Essai d’une Peugeot 402, moderne ET streamline

Publié le par Benjamin

Essai d’une Peugeot 402, moderne ET streamline

On vous avait promis de parler d’avant-guerre, on confirme et on signe. Après une voiture de grand luxe, cette fois c’est une auto beaucoup plus populaire que nous allons essayer. Les Talbot, Delahaye, Delage et autres Bugatti sont si souvent sous les projecteurs, qu’elles feraient presque oublier qu’il n’y avait pas que des voitures de luxe sur les routes d’avant 1939. Les voitures étaient moins nombreuses, certes, mais on trouvait quand même des modèles moins élitistes et c’était le rôle de voitures comme cette Peugeot 402 : être une routière accessible. Qu’est ce que ça donne en 2023 ? C’est la question du jour.

Notre Peugeot 402 du jour

J’ai toujours eu du mal à évoquer la série 02 de chez Peugeot sans évoquer la Chrysler (et la DeSoto) Airflow. Certes, c’est bien cette famille de voitures qui va imposer la mode du Streamline Modern dans le milieu automobile. Néanmoins elle ne va être que l’inspiratrice et en France, pays de gastronomie s’il en est, on saura améliorer la recette, en particulier chez Sochaux.

Ainsi naquit la Peugeot 402, première des séries 02, apparue en 1935 et qui imposera le « fuseau sochaux », véritable signature stylistique de la marque et qui se vendra trois fois plus que l’américaine (et je ne parle là que de la Peugeot 402). Et quand on y regarde bien, c’est vrai que les stylistes de Peugeot ont fait un beau travail.

Les traits les plus distinctifs du fuseau sochaux et donc de la Peugeot 402, c’est bien à l’avant qu’on les retrouve. Cet avant effilé, qui semble pointu sans l’être vraiment. En fait c’est bien la forme de la calandre qui donne cette impression. Cette calandre concentre d’ailleurs tous les regards. Forcément, il est impossible de ne pas voir les phares au travers (et heureusement qu’on les voit d’ailleurs). Si la ligne Streamline s’est imposée et a forcé les constructeurs à viser à l’aérodynamique, c’est vraiment Peugeot qui est allé le plus loin et ça change, en effet, des phares séparés des autres autos de la fin des années 30.

Si c’est le point le plus marquant, limiter la ligne de la Peugeot 402 à ce seul trait serait une erreur. La grosse berline (on y revient) se distingue aussi avec son pare-chocs en moustache relevée, mais aussi ses ailes. Au-delà du fait qu’elles n’accueillent pas les phares, elles sont assez basses et plates. Nous sommes encore très loin de la ligne Ponton, mais ça tranche, encore une fois, avec les autres autos de l’époque.

On termine avec quelques détails de cette Peugeot 402. D’abord ce lion, finalement discret, qui trône en haut de la calandre et puis ces ornements en haut des ailes qui abritent les feux de position et pas les clignotants puisqu’on fait encore appel à des flèches, places dans les boîtiers visibles juste devant la porte. On ajoute le pare-brise, en deux parties et avec des vitres qui se relèvent tandis que les essuie-glace sont situés au-dessus.

Le profil de la Peugeot 402 révèle encore quelques particularités. Certes, il est moins marquant que l’avant dont on distingue quand même les rondeurs. Les portières sont larges et on remarque, au centre, les charnières : la porte avant est antagoniste. On note aussi le filet rouge, en vérité ce sont deux filets qui ont été « comblés » sur notre auto du jour et les spats à l’arrière, ornés d’un lion stylisé symbolisant la vitesse.

Ce profil donne l’impression d’une voiture longue… et la Peugeot 402 l’était plutôt : 4,85m. C’est en fait la taille de sa concurrente chez Citroën, la Traction Familiale (et celle d’un Porsche Cayenne par exemple). Sauf que la Traction offrait plus de places assises puisque notre N4 est une « simple » Berline dans la gamme 402 et qu’il existe une version encore plus longue avec 5m de long.

Finalement c’est certainement l’arrière de la Peugeot 402 qui est le plus conventionnel. Comme le pare-brise, sa lunette arrière est divisé en deux, les fans de VW l’appelleraient volontiers « Split », et est haute pour laisser de la place à cette malle plate, accueillant la roue de secours et qui s’ouvre vers l’extérieur (ce qui n’était pas le cas de toutes ses concurrentes). On note un pare-chocs absolument rectiligne, un spaghetti comme pot d’échappement ou encore… deux bouchons pour le réservoir d’essence.

En bref : la Peugeot 402 a son style propre, c’est indéniable. Mais finalement, seul l’avant est caractéristique. Assez en tout cas pour être devenu une vraie signature de l’auto.

Technique : d’époque tout simplement

C’est vraiment sur le style que notre lionne se démarque. Parce que du point de vue technique, il n’y a rien de très nouveau et surtout on ne se démarque pas vraiment de la concurrence à ce niveau. C’est d’abord symbolisé par le moteur de la Peugeot 402. Quand la Série 01 coiffait sa gamme avec un 6 en ligne sous le capot de sa 601, la 402 qui la remplace (avec la 401 par la même occasion) se contentera d’un 4 cylindres.

Qui dit 4 cylindres de 1935 dit cavalerie limitée. Le moteur cube 1991cm³, une cylindrée dans la moyenne de l’époque et sort 55ch… ce qui est par contre une belle performance ! Il est relié à une boîte trois vitesses, dont deux synchronisées, qui envoie le tout à l’essieu arrière. Si la Traction a débarqué, Peugeot, comme les autres constructeurs qui concurrent la Citroën, conserve la propulsion. Rappelons que le lion ne se mettra à la traction qu’en 1965 avec la 204 !

Sur le reste de la technique, on reste tout autant conventionnel. Au menu un châssis bien rigide (et pas une monocoque), des freins à câbles, un pont rigide à l’arrière mais, quand même, des roues avant indépendantes. Après, personne ne demandait à la Peugeot 402 d’être particulièrement innovante, ce n’était pas son rôle !

L’intérieur : et si le vrai luxe…

Non, on ne peut pas parler d’intérieur luxueux en ouvrant les portes de la Peugeot 402. Ce registre là on le laisse à d’autres constructeurs, qui étaient d’ailleurs beaucoup plus nombreux au moment de la sortie de la voiture. Pour reprendre un slogan utilisé par une marque qui n’est pas Peugeot (mais si on réécrivait l’histoire, Peugeot aurait pu l’utiliser) : « et si le vrai luxe, c’était l’espace ». Et cet espace, on le retrouve… à l’arrière.

En effet ce n’est pas du côté des places avant qu’on trouve vraiment de l’espace. Déjà parce qu’il faut que la banquette soit assez proche pour que le conducteur soit à l’aise et puis quand on se dit qu’on pouvait s’y mettre à trois… ce n’était certainement pas des premières lignes qui prenaient place ici. Par contre en ouvrant la porte arrière, avec son arrêtoir relié aux soubassements de l’auto, on retrouve effectivement beaucoup mais alors beaucoup de place. Par contre, c’est le seul vrai trait luxueux de cet intérieur… quoi que la douceur des tissus habillant cet intérieur est intéressante.

À l’avant, la place est plus réduite et il faut bien dire que l’instrumentation l’est aussi. Mais encore une fois, il faut replacer la Peugeot 402 dans son contexte et en fait peu d’autos de cette gamme faisaient mieux. On retrouve donc un combiné Jaeger situé derrière le volant et qui regroupe trois cadrans pour la santé de la voiture (jauge de carburant, ampèremètre et pression d’huile), une montre en bas, un odomètre au centre et le classique tachymètre autour. Pour le compte-tours, il fallait s’offrir une Darl’Mat !

En dehors du grand volant, les commandes sont regroupées au centre avec des tirettes et autres interrupteurs disposés autour du levier de vitesse imposant, avec simplement les essuie-glaces commandés au-dessus du pare-brise. Même avec les indications marquées dessus, tout ça va demander un temps d’adaptation. C’est le moment justement.

Au volant de la Peugeot 402

C’est parti, je me met au volant. Et quand on parle d’une avant-guerre, j’ai toujours une petite appréhension. Pourtant ce n’est « qu’une » Peugeot 402 et pas une Bugatti. N’empêche, une avant-guerre c’est forcément une voiture ancienne un peu particulière, une voiture avec laquelle l’anticipation est absolument nécessaire. Contact avec un des boutons au tableau de bord et démarrage en tirant sur un autre. Un coup de gaz pour aider et le moteur se fait entendre. La sonorité n’a rien de transcendant mais il faut bien avouer qu’elle met parfaitement dans l’ambiance.

Pour mettre la première… et bien je reprend les réflexes acquis en conduisant ma première voiture ancienne. C’était une 4L et le levier de vitesse était également au tableau de bord. Sauf que dans notre auto du jour, il n’y a que trois rapports. Alors je ne mets pas la marche arrière en poussant sur le levier mais je l’incline vers moi et le tire. Première et c’est parti. Pas de souci pour faire patiner l’embrayage et c’est parti.

La Peugeot 402 m’étonne. Elle est vraiment vive. Bon, la première est vraiment courte, ça aide aussi. La seconde est toute aussi courte si bien que le dernier rapport est enclenché dès les 45/50km/h histoire de stabiliser ma vitesse dans le village. Arrive un premier virage, je rétrograde sans souci, ça craque un peu mais les synchros sont plus anciennes que sur ma Simca qui râle encore plus. La direction est plutôt légère, bien qu’imprécise, et me guide exactement là où je le souhaite. Évidemment, j’ai dû freiner pour tourner… et heureusement que j’avais anticipé.

Peugeot 402 par News dAnciennes 35- Peugeot 402

Le bourg s’éloigne, c’est le moment d’accélérer. J’avoue que j’aurais peut-être dû la lancer un peu plus en seconde parce que, si les deux premiers rapports sont courts, le dernier est beaucoup plus long. En même temps si on peut rouler à 45 avec et qu’il doit nous emmener jusqu’au plus de 110km/h revendiqués, ça doit tirer long. Au final j’arrive aux 80, pas ceux du compteur dont la précision est d’époque mais un vrai bon 80km/h. Elle les tient. Et j’avoue qu’au niveau des sensations de vitesse, je me croirais à 200 en Ferrari. La Peugeot 402 fait du bruit, vibre un peu, laisse entendre quelques petits bruits mécaniques mais elle file.

Arrivé en agglomération, le freinage doit d’autant plus s’anticiper. Certes, notre mamie du jour n’est pas bien lourde mais son freinage est vraiment d’époque et pas prévu pour participer à une course. J’anticipe vraiment et le frein moteur qu’amène la seconde est le bienvenu. Au redémarrage du stop, le moteur et la boîte jouent de concert pour bien m’insérer dans la circulation moderne sans créer de bouchon. Naviguer en ville n’est pas si compliqué. La dernière avant-guerre que j’avais essayé, la Talbot-Lago T23, avait un rayon de braquage ridiculement mauvais mais la Peugeot 402 est plutôt bonne sur ce point.

Traverser Joigny se fait sans trop de difficulté tant qu’on a quelques paramètres en tête : déjà bien anticiper le freinage mais ça je l’ai compris et vous aussi. Mais il faut aussi composer avec les flèches qui sont placées assez bas et qui sont complètement cachées des véhicules de derrière si bien qu’on pourrait se faire insulter… mais non, on l’a bien mis ce pu**in de cligno ! La hauteur de caisse fait qu’on ne souffre pas trop des ralentisseurs tandis que les suspensions font leur office.

Une belle montée nous guide vers une route plus large mais la Peugeot 402 encaisse sans broncher. Certes, il faut bien se lancer avant de mettre la 3e. Clairement, monter un col vous dispensera de passer ce rapport… et vous devrez composer avec une première pas synchronisée. Mais dans le cas actuel, c’est un coteau et la troisième rentrer et emmène notre avant-guerre vers le sommet.

On roule, on roule et on re-roule. Pas grand chose à redire au comportement de notre mamie. Ce n’est pas une voiture de course mais pour ça, avec une 402, il fallait choisir une Darl’Mat. Néanmoins les kilomètres s’enchaînent sans que la voiture ne se fatigue et sans qu’on le soit vraiment non plus. La Peugeot 402 est une routière, de son temps mais une routière tout de même. Avec elle, on est quand même plus proche du comportement des voitures des années 50 que des caisses carrées qui sillonnaient les routes à peine 5 ans avant sa sortie.

Des reproches ? En ce mois de Janvier glacial, on aurait aimé qu’en plus du pare-brise qui s’entrouvre les ingénieurs de Peugeot pensent à rajouter un chauffage. Mais on s’y fait. Et puis à Joigny les voitures avaient plutôt tendance à souffrir du chaud, l’été, en voulant traverser l’Yonne sur la N6. À l’époque les sports d’hiver étaient peu développés… et ce n’étaient pas forcément les propriétaires de Peugeot 402 qui s’y rendaient.

Notre tour touche à sa fin. Non, on n’a pas bouclé des centaines de kilomètres mais ce n’est pas de la faute de notre auto du jour. Elle pourrait tout à fait les enchaîner et à son volant vous pourriez le faire aussi et en ressortir pas plus fatigué… qu’avec une autre ancienne. Parce qu’on va être quand même honnête : ça ne se conduit pas comme moderne. Et c’est précisément ça qu’on aime !

Conclusion :

La Peugeot 402 fait reculer pas mal de préjugés. Non, toutes les avant-guerres ne sont pas des caisses carrées. Non, on est pas obligé de rouler à 70 parce qu’elles ne peuvent pas faire mieux. Non, on est pas obligé de prendre rendez-vous chez le kiné après chaque voyage. La Peugeot 402 c’est comme une voiture ancienne des années 60… mais encore plus ancienne. Tout prend un peu plus de temps, de l’accélération au freinage. Mais ça reste une voiture parfaitement utilisable sans avoir été pilote d’essai au préalable.

Surtout, la Peugeot 402 reste une voiture faite pour rouler. Avec elle vous pourrez aller loin et sur des axes bien différents, de la petite route de campagne à la nationale (évitez quand même l’autoroute). Alors ne vous privez pas et vous n’avez même pas forcément besoin d’avoir une « autre expérience » de conduite d’une voiture ancienne pour vous lancer. Surtout que c’est une vraie expérience et que les sensations sont là. Mais pas celles que vous connaissez si bien.

Les plus de la Peugeot 402Les moins de la Peugeot 402
Une ligne comme vraie signatureAttention au freinage
Des performances pas dépasséesLes flèches pas très visibles
La (relative) facilité de conduiteDe moins en moins prisée
L’espace intérieur
image 4- Peugeot 402
Fiche techniquePeugeot 402
Années1935-1942
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée1991 cm³
AlimentationCarburateur Inversé
Soupapes8
Puissance Max55ch à 4000 trs/min
Couple MaxNC
Boîte de VitesseManuelle 3 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Position MoteurLongitudinale Avant
FreinageTambours à Câbles AV & AR
VoiesAV 1320 mm / AR 1350 mm
Empattement3150 mm
Dimensions L x l x h4850 x 1640 x 1580 mm
Poids (relevé)±1200 kg
Performances
Vmax Annoncée120 km/h
0 à 100 km/hNC
400m d.aNC
1000m d.aNC
Poids/Puissance21,8 kg/ch
Conso Mixte± 9 litres / 100km
Conso SportiveNC
Prix± 10.000 €*
Cote : Collector Car Value

Conduire une Peugeot 402

Si vous cherchez une Peugeot 402 N4, une des toutes premières 402, celle-ci est à vendre. D’ailleurs vous retrouverez l’annonce et toutes les infos sur notre site de petites annonces en cliquant ici.
À 10.000€, elle est dans la cote des autos dans cet état : celui d’une avant-guerre qui roule parfaitement mais qui montre bien qu’elle roule et ne reste pas au garage !

Les Peugeot 402 N4 sont en effet affichées entre 8000 et 12.000€ pour la plupart. Plus les prix sont bas, plus il y aura de travaux évidemment. Globalement toutes les versions courantes de la Peugeot 402 se trouvent dans ces prix-là. On mettra de côté les Cabriolets Eclipse et les Darl’Mat dont les prix sont évidemment bien plus élevés.

Ce qu’il faudra surveiller ? On parle d’une avant-guerre donc il faudra tout surveiller. Si les pièces se trouvent, elle demanderont des recherches et pas seulement sur internet. Il faudra aller fouiller dans les caisses des piéçards à Reims ou Lipsheim ! La mécanique n’a rien de sorcier avec des solutions connues et éprouvées et ne demandera que des savoir-faire relativement basiques. Attention cependant, on parle de voitures qui demandent une certaine attention quand elles roulent beaucoup… mais encore plus quand elles roulent peu !

Un grand merci à Alain et sa femme, qui font partie de l’organisation du bouchon de Joigny et qui vous donnent rendez-vous le 1er Septembre 2024, pour cet essai.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Hervé

    Cette auto est magique en version 402 B légère (une caisse et un châssis de 302) : moins longue que la 402 de l’essai, elle gagne beaucoup avec des proportions plus harmonieuses. Fan éternel !

    Répondre · · 25 janvier 2024 à 16 h 33 min

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