Concepts et Études, ép. 39 : Volkswagen EA266, Porsche en roue libre

Publié le par Pierre

Concepts et Études, ép. 39 : Volkswagen EA266, Porsche en roue libre

Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Je sais que nous ne sommes pas le troisième dimanche du mois mais, à la demande du chef, j’ai une histoire à vous raconter (les autres sont là). Penchons-nous sur un grand moment d’errance du bureau d’études Porsche, la Volkswagen EA266.

Dès le milieu des années 50, la Coccinelle, bien qu’incroyablement rentable, n’est plus toute jeune, et la direction de Volkswagen essaie de préparer l’avenir. De nombreuses études (on parle de pas loin de 70 projets !) sont lancées en interne, mais aussi, en faisant appel à des prestataires externes. C’est dans ce contexte qu’intervient Porsche au milieu des années 60.

Fini l’air cooled

Gardez en tête une chose tout au long de cette chronique. La voiture dont nous parlons aurait très bien pu devenir la Golf ! Rien dans l’EA266 ne s’en approche, cependant, sauf, peut-être la mécanique à refroidissement liquide. Le bon vieux flat four refroidi par air est ici remplacé par un quatre cylindres en ligne à arbre à cames en tête, refroidi par eau. La cylindrée varie de 1,3 à 1,6 litres, pour une puissance s’étalant de 65 à 105 chevaux (une sorte de pré-Golf GTi en quelque sorte).

Plusieurs configurations envisagées

Au fur et à mesure, l’équipe dirigée par Ferdinand Piëch (avant qu’il ne glisse chez Audi, puis à la tête du groupe Volkswagen) étudie plusieurs architectures : Traction, propulsion, moteur avant, moteur arrière, moteur central, 2 ou 4 portes… Le choix final se porte sur une version pour le moins radicale pour l’époque : il s’agira d’une compacte 3 portes avec un moteur en position centrale.

Malheureusement, ce choix n’est pas sans inconvénients. L’accessibilité moteur est déplorable, sachant qu’il faut soit passer sous la voiture, soit retirer un siège avant et la banquette arrière, suivant les opérations à mener. Sans parler de la maintenance compliquée, les premiers tests en interne ont démontré que l’habitacle se retrouvait assez rapidement maculé de cambouis, mais cela n’a pas pour autant freiné le développement.

Dans la même veine, la roue de secours est installée sous le siège conducteur, qu’il faut donc poser dehors en cas de changement, charmant en cas de crevaison sous la pluie ! Mais là non plus, cela n’arrêta pas l’équipe en charge de l’EA266.

Une drôle de vie à bord

Allez, je chipote, j’en conviens… car face à la vie au volant, ce sont des problèmes pour le moins mineurs. Si vous trouviez la Cox bruyante, imaginez être assis encore plus près du moteur. La chaleur s’avère étouffante les des chaudes journées d’été, mais paradoxalement, ce sont les journées pluvieuses qui vous donneront des sueurs froides. Avec son empattement très court, et sa puissance relativement généreuse pour l’époque pour une auto de ce gabarit, l’EA266 est pour le moins unique à conduire.

Porsche persiste dans cette voie. La voiture est même prévue en 4 carrosseries : berline, coupé 2+2, roadster et fourgon. Ils réussissent à convaincre Volkswagen de la viabilité du projet. L’outillage est commandé, et une flottille de 50 prototypes est mise en circulation pour les différents tests à effectuer en amont de la production.

Des changements radicaux chez Volkswagen

Malheureusement, à l’horizon 1970, les choses ne sont plus aussi roses. Les bénéfices de Volkswagen sont en chute libre, ayant diminué de 94% pour atteindre les 12 millions de Deutsch Marks. À l’opposé, le développement d’EA266 explose, on parle, selon des sources de 200 à 400 millions, ce qui rendrait impossible de vendre la future VW dans des tarifs inférieurs à ceux de la K70 ou de l’Audi 100, pourtant un segment au dessus !

C’est dans ce contexte que Kurt Lotz, le PDG de VW perd la confiance des syndicats et de la direction, le forçant à démissionner le 13 septembre 1971. Il est remplacé par Rudolf Leiding, qui avait permis à VW de voir ses profits augmenter de 50% au Brésil, après avoir assuré la prise de contrôle d’Auto Union quelques années auparavant.Leiding va trancher dans le vif dans les premières semaines suivant son arrivée, et l’une des premières victimes sera EA266 et ce, seulement trois semaines après l’arrivée du bonhomme.

Ce sacrifice n’est pas complètement incohérent au vu du contexte économique, surtout qu’en parallèle, Volkswagen développait EA272, qui allait devenir la Passat, et EA337, qui était le concurrent interne, appelé à devenir la Golf. Bref, les millions, que Volkswagen n’avait pas, étaient envoyés à l’extérieur pour un résultat… pour le moins incertain.

L’histoire veut que Leiding ait demandé à ce que tous les documents relatifs à EA266 soient détruits, du moindre dessin à la moindre serviette ayant un gribouillis dessus. Même le moteur subit le même sort. Quant aux 50 EA266 ? 48 (ou 49 selon les sources) d’entre elles seront écrasées par un char Leopard (là-aussi, un design Porsche) dans le centre d’essai de la marque.

La Volkswagen EA266 de nos jours

Sur les deux possiblement restantes, on a toujours la trace d’une EA266, amoureusement conservée à l’AutoMuseum de Wolfsburg (à ne pas confondre avec l’Autostadt, à proximité). Les éléments disponibles sur la seconde sont confus, via un jeu de traductions automatiques de langues slaves, donc je ne préfère pas m’avancer.

Crédits photo : Volkswagen, Small Cars Club, Fabian Hoberg pour Der Spiegel, Car Design Archives


Pierre

Tombé dans la marmite automobile quand il était petit, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2015. Expatrié en Angleterre depuis Mai 2016, il nous partage les évènements de là-bas. En dehors de ça, il partage une bonne partie de son temps sur la route entre une Opel Ascona et une Mazda RX-8.

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