Au volant d’une DAF 55 Coupé, oubliez toutes vos habitudes de conduite

Publié le par Ludovic

Au volant d’une DAF 55 Coupé, oubliez toutes vos habitudes de conduite

Cela fait longtemps que Bertrand lit News d’Anciennes et qu’on voulait essayer sa Dauphine Rouge (qu’il vous présentait ici). Mais au Rallye des Routes de l’Aube qu’on coorganise, c’est avec une autre voiture qu’il est venu. Une DAF 55 Coupé. Le genre d’auto qui étonne forcément. Les Panhardistes ont leurs fans du bicylindre, les Citroënistes leurs fans de suspensions au LHM et dans le même genre on retrouve les DAFistes, un genre de collectionneurs qui ne jure que par la Variomatic. Benjamin y avait déjà goûté mais j’étais curieux. Alors j’ai profité du rallye pour découvrir cette auto originale venue des Pays-Bas.

Notre DAF 55 du jour

Benjamin avait donc déjà essayé une DAF. C’était une 44, une voiture techniquement différente, notamment en raison du « nouveau » moteur de notre 55, on y reviendra. Et c’est vrai qu’on retrouve facilement le lien de filiation entre les deux voitures. Esthétiquement on pourrait même dire que ce sont les mêmes voitures. Erreur.

Les proportions sont en effet les mêmes, mais uniquement de loin. Et puis finalement, on retrouve beaucoup plus de différences que ce que ne laisserait penser le premier coup d’œil… et c’est logique. La 44 essayée était une Berline, ici, on est en présence d’une DAF 55 Coupé.

Coupé, oui. C’était une des trois carrosseries de la gamme. On avait commencé à la fin de l’année 1967 avec la berline. On avait enchaîné en Mars 1968 avec notre DAF 55 Coupé et on avait enfoncé le clou avec le break en Septembre 1968. Trois carrosseries qui partageaient deux points communs et on va commencer par vous parler du premier : la face avant qui est clairement en ligne directe avec la DAF 44.

On retrouve des airs de Triumph dans cette face avant. C’est tout à fait normal et ce sont les « sourcils » qui surmontent les phares ronds et qu’on retrouve par exemple sur une Herald qui font ça. Vous nous voyez venir ? Oui, c’est normal, la DAF 44 et donc la DAF 55 sont nées du dessin de l’Italien Michelotti qui travaillait également beaucoup avec les anglais. La DAF 55 conserve également la disposition des clignotants, juste en-dessous des feux. Mais le reste est différent.

Quand la DAF 44 se parait d’une face avant « pleine » au-dessus du pare-chocs chromé à deux butoirs, la DAF 55 s’équipe d’un pare-chocs plus fin et sans butoirs et surtout aère la face avant. Les aérations ne sont plus seulement situées sous le pare-chocs, là où on retrouve désormais la plaque mais créent une véritable calandre. Ajoutez les feux additionnels et vous vous retrouvez avec une face avant plus moderne et plus sportive aussi… mais ça reste subtil.

Sur le profil, on remarque une vraie différence. Là aussi les lignes pourraient faire penser à une Herald mais c’est finalement plus arrondi. Comme la 44, la DAF 55 Berline conservait deux portes. La DAF 55 Coupé n’en a pas plus, forcément, mais on remarque surtout son pavillon. Il est moins haut et retombe beaucoup plus vite. Il n’est pas assez prolongé pour qu’on puisse parler de fastback mais c’est un vrai coupé. Le revers de la médaille… on en parlera plus tard.

Sinon, on voit bien que c’est un coupé sauce populaire. Les roues sont petites et font paraître la néerlandaise bien plus haute qu’elle ne l’est réellement. Peu de détails sur ces flancs hormis les poignées, serrures et la petite aération derrière la vitre de custode, sur un montant pourtant particulièrement réduit.

À l’arrière, la DAF 55 Coupé est très simple. Nous sommes à la fin des années 60 et il est donc logique de retrouver une vraie malle et pas un hayon qui engloberait la grande lunette arrière. L’arrière est tronqué, pas à la façon d’une SZ Coda Tronca mais plutôt d’une Giulia si on veut rester chez Alfa.

Le pare-chocs a récupéré ses butoirs et au-dessus, les feux bien horizontaux qui encadrent parfaitement la plaque. Pas de gros pot d’échappement sur ce coupé qui n’avait pas de vraie vocation sportive.

On termine ce tour du propriétaire en se disant qu’on a bien affaire à une voiture populaire dans ses gènes et dans sa forme. Une voiture qui étonnerait de nos jours. Et encore, les logos DAF sont bien rares car ils étonneraient encore plus !

Technique : grosse révolution

Si, stylistiquement parlant, la DAF 55 se rapprochait beaucoup de sa devancière, niveau technique ce n’est plus du tout pareil. La DAF 44 était motorisée, comme son illustre aïeule la 600, par un bicylindre à plat. Né à 600cm³ donc, il était arrivé en bout de course avec ses 844cm³. DAF a donc cherché un autre moteur et l’a trouvé… en France. La DAF 55 est la première voiture du constructeur à s’équiper du Cléon-Fonte de 1108cm³.

DAF a revu le cléon (ça se voit notamment sur certaines pièces de fonderie) et en tire 45ch. C’est un sacré gain par rapport aux 34ch de sa devancière. Niveau évolutions techniques, on a abandonné les lames transversales à l’avant pour des barres de torsion. On ajoute des freins à disque à l’avant et on a les grandes lignes de la fiche technique de la DAF 55 Coupé.

Les grandes lignes seulement. Parce que la DAF 55 garde quand même l’héritage DAF n°1, on en parlait en intro : la transmission Variomatic. Placée à l’arrière de la voiture (disposition transaxle, oui, oui), elle est entrainée un arbre de transmission puis par une poulie trapézoïdale sur deux poulies coniques. Quand le régime moteur augmente, les flasques se rapprochent ce qui fait que le cylindre entraîné est plus grand. On a donc un changement de démultiplication en continu… et on ne passe pas de rapport !

Évidemment, on garde la spécificité des DAF : la marche arrière va de paire avec un inverseur mais, puisqu’on a pas de rapport à passer, la démultiplication (et donc la vitesse) maximale peut être atteinte avec la marche arrière !

Intérieur : popu encore et toujours

À la fin des années 60, un coupé n’était pas forcément synonyme de sport. Ni même de luxe d’ailleurs. La DAF 55 Coupé le prouve magnifiquement. L’intérieur est simple, très simple. De la planche de bord aux sièges, pas de chichis ici. Pour autant, ce n’est pas dépouillement complet et c’est plutôt réussi.

On commence par l’instrumentation. C’est une des preuves que la DAF 55 Coupé n’est pas sportive : le compte-tours brille par son absence. Côté instrumentation on fait donc simple : jauge de carburant, témoin de charge, température d’eau et alerte de pression d’huile du côté gauche et tachymètre et odomètre du côté droit.

Du côté des commandes, c’est tout aussi simple. On retrouve un commodo sur la gauche et un autre sur la droite du volant à trois branches, fin et marqué du 55 qui permet de se rappeler dans quelle auto on est installé. Côté éclairage et ventilation, tout est au centre, sous l’autoradio.

Pour faire avancer la voiture on retrouve deux pédales sur la DAF 55 Coupé, comme avec une boîte auto. Une pédale pour le freinage et une (petite) pour l’accélérateur. Pour la transmission ? Pas de levier de vitesse, vous avez compris le principe de la Variomatic, mais une sorte d’inverseur.

Côté sièges, on retrouve du simple là aussi. Pas d’appui-tête, sellerie tissu simple et les sièges avant basculent donc pour donner accès aux places arrière de la DAF 55 Coupé. De vraies places, oui, mais la vraie limite c’est celle de la hauteur du pavillon et c’est vraiment ce qui limite l’accès des adultes à ces places, en tout cas sur des longues distances. Ça tombe bien, ce n’est pas là qu’on va s’installer.

Au volant de la DAF 55 Coupé

Bertrand m’avait prévenu avant même de m’installer au volant, les DAF sont très particulières à conduire. Mais que me réserve cette auto que je ne connais pas particulièrement ? Je m’installe donc à bord de cette petite DAF 55 Coupé dont il m’a tant parlé. On tombe plutôt bien en face des commandes. Les boutons sont à portée de main et on en a vite fait le tour. Seule chose à ne pas toucher : le bouton qui ne sert qu’à « booster » dans les grosses montées.

Ici pas de pédale d’embrayage, un levier qui ressemble à tout sauf à celui d’une boîte manuelle… Donc c’est une boîte automatique ? Et bien non ! D’ailleurs, le levier était déjà enclenché en mode « on y va » et le frein à main est baissé. Mais quelle est donc cette diablerie ? C’est justement tout l’intérêt de la transmission Variomatic, un variateur de vitesses mécanique et entièrement automatique qui permet, entre autres, d’avoir la même démultiplication en marche avant comme en marche arrière. Je connaissais d’ailleurs la DAF pour ses courses automobiles en marche arrière et je vous invite à aller voir ça en vidéo, ça vaut le coup d’œil (âmes sensibles s’abstenir).

Une fois quelques explications de son propriétaire, il est temps de se lancer. Je tâte un peu la pédale d’accélérateur pour commencer à avancer mais à part faire du sur place il ne se passe pas grand chose. Bertrand m’invite donc à appuyer un peu plus, comme précisé ce n’est pas une boîte automatique et la voiture n’avance pas en lâchant les freins. En étant plus insistant sur la pédale d’accélérateur, l’embrayage centrifuge se met en action et la DAF 55 Coupé commence à se libérer. C’est parti !

Je roule à vitesse modérée pour découvrir un peu l’auto, puis une fois sorti du village, il est temps de lancer un peu le moteur pour arriver à 80km/h. La montée en régime est plutôt correcte pour la cylindrée, j’arrive à la limitation de vitesse maximale et je trouve que le moteur hurle un peu trop à mon goût. Quand on a l’habitude des boîtes manuelles ou même automatiques où la vitesse s’adapte à l’allure c’est plutôt déroutant.

Mon copilote et formateur DAF m’invite donc alors à lâcher un peu les gaz, le régime redescend net et pourtant la voiture continue de rouler à la même vitesse. C’est très perturbant au début, mais c’est un coup à prendre. En tâtonnant un peu j’arrive à trouver le bon mode de fonctionnement. Pour vous resituer, une fois que vous avez pris le coup, c’est comme si vous mettiez le régulateur de vitesse. Ensuite, plus besoin de toucher à quoi que ce soit et la DAF 55 Coupé file.

On a précisé que ce n’est pas une sportive mais c’est plutôt une bonne voyageuse. Souple, elle ne vous tassera pas de vertèbres. Je suis à deux doigts de mettre l’autoradio ! Niveau sonore, je ne vais pas vous faire de dessin. Le cléon n’a pas un caractère particulier mais un son qu’on reconnaît. C’est le son d’une Renault, tout simplement. Après, entre R4, R5 ou même Twingo, on vous laisse libre de votre meilleure référence personnelle.

Vient maintenant le moment de ralentir. Si l’accélération était originale, là c’est pas mal non plus. Alors évidemment il y a le frein qui au passage freine plutôt très correctement, mais il y a aussi le frein-moteur bien spécifique. Car, oui, le vrai DAFiste n’utilise presque pas le frein ! En lâchant la pédale d’accélérateur, la voiture ne bronche pas… et puis, quand le moteur commence à perdre des tours, la Variomatic se met au diapason. Et là, c’est très étonnant, mais plus le régime baisse, plus le frein moteur est fort ! Résultat, effectivement, en utilisant bien ce principe on peut accélérer puis freiner la DAF 55 Coupé en utilisant une seule pédale, celle de droite !

Pour le reste, rien de bien spécial. La DAF 55 Coupé tient plutôt bien le pavé, la direction est souple et précise. Il faut dire que le cadre s’y prête plutôt bien, milieux rurales et petites routes de campagne. On n’est pas pressé, il faut dire qu’avec une puissance qui reste vraiment modeste, les performances le sont aussi. Celui qui a chronométré la DAF 55 Coupé à 132km/h devait avoir eu de la place pour se lancer !

On profite du paysage et on se concentre surtout sur le dosage du régime moteur. Parce que, finalement, c’est devenu un jeu. On apprécie la voiture dans son ensemble. Mais on apprécie encore plus le « jeu » proposé par la pédale de droite.

Conclusion

La DAF 55 Coupé n’est pas forcément très originale dans sa définition. Sa ligne est simple et remplit toutes les cases. Mais c’est vraiment par sa mécanique qu’elle va se distinguer. À l’instar d’une américaine à la ligne classique et au moteur plein, la hollandaise va vite vous prendre au jeu. Et ce sera vraiment un jeu. Parce que l’américaine pourra certainement se conduire comme une populaire en plus performante. Là, c’est l’inverse, les performances sont celles d’une populaire, mais pas la conduite.

La DAF 55 Coupé est une voiture qui vous démarquera. Ce sera rare d’avoir une autre voiture de la même marque sur un rassemblement. Et les curieux seront encore plus surpris une fois que vous les aurez installé au volant !

Les plus de la DAF 55 CoupéLes moins de la DAF 55 Coupé
Son originalitéVoiture très méconnue
La Variomatic, toujours à partDes performances qui restent justes
Le style simple et efficaceLeçons de conduite obligatoires
La cote accessible
Notes de la DAF 55 Coupé
Fiche techniqueDAF 55 Coupé
Années1967-1972
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée1108 cm³
AlimentationCarburateur
Soupapes8
Puissance Max50 ch à 5000 trs/min
Couple Max78,5 Nm à 2800 trs/min
Boîte de VitesseVariomatic
TransmissionPropulsion
Châssis
Position MoteurLongitudinale Avant
FreinageDisques Ventilés AV et Tambours AR
VoiesAV 1430 mm / AR 1430 mm
Empattement2250 mm
Dimensions L x l x h3880 x 1540 x 1310 mm
Poids (relevé)950 kg
Performances
Vmax Mesurée132 km/h
0 à 100 km/h22,2s
400m d.a22,2s
1000m d.a41,5s
Poids/Puissance19 kg/ch
Conso Mixte± 7 litres / 100km
Conso Sportive± 13 litres / 100 km
Prix± 5.000 €

Conduire une DAF 55

La DAF 55 fait partie de ces voitures dont il est difficile de donner une cote réelle puisque le volume d’échange est vraiment très réduit. Les cotes « officielles » données par les magazines historiques placent les DAF 55 Coupé autour des 4000€. L’avantage, c’est que ce prix s’applique à une voiture en très bon état. L’inconvénient, c’est que c’est très difficile d’en trouver une ! Le coupé ne s’est produit qu’à 23.000 exemplaires et vous vous doutez que ce n’est pas dans l’Hexagone qu’on en trouve le plus. Dans les faits, les annonces pour de montures de ce calibre se situent plutôt entre 6 et 8000€… mais est-ce qu’elles partent vraiment à ce prix ?

Notez que, pour avoir une photo de famille, la DAF 55 Berline est environ 1000€ moins chère (plus de 120.000 autos produites). La plus recherchée de toute reste la DAF 55 Coupé Marathon, pas encore équipée du 1300 (qui sera monté sur la DAF 66) mais dotée d’un 1100 revu pour passer à 63ch.

Du côté des choses à surveiller, la corrosion n’épargne pas les DAF 55 Coupé. Au bas de la baie de pare-brise, la plaque chromée représente un nid à humidité. Autre zone à surveiller : l’avant du capot. Sur les modèles de la première série, sans cadre de porte, l’humidité peut s’infiltrer dans l’habitacle et attaquer les plancher !

Côté mécanique, aucun souci pour trouver des pièces moteurs, surtout chez nous en France où le Cléon est archi-connu. Les spécialistes des populaires et encore plus des Renault (comme Melun Rétro Passion) auront presque tout à dispo. Le souci se posera plutôt au niveau de la Variomatic. Si il existe un pro aux Pays-Bas et une belle communauté de passionnés pour ce qui est des pièces, sa fiabilité peut être problématique dans deux cas. D’abord côté arbre de transmission si le levier est actionné aux mauvais moments et ensuite l’état de surface des poulies peut souffrir de l’humidité, rouiller et entraîner des usures prématurées de la courroie.

Un grand merci à Bertrand pour cet essai très original.

Ludovic

Ayant rejoint News d'Anciennes courant 2017, Ludovic et sa fidèle Coccinelle parcourent les rassemblements à la conquête de reportages photos.

Commentaires

  1. DUFOUR

    Les vrais connaisseurs de DAF se souviennent de la DAFFODIL, bi cylindre avec une gueule improbable. Celle de ma maman était bleu layette et lui rendait bien service pour faire ses courses…elle n’était pas une « as » du volant…
    Pour la transmission , ne cherchez pas : c’est le même principe qu’une Mobylette.
    Une voiture digne d’un film de TATI…

    Répondre · · 6 juin 2024 à 10 h 54 min

  2. BRUNET

    Une petite omission, il y a eu également une version Marathon de la berline DAF 55, avec la pipe d’admission horizontale « Ferry » le double corps Weber, ainsi qu’un Variomatic à deux courroies, comme sur le coupé du même nom.
    Un véhicule très attachant, qui me rappel de bons souvenirs, et que j’ai céder à une auto-école de la Marne, pour faire passer le permis de conduire à des personnes handicapées.

    Répondre · · 6 juin 2024 à 11 h 06 min

  3. Robert

    Une voiture élitiste… à sa façon. Comme la NSU RO 80 tiens…
    Sacrés hollandais !

    Répondre · · 6 juin 2024 à 13 h 59 min

  4. Jacques

    Au décès prématuré de mon père, ma mère a recommencé à conduire et ne s’est pas sentie de repasser les vitesses. Elle a donc eu successivement une Daf 33 en 1969, une 55 berline en 1970, et une 66 berline en 1974, sans souci particulier. Elle a abattu beaucoup de km et était imbattable au démarrage des feux rouges. 3 Golf automatiques ont succédé aux Daf quand la marque a disparu. Elle a arrêté de conduire il y a quelques années et va fêter normalement ses 103 ans cette année.

    Répondre · · 25 mars 2025 à 15 h 59 min

Répondre à DUFOURAnnuler la réponse.

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