Essai d’un Meyers Manx, LE Buggy, L’original

Publié le par Fabien

Essai d’un Meyers Manx, LE Buggy, L’original

Né dans les années 70, j’ai eu, comme beaucoup de garçons de mon âge, la Majorette n°248 : le Dune Buggy avec hard-top fleuri. C’était décalé, fun, avec un look de dingue… Alors quand Richard m’a proposé de prendre le volant de son Meyers Manx, difficile de ne pas craquer, croquer dans cette madeleine de Proust, et vous faire profiter de son parfum.

L’histoire du Meyers Manx

Tout commence, comme souvent pour les kit-cars, dans un garage. Celui de Bruce F. Meyers est situé à Newport Beach, en Californie. C’était en 1964. Bruce, ingénieur de son état, était également artiste et surtout, manipulait plutôt bien le PRV (Plastique Renforcé Verre, souvent appelé « polyester ») puisqu’il produisait des bateaux et des planches de surf.

Comme beaucoup de jeunes californiens, dès qu’il le pouvait, il partait surfer les vagues du Pacifique. Mais pour aller dans des lieux peu fréquentés, il fallait souvent un 4×4, bien trop cher et trop lourd. Alors, Bruce Meyer, séduit par la simplicité, la rusticité même de la Coccinelle (nous en avons essayé l’inspiratrice par ici), se met en tête de s’en servir pour créer un engin original, léger, qui lui permettra de s’équiper les pneus dans l’eau.

Le prototype avait pour nom Manx ‘Old Red’ : un « vieux rouge » pour un chat… Le Manx est en effet une race de chat de taille moyenne à grande, et au corps musclé, compact, puissant mais tout en rondeur (d’après wikipédia). Une définition qui colle bien à la philosophie du petit Buggy.

Devant le succès d’estime de sa création, Bruce Meyers qui comptait au départ n’en produire qu’une dizaine pour ses copains, s’est lancé dans la production en nombre de kits à assembler sur des châssis cox raccourcis.

Le record à la Baja Mexican 1000 (950 miles) de 1967, amélioré de 5 heures par rapport au record moto précédent, mais aussi le Meyers Manx d’Elvis ou celui de Steeve Mc Queen qui fait une apparition dans l’Affaire Thomas Crown, sans compter les couvertures de magazines, les demandes explosent.

Mais, comme tout phénomène de mode mal appréhendé, le Meyers Manx entraîne la ruine de son inventeur, qui a du mal à suivre la demande et dont l’idée se fait copier, faute à un dépôt du brevet survenu un an après l’apparition publique du Buggy. Au final, ce seront 6 à 7000 exemplaires de Meyers Manx qui prendront la route entre 65 et 71.

C’est en France, dans les années 90, que le buggy Meyers Manx revient sur le devant de la scène, grâce à Jacky Morel, à ses événements Super VW et la rencontre avec Bruce en 1994 :

J’ai sorti Bruce Meyers de sa tanière en 1994. Il nous a quitté depuis [en 2021 à 94 ans – ndlr] mais je crois lui avoir redonné le goût de vivre et j’en suis fier.

Jacky Morel

Notre Meyers Manx du jour

Notre Meyers Manx est un des premiers produits, en 1966, authentifié comme étant le #1643. De cette authentification, Mme Bruce F. Meyers, Winnie, est aujourd’hui la garante.

Outre un état neuf, et une couleur jaune pétillant, très 60’s/70’s, notre Meyers Manx aux chromes clinquants est équipé de jantes American Racing Equipement du plus bel effet.

Autant pour nombre d’autos de nos essais, chaque centimètre de carrosserie va faire l’objet d’un commentaire, autant pour ce buggy, ce sera beaucoup plus rapide.

Il est même difficile de respecter notre présentation extérieur/intérieur/moteur, et pour cause ! Pas de porte, un intérieur grand ouvert sur l’extérieur, un moteur lui aussi à la vue de tous. Et surtout le respect du cahier des charges initial : le Meyers Manx est un outil simple et basique dépourvu de tout artifice esthétique… Et c’est ce qui fait son charme.

Le design de cette puce de moins de 3 mètres pour un poids de moins de 600 kg, est étudié pour que le buggy passe partout, et surtout dans la boue ou le sable. De plus, le design des ailes avant limite au maximum les projections vers le pare-brise et dans l’habitacle.

L’équilibre des masses est géré par le positionnement du réservoir d’essence légèrement en retrait du train avant. Sa position est repérée sur le capot (fixe) par le bouchon chromé central. Les phares chromés et non carrossés ajoutent à la touche fun et sympa de l’insecte. l’insecte, justement, qui semblait exercer en cette fin de journée, une attraction forte de ses congénères !

De l’arrière, avec ce moteur qui prend tout l’espace, une impression de puissance naît. Ce positionnement évoque un sentiment d’indomptabilité, une sensation que rien ne pourrait arrêter la progression du Meyers Manx quel que soit le terrain dans lequel il évolue. A vérifier lors de la prise en main…

Les suspensions et les trains roulants apparents, mais aussi les roues repoussées aux 4 angles de l’engin renforcent encore cette impression. Tout comme, les orientations des roues sur terrain inégal. Avec des roues arrières motrices de taille et de diamètre supérieurs.

Dans la baignoire

Difficile en effet de parler d’intérieur avec ce Meyers Manx. Alors, comme certains journalistes de l’époque avaient affublé du surnom de baignoire la carrosserie, enjambons le rebord et prenons place dans les sièges.

Les sièges, en résine et fibre de verre là encore, ont été dessinés par Bruce, pour assurer un maintien optimal en tout-terrain malgré l’absence de ceinture de sécurité. Et quand on voit les photos d’époque, manifestement, il a réussi.

Notre Buggy est équipé d’une banquette qui cache à droite la batterie et à gauche l’emplacement de la roue de secours, positionnée verticalement, lorsque l’assise est retirée.

Pour une finition propre et une protection du fond de caisse, notre Meyers Manx est équipé de tapis en sisal très esthétique et parfaitement dans la philosophie du bolide. Il met en avant le tunnel central qui protège la tringlerie et l’arrivée d’essence.

Côté tableau de bord, là encore c’est du dépouillé, ou plutôt, du pragmatique : l’essentiel y est, avec un gros combiné compteur de vitesse / odomètre / niveau de carburant central, repris de la Cox, et deux manomètres pour la pression d’huile à gauche du combiné et la température d’huile, en degrés Farenheit, à droite. On ajoute deux boutons pour les phares et les essuie glaces, et un seul commodo pour les clignotants.

Les trois pédales sortent du plancher avec un accélérateur à rouleau qui permet de ne pas lever le talon du sol lors de l’accélération. Le volant tulipé, à jante bois, et le pommeau aluminium frappé du chat à l’épée, terminant la grande tige de levier de vitesse, finissent le tableau.

Côté moteur

Le premier contact que l’on a avec le 1600 flat 4 aircooled de notre Meyers Manx, c’est la tubulure d’échappement. Ces spaghettis ont été conçus et développés par Bruce Meyers pour optimiser le rendement moteur et en même temps repenser l’encombrement de l’ensemble, puisque sur les Coccinelles et Combis ces tubes passent sous le moteur.

On notera l’obturation des conduits de chauffage de la donneuse trahie par les collecteurs fonte VW. Le diable étant dans le détail, Bruce est allé jusqu’à faire frapper les cache culbuteurs du logo Meyers Manx.

Caché par le support de plaque d’immatriculation, le filtre à air chargé d’amener l’air au carburateur Weber, double corps. Au passage, on notera le slogan « more miles with smile », ce qui peut s’interpréter par « plus de kilomètres avec le sourire ».

Ce moteur est couplé à la boîte 4 vitesses du combi duquel vient le moteur.

Au volant, belle surprise !

Bon, c’est vrai que ce sympathique petit chat donne envie d’y tourner autour, mais on est aussi là pour jouer avec !

Avant de monter à bord, on se rappelle de ne surtout pas prendre appui sur le pare-brise, au risque de le casser. Non, on enjambe le rebord de baignoire, en s’appuyant sur le siège et la carrosserie. Malgré mon gabarit qui me vaudrait un numéro 1 à 3 sur un terrain de rugby, se glisser dans le baquet et se placer derrière le volant est un jeu d’enfant.

Dès ce premier contact, on apprécie le design du siège dans lequel on se sent à l’aise, mais aussi bien maintenu. Le volant est dans l’axe et le levier de vitesse tombe bien sous la main. Les rétroviseurs sont plus esthétiques que pratiques. Mais pas de soucis : le Meyers Manx étant totalement ouvert, la visibilité arrière est optimale tant qu’on a pas de torticolis !

Sur la route

Contact. Le 1600 s’ébroue avec ce bruit si caractéristique des 4 cylindres Volkswagen, avec des vocalises peut-être un peu plus puissantes. Le dessin de l’échappement n’y est pas pour rien ! Quelques coups d’accélérateur pour prendre la mesure de cette pédale à rouleau un peu particulière et c’est parti.

Vif. C’est le terme qui convient peut-être le mieux pour le démarrage. La puissance est modérée, voire faible, mais la boîte est courte et la voiture ne pèse rien.

Freinage à tambours et sans assistance. Tiens ! Comme c’est surprenant ! En fait, c’est un très gros avantage : compte tenu du diamètre des roues et du poids du buggy, un freinage assisté pourrait nous faire partir droit dans le pare-brise sous la violence du ralentissement. Là, le freinage reste très progressif et limite le risque de blocage des roues.

Mais une voiture, s’il faut savoir l’arrêter, c’est quand même fait pour avancer. Alors gaz !

Seconde, troisième… les relances sont vigoureuses, les accélérations franches aux vitesses autorisées. En même temps, ce qui me reste de cheveux aux vent, on n’a pas envie d’affoler le chrono. En fait, on se surprend à juste prendre plaisir, à attendre que les moucherons viennent se coller aux dents, sourire aux lèvres.

Petit trou à l’accélération lors du passage en quatrième : c’est la surmultipliée. Le moteur ronronne, le Meyers Manx jaune fait se retourner toutes les têtes. Et on se sent un gamin au volant de ce drôle d’engin facile à conduire, et dont la direction est plutôt précise.

Je m’attendais à me retrouver au royaume de l’aléatoire et des bruits d’un tas de boulons, mais au final, sur route, le Meyers Manx est très civilisé et, si ce n’est l’absence de tout aspect pratique, peut très facilement être utilisé au quotidien.

Quand on quitte le bitume

J’aurais bien aimé me prendre pour Steeve Mc Queen et sauter les bosses en décollant des quatre roues, mais ça, je le ferai si un jour elle devient ma voiture ! Là, ce sera au rythme balade hors piste en voiture ancienne. Notre Buggy a quand même 57 ans, même s’il ne les fait pas !

On sent néanmoins que le hors piste est la vocation première de l’engin. Ça chahute le conducteur et les passagers, mais les suspensions et le guidage ne sont pas pris en défaut. On s’amuse au volant et c’est vraiment là le plus important.

De plus, on sent que la voiture accroche, que les suspensions indépendantes à l’avant et à essieu arrière oscillant sont rivées au sol. Une sensation confirmée à l’extérieur quand on analyse le mouvement de ces roues qui semblent autonomes les unes des autres dans les angles qu’elles prennent en fonction des inégalités du support.

Et puis, toujours, ça chante et ça pousse dans les reins, bien calé dans les sièges.

Et à l’arrière ?

Oui, c’est bien d’être à l’avant d’un Meyers Manx, mais avec quatre places, on peut emmener des passagers. C’est certain, les plus jeunes s’amuseront à sauter en cadence avec les mouvements du Buggy.

Mais qu’en est-il des grands (gros ?) gabarits ? J’ai bien été obligé de me prêter au jeu pour quelques photos du poste de pilotage en dynamique.

Déjà, pour monter, il faut s’aider du pneu : on monte sur le pneu en se tenant à l’arceau puis on se laisse glisser. Et une fois en route, il suffit de se tenir où on peut ! Fous rires garantis et gare au chocs avec l’arceau. Alors que dire quand on doit prendre des photos. Sur route, ça l’a fait, mais en tout terrain, il faut oublier.

Conclusion

Sur le site web de Meyers Manx, par ici, on peut lire la meilleure conclusion à cet article :

Every Meyers Manx vehicle embodies fun, freedom and dust
Chaque Meyers Manx incarne le plaisir, la liberté et la poussière

Meyers Manx website
Les PLUS du Meyers ManxLes MOINS du Meyers Manx
le lookle prix
la philosophie Buggyle risque de contrefaçon
le plaisir au volantle manque de polyvalence
image 1- Meyers Manx
Fiche techniqueMeyers Manx
Années1966
Mécanique
Architecture4 cylindres à plat refroidi par air
Cylindrée1582 cm³
AlimentationCarburateur central Weber double corps
Soupapes8
Puissance Max± 60 ch à 4400 trs/min
Couple Max Nm à trs/min
Boîte de VitesseManuelle 4 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Position MoteurPorte-à-faux arrière
Freinage4 tambours
VoiesAV 1435 mm / AR 1448 mm
Empattement2032 mm
Dimensions L x l x h2940 x 1600 x 1270 mm
Poids560 kg
Performances
Vmax annoncée± 110 km/h
0 à 100 km/h
400m d.a
1000m d.a
Poids/Puissance10,5 kg/ch
Conso Mixte± 11 litres / 100km
Côte 2023± 50.000 €

Conduire un Meyers Manx

Le problème du Meyers Manx, c’est que c’est un kit-car. Beaucoup d’entre eux ont été personnalisés et beaucoup de buggies sur le marché sont des contrefaçons du Manx. C’est le plus gros soucis, car ensuite, les pièces d’origine Volkswagen se trouvent facilement et la carrosserie est en polyester, ce qui évite la corrosion.

Pour celui qui veut acquérir ce buggy mythique, il faut en trouver un qui ait été authentifié avec l’ensemble de ses documents. Ce n’est probablement pas sur LBC qu’on en trouvera, aussi, mieux vaut aller du côté des salles de ventes.

Au niveau des tarifs, ils varieront en fonction de l’année de production. Les premières séries sont les plus recherchés et leur côte frôle les 40 à 50.000€, et certains exemplaires ont été vendus jusqu’à plus de 80.000$. Le Buggy de l’Affaire Thomas Crown s’est même vendu 435000 $ ! Les années suivantes voient leur côte diminuer, pour descendre jusqu’à une vingtaine de milliers d’euros.

Un gros chèque pour du 80% plaisir et 20% polyvalence !

Sinon, depuis 2022, la société Meyers Manx produit à nouveau des coques de buggies, et travaille sur le Manx 2.0, véhicule 100% électrique qui a pour objectif de moderniser le concept tout en respectant sa philosophie.

Merci à Richard et sa famille pour cet essai aussi fun que la voiture.

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

Commentaires

  1. Gougnard

    super reportage merci Fabien

    Répondre · · 9 octobre 2023 à 19 h 22 min

    1. Fabien

      Ca a été une belle rencontre. Merci pour ce retour !

      Répondre · · 9 octobre 2023 à 20 h 16 min

  2. PL Dupille

    Bel article Fabien !
    À bientôt
    PL

    Répondre · · 10 octobre 2023 à 7 h 33 min

    1. Fabien

      Merci !
      A bientôt

      Répondre · · 10 octobre 2023 à 8 h 30 min

  3. C Pallard

    Merci de nous rappeler l’existence de cette sympathique petite voiture.
    Article détaillé, nombreuses photos, passionnant. Bravo !

    Répondre · · 10 octobre 2023 à 16 h 06 min

    1. Fabien

      Merci pour votre reaction qui nous encourage à continuer !

      Répondre · · 10 octobre 2023 à 16 h 25 min

  4. bossut patrick

    magnifique ce petit meyer manx une auto plaisir pour s’ échaper du bitume
    très beau reportage qui donne envie

    Répondre · · 10 octobre 2023 à 19 h 00 min

    1. Fabien

      Heureux que cette petite découverte vous plaise. Et oui, on oublie parfois le buggy dans ses choix d’ancienne sympathique

      Répondre · · 10 octobre 2023 à 21 h 23 min

  5. CERTAL Emmanuel

    Avant 2022, des kits Manx et Manxter étaient déjà fabriqués avec plaque d’authentification …. pour l’Europe; c’était une société portugaise qui les fabriquaient mais malheureusement, les financiers qui ont racheté la firme de Bruce MEYERS ont décidé de produire ces kits uniquement aux USA, kits toujours non homologués en France !!! C’est triste que le sort des créations de Bruce soit tombé entre les mains de financiers qui pensent qu’en le transformant en tupperware à piles, ils feront fortune ….. alors qu’un buggy, c’est avant tout une mécanique !!

    Répondre · · 11 octobre 2023 à 20 h 35 min

    1. Fabien

      L’electrification du buggy n’est pas forcement une idée stupide.
      Mais effectivement, les tarifs pratiqués risquent de mener u’e nouvelle fois l’entreprise à se perte. Il faut profiter des buggies thermiques tant que c’est encore possible !

      Répondre · · 11 octobre 2023 à 21 h 30 min

  6. Boulet

    Belle leçon d’histoire, dans la région ou j’habite, on connait plus les Buggy Appal.

    Répondre · · 12 octobre 2023 à 10 h 41 min

    1. Fabien

      Oui, certains se sont lancés dans les buggies. En France on a nitamment eu Appal, dont vous parlez, Baboulin, LM Sovra… Ou Citroën avec sa Méhari, Mega avec la Club, ou Renault et la Rodeo, qui ne peuvent être appelés buggies puisque sans lien avec VW et sa cox, mais qui conservent cette philosophie de voiture de plage, rustique et tout-terrain.

      Répondre · · 12 octobre 2023 à 11 h 25 min

  7. Jérôme

    Très beau reportage…Pour être possesseur d’un manx, tout est dit à travers votre article.Et je confirme, le manx vous donne la banane en toutes circonstances. Que du bonheur !

    Répondre · · 14 octobre 2023 à 20 h 59 min

    1. Fabien

      Merci Jérôme
      Le proprietaire du Manx de l’essai m’a dit qu’il transmettra l’article à Winnie. Votre commentaire me rassure !

      Répondre · · 14 octobre 2023 à 21 h 16 min

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