Concepts et Études, ép. 47 : AMC AMX/3, bonne idée au mauvais moment

Publié le par Pierre

Concepts et Études, ép. 47 : AMC AMX/3, bonne idée au mauvais moment

Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Rendez-vous pour cela le troisième dimanche de chaque mois (les autres sont là). Ce mois-ci, penchons-nous sur l’AMC AMX/3, en souvenir des travaux de Giotto Bizzarrini, qui vient hélas de nous quitter.

D’outsider…

À la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, les Big Three (Ford, General Motors et Chrysler) se taillent la part du lion sur le marché nord américain, laissant les miettes aux constructeurs indépendants. Fort de ce constat, George W. Mason, le patron de Nash, convainc le directeur d’Hudson, A. E. Barit, de fusionner les deux entités. De là nait, en 1954, American Motors Corporation, qui devient la quatrième force sur le marché, à une bonne distance de ses concurrents.

Sans offrir la puissance de frappe de ses concurrents, AMC se refuse à faire de la figuration et présente en 1965 rien de moins que 4 prototypes affirmant les ambitions du groupe, regroupés sous le nom de Project IV. On y retrouve l’AMX, l’AMX II, la Cavalier et la Vixen. Les quatre autos sont présentées à travers les Etats-Unis afin de tester les réactions de la clientèle, et seule l’AMX (essayée dans cet article) rejoindra réellement la production.

AMC Project IV- AMX/3
Le Project IV, de gauche à droite, et de haut en bas : AMX, Vixen, Cavalier et AMX II

… à avant-gardiste

En parallèle à la mise en production de l’AMX, AMC se lance dans l’étude d’une GT à moteur central. Dès mai 1967, Dick Teague, le responsable du style du groupe, est missionné pour concevoir cette concurrente à ce que tout le monde attend voir arriver chez Chevrolet (il faudra au final attendre 2019 pour que le moteur de la Corvette change de côté). Le projet porte alors le nom d’AMX/K.

Dès l’année suivante, Teague entre en contact avec Giorgetto Giugiaro pour obtenir une proposition externe, pendant que son équipe travaille sur sa propre version. Au fur et à mesure des semaines qui s’écoulent, la direction d’AMC se penche de plus en plus sérieusement sur la possibilité de sous-traiter la conception ainsi que la production de la nouvelle voiture.

C’est dans cette optique qu’AMC entre en contact avec Karmann, qui est missionné pour piloter le projet en externe. Ces derniers font appel à Ital Design pour créer le premier prototype, et Ital Design va chercher Giotto Bizzarrini pour concevoir le châssis. Vous suivez toujours ? Même moi, je commence à m’y perdre dans tous ces intervenants. Faites une pause, prenez un café, car avec tout ça, on n’a toujours pas quitté l’année 1968.

AMC AMX2- AMX/3

Les travaux commencent rapidement, et pour faire passer le temps, AMC fait assembler une maquette échelle 1:1 de ce à quoi pourrait ressembler la prochaine voiture. Cette dernière est présentée au Salon de Chicago 1969 sous le nom d’AMX/2 (à ne pas confondre, donc, avec l’AMX II évoquée plus haut, et je vous assure que les recherches internet sont compliquées entre ces deux-là, mais nous nous égarons).

Un développement chaotique

Les choses continuent d’avancer, et AMC signe un contrat à hauteur de 15 millions de deutschmarks avec BMW pour valider les performances et la qualité de la future AMX/3 (dont le nom a été arrêté). Le premier prototype est assemblé par l’AutoOfficina SD de Salvatore Diomante, ironiquement dans les anciens ateliers de Bizzarrini.

L’assemblage a pris du retard et les derniers éléments sont en fait installés par les italiens à Munich, au mois de juin 1969. Pendant ce temps, un deuxième châssis est assemblé chez Ital Design afin d’accélérer le processus de développement. Au mois d’octobre, à l’instigation de BMW, le prototype n°1 reçoit des freins ATE à la place du système Girling initialement prévu.

Du côté des italiens… c’est toujours un peu le bazar. Diomante déménage de Livourne à Moncalieri, changeant au passage le nom de sa structure, qui devient Autocostruzioni SD. Bizzarrini devient consultant externe pour eux, avec une entreprise nommée Z2. C’est à Moncalieri que la deuxième voiture est achevée, et on y commence la fabrication de sept châssis supplémentaires.

Pendant ce temps, l’AMX/3 est officialisée, avec une maquette en fibre de verre présentée au Salon de Chicago 1970. Quelques semaines plus tard, l’AMX/3 est présentée dans sa version « définitive » à Rome, à l’hôtel Hilton, avec le châssis numéro 3. À peine deux semaines plus tard, elle est présentée à la presse américaine à l’hôtel Waldorf de New York, juste avant d’apparaitre au Salon de New York 1970, le lendemain.

Et une annulation qui l’est tout autant

Ironie du sort, à peine une semaine après cette appartion à New York, le dernier rapport de BMW arrive à la direction d’AMC, qui avait annoncé la fin du partenariat avec les Munichois en janvier. C’est le début de la fin, puisqu’AMC décidera de mettre fin à la totalité du projet AMX/3 en juillet (ou peut-être un peu plus tard, mais les informations sont contradictoires).

Ce n’en est pourtant pas fini de l’AMX/3. AMC entre en pourparlers avec Giotto Bizzarrini afin de produire une petite série de 30 voitures, AMC en achetant 10 et l’italien s’occupant des vingt autres. Cet accord n’aboutira pas, suite au refus de Bizzarrini.

Il présente malgré tout en octobre 1970, au Salon de Turin, une version légèrement remaniée de l’AMX/3. Il s’agit du châssis numéro 4, qui intègre certaines évolutions qui n’avaient pas eu le temps d’être installées sur les prototypes précédents. Hélas, ce n’est pas assez pour revitaliser le projet, qui restera sans suite, et ce sera la fin de l’aventure.

Les AMC AMX/3 de nos jours

Si vous avez prêté attention à tout cet imbroglio, je n’ai parlé que de quatre voitures, mais de neuf châssis. Non, je n’en ai pas perdu 5, c’est juste qu’ils ont eu une vie APRÈS la fin de l’aventure, et nous allons pouvoir revenir sur chacun d’entre eux, mais attention, tous ne sont pas devenus des AMX/3 !

Châssis n°1 – AMC AMX/3

Le mulet qui a servi aux premiers tests a subi à peu près tous les outrages. La voiture, de couleur verte, est d’abord renvoyée en Italie, avec pléthore d’éléments manquants : plus de roues, plus de moteur, plus de boite de vitesses, une partie de l’habitacle est également manquante.

Toutefois, tout ceci ne rebute pas Dick Teague qui se décide à la rapatrier aux USA en 1973. Il finit par la revendre à un certain Scotty Dawkins qui va la réassembler, la faisant passser au jaune au passage. On croit perdre sa trace, mais en réalité, Scotty Dawkins l’a remisée pour une raison qui nous est inconnue.

C’est donc à sa mort, en 2016, qu’elle réapparait. Elle est rachetée par Micheal Chetcuti et Kyle Evans, qui décident d’entreprendre une restauration complète de la bête à la fin 2019. Ils créent d’ailleurs un site dédié à la restauration, ainsi qu’une page Facebook et une page Instagram.

Cependant, l’activité, qui avait été promise plus que riche, est extrèmement sporadique. Le site n’a pas été mis a jour depuis 2019, et la dernière image publiée sur Instagram remonte à janvier dernier, sur le compte de Kyle Evans, avec un châssis entièrement reconstuit. On attend la version définitive avec impatience, même s’il y a encore de longs mois avant que les travaux n’aboutissent.

Châssis n°2 – AMC AMX/3

C’est probablement la plus célèbre de toutes, mais aussi celle à l’histoire la plus riche. Il s’agit de l’AMX/3 qui a servi à valider les recommandations de BMW. Elle a aussi été celle qui a servi aux essais routiers à Monza (excusez du peu) en 1970.

Elle est vendue par AMC en 1971 à un collectionneur qui la rapatrie aux États-Unis. Elle changera de mains plusieurs fois avant de retourner en Allemagne en 2014. Son propriétaire d’alors la restaure et la fait passer de rouge à orange métallisé, ce qui lui permettra de remporter sa catégorie à Pebble Beach en 2016. L’AMX/3 finit par retraverser l’Atlantique, atteignant 891000$ hors frais chez Gooding & Co, durant leur vente à Scottsdale en janvier 2017.

Châssis n°3 – AMC AMX/3

Il s’agit ici de la voiture ayant servi aux présentations presse, à Rome et à New York. C’est la première viture à avoir rejoint les USA pendant le projet. Elle est rachetée par Dick Teague en 1978 (en même temps que la numéro 5, on y vient vite).

La voiture va rester en sa possession et aujourd’hui elle apparteint à sa fille Lisa qui l’a prêtée pour le Salon de Chicago 2013, notamment. C’est aussi l’ AMX/3 qu’on a pu apercevoir au Petersen Museum de Los Angeles ou au San Diego Automotive Museum.

Châssis n°4 – AMC AMX/3

Il s’agit de la voiture présentée à Turin en octobre 1970. C’est la première à adopter l’habitacle définitif, ainsi que des fenêtres coulissant sur toute la longueur de la portière. Les modifications portent également sur les essuie-glace, maintenant cachés sous le capot avant, ou de nouvelles ouies de refroidissement dans le capot.

Elle a été rachetée à AMC en 1971 par la même personne qui a racheté le châssis numéro 2, qui va l’importer également. La voiture a depuis changé de mains et se trouve au Canada, mais on n’en sait pas beaucoup plus.

Châssis n°5 – AMC AMX/3

Bien que dernière AMX/3 assemblée pendant qu’AMC était encore impliqué dans le projet, cette voiture est plus proche de la toute première que de la numéro 4. Elle est rapatriée avec la numéro 1 et une vingtaine de boites de vitesses, en 1973, par Dick Teague. Il la rachète à AMC en 1978. Il la fait passer du gris au noir, puis au jaune (décidément, il y a un truc entre Dick Teague et le jaune), et remplace les optiques arrière, rondes, par des feux de Pontiac Firebird retournés, qu’il fait fumer.

Depuis, la voiture a changé plusieurs fois de propriétaires entre 1985 et 1997, avant d’être restaurée en 2006. Elle est par la suite apparue lors de différents concours d’élégance des deux côtés de l’Atlantique.

Châssis n°6 – Bizzarini Sciabola

Voici une voiture dont la chronologie est un peu incertaine. On sait qu’elle était en cours de construction quand AMC s’est retiré. On suppose qu’elle a été finie de bric et de broc avec les éléments encore disponibles dans l’atelier de Diomante, ce qui semble se confirmer avec la quasi totale absence d’éléments en provenance d’AMC dans l’habitacle, remplacés par des pièces en provenance de Fiat ou encore Bertone (comme s’il ny’avait déjà pas eu assez de monde impliqué dans cette histoire).

D’abord grise, elle est présentée au Salon de Turin 1976, en rouge, en tant que Bizzarrini Sciabola (sabre en italien), mais diffère assez peu de l’AMX/3 originale. Elle est toujours la propriété de Salvatore Diomante.

Châssis n°7 – AMC AMX/3, en kit

Cette voiture était incomplète. On sait que le châssis fait partie du lot construit pour AMC, mais la voiture n’a jamais été complétée par Diomante. Elle est vendue en 1971 à un restaurateur de voitures anciennes qui s’attaquera au chantier quelques années plus tard (on parle même parfois des années 80).

Elle a ensuite été vendue au début des années 1990 à Roland D’Ieteren, qui a entrepris de la fare restaurer et compléter. On a notamment pu la voir à Autoworld à Bruxelles, ou encore à Rétromobile, l’an dernier.

Châssis n°8 – Iso Rivolta Varedo

Je ne vais pas m’étendre dessus, l’auto mérite un Concept et Études à elle toute seule. Le huitième châssis a été réutilisé, modifié, pour donner naissance à l’Iso Rivolta Varedo. Elle est toujours la propriété de Piero Rivolta, dont nous avions déjà parlé lors de notre épisode consacré à l’Iso Grifo 90.

Châssis n°9 – AMC AMX/3 Spider

Le neuvième et dernier châssis alimente la polémique. Il aurait été vendu au même restaurateur que la 7, par Bizzarrini cette fois. Il s’agit d’une ébauche de spider qui reprend les éléments stylistiques de la Bizzarrini P538 et non ceux de l’AMX/3.

Le Spider est lui aussi racheté par Roland D’Ieteren, qui le fait restaurer et fait installer un moteur AMC en lieu et place du moteur Chevrolet qui s’y trouvait. La voiture est visible à Autoworld à Bruxelles.

Musee Autoworld 405- AMX/3

Joker – La maquette de Chicago 1970

Vous pensiez en avoir fini ? Moi aussi. Pourtant l’histoire ne s’arrête pas là. En 2007, une petite annonce apparait dans la section « à vendre » d’un forum AMC, il s’agit de la maquette présentant l’AMX/3 au public pour la première fois.

Tom Dulaney s’en porte acquéreur et décide de s’en servir afin de créer une nouvelle AMX/3, roulante cette fois. Le projet est en route depuis une une quinzaine d’années, mais il semble suivre son cours.

Crédits photo : News d’Anciennes, Wheelsage, Gooding & Co, Dirk de Jager, Ital Design, AMC, amx3.org, amx390.com

Pierre

Tombé dans la marmite automobile quand il était petit, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2015. Expatrié en Angleterre depuis Mai 2016, il nous partage les évènements de là-bas. En dehors de ça, il partage une bonne partie de son temps sur la route entre une Opel Ascona et une Mazda RX-8.

Commentaires

  1. Gougnard

    très beau reportage merci Pierre

    Répondre · · 21 mai 2023 à 14 h 17 min

  2. Alain Lemire

    Article intéressant et j’ai bien aimé de me faire raconter l’histoire des différents châssis de l’AMX III.

    Une petite note par contre, il y a plusieurs fautes de frappes du style des lettres qui manquent ou des mots sans espaces. Une vérification du texte par un logiciel de correction grammaticale ou une relecture par un humain aurait été une bonne chose pour cet article! 🙂

    Répondre · · 21 mai 2023 à 15 h 03 min

    1. Pierre

      Toutes mes excuses, des petits soucis techniques m’ont empêché de faire les corrections à temps, suite à des soucis logiciels. Les erreurs devraient être corrigées maintenant.

      Répondre · · 21 mai 2023 à 19 h 44 min

  3. philippe

    Concernant la Corvette, Zora Arkus-Duntov avait voulu la faire passer au moteur central, d’où l’Astro III de 1968 puis la XP882 en 1970 et ensuite le proto à moteur Wankel. Effectivement la version de série est sortie … en 2019 !

    Répondre · · 21 mai 2023 à 22 h 37 min

    1. Pierre

      Il y a un dossier complet à faire sur ce sujet que j’ai volontairemment laissé de côté, car la Corvette n’était clairement pas le sujet du jour, et pareillement, il est difficile d’en faire un épisode de Concepts et Études, vu la quantité de prototypes et concepts cars en jeu. C’est un sujet qui est en préparation, mais il n’est pas prévu pour tout de suite.

      Répondre · · 21 mai 2023 à 22 h 56 min

  4. Nico

    Dommage, vraiment une jolie auto!

    Répondre · · 22 mai 2023 à 12 h 41 min

  5. zorglub

    On dirait un mélange de De Tomaso Pantera et de BMW M1.

    Répondre · · 23 mai 2023 à 9 h 55 min

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