L’Humeur d’Hugo : Sea, sand & speed !

Publié le par Hugo Baldy

L’Humeur d’Hugo : Sea, sand & speed !
Hugo Baldy 1-

Hugo Baldy est depuis des années (toujours en fait) plongé dans la voiture ancienne. Après des années au sein d’une célèbre maison d’édition, il est spécialiste des véhicules de collection chez Aguttes. Il nous livre régulièrement son billet d’humeur, les autres sont ici.

Depuis 2019, je regarde une bande de fous furieux se réunir sur une plage de Normandie, et aligner toutes sortes d’engins sur une bande de sable de 1/8-mile de long (environ 200 m), façon run de dragsters. Les engins qui prennent part à l’événement sont aussi disparates qu’un inventaire à la Prévert : motos plus patinées les unes que les autres, essentiellement des Harley Davidson, hot rods de tous poils, belly tanks – racers construits avec des réservoirs d’avions profilés de la Deuxième Guerre – sortis de l’imagination débordante de quelques Geo Trouvetout, et quelques classiques, dont Bugatti Grand Prix et Dexter Course 1906.

Condition sine qua non pour prendre le départ : l’engin et ses éléments mécaniques doivent dater d’avant 1947. Depuis 2019, je regarde une bande de fous furieux se réunir sur une plage de Normandie… et je me dis, pourquoi pas moi ?

A la base, j’aime tout ce qui roule, sur 2, 3 ou 4 roues, tout ce qui vole (même si j’ai le mal de l’air), tout ce qui navigue (même si j’ai le mal de mer). Et j’ai toujours eu un faible pour les hot rods. J’aime tout dans ces engins modifiés, top-chopés, et améliorés, sans parler de la culture US du juste après-guerre et de l’ambiance à nulle autre pareil, avec un énorme accent mis sur le style vestimentaire, façon Goodwood Revival. Quand j’ai vu la photo d’une Bugatti Type 51 alignée à côté de ces rods, j’ai décidé d’inscrire ma vaillante Delahaye.

Ma saison 2023 était ainsi rythmée par deux grands événements : Le Mans Classic, et la NBR (Normandy Beach Race pour les habitués). Le grand écart ! Un seul mot d’ordre, essayer de garder la voiture en un seul morceau et toujours « auto-mobile » jusqu’aux deux lignes de départ. Première mission accomplie. J’ai bien sur eu droit à tous les reproches du monde : « Quoi, tu vas aller rouler sur le sable ? Et le sel, tu en fais quoi ? Et les carbus, tu les as protégés ? T’as intérêt de bien la rincer après… ». Alors oui, j’ai roulé sur le sable, je n’ai pas protégé les carbus, et je l’ai bien rincée juste après l’événement. Et vous savez quoi ? Jusque-là, tout va bien, ma Delahaye a encore survécu !

En termes de préparation, remplacer le liquide de refroidissement par de l’eau, pour limiter la pollution, démonter les ailes (culture hot rod oblige) et trouver un casque vintage (pas de panique, il ne s’agit que de démonstrations). Pour ce dernier point, je savais depuis longue date quoi porter : LE casque Herbert Johnson (le must des pilotes de F1 du tout début des années 1950) porté en 1948 par Yves Giraud-Cabantous, pilote officiel Delahaye puis Talbot, 2e du Mans 1938 sur Delahaye justement. Un authentique morceau d’histoire. « Quoi, tu vas aller rouler avec sur le sable ? Et le sel, tu en fais quoi ? Bla bla bla… ». Ne s’use que si l’on s’en sert ; CQFD.

Vendredi soir, l’émotion monte.. On arrive avec ma femme et mon fils de 4 ans (… et demi, ça compte) à Ouistreham. Le cœur de ville est envahi de motos et de rods. On décharge la Delahaye, direction les verifs techniques et le briefing. Simples et efficaces. L’accent est mis sur l’environnement et la propreté clinique du bout de plage utilisé à notre départ le dimanche soir. Bravo ! Ensuite, départ en convoi direction les paddocks, on the beach. Quelle émotion !

Samedi matin, il y a déjà foule à Ouistreham. Odeur d’essence et d’huile, air marin, ambiance fifties : quelle joie d’être là. Juste après un dernier briefing, tradition oblige, tous les participants parcourent à pied les 1/8 de mile qui servent de piste pour les runs. Dans un sens, puis dans l’autre.

Nouveau moment d’émotion, avec ma femme et mon fils (également en habit de pilote vintage), un peu hors du temps, à penser à ces pionniers, qui ont commencé cette discipline au début du siècle dernier ; en France, le phénomène arriva avec les américains, en 1917, et l’un des premiers Grand Prix automobiles sur sable eut lieu en France à La Baule en 1924. Rien de nouveau donc. 10 h, les runs commencent. Je démarre tranquillement la Delahaye et la laisse chauffer doucement. Pas de compétition ni de clivage ici, juste de la passion à l’état pur. On regarde tous les véhicules du voisin, et on discute moteur et carbu.

Je tombe littéralement sous le charme du rod Ford 34 de Christophe : tout est period correct, savamment patiné, avec un performant moteur d’époque. Quelle gueule ! Idem du côté des motos, qui offrent un plateau de très haut niveau. Je prends au moins autant de plaisir à déambuler dans les paddocks (réservés aux concurrents) qu’à faire des runs.

La Delahaye, assez lourde du cul, n’est pas très adaptée à l’exercice : malgré le peu de gaz que je donne au départ, le sable mou et les ornières creusées au niveau de la ligne de départ font que la voiture s’enfonce, à la limite de l’enlisement… sous l’œil amusé des athlétiques et photogéniques flag girls !

Une fois parti, j’ai à peine le temps de passer la 2, que je franchis le drapeau à damiers. Mon fils est déçu, je n’ai pas « gagné ». Il me conseille de regarder quelle est la voiture la moins rapide pour m’aligner avec elle… chose faite et, sans gloire, je triomphe aux yeux de mon fils. Une fierté dans ses yeux qui n’a pas de prix. Quoi qu’il en soit, depuis 2019, je regardais une bande de fous furieux se réunir sur cette plage hautement historique de Riva Bella et ça y est, j’ai roulé à la NBR, sur le sable, avec la Delahaye.

(Petite confidence, je viens d’acheter un moteur d’avion des années 1920 pour un nouveau projet bagnole. Rdv à la NBR 2025 ? À suivre… )

Hugo Baldy

https://aguttes.com

Hugo est tombé jeune dans le monde de la voiture ancienne... et il y est resté ! Après de nombreuses années dans le groupe La Vie de l'Auto, il rejoint la maison de vente Aguttes en tant que spécialiste des véhicules de collection. Il livre ses billets d'humeur sur News d'Anciennes depuis la fin 2022.

Commentaires

  1. Girousse

    Superbe Hugo

    Répondre · · 16 octobre 2023 à 18 h 53 min

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