Monterey Car Week 2022, Chap. 6, Pebble Beach : Women Power

Publié le par Patrick Hornstein

Monterey Car Week 2022, Chap. 6, Pebble Beach : Women Power

Et bien voila, nous y sommes… Après une semaine intense (Tour d’élégance Rolex, Concorso Italiano, Rolex Historic Races, toutes les ventes aux enchères, la patrouille de l’aube) nous sommes sur la pelouse du 18ème trou du Golf de Pebble Beach prêts à assister au premier Concours d’Elegance au monde…

Premier ? Pas dans la chronologie, les concours d’ élégance sont une invention française d’avant-guerre dont le but était de distraire les touristes britanniques en villégiatures dans les villes thermales et balnéaires afin que ceux-ci restent plus longtemps…

Premier de par la dimension et le prestige.

Le Concours d’Elegance de Pebble Beach existe depuis 1950. Au fil des années celui-ci a progressé au point de devenir l’événement automobile le plus important de la planète. À l’heure où les salons souffrent hélas d’une profonde désaffection Pebble Beach atteint des sommets et est désormais le premier événement automobile choisi par les constructeurs pour y présenter concepts et nouveaux modèles.

À quoi cela est-il dû ?

Pas un facteur mais un ensemble : lieu, sociologie, passion, rigueur, vision et surtout une personne cumulant ces 3 qualités : Sandra Button !

Sandra Button 1-

Durant une semaine l’homme le plus puissant de toute la planète automobile est une femme. Le succès de Pebble Beach est avant tout son succès, dû à sa vision et son exigence jusque dans les moindres détails…

Était-elle prédestinée ? Même pas ! Un père ingénieur aéronautique chez Boeing, une mère au foyer passionnée par son jardin et la nature, de fait la langue maternelle de Sandra était celle des fleurs et des plantes et tout le vocabulaire automobile devint sa première langue.

Elle évoque le traumatisme que représenta pour elle le premier choc pétrolier de 1973-1974 avec l’explosion du prix du carburant alors qu’elle venait juste d’avoir son permis de conduire. Pour une jeune fille les automobiles incarnaient la liberté, liberté d’aller où elle voulait et quand elle voulait sans dépendre de quelqu’un.

Sa toute première automobile fut une Mustang donnée par son père, ensuite elle acheta une Datsun 2000 roadster qui lui servit de transport quotidien pour les 90 minutes qui la séparaient de son travail.

En 1985 déménagement en Californie où elle est embauchée au Lodge à Pebble Beach. Au bout de 4 ans elle devient directrice des événements du Lodge passant allègrement du tournoi de Golf à un concours de chiens. Pendant ce temps la passion automobile s’était encore renforcée et lui valut de prendre les responsabilités de directrice exécutive du Concours d’Elégance de Pebble Beach en 1991 avant de devenir co-chairman dès 2002 en compagnie de Glenn Mounger.

Il y a des visionnaires qui bâtissent des réussites qui s’ancrent dans le temps : Marc Nicolosi et Rétromobile, Lord March et Goodwood, Lord Montagu avec Beaulieu (musée & Autojumble) Sandra Button avec le Concours d’Elégance de Pebble Beach.

C’est à elle que l’ on doit le fait d’ être passé d’un événement régional au centre de gravité mondial de la planète automobile durant la 3ème semaine d’Aout chaque année. Parmi les 80 partenaires/sponsors ce sont pas moins de 28 constructeurs que l’on y trouve !!! Voila qui devrait inciter les salons à une sérieuse introspection…

Des constructeurs centenaires comme Aston, Bentley, Lincoln, Mercedes, etc, se retrouvent en compagnie d’une start-up électrique américano-saoudienne (Lucid). Pour bien vous démontrer factuellement l’importance, le poids stratégique de Pebble Beach : où Pierre Fillon (Président de l’ACO) présente-t-il le trophée des 100 ans des 24h du Mans ? À Pebble Beach, à 14,000 kms du Mans et sur ce qui n’est pas une course !

Si les grands salons ne réfléchissent pas vite, très vite, ils ne feront pas la révolution culturelle indispensable à leur survie. Espérons juste qu’il ne soit pas trop tard… Là où la plupart des grands salons historiques sont KO le salon de Doha est une lueur d’espoir : quand les Qatari veulent quelque chose ils vont jusqu’au bout en y mettant les moyens. Souhaitons-leur donc succès pour Salon et Musée de DOHA dès 2023 qui reprennent bases et équipes de Genève !

Sans partenaires pas de moyens, sans moyens pas possible de faire du Beau. C’est une lapalissade mais c’est bien réel. Les 80 partenaires elle ne les avait pas il y a 20 ans, elle est allée les chercher un par un. Gérer une organisation à but caritatif comme une entreprise c’est typiquement américain. L’idée de redistribution de la part de ceux qui ont bien réussi est ancrée dans leur culture. Chaque année le Concours d’élégance est fier de remettre 2 à 3M$ à différentes organisations caritatives en faveur de l’enfance déshéritée.

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Faire partie du Concours est aussi une source de fierté, les volontaires sont au nombre de 1200 et viennent de tous les Etats Unis, parfois en y consacrant leurs vacances. 1200 c’est une énorme machine … Ils viennent à leurs frais et par passion. Idem en ce qui concerne les juges. Etre juge sur le Concours d’Elégance de Pebble Beach est une reconnaissance, un honneur, et tous viennent (et séjournent) à leurs frais ! C’est à ce prix que Sandra bénéficie d’une organisation sans faille, c’est à ce prix qu’elle a les moyens de « faire du beau ».

Alors qu’appelons-nous du beau ?

Et bien chaque année il y a plusieurs thèmes d’exposition au sein du concours et par exposition c’est réellement digne d’intérêt pas des voiturettes ou autres moutons à 5 pattes. Un alignement de Porsche 917 ? Elle l’a fait ! Des voitures de Maharadjas avec leurs propriétaires Maharadjas ? Elle l’a fait ! Une exposition DS avec toutes les carrosseries spéciales ? Elle l’a fait ! Le centenaire Bentley ? Elle l’a fait ! Le centenaire des 24h du Mans ? Elle l’a fait ! Le centenaire Lincoln ? Elle l’a fait ! Lamborghini Miura, Duesenberg, GT 40 ? Elle l’a fait ! Le rassemblement-rétrospective d’une douzaine de Best of Show des éditions antérieures ? Elle l’a fait !

La distance et la rareté ne découragent pas cette authentique passionnée (mariée à Martin Button passionné lui-même). Le résultat est riche de conséquences : le Concours est le 1er au monde. Des concours « wannabe » paient pour faire venir propriétaires et belles autos ? C’est leur problème ! Pour le Concours d’Elégance de Pebble Beach le rapport de forces est l’inverse : ce sont 3000 autos que les propriétaires demandent à inscrire chaque année, seules 200 à 220 seront retenues. Ce n’est pas tout : une auto présentée ne peut pas être représentée durant un délai de 10 ans !

Le niveau des restaurations est tout simplement époustouflant. Il y a une quinzaine d’années je déambulais avec Max Alunni qui venait de reprendre les établissements Lecoq avec la bénédiction d’André. Il m’a fait bénéficier de son œil de super-pro et de ses explications «regarde, les ouvrants n’ont que 2 millimètres de jour c’est dingue, regarde à quel point les grands panneaux sont parfaitement plats, regarde cette profondeur il y a au moins XX couches de vernis poly-lustré». Après coup il m’a avoué avoir été bluffé et être rentré encore plus exigeant quant à la qualité des restaurations qu’il effectue pour ses clients.

Le Best-of-Show du Concours d’Elégance de Pebble Beach

Dès l’ouverture on voit de nombreux spectateurs se ruer avec un plaid ou un fauteuil pliant pour s’installer idéalement par rapport au défilé qui ne commencera que 4 ou 5 heures plus tard. Les meilleures places sont prises d’assaut.

C’est vers 14h que commence le ballet des remises de prix, chose agréable cela va vite, on a pensé aux spectateurs pour qu’ils ne s’ennuient pas devant quelque chose de répétitif : les conducteurs/trices restent au volant, reçoivent leur prix, sont photographiés pendant qu’ils/elles prononcent éventuellement quelques mots avant de céder la place au suivant. C’est dynamique cela vit.

Lorsqu’arrive le BoS un peu de suspense entre les 3 finalistes et enfin le grand gagnant s’avance sous les trompettes inspirées d’un tournoi de chevalerie… Remerciements, bravos, etc…

Le best of Show est la distinction suprême mais ce n’est pas une distinction de complaisance ou de copinage. Les juges sont tous des spécialistes reconnus et ils officient par collège de 3, tout est scruté : état, authenticité, fonctionnement, absence de fuites, matching numbers, le dossier de restauration avec photos est requis à l’ inscription.

Chaque classe a un vainqueur, le best of class, puis une seconde et une troisième of class. Les Best of class sont ensuite en compétition pour déterminer qui sera le célèbre « Best of Show » de l’année.

Pour le 71ème concours c’est une franco-américaine qui s’est vue décerner le prix : la Duesenberg 1932 de Lee R Anderson, automobile exemplaire unique à la carrosserie dessinée par Figoni, célèbre carrossier français.

C’est la 1ère victoire de Lee Anderson, la septième pour une Duesenberg. La dernière fois qu’une américaine avait gagné c’était en 2013 avec une Packard 1934. Si l’on y réfléchit la désignation du Best of Show du Concours d’Elégance de Pebble Beach n’est pas sans rappeler le système des grands électeurs pour la présidentielle américaine. Plusieurs très grands collectionneurs ont gagné plusieurs fois le BoS : Ralph Lauren, Peter Mullin pour ne citer qu’eux…

Toujours, toujours repousser les limites, ne jamais rester sur un acquis. C’est ainsi qu’est née la présentation des concept-cars sur les pelouses en face du Lodge. C’est doublement habile : un intérêt supplémentaire pour le public et récupérer des (nouveaux ?) constructeurs comme partenaires. Le Concours d’Elégance de Pebble Beach se joue à guichets fermés, les spectateurs réservent leurs billets (longtemps) à l’avance et l’on y vient en famille. Il arrive que la même famille comprenne 4 générations sur les pelouses.

Pourquoi un tel succès ?

L’exigence est omniprésente et sans compromis. On sent que Sandra Button a travaillé dur pour emmener le concept vers les sommets. C’est aussi un moment familial avec tout ce qu’il faut de synergies avec le monde du luxe. Les partenaires excellent tous dans leurs domaines et ne sont pas que de simples sponsors financiers.

Ce n’est pas bling-bling, c’est élégant et c’est parfait ainsi. C’est pour une noble cause : Rolex offre une montre, Toyota, Mercedes, Nissan offrent des autos que le spectateur peut gagner en achetant des billets de tombola dont le produit va à l’enfance déshéritée. Le spectateur a conscience de participer à cette bonne cause.

Women power ? Women power !

Une chose est frappante. Lorsque l’on a l’habitude des manifestations automobiles on note que sur les manifestations « collection » les femmes représentent à peine 10% et sur les manifestations modernes type F1 elles sont souvent en qualité de bimbo au bras d’hommes 2 voire 3 fois plus âgés. Ce n’est pas glorieux mais c’est un fait !

Alors regarde cher lecteur cette galerie de portraits : environ 50% des spectateurs sont des spectatrices et il n’y a pas de décalage dans la pyramide des âges. Y a-t-il un lien de cause à effet ?

La présidente ? Sandra BUTTON, la directrice de la communication : une femme Kandace HAWKINSON, la vice-Présidente ? Judith-Ann RAIBLE ! Les volontaires féminines sont également un très fort contingent comme quoi le machisme et l’automobile sont un paramètre révolu.

Ses équipes sont extrêmement féminines et démontrent avec brio que l’automobile n’est pas un territoire masculin.

Conclusion 

Oui c’est le plus beau Concours d’Elégance au monde mais pas que… Si les constructeurs ont jeté leur dévolu sur cette manifestation c’est avant tout pour le concentré de qualité, de passion, de perfectionnisme qui s’en dégage. Pebble Beach est un déplacement couteux pour le collectionneur français mais c’est à faire au moins une fois dans une vie, là on apprécie un spectacle poussé au plus haut niveau.

Le cadre de Chantilly est superbe, l’organisateur est pro mais ce qu’il y a sur les pelouses de Californie est dans une toute autre dimension. La seconde conclusion est que l’événementiel est un art cruel ne souffrant pas la facilité, lorsque Marc Nicolosi céda les rênes à son factotum Rétromobile entama une baisse qu’aujourd’hui tout le monde déplore, lorsque Lord Montagu (Edward) disparut l’absence de passion de son fils Ralph provoqua les mêmes effets. Lorsque Pierre Antoine Faure nous quitta Avignon Motor Frestival ne fut plus qu’un souvenir.

L’événementiel demande une forte personnalité, du charisme, de la passion, de l’exigence et de l’énergie, pas le droit de baisser la garde. Sandra Button a emmené Pebble sur les sommets, souhaitons que cette ascension continue le plus longtemps possible.

Infos pratiques

Toutes les infos sur le concours et sa prochaine édition sont à retrouver en cliquant ici.

Pebble Beach se tient l’an prochain le Dimanche 20 Aout. Pour s’y rendre : vol jusqu’ à San Francisco. La premium economy Air France offre le meilleur compromis tarif/confort pour un vol de 12h, plus vous vous y prenez à l’avance mieux c’est.

Pour louer une auto aux meilleures conditions s’y prendre le plus longtemps possible en amont via Rental Cars ce sont les meilleurs tarifs. Pour ce qui est de l’hébergement privilégiez les villes de Salinas, Soledad, Hollister…Les 25 kms de distance verront les tarifs être divisés par 5 que ce soit en hôtel ou en louant une maison via airbnb. Pour la nourriture il y a un supermarché « bio » époustouflant de qualité et de choix « Whole Food Markets » au Del Monte Center, centre commercial entre Carmel et Monterey. A chaque fois qu’un ami collectionneur s’est décidé j’ai toujours entendu le même commentaire «j’aurais du le faire plus tôt»…

Patrick Hornstein

Observateur éclairé du monde automobile, Patrick parcourt le monde et assiste aux plus grands événements du monde de l'ancienne.

Commentaires

  1. Régis CORRE

    BRAVO pour ce commentaire dithyrambique mais qui le vaut bien ! Un ami, Jean Paul Caron , photographe auto, qui a participé à la venue en 1993 des Royales à Pebble Beach, me racontait déjà à quel point il voyait chaque année monter le niveau. Aujourd’hui c’est devenu Royal…

    Répondre · · 13 octobre 2022 à 14 h 33 min

    1. patrick hornstein

      Merci à vous.

      Répondre · · 14 octobre 2022 à 17 h 29 min

    2. patrick hornstein

      Merci à vous. Je connaissais Jean-Paul, ex pilote Aston. Oui, il avait raison. Aujourd’hui il y a un Océan entre Pebble et les autres, au propre comme au figuré.

      Répondre · · 14 octobre 2022 à 17 h 32 min

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