Essai d’une Maserati Merak SS, la fine lame

Publié le par Benjamin

Essai d’une Maserati Merak SS, la fine lame

Le mariage entre les chevrons et le trident n’a pas enfanté que de la SM. Du côté italien on a retrouvé des sportives / GT au look très suggestif. Mais qu’est ce que ça donne au volant ? C’est toute la question que je me suis posé avant de m’installer péniblement, j’en reparlerai, dans l’habitacle de la Maserati Merak SS. C’est parti.

L’histoire de la Maserati Merak en bref

La Merak, c’est la vraie symbiose née du rachat de Maserati par Citroën. Pour autant, elle ne fait que découler des solutions techniques et du style inaugurés sur la Bora sortie en 1971.

Elle apparaît un an après, avec l’objectif d’accroître le volume des ventes. Si le style avant est similaire, à l’arrière on change beaucoup de chose. Ce qui se voit moins c’est l’abandon du V8 au profit de la version 3 litres du V6 qui équipe la SM.

Le désengagement de Citroën n’enterrera pas la Merak qui va continuer sa carrière avec la Merak SS, une version évoluée, plus puissante et plus fiable et même une version 2 litres prévue pour contourner les taxes sur le marché italien. Les dernières autos sortiront en 1983 après une diffusion confidentielle.

Si vous voulez plus de précisions, direction notre historique complet par ici :

Notre Maserati Merak SS du jour

Il est de ces autos qui affichent la couleur dès le départ. C’est le cas de notre belle grise du jour qui reprend tout le dynamisme que certains avaient déjà aperçu sur la Bora. Une auto très basse, large, qui peut dire merci au moteur central arrière. Giugiaro, qui est alors au tout début de l’aventure Italdesign, ne s’est pas raté et applique certaines des recettes qui ont fait son succès chez Bertone.

Maserati Merak SS

L’avant de la Maserati Merak SS est fin, pointu, plongeant. La calandre est réduite à une fine bande entre les pare-chocs et l’arrête plate de la carrosserie et autour de la plaque d’immatriculation. Pas de spoiler, pas de grosses écopes, c’est simple, beau et efficace. Le trident n’est que mieux mis en valeur.

L’avant est relativement plat, deux léger renflements sur les côtés reçoivent les phares pop-up, terriblement 70s. Entre eux, on retrouve un des signes distinctifs des Maserati Merak SS : la grille d’aération absente sur la Merak « normale » et vraie signature du designer.

Le profil est tout aussi fin. Les arches de roue paraissent grands, impression renforcée par les pneus à flancs hauts, typiques des anciennes. Le dessin des jantes est particulièrement travaillé, chargé sans être « too much ». Une rainure court sur toute la longueur, coupée par les arches, et renforce le dynamisme. Les surfaces vitrées sont bien dessinées. Leur forme est un mix entre une Alfa Romeo Montreal, puisqu’il n’y a pas de vitre de custode, et une De Tomaso Pantera pour la forme. Pour autant, aucune de ces deux machines n’est signée Giugiaro.

Maserati merak SS 9- Maserati Merak SS

L’arrière est le point distinctif de la Maserati Merak SS. Quand la Bora proposait des vitrages, les arches de la « petite » Merak sont évidés et rien ne repose dessus. Le capot est plat, mais travaillé pour laisser le moteur respirer, ce qui permet de proposer une lunette arrière verticale, une vraie meurtrière.

En dessous, les feux sont fins, les monogrammes très réduits. Le pare-chocs est saillant, parfaitement rectiligne et surplombe une ouverture qui permet d’évacuer la chaleur du moteur et faire passer les deux doubles sorties d’échappement.

Il ressort de tout ça une impression de sportivité, très suggestive… qui donne envie de prendre le volant. Mais avant ça, on continue de faire le tour de notre Maserati Merak SS.

À l’intérieur de la Maserati Merak SS

Si l’extérieur a peu évolué, ce n’est pas le cas de l’intérieur de la Merak. Les premières autos reçoivent une planche de bord semblable à celle des Citroën SM, de l’habillage aux cadrans ovales. La Maserati Merak SS va évoluer sur ce point avec une planche de bord noire et surtout un bloc d’instrumentation en deux parties.

Maserati merak SS 14- Maserati Merak SS

D’abord, derrière le volant à quatre branches on retrouve les deux compteurs principaux, compte-tour et odomètre couplé aux compteurs kilométriques. Seule la pression d’huile et un intriguant voyant STOP se glissent entre eux. Ce dernier est très, très, important : s’il s’allume il indique une défaillance du système hydraulique. Indiquer STOP est d’ailleurs étonnant puisque s’il s’allume… c’est que vous n’avez plus de freins !

À gauche de ce bloc principal on retrouve la jauge de carburant et trois boutons commandant notamment les phares. On note aussi que c’est de ce côté qu’on retrouve l’autoradio de la Maserati Merak SS. À droite les quatre cadrans indiquent la température d’eau, celle d’huile, le témoin de charge et une montre. Le levier de vitesse, totalement lisse, est particulièrement court et trône fièrement sur le gros tunnel central.

Enfin, il faut quand même parler de la magnifique sellerie de notre auto du jour. Contre-portes et sièges se parent d’un cuir rouge foncé qui tranche parfaitement avec le noir de la planche de bord. C’est vraiment superbe et la patine des assises ajoute un génial côté authentique. Ah, on notera qu’il y a des places arrière, mais qu’elles sont difficiles d’accès et réservés à des enfants.

Sous le capot : V6 revu

L’évolution apportée par la Maserati Merak SS n’a pas raison du V6. Par contre il est revu par Alfieri et son équipe. La cylindrée reste à 2965 cm³ mais on le booste. Déjà on abandonne le système à carbus différents (un 42 DCNF 31 et deux 42 DCNF 32) pour adopter trois carbus identiques, toujours des Weber mais des 44 DCNF 44. Le taux de compression passe de 8.75:1 à 9:1. Des changements qui peuvent paraître mineurs mais permettent de faire passer la puissance de 190 à 220ch. Pour les dernières autos de la série, les normes antipollution limiteront la puissance à 208ch.

On en profite pour alléger l’auto, même si on reste mesuré dans ce domaine en ne gagnant que 50kg. Pour le reste de la technique, on abandonne pas encore tout le système hydraulique de Citroën qui agit toujours sur les freins. C’est pourquoi on retrouve des sphères sur notre Maserati Merak SS du jour. Pour autant l’équipe technique du trident version De Tomaso finira par avoir raison de ce système sur les derniers modèles.

Au volant de la Maserati Merak SS

Rarement cette partie n’aura été aussi problématique. Des voitures basses, j’en ai connu. Mal foutues aussi. Mais là on atteint un summum ! Descendre dans l’auto n’est pas forcément facile. Et une fois que c’est fait… il faut trouver la position de conduite.

Pour bien écraser les pédales, je m’avance. Pour autant, il faut que je règle le volant, en le tirant vers moi, et c’est assez étrange puisqu’il vient avec une partie de l’instrumentation ! Je ne suis pas clostro, et heureusement, donc je suis plutôt bien installé. Par contre, gros souci : avec le siège avancé et une ceinture qui ne se règle pas assez, impossible de la boucler. Ou alors il faut que j’arrête de respirer. Après m’être demandé quelle solution est la plus sûre, je démarre en inspirant un bon coup.

La ville n’est pas le meilleur terrain pour conduire une Maserati Merak SS, tout le monde sera d’accord là dessus. Mais cela permet tout de même d’appréhender la conduite à faible vitesse. L’italienne y est à l’aise, plus que moi qui a quand même un peu de mal à me faire au gabarit de ce coupé très large dont la position de conduite est très centrale. Du coup j’ai tendance à rouler un peu trop au milieu. Je corrige vite et le premier feu tricolore approche.

La pédale de frein va me montrer que le coupé a encore beaucoup de LHM dans les circuits. En léchant la pédale, j’obtiens une toute petite décélération. Par contre le dosage est plus ardu vu que la course reste très réduite. Les commandes sont lourdes. Les freins donc, mais aussi l’accélérateur et la direction. Au moins, c’est homogène, il n’y a que l’embrayage qui reste plus « normal ».

La Maserati Merak SS se sort bien de cet exercice imposé. Les maisons s’espacent, la route s’éclaircit, le panneau de fin d’agglomération est passé… et mon pied droit peut se faire plus pressant. Sans écraser la pédale, qui reste dure, le rythme augmente. Les virages sont avalés avec un lever de pied voire un petit léchage de la pédale de frein. Je commence à beaucoup mieux placer l’auto, malgré une tendance à rester au milieu. De toute façon on ne bouchonnera pas grand monde puisqu’une simple pression de la pédale de droite suffit à faire s’éloigner à peu près toutes les autos dans le rétro.

Maserati merak SS 27- Maserati Merak SS

Les kilomètres s’accumulent sans que je ne force trop sur la mécanique. Le rythme est bon, la Maserati Merak SS est impériale. Le confort est bon, j’ai beau être presque à l’étroit dans cet habitacle mais je suis bien installé. Les suspensions sont dures elles aussi mais sans qu’on puisse reprocher un quelconque inconfort. On notera juste une tendance à suivre la route, même quand elle est un peu trop bombée.

Alors même que le moteur reste sagement sous les 3000 tours, malgré le fait que j’engage les rapports assez tôt, la sonorité est agréable. Au passage, parlons de la boîte. Sa commande tombe parfaitement sous la main. Au départ, son maniement est déroutant puisque le débattement du levier est très, très, court.

Mais ce débattement court va maintenant me servir. La Maserati Merak SS est comme un rôti du dimanche midi : pile à la bonne température. L’accompagnement se dessine devant moi avec une route large, belle, un brin viroleuse. C’est l’heure de passer à table.

Maserati merak SS 28- Maserati Merak SS

En sortie de village, je suis un peu bas en régime pour la quatrième. Qu’à cela ne tienne, hop, en un coup de poignet me voilà en troisième. Et mon pied droit que je retenais jusqu’à présent peut enfin écraser la pédale. La commande est toujours dure, mais la force que je met dedans communique à la Maserati Merak SS ma conviction à aller voir ce qui se passe dans la seconde moitié du compte-tours. Et visiblement elle n’attendait que ça.

Après un très court laps de temps où elle semble se demander si c’est vraiment l’heure de la récré, l’italienne décide de bondir. C’est parti ! Le V6 se fait encore plus présent niveau sonore. Les aiguilles se la jouent chronographe et bondissent. Pendant ce temps là mon dos est encore plus collé au siège. La puissance de cette auto des 70s peut paraître faiblarde quand on sait que les versions sports des petites citadines actuelles annoncent plus d’équidés sur leur menu. Mais celui-ci de menu, c’est du bio, sans artifice et sans envie de régime. Et c’est prêt à déguster.

Maserati merak SS 29- Maserati Merak SS

Le temps que vous avez mis à lire ces deux paragraphes, je suis déjà bien loin. J’ai eu le temps de faire grimper le compte-tours jusqu’à 5000 tours, de distancer le monospace noir qui avait décidé de me coller au train arrière dans le village, de passer la quatrième pour en remettre une couche et de monter sur les freins avant le virage. Virage dans lequel la direction m’a parfaitement placé. Avec la vitesse, la dureté s’est envolée. Même chose pour les freins. Autant le dosage est toujours spécial, autant l’effort est beaucoup moins brutal, mais terriblement efficace, à ces vitesses.

C’est là que je me dis que si les commandes de la Maserati Merak SS avait été plus douces, la ville serait devenue un terrain mortel. Avant que l’électronique ne nous coupe la chique, cette simple dureté suffisait à nous brider.

Maserati merak SS 25- Maserati Merak SS

Mais les routes auboises sont bien plus carrossables, larges et bien tracées que les petites rues. Et l’italienne s’y montre impériale. La tenue de cap est excellente, les trains sont parfaitement réglés et aucune correction de cap n’est nécessaire. L’odomètre affiche des vitesses élevées et on le sent. Les sensations sont là. Les virages sont avalées et on en redemande. Dans mon cas ce n’est pas pour la satisfaction égoïste que je pourrais tirer du chiffre indiqué par le compteur. D’ailleurs celui-ci n’est pas très lisible, le fait que l’instrumentation soit solidaire du volant est un désavantage.

Non, c’est pour me flatter les tympans tout en trompant mes yeux qui voient le paysage défiler dans le pare-brise incliné à la façon des étoiles dans le Faucon Millenium. Le même jour j’ai essayé l’Audi S2. Une douzaine d’année les séparent mais les sensations n’ont rien à voir. Autant l’allemande était facile et nous emmenait à des vitesses que nos sens ne soupçonnaient pas, autant la Maserati Merak SS provoque l’effet inverse. Même si les chiffres sont élevés, la vérité est plus raisonnable mais les sensations sont vraiment là.

Maserati merak SS 26- Maserati Merak SS

Après quelques kilomètres de pur amusement, il est temps de repasser en mode conduite. Le moteur monte moins dans les tours et je peux passer la 5e sans que ça ne m’emmène à passer par la case prison. La Maserati Merak SS ne se mue pas pour autant en vraie voyageuse. Le confort reste bon mais la position de conduite aura de quoi vous fatiguer à la longue… du moins quand votre cerveau ne sera plus obnubilé par le rythme à tenir. Et puis le son. S’il est vraiment exquis, il faut bien avouer qu’il aura raison de la patience de certains occupants sur longues distances.

Du coup, quitte à ce que le moteur chante, autant monter le volume !

Conclusion

La Maserati Merak SS c’est une parfaite sportive pour celui qui saura l’apprécier. Les compromis existent mais sont bien rares. Si l’italienne sait se faire admirer, si elle peut aussi voyager, elle ne sera réellement appréciée que sur son terrain de jeu. Celui où le pied droit est roi, où le cerveau est en alerte et celui où elle peut vous mettre dans la peau d’un pilote, même du dimanche.

Les plusLes moins
Sa ligne acéréeSon ergonomie
Sa sonoritéSa fragilité
Son comportement impérial
image 4- Maserati Merak SS

Rouler en Maserati Merak SS

En ce moment c’est une rengaine : pour rouler en Maserati Merak, il faudra commencer par en trouver une ! La production a été longue puisque les derniers exemplaires sont sortis en 1983. Pour autant on reste sur une diffusion très faible. La Merak de première version a été écoulée à 630 exemplaires en trois ans. Ensuite la Maserati Merak SS a atteint 652 exemplaires en huit ans et on ajoute la petite 2 litres vendue à 213 exemplaires.

Côté prix, la Merak SS, plus performante, est aussi la plus chère : 50.000 € minimum mais un budget compris entre 65 et 80.0000 € sera nécessaire pour les beaux exemplaires. Les premiers modèles cotent 5000 à 10.000 € de moins et les 2L sont à peine en dessous.

Comme souvent, une fois achetée, il faudra bien l’entretenir. L’avantage d’être en France, c’est qu’on trouvera de bons spécialistes du système hydraulique Citroën. Pour le moteur, ce sera également un avantage puisqu’il est partagé avec la SM. Pour tout le reste, cela reste une italienne qui peut se montrer capricieuse, mais les pros cités plus haut devraient pouvoir s’en sortir. Il faudra porter une attention particulière à la chaîne qui se charge de la distribution, mais qui entraîne aussi l’alternateur, la pompe haute pression et la clim.

Merci à Henri-Pierre pour nous avoir confié sa belle.

Fiche techniqueMaserati Merak SS
Mécanique
Architecture6 cylindres en V
Cylindrée2965 cm³
Alimentation3 Carburateurs double corps
Soupapes12
Puissance Max220 ch à 5800 trs/min
Couple Max255 Nm à 4500 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Poisition MoteurLongitudinale central
FreinageDisques Ventilés AV et AR
VoiesAV 1475 mm / AR 1445 mm
Empattement2600 mm
Dimensions L x l x h4335 x 1768 x 1150 mm
Poids (relevé)1560 kg
Performances
Vmax Mesurée231 km/h
0 à 100 km/h8,4s
400m d.a16,0s
1000m d.a29,1s
Poids/Puissance7,09 kg/ch
Conso Mixte± 14 litres / 100km
Conso Sportive± 23 litres / 100 km
Prix± 60.000 €

1 : données Collector Car Value

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

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