Alfa Romeo 2600 Berlina, essai d’une Milanaise oubliée

Publié le par Benjamin

Alfa Romeo 2600 Berlina, essai d’une Milanaise oubliée

Il n’y en aurait que 4 ou 5, roulantes en France. Et autant vous dire que je n’ai pas du tout le souvenir d’en avoir vu une, même sur les salons italiens de Padoue ou de Turin. L’Alfa Romeo 2600 Berlina serait donc un serpent de mer ? En tout cas, quand on m’en a proposé une à l’essai, la réponse a été vite trouvée et l’équipe vite montée. Direction le sud de l’Aube pour un tour à bord d’une rareté.

Petite histoire de l’Alfa Romeo 2600

Chez Alfa Romeo, il n’y a pas que la Giulietta et la Giulia. On oublie souvent qu’au dessus d’elles, il y avait des autos plus grosses et plus luxueuses. La Giulietta était ainsi chapeautée par les 1900 puis 2000, avec des succès commerciaux qu’on qualifiera de « relatifs », jusqu’à l’arrivée le 2600.

La 2600 pousse encore plus loin le concept. Les autos sont imposantes et ont un gros moteur. Quand les précédentes embarquaient des 4 cylindres en ligne, l’Alfa Romeo 2600 est équipée d’un 6 cylindres en ligne. Si la base technique est celle de la 2000, c’est bien ce moteur de 2584 cm³ avec deux carbus double-corps qui fait la particularité de cette nouvelle venue.

Elle va être déclinée en berline, en coupé Sprint (dessiné par Bertone) et en Spider (signé Touring). Toutes auront une carrière s’étalant de 1961 à 1968. Et si on connaît mieux les coupés, c’est normal : il s’en est produit 6999 exemplaires. Les Spider ? Encore plus rares avec 2257 exemplaires. Enfin la berline est la plus rare de la gamme normale avec seulement 2038 autos produites.

Pour être complet on ajoutera qu’un coupé 2600 SZ était proposé par Zagato de 1965 à 1967, et fut produit à 105 exemplaires. Et puis il convient de noter que OSI proposa une limousine à la ligne plus moderne, fabriquée entre 1966 et 1967 à 54 exemplaires.

Même en regardant la production dans sa globalité… c’est pas bien large !

Détaillons notre Alfa Romeo 2600 Berlina

De loin vous avez vu une Giulia ? On ne vous en tiendra pas rigueur, il y a un plus qu’un air de famille… mais c’est bien notre Alfa Romeo 2600 Berlina qui fut la première à revêtir cette robe à Milan. Ce n’est pas le jeu des 7 erreurs, les différences sont notables et nombreuses. Mais on connaît bien la ligne de la Giulia, vue et revue. Alors on ne peut pas s’empêcher de comparer.

Alfa Romeo 2600 Berlina

L’avant de notre italienne est bien marqué début des 60s. C’est rond, mais les lignes commencent à se tendre. Les deux paires de phares sont bien plus détachées que sur la petite sœur. Les phares principaux sont bien intégrés dans des ailes rondes. Les deux autres projecteurs encadrent, eux, une calandre qui tient en fait plus de la Giulietta. Au centre on retrouve bien LA calandre Alfa. L’emblème se prolonge même avec une arrête sur le centre du capot. La belle est luxueuse, les grilles sont chromées, les entourages de phare aussi et seul deux bandes de caoutchouc sur le pare-chocs montrent qu’on est plus dans les années 50.

Allez, on tourne. Le profil montre que les porte à faux avant et arrière sont plus longs que sur la Giulia. Si on parle de ligne, on en voit bien une, presque rectiligne, partait du phare avant à l’arrière. Mais elle n’est pas si droite, il suffit de regarder la baguette qui part du répétiteur de clignotant et vient mourir sur la porte arrière pour s’en rendre compte. Au niveau des portes et de la cellule centrale, c’est là qu’on trouvera le plus de ressemblances avec la ptite sœur. L’Alfa Romeo 2600 Berlina propose deux belles portes, de larges vitrages, des montants très fins et cette même découpe du montant de custode pour laisser place à la lunette panoramique.

L’arrière de l’Alfa Romeo 2600 Berlina est certainement plus singulier. En dehors de cette lunette, on retrouve un dessin plus carré… et clairement moins inspiré. La malle est bien plate et entourée d’ailes qui le sont autant. Les feux verticaux sont décevants, clairement on a fait simple et on a entouré ça par un gros enjoliveur chromé. Ça fait luxueux, là n’est pas la question, mais est-ce que ça fait Alfa des 60s ? Je vous laisse juge.

En tout cas on est face à une auto qui affiche ses ambitions. Les baguettes sont nombreuses, on fait du beau, du riche, du luxe mais sans en faire trop.

À l’intérieur :

On ouvre la grande portière pour découvrir l’habitacle de notre italienne. Premier étonnement : pas de cuir ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Bon, il faut quand même avouer que le tissu fait son affaire, il est de qualité, en bon état et habille la banquette avant et les contre-portes.

Alfa Romeo 2600 0536- Alfa Romeo 2600 Berlina

La planche de bord adopte un dessin assez original. Le compteur de vitesse à rouleau prend place sous la casquette, le seul compteur rond étant le compte-tours. Compteurs kilométrique, quelques voyants, température d’eau, d’huile et jauge de carburant, c’est simple et efficace. Il faut par contre avouer que le tableau de bord des coupés et cabrio est plus sympa.

Le rétroviseur trône sur la planche de bord qui affiche la couleur, en gros, en doré et au centre avec un monogramme 2600 bien intégré à la grille centrale, au dessus du cendrier incontournable de l’époque. Niveau commandes, les boutons sont rares. La commande la plus remarquée, en dehors du gros volant, c’est certainement le levier de vitesse, au volant. Notons que les Sprint et Spider l’avaient au plancher.

À l’arrière, il y a aussi de la place, de quoi emmener le patron ou la famille en fonction de l’utilisation qu’on faisait de l’Alfa Romeo 2600 Berlina.

Sous le capot : le même en gros

À force on connaît par cœur le Bialbero Alfa. On a essayé toutes ses cylindrées, et on le reconnaît. Et bien quand on soulève le capot de l’Alfa Romeo 2600 Berlina, on a l’impression de le retrouver ce vaillant quatre patte… Le 6 cylindres lui ressemble, mais en plus gros.

Cette belle bête est vraiment le plus de cette auto. Le dernier 6 en ligne de la marque. Il ressemble donc au bialbero, puisque, lui aussi, c’est un double arbre à cames en tête. 2584 cm³ au programme (83 x 79,6 mm), une belle bête qui sort 132 ch avec deux carbus Solex. La cavalerie n’est pas énorme, la compression non plus d’ailleurs, mais le couple de 188 Nm compense. Pour faire passer ça aux roues arrières, on est sur une boîte 5. Là dessus, pas trop de surprise pour une Alfa, mais il faut avouer qu’au début des années 60 ce n’est pas le type de boîte le plus répandu.

Pour le reste de la technique, rien de très révolutionnaire. C’est vite dit puisque des trains faisant appel à des ressorts hélicoïdaux aux 4 coins, sur une propu du début des années 60, ce n’est pas non plus la norme. On notera un freinage assuré par des disques à l’avant et des tambours à l’arrière (sur ces premières modèles). Il fallait bien ça pour arrêter l’Alfa Romeo 2600 Berlina. Avec son gros moteur et des tôles qui ne jouaient pas la finesse on arrive à un poids de 1400 kg !

Tant qu’on est sous le capot, on retrouve une particularité qui nous confirme que cette Alfa Romeo 2600 Berlina est bien française. Ptit bout d’histoire : quand Renault et Alfa Romeo signent un deal pour produire les Dauphine et Ondine à Milan, la contrepartie, c’est la distribution des Alfa par le losange. Le constructeur français ne sera pas forcément très motivé par ça… mais aura au moins vendu celle-là. Notre auto du jour porte en effet la plaque mentionnant sa distribution par la RNUR. Collector !

Alfa Romeo 2600 par News dAnciennes Moteur 1- Alfa Romeo 2600 Berlina

Au volant d’une Alfa Romeo 2600 Berlina

C’est parti, je m’installe à bord. Aucune difficulté de ce côté là, l’Alfa Romeo 2600 Berlina offre un habitacle que les créateurs de SUV actuels pourraient prendre pour leur appartement ! La banquette est à la bonne distance, heureusement parce que sinon… c’était pareil ! Le moteur a eu le temps de chauffer avec l’accélérateur à main. Cette bonne idée répandue sur les Alfa permet de se substituer au starter sans injecter un mélange qui n’est pas très bon pour le moteur. En tout cas tout est prêt, je peux y aller.

Au moment de passer la première, je retrouve avec bonheur un levier de vitesse au volant. Certains n’aiment pas, mais c’est une commande que j’adore, généralement, et qui colle bien à l’image de cette auto. La première permet de sortir tranquillement de la cour de SM2A et me voilà sur la route. Une voiture arrive au loin, je joue la prudence en la laissant passer. La 2600 a beau être puissante, c’est sur le papier et il faut voir comment tire la boîte.

Les premières hectomètres sont l’occasion de tester le roulage très normal du collectionneur se rendant à allure normale vers son rasso du dimanche matin, même s’il a crié dans la maison qu’il allait chercher le pain. Allure tranquille, rapports passés assez bas. Je ne vais pas encore vous parler de la sonorité du 6 en ligne puisqu’elle est très feutrée à ces basses vitesses. Le confort est évidemment celui qu’on attend d’une auto de ce genre : royal. Les suspensions sont molles, au contraire de la direction plutôt ferme et terriblement précise.

Il y a un aspect de l’Alfa Romeo 2600 Berlina que je n’ai pas testé en arrivant au centre du village, c’est le freinage. Mais une Citroën DS3 noire va m’y obliger avec un bon vieux refus de priorité. Du coup moi je teste le freinage et Ludovic teste le « moelleux » du tableau de bord. C’est simple je n’avais jamais vu un tel freinage sur une auto de cet âge et de ce poids là. On a pilé net. Et on a aucune tôle froissée.

Allez on repart. Dans le reste du village le freinage se montre plus progressif tant qu’on écrase pas la pédale. En fait elle montre un toucher assez binaire : d’abord c’est très léger et on ralentit, ensuite on pile. Va falloir doser correctement.

J’évolue en 3e et 4e entre les maisons. Mais une fois le panneau passé, on est en pente et pas dans le bon sens. Pour autant quand j’écrase le champignon au panneau de sortie d’agglo, l’Alfa Romeo 2600 Berlina repart de plus belle. Le moteur a de la ressource et sait l’exploiter ! Passé cette bonne surprise, je me rend compte que la 5e reste un peu juste dans ce cas précis. Un faux plat arrive, permet de me lancer sur ce 5e rapport et cette fois l’italienne avale la cote sans rechigner.

La route est large et dégagée. Je vais tester un peu ce qu’elle dans le bide en conduite un peu plus virile. L’inscription en courbe se fait bien, il faut juste lécher les freins et s’aider du frein moteur. Par contre on oublie vite toute notion de sportivité. D’accord elle n’est pas faite pour ça, pour autant avec de la puissance et un blason Alfa, faut bien le tester non. Il apparaît très, très, vite que la 2600 a vraiment d’autres ambitions. Le train arrière à tôt fait de vous faire sentir que vous en faites trop. Pour autant, il accepte beaucoup de choses, notamment dans les courbes rapides. Mais dès qu’on parle de vrai virage, fini de jouer.

Sur des parties plus rectilignes et plates, on peut enfin libérer le moteur. Je tombe même un rapport, pour voir. La sonorité est là. Le gros 6 en ligne de l’Alfa Romeo 2600 Berlina répond présent, le timbre est clair et agréable. La puissance est là également et l’auto accélère franchement. La vitesse atteinte est vite déraisonnable et je pense que Ludo a eu son content de tableau de bord.

Alors je calme un peu et continue sur un rythme de routière italienne des années 60. Un rythme soutenu, qui permet de faire ronronner le moteur et de profiter du moelleux de la banquette et des suspensions. La tenue de cap est royale, l’alternance de terrains dégagés (et venteux) et de bois ne trouble pas l’italienne. On pourrait toutefois lui reprocher son bruit… avant de lui trouver des excuses. Celui du moteur est relativement présent mais il faut le replacer dans le contexte. Les bruits d’airs sont nombreux mais ils sont surtout dus à des joints de vitrage qui ont certainement l’âge des tôles de notre Alfa Romeo 2600 Berlina.

Quand les virages refont leur apparition, pas question d’attaquer. Les ballerines de la gamme Alfa n’ont pas 6 cylindres sous le capot, on a compris. Alors on freine, pas trop fort tout de même, et on enchaine les virages en soignant la trajectoire. À défaut de pouvoir compter sur un comportement irréprochable, on peut aider l’Alfa Romeo 2600 Berlina à se montrer dynamique. C’est aussi l’occasion de se servir un peu plus de la boîte. Son maniement bon, les verrouillages manquent un peu de fermeté mais on s’y retrouve bien. On pourrait cependant vite se perdre puisque les débattements sont quand même importants pour une commande au volant.

Alfa Romeo 2600 0667- Alfa Romeo 2600 Berlina

Une fois cela passé, le rythme de sénateur reprend. Il n’y a qu’un chevreuil qui puisse le casser… et nous faire bloquer les roues. Encore une fois, pas de tôle froissée. Cela permet même de remettre un bon coup d’accélérateur vitres ouvertes. Histoire de profiter de la sonorité du 6 en ligne Alfa.

Conclusion

Non, l’Alfa Romeo 2600 Berlina n’a rien d’une sportive. En même temps le constructeur avait une véritable gamme et ce n’est certainement pas ce rôle qui était alloué à cette grosse berline à 6 cylindres.

Ce 6 cylindres est la grosse satisfaction de l’auto. Volontaire, puissant, agréable en fonctionnement, il fait vraiment bien son boulot. Dire que ce fut le dernier des 6 en ligne de la marque ! Quand on tient pareille pépite, normalement on ne la lâche pas… à moins d’avoir un 4 pattes encore mieux, d’accord.

Pour autant il ne fait pas tout, surtout dans une auto bourrée de qualités. Son confort est top et la force du freinage l’est encore plus. S’il était mieux dosé, il serait encore meilleur.

Bref, l’Alfa Romeo 2600 Berlina est une excellente surprise, une auto méconnue, moderne… et une sacré alternative à ceux qui voudraient une Giulia pour la promenade. Parce que l’agrément du 6 cylindres est un vrai plus… et ne rajoute pas grand chose à la facture !

Les plusLes moins
Une raretéLes pièces
Un 6 cylindres volontaireLe prix
Des freins (trop) efficacesIntérieur pas à la hauteur
DouceAbsence de sportivité
Confortable
image 2- Alfa Romeo 2600 Berlina

Conduire une Alfa Romeo 2600 Berlina

Clairement, notre berline est dans l’ombre des coupés et cabriolets. Cela se ressent aussi au niveau des prix. Les Sprint se trouvent entre 25 et 65.000, les Spider entre 75 et 180.000, les Berlina entre 16 et 35.000 ! Oui cela fait un sacré écart. Des fois la rareté ne fait pas tout et en fait l’Alfa Romeo 2600 Berlina est bridée par le manque d’appétence des collectionneurs pour le modèle.

Malgré tout, avant de casser votre PEL, vous devrez en trouver une et ce ne sera pas une mince affaire. Une fois devant, vous devrez vous assurer de l’état. Et là encore ce ne sera pas aisé, la rouille aura fait son office. Pas de miracle sur la caisse et la carrosserie, il y aura sûrement du travail. Pour ce qui est de la mécanique, vous pouvez être un peu plus serein, le 6 cylindres est bien né.

Cette auto est à vendre lors de la vente de Printemps Aguttes 2023. Plus d’infos ici.

Fiche Technique de l’Alfa Romeo 2600 Berlina
MécaniquePerformances
Architecture6 cylindres en ligneVmax175 km/h
Cylindrée2584 cm³0 à 100 km/h11s
Soupapes12400m da17,6s
Puissance Max132 ch à 5900 tr/min1000m da32,9s
Couple Max188 Nm à 5900 trs/minPoids / Puissance10,45 kg/ch
Boîte de vitesse5 rapports manuelle



TransmissionPropulsion
ChâssisConso Mixte13,5 litres / 100km
Position MoteurLongitudinale avantConso Sportive17,5 litres / 100 km
FreinageDisques AV et Tambours AR
Dimensions Lxlxh472 x 170 x 140 cmCote 2021±30.000 €
Poids1380 kg à vide

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Jean-Christophe

    Sympa, ça me ramène il y a pas mal d’années…. Ma 2600 Berlina était vraiment agréable à conduire. Grise foncé, intérieur en drap gris.

    J’avais aimé les 6 places sur la carte grise (et sur les banquettes) et le petit bouton qui actionnait un ventilateur planqué sous la plage arrière, pour désembuer la lunette !

    Nous étions assis assez haut et on dominait la route, rien à voir avec les séries 105… J’ai bien aimé la conduire.

    A cette époque, je cherchais des pièces pour un autre véhicule et cela m’avait conduit en Italie, où dans le garage du particulier, une berline OSI prenait la poussière….

    Répondre · · 3 mai 2021 à 18 h 16 min

  2. coulon jean louis

    la mienne est en attente de restauration . La partie arrière baroque lui donne beaucoup de personnalité ; surtout aujourd ‘ hui ! Les petits feux font partie intégrante de son charme . l’ intérieur d ‘ origine ( mité ) est en tissu clair et cuir bleu . 18 auraient été vendues en France ?

    Répondre · · 6 mai 2021 à 22 h 19 min

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