée du moteur 2.4, et va la transformer en Carrera 2.7 RS.

Il fallait que la voiture soit très légère, et très rapide. Pour cela, près de 15 ingénieurs se sont réunis pour développer la voiture dès mai 1972. En aout de la même année, alors que le monde entier est rivé sur Munich pour les JO d’été, Porsche dépose le dossier n°2238704 au bureau des brevets allemand, sans avoir conscience à quel point celui-ci s’apprête à changer le cours des choses. La voiture sera finalement présentée pour la première fois en octobre 1972, lors du Salon Automobile de Paris.

La Naissance du Ducktail

Le « ducktail » c’est ce becquet en forme de queue de canard qui deviendra, pour Porsche et pour les passionnés de la marque, un élément mythique. De nos jours encore de nombreux restomod de 911 en sont ornés en hommage à la Carrera 2.7 RS. C’est pourquoi son histoire méritait une partie à elle toute seule !

Le brevet déposé par Porsche indiquait que l’invention en question était « une voiture disposant d’un élément aérodynamique installé à l’arrière permettant une meilleure tenue de route« .

Lors du développement de la Carrera 2.7 RS, le chef du Développement chez Porsche demande à un certain Hermann Burst, ingénieur sur le projet, de s’attarder sur la tenue de route de la 2.7. Lors des premiers essais, la voiture était beaucoup trop imprévisible à haute vitesse à cause de sa légèreté. Burst fait alors appel à Tilman Brodbeck, un autre ingénieur Porsche, et à Rolf Wiener, un designer. Tous les trois viennent à proposer le fameux becquet. Ce dernier permettait d’augmenter l’appui sur le train arrière de la 911, en diminuant la portance de 75% ! Cette invention a donc eu une importance considérable sur le comportement de la voiture.

« A l’époque, je pensais que le becquet était juste une solution à un problème technique. Cela m’a pris un long moment avant de réaliser que nous avions créé une icône. » Hermann Burst ne se rendait alors pas compte de l’importance culturelle et stylistique qu’allait avoir cet « élément aérodynamique ».

Un an avant cela, les équipes de Porsche avaient déjà mis au point un spoiler avant, parfois comparé à un menton sur la 911. Après leur création, le becquet arrière et le spoiler avant étaient destinés à devenir des kit carrosserie disponible en option pour la clientèle Porsche. Finalement, ils sont tous deux devenus des équipements standards sur toutes les versions du modèle. On comprends bien pourquoi, car une Carrera 2.7 RS sans becquet, ça serait comme une raclette sans fromage !

Carrera 2.7 RS

L’innovation comme mot d’ordre

La 911 Carrera 2.7 RS est une révolution parmi les voitures de sport, et ça n’est pas seulement du à son becquet. Parlons un peu performance pure. Cette 911 survitaminée proposait le 0 à 100 en 5.8s et atteignait sans peine les 245km/h. Pour l’époque c’était une prouesse, surtout pour une auto destinée à la route.

Pour réaliser ces résultats, il fallait un moteur. La Carrera 2.7 RS est équipée d’un moteur 911/83, un 6 cylindre à plat développant 210ch à 6.300tr/mn, refroidi par air, évidemment. Pour faire naître le 2.7, Porsche reprend la base du 2.4 présent dans la 911S. Ce dernier conserve l’injection mais va être amélioré et modifié en s’inspirant des technologies présentes sur la 917. Forcément, c’est une voiture destinée à la course, donc on s’inspire de la course. De 2.4 il passera donc à 2.7. Le 2.4 était déjà une version amélioré du moteur 2.0. Le faire augmenter encore en cylindrée était un défi pour Porsche.

Plutôt que d’utiliser un épais revêtement, le moteur de la Porsche 917 possédait le Nikasil, ce revêtement microporeux qui permettait de limiter l’échauffement et d’améliorer la lubrification en plus d’alléger le moteur. Porsche a donc choisit d’utiliser la même technologie sur la 911 Carrera 2.7 RS. Comme cela rendait les cylindres un peu trop fins, Porsche a appliqué le Nikasil par électrolyse, ce qui permettait de le déposer directement sur l’aluminium des cylindres. Ainsi, l’alésage augmentait de 6mm et passait à 90mm, permettant au moteur d’augmenter sa cylindrée et de passer à 2.7.

Un autre aspect majeur de cette voiture, c’est sa légèreté. Encore une fois, la firme de Stuttgart s’inspire de son propre travail en s’aidant de la 911 R. Ce modèle sortit en 1967 était une version très légère de la 911. Ainsi, la Carrera 2.7 RS fut équipée de panneaux de portes allégés, de pare-chocs en fibre de verre et le toit et les ailes étaient fait d’un acier 0.08mm plus fin que le standard de la production. En finalité, la Carrera 2.7 RS pèse 960kg, contre presque 1.100kg pour la 2.4 S qui a servi de base.

Finalement, la dernière innovation de cette auto fut ces pneus. La 911 Carrera 2.7 RS était la première voiture de série chez Porsche à avoir des pneus plus larges à l’arrière qu’à l’avant. Encore une fois, cela permettait d’équilibrer la voiture, dont la majorité du poids était situé à l’arrière. Seulement, pour faire rentrer ces pneus, il a fallut élargir les ailes arrières de la 911, ce qui donna naissance à ces mythiques ailes élargies dont les lignes seront reprises sur de nombreux futurs modèles.

Belle dedans… et dehors

S’il y a un choix qui était purement stylistique pour la 911 Carrera 2.7 RS, c’est le choix de teinte qu’elle arborerait. Cette 911 se démarquait des précédentes par ses performances, il fallait donc lui trouver un physique qui permettrait de la démarquer de l’extérieur également.

Initialement, le bureau d’études design de Porsche se base sur la série F des années 72-73 pour choisir les couleurs de la 911 Carrera 2.7 RS. Le premier choix se porte sur le blanc Grand Prix. Mais pas question de la laisser telle quelle, elle passerait trop inaperçu. C’est ainsi que l’idée d’y apposer les bandes voyantes et colorées nait. Au départ, le blanc aurait du être la teinte unique de la Carrera 2.7 RS, avec différentes déclinaisons de bandes colorées.

Cependant, l’idée sera vite abandonnée. Finalement, plus de 25 nuances de couleurs différentes seront disponibles sur le modèle. C’est aussi ce qui fait l’attrait de cette génération de 911, disponible dans plusieurs couleurs très voyantes. Les Carrera 2.7 RS sont donc désormais connues pour être déclinables en plusieurs configuration différentes, en fonction des différentes combinaisons de stickers et de carrosseries choisies. Certaines teinte sont devenues mythiques et continuent d’être posée sur des modèles de 911 plus récents grâce aux commandes PTS chez Porsche. Cher Père-Noël, une jaune pour moi s’il vous plait, merci.

La première d’une longue lignée

La première RS ?

RS, ces deux lettres synonymes de performance sont désormais bien imprégnées dans l’histoire de Porsche. Elles signifient Rennsport, mot allemand qui se traduit par course automobile. La première fois que la badge RS apparait, ce ne sera pas tout à fait sur la Carrera 2.7 RS. En fait, la première à porter ce blason sera la Porsche 718 RSK, une bête de course née bien avant la 911. Toutefois, la 2.7 RS sera le premier véhicule de série à porter ces initiales sportives chez Porsche.

On sait désormais que lorsque Porsche sort une nouvelle voiture avec cette insigne là, ce n’est pas pour enfiler des perles mais pour battre des chronos. La catégorie RS célèbre l’accord parfait entre le monde de la course et la route.

La première 911 Carrera

Cette 911 n’est pas seulement la première à porter le badge RS, c’est aussi la première 911 à porter le nom Carrera. Pour une voiture si légère, elle en porte du poids sur ses épaules ! Ce nom provient d’une course mythique baptisée Carrera Panamericana, une très dangereuse épreuve qui prenait place sur les routes du Mexique. Porsche a remporté cette course dans les années 50 avec, par exemple, la 550 Spyder.

C’est pourquoi donner le nom Carrera à la 2.7 RS permettait de rendre hommage au passé sportif de la marque. Cela appuyait également une fois encore sur l’ADN de cette auto. Comme Porsche ne fait jamais les choses à moitié, il fallait insister sur ce point en l’écrivant en gros sur les portes de la voiture. Là aussi, c’est un choix stylistique qui sera réutilisé sur les modèles à venir.

Une carrière à la hauteur du mythe

Comme la Carrera 2.7 RS était destinée à devenir une voiture de course, Porsche prévoyait de produire et de vendre 500 exemplaires. Ces 500 étaient le minimum nécessaire à l’homologation du modèle. Toutefois, et face au succès de l’auto, la marque finit par sortir de ses usines 1.580 exemplaires.

Parmi ces exemplaires, on retrouve 1.308 qui étaient des « touring », 200 « Lightweight » et les derniers 17 étaient des « RSH », c’est à dire les modèles d’homologation. Enfin, 55 modèles sont devenus des RSR, le modèle destiné à 100% à la course.

La Carrera 2.7 RS Lightweight :

Les 2.7 RS Lightweight étaient à l’origine les seules prévues à la vente. On en reparle après, mais il n’y aurait pas du y avoir d’autres déclinaisons quand le modèle a été créé. Cette version, comme son nom l’indique, est la version la plus allégée. Elle dispose donc des portes et du toit en acier de faible épaisseur et des pare-chocs en fibre. A l’intérieur, tout est dépouillé et les panneaux de portes sont réduits au minimum. Les poignées de porte n’existent pas par exemple, ce sont des languettes en tissus. Les sièges sont des sièges baquets et l’isolation phonique dans l’habitacle est moindre.

Cette version est la plus radicale. Ce qu’il est amusant de noter, c’est que c’était à l’époque la moins chère ! De nos jours, plus un modèle est allégé, plus il est cher.

La Carrera 2.7 RS Touring

Du coup, la Lightweight devait être la seule Carrera 2.7 RS. Toutefois, comme elle était très radicale, le département marketing de Porsche avait les chocottes. « Et si on en vend pas? ». Du coup, la solution toute simple qui s’est offerte à la firme fut de proposer la fameuse version Touring (qui veut bien mettre en avant le coté tourisme et n’a rien à voir avec le carrossier italien).

Dans la même carrosserie allégée, la Touring avait elle des portes normales, avec de vrais panneaux de portes et de vraies poignées. On avait troqué les baquets originels contre de vrais sièges confortables, et on y avait remis des tapis de sols et même des sièges arrières ! Finalement, elle était équipée comme la 2.4S, ce qui lui valut de peser 1075kg au lieu de 960. On ne peut pas tout avoir.

La Porsche 911 RSR

Enfin, on pouvait difficilement parler de la carrière de la Carrera 2.7 RS sans parler de la RSR. Lorsque la 2.7 RS est fabriquée, Porsche retire 55 voitures de la ligne de production pour les emmener dans un autre atelier. Ces 55 élues vont devenir des RSR, destinées à la course automobile.

La Porsche 911 RSR reprend donc la base de la 2.7, mais comporte toutes les améliorations envisageables et autorisés par le règlement FIA. Elle est donc encore plus élargie et dispose d’entrées d’air centrales pour un meilleur refroidissement d’huile. Les freins sont améliorés avec des composants issus, encore une fois, de la 917. Les suspensions sont aussi revues, et la voiture est abaissée. Le moteur prend encore quelques poneys et augmente à 2.8 de cylindrée.

La 911 RSR était alors la plus légère et la plus rapide 911 ayant jamais courue en GT. Elle gagnera les 24h de Daytona en 1973, mais aussi les 12h de Sebring ou encore la Targa Florio. Elle finira par remporter 6 titres sur les 9 épreuves du Championnat GT Européen cette année-là. On vous l’a dit, Porsche n’était pas là pour enfiler des perles. L’année suivante, en 1974, Porsche développe encore le moteur de la RSR. Celui-ci passera alors de 2.8 à 3.0.

La Porsche 911 Carrera 2.7 RS en collection

Ses performances sont hors normes, elle fait rêver par son design et elle est à l’origine d’une grande épopée chez Porsche. Alors oui, cela fait de la Carrera 2.7 RS un modèle très désirable ! Trop désirable en fait.

Pour rouler en 2.7 RS, il faut avoir un très gros budget. C’est finalement là le gros point noir de cette auto ! Les versions Touring sont donc les moins rares, mais comptez tout de même minimum 400.000€. Les plus beaux modèles pourront cependant facilement atteindre 700.000€. Pour une Lightweight, beaucoup plus rare et recherchée, les prix atteignent encore d’autres galaxies et avoisinent facilement les 900.000€. Les RSR dépassent quant à elles parfois le million en fonction de leur état et de leur palmarès.

Pas pour tous les budgets, vous l’aurez compris. Mais même en ayant un beau compte en banque, la Carrera 2.7 RS n’est pas à la portée de tous. Déjà, elle est assez rare. Il existe un grand nombre de fausse RS sur le marché, et les vraies sont parfois mal restaurées ou mal suivies. Parce que évidemment à ce prix là, l’historique doit être limpide. Du coup, c’est finalement assez difficile de trouver un bel exemplaire. La version au 1/18e parait plus raisonnable !

Photos complémentaires : Wheelsage

Valentine

Passionnée d'automobile depuis de nombreuses années, Valentine, étudiante en journalisme, rejoint l'équipe de News d'Anciennes en tant qu'apprentie. Les voitures anciennes, elle aime en parler, les prendre en photo mais surtout en prendre le volant !

Commentaires

  1. marc

    C’est bien fait….Bravo Valentine…. une apprentie qui m’en apprend toujours beaucoup !

    Répondre · · 15 décembre 2023 à 17 h 56 min

  2. OSEZ DESIGN

    Bravos de cet exposé, en tant que fan de la marque j’aime encore plus et espérer en avoir une
    Patrick

    Répondre · · 17 décembre 2023 à 14 h 43 min

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