Concepts et Études, ép. 40 : Ferrari 365P Berlinetta Speciale, la McLaren F1 avec 30 ans d’avance

Publié le par Pierre

Concepts et Études, ép. 40 : Ferrari 365P Berlinetta Speciale, la McLaren F1 avec 30 ans d’avance

Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Rendez-vous pour cela le troisème dimanche de chaque mois (les autres sont là). Ce mois-ci est une cuvée exceptionnelle puisque vous avez droit à une seconde chronique, direction l’Italie et penchons-nous sur la Ferrari 365P Berlinetta Speciale.

En général, le choix du concept du mois est complètement libre. Cependant, ce mois-ci, Benjamin a attiré mon attention sur cette étrange italienne, présente à Chantilly il y a quelques semaines. Essayons donc de surfer sur l’actualité en vous parlant de la 365P Berlinetta Speciale.

Imposer sa patte

Nous sommes en 1965, Sergio Farina, fils de Battista « Pinin », commence à proposer de multiples designs plus ou moins radicaux à Ferrari. D’une part, il s’agit de montrer qu’il a la carrure suffisante pour succéder à son père, et d’autre part, d’emmener Pininfarina vers des territoires inconnus.

Dans le lot, il y a de nombreuses voitures à moteur central, le sujet brûlant de l’époque, suite au succès des Cooper en compétition. Parmi elles, celle qui deviendra la Dino 206 GT, déjà en développement, mais aussi quelques concepts à moteurs V12, qui rencontrent bien naturellement le refus d’Enzo Ferrari, qui a opté pour le développement de la 365 GTB/4 Daytona, qui sortira en 1968.

Des clients de marque

Même si Sergio Farina ne reçoit pas l’approbation du Commendatore, il va recevoir le soutien d’un autre grand acteur de la marque au cheval cabré : Luigi Chinetti. Le patron du NART, mais aussi importateur officiel de Ferrari aux USA, est convaincu qu’une voiture de route étroitement dérivée des 275P et 330P (et leurs évolutions) pourrait intéresser une riche clientèle américaine.

Il aide donc le carrossier a préparer un nouveau concept qui sera présenté en 1966, prenant le nom de 365P Berlinetta Speciale. La voiture sera présentée sur le stand de Pininfarina, histoire de faire un nouvel appel du pied à Ferrari pour passer le V12 derrière les sièges.

Au menu, le V12 Colombo en position centrale, installé dans un châssis tubulaire habillé d’aluminium. Même si c’est révolutionnaire pour Ferrari, ce n’est presque pas ce qui choque le plus sur ce concept. En effet, et ça lui vaudra son surnom, c’est du côté de l’habitacle que les chosés détonnent. La voiture est une trois places, avec le conducteur au milieu, légèrement avancé par rapport aux passagers, d’où le nom de Tre Posti que l’on retrouve régulièrement à son sujet.

Même si elle ne convainc pas la firme de Maranello, la 365P Berlinetta Speciale va attirer l’œil d’un autre grand acteur de l’automobile italienne, Gianni Agnelli. Le grand patron de Fiat va en faire commande pour son usage personnel.

Refusée, mais pas rejetée

Même si elle ne rejoint pas la production, la 365P Berlinetta Speciale va poser quelques jalons qui réapparaitront sur les prochaines voitures produites par Ferrari. Sans en faire une liste exhaustive, on pourra noter la vitre arrière qui vient se recourber sur les montants de custode, ou les trois feux arrière qui seront présents sur les futures 365 BB et GT 2+2.

La Ferrari 365P Berlinetta Speciale de nos jours

Les deux voitures sont toujours existantes aujourd’hui et conservées dans un état concours. Celle qui est la plus connue, le châssis 8971, blanche a donc fini dans les mains de Luigi Chinetti après avoir fait la tournée des salons internationaux en 1966-67 (Paris, Earl’s Court, Bruxelles, Genêve et même Los Angeles).

Il la revendra en 1968 à un banquier new-yorkais qui la ramènera quelques mois plus tard. Elle part ensuite chez le pilote Jan de Vroom, qui la ramènera à Chinetti quelques mois plus tard, une fois encore. Elle reste alors entre les mains de la famille Chinetti jusque 2014 où elle sera proposée à la vente par Gooding & Co, sans atteindre le prix de réserve. Depuis elle a été exposée pendant quelques mois au High Museum of Art d’Atlanta, ou encore au First Art Museum de Nashville. Elle est également apparue à Pebble Beach l’an dernier et, comme évoqué au début de cet article, on a pu l’apercevoir pas plus tard que le mois dernier à Chantilly.

La voiture de Gianni Agnelli, le châssis 8815, est légèrement différente. Le plus notable est le spoiler arrière, que je trouve assez disgracieux. Elle a commencé sa vie en arborant une peinture gris métal, coupée par une ceinture de caisse peinte en noir. Par la suite, elle a arboré une peinture bleu métallisé avant de passer au rouge. La voiture a passé sa vie dans une collection privée et est en cours de restauration pour al remettre dans sa configuration d’origine.

Crédits photo : News d’Anciennes, Peter Harholdt pour le Luigi Chinetti Trust, Gooding & Co.


Pierre

Tombé dans la marmite automobile quand il était petit, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2015. Expatrié en Angleterre depuis Mai 2016, il nous partage les évènements de là-bas. En dehors de ça, il partage une bonne partie de son temps sur la route entre une Opel Ascona et une Mazda RX-8.

Commentaires

  1. Gougnard

    super merci Pierre

    Répondre · · 16 octobre 2022 à 18 h 55 min

  2. Jean-Jacques LUCAS

    Le dispositif à trois places, chauffeur au centre renvoie évidemment à la Panhard & Levassor Dynamic de 1936. Mais, il s’agissait d’abord d’une lourde berline, déclinée en limousine ou coupé. En revanche, en 1968, Bizzarini présentait la Manta, motorisée chez Chevrolet, dessinée par Giugiaro/Ital Design, ce qui revient au même, avec cette architecture de l’habitacle. Les voilà donc les véhicules précurseurs de la Mc Laren F1, cette 365P Berlinetta Speciale et la Bizzarini Manta que l’on affuble à tort d’une référence mentholée au motif de sa couleur alors qu’il faut chercher du côté des prototypes Chevrolet et de leurs références pélagiques, mais c’est une autre histoire. Cette Berlinetta parait avoir un physique ingrat, lourde, pataude, faite de ce prototype Dino du Salon de Paris 1965, sans la rampe de phares sous verrière (celle-ci occupa le Musée de Châtellerault au cours des années 70/80), d’une calandre de 330 GTC (1966) retrouvée sur la 365 GT (1968). Celles-ci assuraient une transition, la Berlinetta faisant fonction de work in progress. D’ailleurs le tableau arrière de la 365 GT 1968 est retrouvée sur cet unicum ferrarien. En 1969, la Ferrari 512 S Berlinetta Speciale, opus magnum de Filippo Sapino chez Pininfarina, ferait justice du dessin incertain de l’auto de cet article. Sapino défiait quelque peu le maestro Gandini et sa grammaire fixée depuis 1963, géométrisée en 1968 avec la Carabo, déclinée ensuite. En fin de compte, cette « fat » Dino s’est bonifiée, avec un je-ne-sais-quoi d’attachant pour friser l’anthropomorphisme.

    Répondre · · 16 octobre 2022 à 22 h 36 min

    1. Pierre

      Pour le coup, le but n’était à aucun moment de dire que la 365P Berlinetta Speciale était la première à utiliser cette configuration de sièges, dont vous nous avez fait l’historique.
      C’est juste que la formule trois places, pilote central, 12 cylindres derrière amène forcément au prallèle entre les deux voitures.

      Répondre · · 17 octobre 2022 à 19 h 15 min

      1. Jean-Jacques LUCAS

        Vos articles donnent, avec joie, comme tous ceux de News d’Anciennes, l’envie de la conversation, de continuer le propos. Il n’y a donc pas malice, bien au contraire ! Juste ajouter que l’empattement disproportionne l’auto, mais il fallait bien loger les douze gamelles. Voilà une Ferrari « à l’envers ». Mais, le pilote se trouve bien dans l’axe du moteur. Une curiosité passionnante !

        Répondre · · 17 octobre 2022 à 20 h 48 min

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