Au cœur du London to Brighton 2022

Publié le par Patrick Hornstein

Au cœur du London to Brighton 2022

Lorsque l’on aime l’Automobile (moderne et ou collection) il y a des événements que l’on attend chaque année avec impatience. Le Salon de Reims, Rétromobile, le Concours de Villa d’Este, Salon Privé, Goodwood, les 24h du Mans, Beaulieu, la Monterey Car Week, le Salon Epoqu’Auto et le LBVCR pour n’en citer que quelques-uns… LBVCR que signifient ces initiales ? London to Brighton Veteran Car Run, celui qu’on appelle plus simplement le « London to Brighton » en France.

Le London to Brighton en bref

Agée de 126 ans celui-ci n’est ni plus ni moins que la plus ancienne manifestation au monde (toujours existante, le Paris-Bordeaux né le 11 juin 1895 n’existant plus tout comme le Turin-Asti ou le Paris-Rouen) et une manifestation qui, sans sacrifier la tradition ne fait que se bonifier avec le temps.

La recette ? Respecter l’histoire et, tel un peintre impressionniste, ajouter des touches de couleur qui vont en faire un magnifique tableau.

La tradition est bien respectée, c’est logique l’organisation est managée avec talent par le RAC (Royal Automobile Club). Dès 05h00 du matin les participants regagnent leurs plateaux dans Hyde Park, les bénévoles sont à pied d’ œuvre, Jeremy Vaughan (le Directeur du département Motoring du Royal Automobile Club) vérifie que rien ne manque : ni drapeau rouge devant être déchiré ni Union Jack ni toutes les chasubles des Marshalls (ils sont 400 nécessaires au bon déroulement de l’épreuve) ni les parapluies dont la protection est plus symbolique que réelle.

Une légende médisante est que le London to Brighton doit être annulé s’il ne pleut pas… Allons bon, comme s’il pleuvait en Grande Bretagne ! Quasiment jamais…

Les quelques propriétaires de voitures à vapeur mettent en chauffe leurs machines puisqu’il faut compter une bonne heure avant de pouvoir s’ élancer ainsi que de nombreux jerrycans d’eau pour alimenter la machine au long du trajet. Les automobilistes et leurs passagers sont souvent en tenues d’époque et /ou avec d’épaisses pelisses supposées les protéger de la pluie et du froid, supposées…

Les uns et les autres se connaissent souvent et se retrouvent avec plaisir, les ancêtres sont une communauté à part dans le monde des collectionneurs. Le London to Brighton est « leur » grand messe et ils viennent des 5 continents pour ce Run ô combien addictif une fois qu’on y a gouté. On constate avec fierté (ou nostalgie) qu’avant 1905 près de la moitié des automobiles produites étaient françaises, souvenir d’un rayonnement mondial sur l’industrie…

Au départ du London to Brighton

Ce sont donc 336 automobiles et 15 vélos et motos qui se sont élancés

96 constructeurs automobiles se répartissant ainsi :

France :
Aster, Barré, Berliet, Bertrand, CGV, Clément, Clément Bayard, Clément Panhard, Colliot, Darracq, De Dietrich, De Dion Bouton, Decauville, Deckert, Delahaye, Gamage Aster, Georges Richard, Gladiator, Hurtu, Lacoste et Battmann, Lambert, Léon Bollée, Marot Gardon, Mors, Napoléon, Panhard et Levassor, Peugeot, Phebus, Raynaud, Renault, Rochet, Rochet-Schneider, Tony Huber, Vallée

Grande Bretagne :
Albion, Alldays, Argyll, Arrol-Johnston, Brown, Brush, Century, Daimler, Dennis, English Mechanic, Gamage Aster, Humber & Humberette, James & Browne, Lanchester, MMC, Maxim, Napier, New Orleans, Norfolk, Phoenix, Rover, Salvesen, Siddeley, Star, Sunbeam, Swift, Talbot, Thornycroft, Vauxhall, Vulcan, Wolseley

Allemagne :
Adler, Benz, Lutzmann, Mercedes, Mercedes Simplex

Mercedes au London to Brighton 2022

USA :
Autocar, Brennan, Cadillac, Columbia & Columbia Electric, Covert, Crest, Flint, Ford, Haynes Apperson, Knox, Locomobile, Maxwell, Oldsmobile, Orient, Peerless, Pierce, Pope Toledo, Rambler, Stanley, Stevens Duryea, Warwick, While, Yale

Belgique :
Delin et Germain

Plusieurs constatations avant de lancer ce London to Brighton 2022 :

  • Alors qu’aujourd’hui les constructeurs existent sur tous les continents (constructeurs pas simplement unités de production) à cette époque il n’ y avait que 2 continents : Europe et Amérique du Nord
  • Par ailleurs les constructeurs à avoir survécu sont moins d’une dizaine et pas n’importe lesquels : ceux qui étaient partis dès le début sur la voie d’une « industrialisation » et d’une production en série pour des volumes plutôt que la recherche de sophistication ou de complexité.

CQFD : l’automobile est un produit de « volumes » car synonyme de liberté individuelle pour TOUTES les populations…

C’est parti !

Le départ du London to Brighton est donné à 07h02 et les automobiles cycles et motos s’élancent entre 07h02 et 08h45 après un rapide épisode où deux happy few auront eu l’honneur d’avoir été choisis pour déchirer le drapeau rouge.

Cette année Doug Hill, directeur des collections du Musée de Beaulieu, avait été choisi pour ses compétences inouïes ainsi que sa gentillesse.

Ce drapeau rouge devait être agité avant l’Abolition Act par un piéton devançant l’automobile en ville et criant « attention automobile » afin d’avertir la foule. Qui dit piéton dit maximum 4km/h donc l’intérêt des automobiles était alors quasi nul.

C’est Lord Montagu qui força l’entrée de la chambre des Lords au volant de sa Daimler et prononça un émouvant discours mettant en garde les Lords devant ce qui serait un rendez-vous industriel manqué (avec toutes les conséquences économiques pour le pays) les Lords se levèrent, l’applaudirent à l’unanimité et votèrent cet « abolition act ». Le commémorer encore aujourd’hui est bien plus qu’anecdotique : c’est un hommage à la liberté individuelle ainsi qu’au pragmatisme économique.

Le départ vient donc d’être lancé et durant 01h30 les véhicules vont s’élancer. Gardons bien à l’esprit que le London to Brighton n’est pas une course. C’est un hommage aux pionniers de l’automobile et le meilleur moyen que cet hommage ait lieu est le mélange entre ces toutes premières automobiles et les actuelles. Une De Dion attendant patiemment au feu à côté d’une Golf avec deux kékés casquettes à l’envers, yes & so what ?

Où voir passer le LBVCR ?

Malgré la pluie le public se déplace en très grand nombre sur les trottoirs au bord des routes pour les admirer et les saluer. Sourires et bonne humeur de rigueur, il faut quasiment une condition d’athlète olympique pour le passager qui décide de répondre à des milliers de signes en agitant la main en retour, c’est avant tout cela le London to Brighton, de la sympathie de la gentillesse et le plaisir de commémorer ensemble cette liberté. Ce sont des centaines de milliers de spectateurs qui, simplement par leur présence, rendent hommage à cette procession et ses acteurs.

Pour le passionné qui décide de se rendre à Londres il y a quelques incontournables :

image- London to Brighton
  • De 05h00 à 07h00 Hyde Park
  • De 07h10 à 08h30 « La » photo sur Westminster Bridge avec Big Ben en arrière plan
  • De 08h00 à 11h35 Redhill (au croisement A23 Brighton Road, Mill Lane, Hooley Lane)
  • De 08h25 à 14h00 dans la ville de Crawley et notamment le centre ville
  • De 10h00 à 16h30 sur Madeira Drive à Brighton

Les pannes

En 126 ans l’organisation a acquis une certaine expérience. D’une part les collectionneurs connaissent leurs ancêtres sur le bout des doigts, d’autre part celles-ci ont été dument entretenues restaurées révisées.

Par ailleurs on ne se lance pas dans le London to Brighton avec un véhicule qui n’a pas été scrupuleusement inspecté. Enfin entre l’assistance RAC, l’assistance de CARS (partenaire transporteur officiel) et la bonne volonté et l’entraide des concurrents (et du public) il n’y a quasiment pas de panne(s) qui ne puisse(nt) être réparé(es). Une courroie qui saute, une chaîne qui déraille, une crevaison, une bougie qui grille… Cela va rarement plus loin, il n’y a pas d’électronique sur ces ancêtres !

Par ailleurs sitôt sortis des faubourgs de Londres nombreux sont les clubs partenaires qui s’installent au bord de la route pour admirer saluer et rendre hommage mais aussi aider dès que nécessaire, ce sont aussi eux qui fournissent de nombreux marshalls. Sans eux rien ne serait possible pour reprendre la formule consacrée

Pour les citer et leur rentre hommage :
Le Veteran Car Club de Grande Bretagne, le 750 Motor Club, l’ All Wheel Drive Club, le Bexhill 100 Motoring Club, le Craven Motor Club, le Gay Classic Car Group, l’ ACO, le Bentley Drivers Club, le Borough 19 Motor Club Limited, le Brighton and Hove Motor Club, le Goodwood Marshals Club, le Guilford Motor Club, le Lotus Seven Club, le MG Car Club, le Sevenoaks and District Motor Club, le Silverstone Marshals Club, le Suffolk Vehicles Enthusiasts Club, le Sutton and Cheam Motor Club et enfin le Weald Motor Club.

Le London to Brighton existe aussi grâce à des partenaires qu’il faut également citer :
RM Sotheby’s, Les montres A.Lange & Sohne, Aberfeldy, Abels Moving Services, Ben, Brighton & Hove City council, CARS, Hagerty, Prewarcar.com, RAC motoring services.

Le bal est lancé avec une très belle vente aux enchères RM Sotheby’s dans le parc de Marlborough Drive juste au dos du Royal Automobile Club.

C’est très bien mais un événement avec une telle qualité, une telle histoire, un tel prestige mérite encore plus. Etre partenaire d’un tel événement n’est pas faire du mécénat mais s’allier à 126 ans d’histoire et de prestige, c’est communiquer « par le haut » à des montants ridicules par rapport à ce que coûte la plus famélique des campagnes de publicité tout en permettant à une page d’histoire de continuer à s’écrire et de s’améliorer encore sur les éditions futures. Le monde du luxe (selliers, bottiers, malles, bagages, souliers, vêtements) a plus que sa place, toute sa place, sur le London to Brighton. Quid d’un pétrolier/Lubrifiant, d’un fabricant d’outillage, d’un assureur ? Légitimes plus que légitimes…

Les automobiles présentes étaient faites à la main, avec un perfectionnisme digne des meilleurs compagnons. N’est-ce pas ce qui différencie aujourd’hui le monde du luxe des produits industriels ?

J’ai ouï dire que le plus grand nom au monde de la photographie devrait être partenaire avec une animation impliquant le public, tout le public de London to Brighton, un nom Français mondialement connu…

J’avais adoré la privatisation de Regent Street lors des éditions précédentes et la réponse du public fut enthousiaste. Souhaitons ardemment que cette animation revienne, elle popularisait le London to Brighton auprès du grand public. Nous avons vu précédemment que parmi les automobiles présentes au départ il y avait une petite dizaine de constructeurs « toujours en activité » aujourd’hui… Plutôt que se lamenter devant le débarquement des asiatiques électriques les Cadillac, Ford, Oldsmobile, Mercedes, Peugeot, Renault se devraient de soutenir une telle manifestation tout comme le fait BMW avec la Villa d’Este…

Conclusion

Commémoration historique ? Hommage ? Rallye ? Fête ? Célébration ? Ode à la liberté ? Tout cela mon capitaine ! Mais avant tout le London to Brighton est un formidable week-end grâce au talent du RAC et des équipes du motoring department. Les sourires des participants sur Madeira Drive en dépit de 120 kms de froid et de pluie en disent plus long que tous les discours…

Si vous ne l’avez jamais fait faites-le vous ne le regretterez pas. Les anglais ont un véritable don pour organiser sérieusement des manifestations historiques qui ne se prennent pas au sérieux pour autant, avec le sourire. Allez-y, non seulement vous adorerez mais je suis prêt à parier que vous y retournerez, c’est tellement bon que c’en est hautement addictif…

IMG 8601- London to Brighton

Article de :
Jean Hornstein-Cornuel

Plus d’infos : Veteran Car Run

Remerciements et félicitations à :

Royal Automobile Club Chairman : Ben Cussons

Event Director : Jeremy Vaughan

Event Manager : Grace Schulp

Event Administrator : Pippa Schulp

Operations Manager : Ruppert Bassadone

Operations Executive: Fay Morris

Operations Executive : Perry Chatwin

Crawley Site Manager : Tony Payton

Brighton Site Manager : John Picken

Patrick Hornstein

Observateur éclairé du monde automobile, Patrick parcourt le monde et assiste aux plus grands événements du monde de l'ancienne.

Commentaires

  1. DAVY GOUINEAU

    Juste pour information, avant 1909, la marque Clement-Bayard, se nomme Bayard A. Clement.
    De meme pour Talbot, la marque se nomme alors Clement-Talbot.

    Répondre · · 21 décembre 2022 à 13 h 27 min

    1. Benjamin

      Salut Davy,
      Pour le coup, il faut prévenir le RAC, c’est lui qui a fourni ces listes !

      Répondre · · 23 décembre 2022 à 10 h 47 min

  2. Vincent

    Sympathique, n’est-il pas ?

    Répondre · · 21 décembre 2022 à 20 h 10 min

  3. PROTON de la CHAPELLE

    Bravo pour cette article sans erreurs et avec de nombreuses photos
    J’ai eu la chance de le faire dans les années 80 avec un ami australien qui a une Peugeot du XIXème siècle (la même au musée de l’Aventure Peugeot est une copie faite d’après la sienne) j’avoue m’être bien gelé, sans pluie, mais avec un crachin permanent. Le public est incroyable nombreux et chaleureux, même si leur café était mauvais une tasse parfois faisait du Bien. Que ce soit le public, l’Organisation et les concurrents: tout cela ne peut Exister qu’au Royaume Uni
    J’en ai 35/40ans après encore un Souvenir Super avec un sentiment de simplicité et de faveur à la fois. BRAVO POUR VOTRE ARTICLE
    bpc

    Répondre · · 22 décembre 2022 à 11 h 41 min

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