Tadek Marek : l’homme qui donna un cœur aux Aston Martin

Publié le par Benjamin

Tadek Marek : l’homme qui donna un cœur aux Aston Martin

Si les lignes et les noms des Aston Martin DB4 jusqu’aux DBS sont très connus, au final peu de personnes connaissent Tadek Marek. Cet ingénieur polonais n’est autre que le père des moteurs 6 et 8 cylindres les plus légendaires de la marque. Plus que sa carrière, sa vie est exceptionnelle.

La Jeunesse de Tadek Marek

Tadek Marek n’est en fait que le raccourci de son vrai nom, Tadeusz Marek. Il naît en 1908 à Cracovie et se tourne dès l’enfance vers la mécanique. A ses 14 ans, il retape ainsi une Ford T récupérée dans un surplus militaire. Mais plus que les autos, ce sont les motos qui sont ses premiers amours. BMW, Alcyon et Indian lui passent dans les mains.

A 20 ans, il court avec ces motos. Et lors d’une course, il chute, et finit dans la tente de l’organisation qui contient les bouteilles, en verre, d’eau destinées aux concurrents. Résultats : 8 mois d’hôpital et la fin de ses acrobaties sur deux roues.

Ingénieur chez Fiat puis chez GM il participe maintenant à des rallyes. Trois Monte Carlo seront à son actif, sur Fiat 1100, Lancia Aprillia puis une Opel Olympia en 1939. C’est au volant de cette dernière qu’il brilla particulièrement. La même année, il remporte le rallye de Pologne sur une Chevrolet officielle.

Un héros de guerre sans être un combattant

Sauf qu’en 1939 les voisins allemands envahissent la Pologne par l’ouest (et les Russes par l’est, on l’oublie souvent). Tadek Marek est incorporé à l’armée qui est rapidement mise en déroute. Évacué en Roumanie où il rejoint un ami ingénieur, il réalise une belle prouesse. Falsifiant des documents il subtilise le véhicule de l’amabassadeur allemand opérant dans les territoires annexés par la Russie. Maîtrisant les deux langues, il est diplômé de l’Institut Technique de Berlin Charlottenburg, il parvient à gagner Lvov pour essayer de sauver sa femme. En vain. Il revient par contre avec plusieurs civiles qui fuient avec lui la Pologne.

Ensuite, en 40, c’est lui qui organise le convoi qui fait fuir au gouvernement Roumain le pays. Le convoi file vers l’Angleterre mais apprenant que Paris va tomber, il part vers les Pyrénées et malgré le fait que sa Fiat rende l’âme à cause du piètre carburant trouvé, il parvient à rejoindre Madrid, puis Casablanca et enfin l’Angleterre.

A la fin des hostilités, c’est auprès du United Nations Relief and Rehabilitation Administration qu’il est affecté. Il travaille alors à la reconstruction… de l’Allemagne !

L’industrie automobile anglaise

Premiers pas chez Austin

De retour en Angleterre en 1949 il rejoint Austin à Longbridge. Là bas il s’occupe des moteurs. Et il est l’un artisans de la naissance du 6 cylindres C-Series de 2.6 litres. Dans cette première version on le retrouve sur de nombreux modèles, le groupe Austin est tentaculaire. On trouve donc des Austin A90 Westminster, Morris Isis, Wolseley 6/90, Riley 2.6 and Austin-Healey 100-6.

Quand le moteur évoluera en passant à 2.9 litres il se retrouvera sur les Austin A99 et A110, Wolseley 6/99 et 6/110, Vanden Plas Princess 3-Litre mais surtout l’Austin Healey 3000 !

Le moteur évoluera encore, après le départ de Tadek Marek, et sera utilisé jusqu’aux MG C et Austin 3 litre qui ne l’abandonneront qu’en 1971 !

Au niveau des moteurs qui n’ont pas vu le jour, il avait créé un V8 pour le groupe. Né en 1951, il ne sera jamais utilisé. Tadek Marek va changer de crémerie pour les deux prochaines années. Finies les autos, il travaille à la création du char Centurion. Mais c’est alors qu’il obtient le travail qui va vraiment faire passer son nom dans la légende.

Tadek Marek chez Aston Martin

Même si l’entretien chez Aston se passe bien, Tadek Marek a la mauvaise surprise qu’un document administratif comportant une erreur l’empêche d’avoir le job. Il le veut tellement qu’il va régler directement l’affaire à l’usine.

Son premier travail est de modifier le 6 cylindres qui anime alors les autos de la marque. Né en 1935, il est l’oeuvre de Mister Walter Owen Bentley, qui ne travaille alors plus pour la marque qu’il a créé, mais pour Lagonda. C’est notamment pour obtenir ce moteur que David Brown, repreneur d’Aston Martin reprend également Lagonda. Une fois le moteur modifié, il développe 195 ch, bien plus que les 105 d’origine. Il se lance alors dans la conception de son successeur.

Le 6 en ligne « Tadek Marek »

C’est en 1957 qu’il rend sa copie et que le moteur est installé sur la DBR2. Ce 6 en ligne cube 3.7 litres dans sa première version. La culasse qui est surmontée par deux arbres à cames est en alu. Gavé par deux carburateurs, le tout sort 240 chevaux !

L’année suivante le moteur se retrouve dans une des premières Aston Martin à devenir vraiment mythique. La DB4 est née et notamment grâce aux perfs de ce moteur elle monte à 240 km/h et arrive à 100 km/h en 9.3 secondes.
Dans la DB4 GT Zagato, il est modifié pour atteindre 3.8 litres. Mais surtout, on l’alimente avec trois Weber double corps et il embarque deux bougies par cylindre. La puissance monte à 302 ch, la vitesse de pointe à 243 km/h et le 0 à 100 descend à 6.1 secondes. La voiture de route la plus rapide à son apparition. Pour voir une auto un peu spéciale, Joris en a rencontré une, c’est dans cet article.

C’est également ce moteur qui sera utilisé dans les autos de la série DP, dont on parle ici. Là il monte à 4 litres et 330 chevaux réservés aux circuits.

La DB5 reprend elle aussi le 4 litres. Dégonflé à 282 chevaux, et alimenté par trois carbus SU, il permet à l’auto, qui sera installée dans l’imaginaire collectif comme la voiture de James Bond, d’atteindre les 240 km/h et les 100 en 8 secondes. Une version Vantage du moteur apparaît, là on remplace les SU par trois Weber double corps pour sortir 315 ch du « Tadek Marek ».
La DB6 reprendra les mêmes spécifications.

Alors que l’ingénieur travaille encore sur un nouveau moteur, un V8, la voiture devant l’accueillir sort. De fait, la DBS a déjà un style éloigné de la série des DB4, DB5 et DB6 mais emmène toujours le 4 litres et ses deux versions.

Le V8 par Tadek Marek

Marek rend sa copie avec le nouveau V8 en 1968. Il sera installé dès l’année suivante dans l’Aston Martin DBS V8. Né avec 5.3 litres, le moteur sort 315 chevaux, permet à l’auto de filer à près de 260 km/h et accrocher les 100 km/h en moins de 6 secondes.

Ce moteur a la particularité d’abandonner les carbus pour une injection Bosch. Mais il pourra aussi être gavé par des Carbus, comme le prouve la série 3 de l’Aston Martin V8 (qui a perdu son DBS). Elle est alimentée ainsi car l’injection se prête mal à la dépollution exigée par la Californie. Il garde dans un premier temps la même puissance, mais sera dégonflé, toujours à cause des normes américaines, à 245 chevaux sur la série des « Oscar India ».

Le V8 sera poussé jusqu’à 450 ch et connaîtra bien des évolutions. Il ne quittera définitivement la gamme Aston que sous l’ère Ford au début des années 2000 !

Tadek Marek retraité en Italie

En fait, l’ingénieur connu comme « Le Polonais » dans le milieu ne sera pas aux commandes pour les évolutions de son V8. En 1968 il a pris sa retraite en Italie, loin des autos. C’est là qu’il décède en 1982, après une vie bien remplie… de coups de génie !

Photos : News d’Anciennes, Wikimedia, RM Sotheby’s, Aston Martin Club.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Franck Boizard

    « A 20 ans, il court avec ces autos. »

    Probablement : A 20 ans, il court avec ses motos.

    Répondre · · 18 mars 2018 à 21 h 33 min

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