Au volant d’une Audi S2 Coupé, l’artillerie lourde

Publié le par Benjamin

Au volant d’une Audi S2 Coupé, l’artillerie lourde

Les youngtimers ne sont clairement pas les autos que je connais le mieux. Arrivé à l’ancienne, et même à l’automobile, sur le tard je n’ai pas dévoré de magazines étant gamin, pas garni ma chambre de posters de sportives (il y avait plus de Supermarine que de Triumph Spitfire). Du coup, l’Audi S2, ça ne me parlait pas tant que ça. Pas follement originale, pas foncièrement mythique, c’est une young parmi d’autres. Pour mieux la connaître, l’idéal c’est certainement de me mettre au volant non ? Allez, je vous embarque.

L’Audi S2 Coupé en bref

Ressusciter Audi n’était pas une choses si facile. VW voulait en faire une marque haut de gamme en s’attaquant aux concurrents directs : BMW et Mercedes. Les deux constructeurs historiques du segment proposent à la fois des berlines, des cabriolets et des coupés. C’est sur ce segment que la marque aux 4 anneaux va attaquer en remplaçant la Quattro MB.

En 1990 sort donc la toute première Audi S2, un coupé qui se démarque franchement de sa principale concurrente, la BMW M3 E30 qui n’est plus de première jeunesse. Le coupé d’Ingolstadt fait appel au 5 cylindres de la Quattro et à la transmission à 4 roues motrices qui va avec. Avec 220ch pour 1400 kg, l’auto est performante et elle propose surtout une facilité de conduite déconcertante, larguant même la BM dès que la route se dégrade ou devient humide.

Le succès est bon, surtout que la M3 E30 cesse d’être produite en 1990. Par contre en 1992, la E36 débarque et Audi va réagir de plusieurs manières. En Août l’Audi S2 reçoit une évolution du 5 cylindres qui atteint 230ch, plus de couple (qui peut même bénéficier d’un overboost) et une boîte 6 rapports venue de chez Porsche.

L’Audi S2 Coupé est d’ailleurs présentée avec deux nouvelles versions, une berline et une version « Avant », un break, basés sur la nouvelle 80 B4. Ce break sera le premier de la lignée des « TGV de papa » avec la RS2 revue par Porsche pour atteindre 315 ch.

La production cesse en 1995 après environ 7000 exemplaires produits (surtout des coupés) mais c’est le vrai début des séries S et RS chez Audi.

Notre Audi S2 du jour

Oubliez toute notion de finesse. On a beau parler d’un coupé, ce n’est pas le registre de l’Audi S2. Pour autant, le style est quand même beaucoup moins massif et anguleux que la Quattro qui précède.

L’avant est tout à fait dans l’image qu’on peut avoir d’une Audi. Classique, sans fioriture avec une calandre rectangulaire entouré d’un fin jonc chromé et cernée par deux feux rectangulaires. Le bouclier est plus travaillé, avec les feux intégrés au pare-chocs et de vastes grilles en dessous. C’est autant pour soigner le refroidissement que l’aérodynamisme. Pour autant on reste dans un dessin très discret, aux antipodes des lignes acérées des descendantes actuelles des Audi S2.

On retient quand même un trait de style hérité de la Quattro ou plutôt de sa mécanique, avec un porte-à-faux avant important, nécessaire pour loger le 5 cylindres de façon longitudinale.

Le profil est plus dynamique mais reste massif. Le dynamisme est amené par la ceinture de caisse qui plonge vers l’avant. Par contre la relative lourdeur de l’ensemble en découle également avec une ceinture haute et des vitrages qui le sont encore plus, tout en gardant la forme globale de ceux des Quattro. Le design automobile du début des années 90 est encore loin de la mode actuelle des meurtrières, la visibilité n’en sera que meilleure. Les roues sont simples et les flancs des pneumatiques trahissent l’âge de l’Audi S2.

Avec cette ligne de caisse qui remonte, l’arrière est forcément massif lui aussi. La lunette est petite mais c’est surtout la pelle à tarte qui sert de becquet qui donne cette impression. En même temps, le large bandeau rouge qui barre l’arrière jusqu’à entourer la plaque, n’aide pas non plus, pas plus que l’épais pare-chocs totalement lisse. Dans ce tableau la double sortie d’échappements paraît petite.

Par contre on retrouverait presque une autre inspiration stylistique sur le 3/4 arrière avec une cousine de l’Audi S2 : la Volkswagen Corrado. Néanmoins l’Audi arrondit quand même les angles… et reste plus massive !

Les détails sont peu nombreux, surtout avec cette robe noire. Mais ce n’est pas pour sa ligne qu’on choisit une telle auto !

L’intérieur : les tons teutons

Il fallait s’en douter mais quand on prend place à bord de l’Audi S2 ce n’est pas l’originalité qui nous marque. La planche de bord est désespérément noire et la sellerie se contente de tons de gris. Une habitude qui se perpétue, comme l’avait noté Mark à l’intérieur de la TT (à lire ici).

Au final, c’est en mettant le contact qu’on va vraiment trouver une pointe d’originalité. Les compteurs s’illuminent avec du rouge-orangé et apportent une vraie touche très 90s. L’instrumentation est séparée entre deux zones. Derrière le volant on retrouve la température d’eau, le compte-tour et l’horloge analogique, de l’autre côté le compteur kilométrique, la vitesse et la jauge de carburant.

Entre les deux on retrouve le volant de l’ordinateur de bord (on en reparlera), les différents voyants d’alerte et l’ordinateur de bord. Ce dernier est une option et permet notamment d’afficher des moyennes de vitesse et la conso, moyenne comme instantanée.

Plus bas on retrouvera trois cadrans supplémentaires, juste au dessus du tunnel pour la charge de la batterie, la pression et la température d’huile. Comme sur une vraie sportive en fait ! Le reste des commandes reste très (trop ?) basique et provient de la production courante de la marque.

On ne peut pas compter sur la sellerie pour être originale. Le tableau de bord est uniformément habillé de noir tandis que les sièges velours sont gris. D’ailleurs on note que ce n’est pas Audi S2 qui est noté dessus mais bien « Quattro ».

Pour autant, on ne peut parler d’un point noir concernant cet intérieur. Certes, il n’est pas gai mais c’est une allemande cossue, pas une anglaise. Par contre la finition est remarquable. Pour une voiture qui a 30 ans et dont seul un commodo a été remplacé, rien n’a bougé. On comprend pourquoi, même le « plus petit » des constructeurs germanique vante la deutsche qualität.

Sous le capot : mouton à 5 pattes

On ouvre le capot pour tomber sur une des grosses spécificités de l’Audi S2 : son moteur. Les 5 cylindres sont rares mais sous le capot de l’allemande il est en fait très logique. La Quattro s’en équipait, celle qui lui succède ne pouvait pas trop passer à côté. Ce moteur 3B est d’ailleurs dérivé du moteur des « UR » mais passe de 200 à 220 ch. Avec 4 soupapes par cylindres il affiche donc 20 soupapes, chiffre original. Pour aider à aller chercher la puissance, on retrouve un gros turbo KKK.

On note d’ailleurs que ce moteur est bien à l’étroit sous ce capot. Implanté longitudinalement dans une baie moteur plus petite que celle de la Quattro, il a obligé les ingénieurs d’Ingolstadt à s’arracher quelques cheveux. Résultat : les organes périphériques ont dû être modifiés.

En dehors du moulin, la mécanique de l’Audi S2 fait donc appel au système Quattro, la première mouture de la transmission intégrale de la marque, avec son différentiel central Torsen. La boîte se contente encore de 5 vitesses, chose courante au début des années 90.

Notre youngtimer du jour s’en sort avec une fiche technique intéressante. Surtout, elle se permet d’afficher des chiffres que peu de pures sportives de l’époque pouvaient se permettre. On va aller vérifier ça au volant.

Au volant d’une Audi S2 Coupé

Il est parfois compliqué de s’installer à bord d’une voiture ancienne. Mais on parle là d’une youngtimer, venue en plus d’Allemagne où les gabarits sont aussi fluets que la gastronomie est légère. Du coup je m’installe à bord sans aucun souci. Deux-trois réglages pour le siège et je suis déjà à ma place. Les sièges ne sont plutôt mous mais c’est surtout leur forme qui me procure déjà un bon maintien.

Le moteur démarre sans aucun problème. Tiens, un voyant au tableau de bord. Pas de panique, c’est l’ordinateur de bord qui fait le tour des ampoules pour vérifier qu’elles marchent toutes. Et tant que vous ne les aurez pas toutes mises en marche, feux stop compris, le voyant restera là.

Allez, première. Dès les premiers mètres, en ville, on ressent une certaine lourdeur. Pas vraiment dans la direction qui est bien assistée mais dans l’ensemble. Les changements de caps se font bien mais on sent bien qu’on verse plus dans le Panzer que la ballerine. Pour autant l’Audi S2 est agréable, c’est une vraie moderne. Aucun souci de confort, elle est bien amortie quoiqu’un peu sèche sur certaines compressions. Et comme les nids de poule sont bien plus fréquents que les Audi S2, je m’en rend vite compte.

Le moteur a du couple à revendre et peut tout à fait évoluer en 4e sur un filet de gaz à 50 km/h. Le 30 km/h, qu’on voudrait nous imposer partout, est par contre entre deux rapports ce qui n’est pas forcément génial. Mais personne n’a jamais prétendu que notre teutonne était une citadine alors je m’empresse de rejoindre des routes encore plus adaptées à son utilisation.

En dehors de la ville notre trentenaire est vraiment à son aise. Elle a beau être massive, elle reste plutôt compacte ce qui est appréciable quand les départementales sont bien sales et pas larges du tout. Le moteur commence à pouvoir s’exprimer. En fait il se contente juste de pousser un tout petit peu pour arriver à la vitesse limite et je suis encore loin de devoir passer la 5e.

Plus je roule à train de sénateur, plus l’Audi S2 m’épate mais, surtout, plus j’ai envie de pousser plus loin. Parce que c’est une excellente auto, qui passe partout et le fait bien, dans un certain confort et avec une facilité remarquable. Mais son nom c’est bien S2.

Un village passé, je sais qu’il me reste quelques kilomètres avant le prochain. La route offre une bonne visibilité et j’ai des fourmis dans le pied droit. J’écrase la pédale d’accélérateur pour les chasser et notre Audi décolle. Je vous mentirais en vous la recommandant pour un run sur un quart de mile. Le démarrage est bon, la motricité est forcément excellente, mais les 220ch ont quand même du poids à emmener. Après, ce n’est qu’un début.

La poussée est bonne et franche mais elle se fait beaucoup plus forte quand le Turbo entre en action. Pas d’effet turbo comme sur certaines bombinettes de l’époque. Dans le sens où on ne reprend pas un deuxième coup de pied aux fesses mais ça pousse quand même bien plus fort. D’ailleurs il faut vite passer le rapport supérieur, à la fois pour en reprendre une grosse louche mais aussi parce que la zone rouge n’est pas si haute. La vitesse de l’Audi S2 devient vite énorme. Beaucoup trop vite en fait. Concentré sur la conduite, on a aucune impression de vitesse. On se retrouve avec des chiffres bien trop élevés alors qu’on l’impression d’avoir juste haussé le rythme.

Les premières courbes se profilent alors qu’il reste encore de la réserve sous le pied droit. Il change donc de pédale pour retrouver un système toujours aussi progressif et efficace. La direction enroule et la vitesse a enlevé une partie de l’impression de lourdeur ressentie auparavant. L’Audi S2 n’est pas une ballerine mais une fois qu’elle est bien placée, le pied droit la ressortira, quelques fois un peu large, de tous les virages.

C’est tellement facile que j’ai envie d’essayer d’aller plus vite. Et c’est un jeu sans fin. À chaque virage, je remet une pièce. J’appuie un poil moins sur la pédale de frein, qui reste toujours aussi efficace, et à chaque fois, elle avale le virage pour mieux relancer. Je ne suis pas là pour me faire peur alors j’arrête bien avant de trouver la limite. Pour autant je pense qu’il faudrait vraiment débrancher le cerveau pour y arriver… parce qu’en parallèle on a toujours l’impression de ne pas aller vite tout en étant au volant d’une enclume ! Si ce n’est pas déjà assez déstabilisant, faudra m’expliquer !

L’Audi S2 me ferait presque regretter que cet essai se passe par une après-midi froide et sèche. Son efficacité serait certainement encore plus bluffante sur sol humide… voir enneigé. En tout cas, après l’avoir essoré, j’ai surtout l’impression que c’est moi qui ait fait des efforts. L’allemande me rirait presque au nez tellement elle est facile et dans sa zone de confort. D’ailleurs en parlant de confort, il a toujours été présent et continue de l’être jusqu’au moment de rendre les clés. En fait, c’est ça qu’il me faut pour suivre le prochain Monte-Carlo Historique !

Conclusion :

Ce n’est probablement pas son originalité (peut-être sa rareté) qui vous fera tomber amoureux de l’Audi S2. L’allemande reste très classique dans ses lignes, dans son intérieur et sa finition.

Par contre, si vous l’envisagez, c’est à son volant que vous pourrez être convaincu. Cette youngtimer est bluffante tout simplement. Elle est capable d’aller vite, très vite même, mais sans vous fatiguer et sans être scabreuses. Peut-être qu’à la longue vous trouverez ses limites, mais sur des routes sèches, quel qu’en soit l’état, ce sera vous la limite !

Les plusLes moins
La facilité de conduiteUne ligne peu originale
Les performancesManque se sex-appeal
La qualité allemandeLa rareté
Le Quattro
CritèreNote
Budget Achat14/20
Entretien16/20
Fiabilité17/20
Qualité de fabrication18/20
Confort16/20
Polyvalence19/20
Image15/20
Plaisir de conduite16/20
Facilité de conduite19/20
Ergonomie19/20
Total16,9/20

Rouler en Audi S2

Ce n’est pas son allure passe partout qui fait qu’on en voit peu, c’est sa rareté ! Avant l’évolution de 1992, 5766 exemplaires du coupé avaient été produits. Après cette date, le chiffre tombe à 1604 coupés, 306 berlines et 1812 break. Du coup l’Audi S2 est vraiment rare et donc compliquée à dénicher. Sachez qu’en France la dotation s’est limité à 150 exemplaires, alors n’hésitez pas à vous tourner vers l’étranger.

Côté prix, on trouvera surtout des références sur la version Coupé. Si on peut en trouver sous les 15.000 €, il auront besoin de travaux. Par contre autour des 20.000 € les autos seront belles et parfaite autour des 30.000 € 1.

Un des critères les plus importants sur le prix, ce sera le kilométrage de la bête. Elle est tellement facile à utiliser que ses propriétaires vont souvent avoir couvert beaucoup de bornes à son volant, parfois bien au dessus des 200.000 km ! Le coût des pièces et de la main d’œuvre sera important pour tout travaux. Certaines pièces sont quasi introuvables, le bon exemple étant le commodo gauche AVEC commande l’ordinateur de bord de notre auto du jour qui a nécessité de nombreuses recherches.

Côté mécanique, si le moteur est robuste, il faudra faire attention à son Turbo et ne pas lésiner sur la qualité de l’huile que vous y mettrez. Autre point : le couple de l’Audi S2 est important et le système Quattro pourra en pâtir s’il est mal entretenu. Pour le reste, la qualité de construction fait que les modèles qui ont traversé les ans sont plutôt en bon état. Alors n’hésitez pas à payer un peu plus cher pour avoir de la qualité.

Fiche techniqueAudi S2
Mécanique
Architecture5 cylindres en ligne
Cylindrée2226 cm³
AlimentationInjection multipoints + Turbo
Soupapes20
Puissance Max220 ch à 5700 trs/min
Couple Max309 Nm à 1950 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionIntégrale permanente
Châssis
Poisition MoteurLongitudinale avant
FreinageDisques Ventilés AV et Pleins AR
VoiesAV 1445 mm / AR 1438 mm
Empattement2549 mm
Dimensions L x l x h4401 x 1716 x 1375 mm
Poids (relevé)1500 kg
Performances
Vmax Mesurée246 km/h
0 à 100 km/h6,5s
400m d.a14,5s
1000m d.a26,8s
Poids/Puissance6,82 kg/ch
Conso Mixte± 10,5 litres / 100km
Conso Sportive± 21 litres / 100 km
Prix± 25.000 €

1 Source : Collector Car Value

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. LANNOO

    quelle belle auto ! je ne connaissais pas, j’adore !

    Répondre · · 7 février 2022 à 17 h 35 min

  2. Gérard

    Bel article qui détaille plus ou moins bien les qualités et défauts de cette auto.
    je possède un exemplaire, bleu nuit, de 1991, 165 000 km, donc 220 cv, boite 5, depuis 2014 et j’en suis ravi!
    La coupe, peu plaire ou pas , mais elle dégage quelque chose quand on la voit en vrai .
    le moteur a un couple phénoménal, on peu rester en 5 dans un rond point, avec une puissance et montée en régime assez linéaire mais efficace!
    comme dit , pas de poussée brutale ou de coup de pied au cul, mais quand on double on reste très surpris par l’efficacité!
    par contre, le bruit, le son du 5 cylindres est un régal, qui nous oblige presque à laisser le poste radio éteint pour écouter ce chant mélodieux.
    Donc beaucoup de chose à dire sur cette auto, mais le mieux c’est d’en essayer une! je n’ai pas trouvé à ce jour de défaut majeur si ce n’est que la rareté de certaines pièces
    mais Essayez et vous l’adopterez
    cdt
    Gas

    Répondre · · 28 mars 2022 à 21 h 53 min

  3. Florentin

    Merci pour la qualité de vos articles!

    Répondre · · 30 mars 2023 à 21 h 48 min

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