Pour célébrer les 110 ans de Maserati, le musée Autoworld (à Bruxelles) organise une exposition majeure qui parcourt l’histoire de la marque au Trident. Malgré une histoire chaotique, Maserati a toujours conservé une aura importante auprès des amateurs d’automobiles sportives. Ceci s’explique par ses nombreux succès en compétition, et plusieurs générations de voitures de Grand Tourisme iconiques.
L’histoire de Maserati
Maserati a été créée en 1904 à Bologne par Alfieri Maserati et ses frères, passionnés de mécanique. Après avoir amélioré des mécaniques existantes et participé à la conception de voitures de course pour d’autres entreprises, Maserati présente en 1926 sa première voiture de course destinée aux Grands Prix.
Mais les problèmes financiers amènent les frères à vendre l’entreprise en 1937 à Adolfo Orsi, industriel italien qui déplace la société à Modène. La famille Orsi restera propriétaire de Maserati pendant près de 30 ans, sans doute les plus belles années de la société, tant sur le plan sportif que voitures de tourisme. Citroën rachète Maserati en 1968, mais aux prises avec ses propres problèmes financiers, la revend quelques années plus tard.
Plusieurs propriétaires aux moyens financiers limités se succèdent, peinant à redonner à Maserati son lustre. Après le rachat par FIAT en 1987, il y aura encore quelques périodes difficiles, le temps de trouver le bon équilibre avec Ferrari et les autres marques du géant italien. Maserati a retrouvé depuis quelques années un positionnement plus cohérent et est même revenu en compétition.



L’exposition
Avec le soutien de Maserati, de Maserati Classiche (branche de Maserati qui expertise et certifie les Maserati « historiques »), de collectionneurs privés et de musées (dont la Collection Panini et Cadycars), l’équipe du musée Autoworld a préparé une exposition exceptionnelle, avec près de 50 voitures qui racontent l’histoire Maserati, à voir absolument pour tout amateur de la marque au Trident et plus largement les amateurs de belles autos.



La compétition avant-guerre
Si l’on veut suivre la chronologie, il faut aller sur la partie gauche de la mezzanine pour découvrir 4 voitures de course, dont 3 d’avant-guerre. Durant cette période, Maserati construit uniquement des voitures de course, vendues à des écuries privées pour financer son écurie officielle. La Tipo 26M de 1928 est l’une des premières Maserati construites et la plus ancienne encore existante. C’est dire que c’est une voiture historique et inestimable.

La 4eme, une A6GCS, date de 1947 et c’est la dernière voiture fabriquée sous la direction des frères Maserati, avant la fin de leur contrat et leur départ pour créer OSCA. On la reconnait notamment à son phare unique au milieu de la calandre, d’où son surnom de « Monofaro ».
Les 2 autres monoplaces sont une 8CM (1934) avec un 8 cylindres en ligne turbo, et une 6CM (1937), 6 cylindres en ligne de 1500cm³ à compresseur, vendues par Maserati pour des écuries privées.




La compétition après-guerre
La zone « pop up » à l’entrée du musée est consacrée à quelques icônes sportives après-guerre de Maserati. La F1 250F est l’une des Maserati de course les plus réussies, celle avec laquelle Fangio remporta en 1957 son dernier titre de Champion du Monde.



La Tipo 420 « Eldorado » est une autre monoplace célèbre, car c’est la première apparition d’un sponsor, ici une marque de glaces italienne, sur une voiture de course. Basée sur un châssis renforcé de 250F, elle est équipée d’un V8 dérivé du modèle de sport 450S. La voiture pilotée par Stirling Moss à Monza a été développée pour la « Course des deux Mondes » dont on vous parle ici.


L’autre monoplace exposée est une OSCA de 1949. Après la fin de leur contrat de coopération avec Orsi, les frères Maserati créent la société OSCA. La 4CLT 48 V12 est un châssis Maserati 4CLT, mais équipé d’un V12 développé par OSCA. Cette monoplace a participé à de nombreuses courses, notamment aux mains du Prince Bira, célèbre gentleman driver, d’où ses couleurs du Royaume de Siam.

3 voitures de catégorie Sport pour les épreuves d’endurance sont également présentées. La 250S de 1956 est une 150S transformée par l’usine en 200S, puis plus récemment en 250S. À la fin des années 1950, les finances de Maserati sont au plus bas, et la firme décide de quitter la compétition en direct, mais vend des voitures Sport Prototypes comme les Tipo 61 puis 63 à des écuries privées. La Tipo 61 est plus connue sous son surnom de « Birdcage », la cage à oiseaux, en raison de son châssis constitué d’un treillis de fins tubes lui assurant légèreté et solidité. Sa carrosserie est étudiée pour minimiser la traînée aérodynamique et donner de l’appui à l’avant.
La Tipo 61 a remporté de nombreuses courses dans sa catégorie au cours d’une carrière bien remplie. La Tipo 63 qui lui succède aura une carrière moins réussie, connaissant notamment plus de problèmes de fiabilité.





Retour en piste
Maserati ne reviendra à la compétition que dans les années 2000 en catégorie GT, avec les 3200, puis les MC12.
La MC12, première supercar de Maserati, est basée sur la Ferrari Enzo. Elle a été conçue spécifiquement pour la piste, et seulement une cinquantaine de versions de route ont été construites. La MC12 Corse exposée a reçu une peinture spéciale très spectaculaire pour célébrer les 100 ans de la marque. Elle incorpore des images retraçant l’histoire sportive du Trident ! La MC20 présentée à côté de la MC12 Corse est cette fois équipée d’un moteur maison.




La suite de l’exposition se trouve sur la mezzanine, et en chemin on croise quelques spécimens plus récents. La « Barchetta » date de 1992, l’idée de ce joli prototype ouvert étant de relancer l’image sportive de Maserati au sein d’un championnat monomarque, mais sans succès véritable. La GT2 a pris la suite en compétition, la version 2024 étant présentée à la fois en version course, et en version « Stradale », à peine assagie mais homologuée pour aller sur les routes.






Le Grand Tourisme
La majeure partie de la mezzanine expose une exceptionnelle sélection de Maserati de Grand Tourisme. Les autos sont classées par ordre chronologique. Toutes (sauf une, on en reparlera) en état « concours », et ont souvent un pedigree exceptionnel, avec la certification Maserati Classiche pour plusieurs d’entre elles. Attribuée par l’usine, ce certificat garantit une origine parfaite et un historique validé. Logiquement, la première est la A6 1500 de 1949 dessinée par Pininfarina, première Maserati destinée à la route et produite en toute petite série.
Le châssis A6 et le moteur 6 cylindres en ligne, 1,5l puis 2l, issus des modèles de course, garantit performance et sportivité aux A6G, A6G54 et A6GCS. Les A6 ont été habillées en coupé, berlinetta ou en spyder (cabriolet) par la plupat des grands carrossiers italiens, Allemano, Bertone, Fantuzzi, Frua, Ghia, Pininfarina, Vignale, Zagato…
Avec moins de 140 unités au total, autant dire que les A6 sont quasiment toutes différentes. Outre la 1500 de 1949, l’exposition anniversaire propose un bel échantillon de ces productions artisanales, comme une Berlinetta surbaissée Pininfarina en 2 nuances de bleu (vue à Interclassics en fin d’année), un Coupé Zagato ou un Spyder Frua.




L’avènement de la 3500 GT
Le lancement de la 3500 GT en 1957 marque un tournant majeur avec la première Maserati produite en série. La 3500 GT est un très élégant coupé 4 places, avec une ligne équilibrée. Sa calandre chromée agressive entourée de 4 phares avec le trident flottant au centre l’identifie au premier coup d’œil. C’est l’archétype de la voiture de Grand Tourisme à la fin des années 1950, performante, au caractère sportif, mais capable de parcourir de longues distances dans des conditions confortables, et évidemment très élégante.
Séduisant immédiatement têtes couronnées, vedettes du cinéma et de la chanson, riches industriels, la 3500 GT est un grand succès, avec plus de 2000 unités produites… Elle est équipée d’un 6 cylindres en ligne double ACT, et le coupé GTi recevra une injection Lucas dès 1960. La 3500 GT et ses dérivés sauvent Maserati et assureront le positionnement de la firme de Modène sur le marché des grandes GT.
Dessinée par Vignale, la version Spyder est plus rare. 2 exemplaires sont exposés, l’un des tous premiers modèles avec un capot un peu plus long, et une version avec hard top qui était proposée en option.



Client Maserati, le Shah d’Iran souhaitait un modèle plus puissant et plus exclusif, ce sera la Maserati 5000 GT. Avec son V8 de 340 ch, la Maserati 5000 GT est la voiture de série la plus rapide de son époque. 34 unités seulement seront produites, dont 21 avec la carrosserie Allemano.

La Sebring et la Mistral prennent le relais, dans des styles très différents. La Sebring reprend les lignes générales de la 3500 GT et son architecture, tandis que la Mistral est un coupé 2 places plus sportif, avec une ligne épurée plus moderne, plus aérodynamique, dessinée par Pietro Frua.
La Mistral existe aussi en spyder, évidemment plus rare. 2 coupés sont exposés côte à côte, une version en parfait état certifié par Maserati Classiche, et une autre en attente de restauration. Cette dernière est l’exemplaire présenté au salon de Chicago 1968, en faisant ainsi un modèle historique pour Maserati. A noter que les Sebring et Mistral inaugurent aussi l’appellation des modèles par des noms de circuit où Maserati a brillé ou des noms de vents, 2 types de noms qui seront ensuite repris par la firme de Modène jusqu’au début des années 1980.





1966, début d’une nouvelle ère
Maserati lance 2 nouveaux modèles majeurs en 1966. La Mexico est un grand coupé 4 places, qui prend la suite des 3500 GT et Sebring, dans un style fidèle à l’esprit de la lignée mais modernisé par Vignale.
La Ghibli (un vent du désert égyptien) est un coupé 2 places plus sportif, ligne basse et fluide, capot avant long, arrière fastback, magnifiquement dessiné par Giugiaro. Avec son V8 de plus de 300ch, la Ghibli est une rivale directe de la Ferrari 365 GTB « Daytona », tant par son architecture que par ses performances. 2 Ghibli Coupé sont présents, un des premiers exemplaires produits avec le V8 de 4,7l, et un très beau coupé SS bleu nuit avec le V8 de 4,9l de 335 ch.
La Ghibli a aussi été déclinée en Spyder dès 1967, là encore rivalisant directement avec la Ferrari Daytona Spider. Avec sa capote qui se range sous un panneau de carrosserie, la Ghibli Spyder a une ligne extrêmement pure. Maserati a produit seulement 125 Ghibli Spyder, soit sensiblement autant que sa rivale de Ferrari.





Peu après arrive la Maserati Indy (pour Indianapolis), grand coupé 2+2 destiné à remplacer la Sebring avec une ligne fastback plus moderne, et rivaliser avec les Lamborghini Espada ou Ferrari 365 GT 2+2.


Le rachat par Citroën
Malgré le succès des Ghibli et Indy, la situation financière de Maserati reste tendue. Avec pour objectif le développement d’un nouveau moteur V6 destiné à la future SM, Citroën rachète Maserati en 1968. La famille Orsi reste actionnaire quelques temps puis quitte finalement le navire.
3 GT seront lancées durant cette période, notamment la Bora, première Maserati de route à moteur central arrière, toujours le classique et robuste V8 Maserati 4,7l ou 4,9l. Dessinée par Giorgetto Giugiaro, la Bora se distingue par son toit en acier inoxydable. GT très homogène, elle rivalise directement avec les Ferrari 512 BB, De Tomaso Pantera et Lamborghini Miura.


En 1972, Maserati présente la Merak, dérivée de la Bora, avec le V6 développé pour la SM. Plus légère que la Bora, caractérisée par ses arches latérales, elle devait permettre à Maserati de cibler les Ferrari Dino ou Porsche 911 et ainsi élargir sa clientèle. Performante et sûre, la Merak sera handicapée par les problèmes de fiabilité de l’ensemble moteur-boite et des solutions hydrauliques Citroën. La situation financière compliquée de Citroën impacte Maserati, ne permettant pas les investissements à même de fiabiliser et promouvoir la Merak, produite à seulement un peu plus de 600 exemplaires.


Dernier modèle de cette période, la Khamsin (un autre vent du désert) est basée sur le châssis de l’Indy, avec une carrosserie 2+2 joliment dessinée par Marcello Gandini (alors chez Bertone). Luxueuse et bien équipée, propulsée par le traditionnel V8 en version 4,9l, la Khamsin avait tout pour devenir une GT Maserati de référence. Malheureusement, la faillite de Citroën entrainera Maserati dans une suite de propriétaires manquant de moyens, et la production s’arrêtera un peu au-delà de 400 exemplaires, ce qui en fait aujourd’hui un modèle très recherché des amateurs de Maserati.
Une Khamsin est présentée dans la collection Autoworld, à proximité de l’exposition anniversaire, mais son état n’a pas été jugé suffisamment satisfaisant pour figurer au milieu de ses sœurs. On peut considérer que les Bora, Merak et Khamsin correspondent à la fin de la grande période des GT Maserati, au moins jusqu’aux années 2000, même si un dernier coupé GT, la Kyalami (circuit en Afrique du Sud) sera équipée du V8 emblématique, en 4,2l sur le modèle exposé.

De Tomaso et Fiat
Entre l’abandon par Citroën et la reprise par Fiat à la fin des années 1980, ce sera la période Biturbo et ses nombreux dérivés, coupés, cabriolets et berlines. Quelques exemples de cette production constituent le dernier plateau GT de l’exposition, avec un coupé 222 (1989), un spyder Zagato (1994) et un coupé Shamal (1992), lui équipé d’un V8 biturbo). Le Spyder GranSport est le plus récent modèle de l’exposition GT. C’est un membres de la lignée des 3200 qui a renoué avec la tradition du Grand Tourisme de Modène, sans toutefois retrouver le lustre des modèles mythiques.






Les Quattroporte
Maserati a choisi des noms de cicuits et de vents pour ses GT, la marque s’est contentée de nommer ses brlines « Quattroporte » !

Maserati lance sa première « Quattroporte » en 1963. Dessinée par Frua dans le style des 3500 GT, propulsée par le V8 maison de 4,2l (elle recevra ensuite le V8 en 4,5l puis 4,7l) c’est la berline la plus rapide du monde à son époque, à la fois sportive, performante et luxueuse. On peut dire qu’elle a initié la catégorie des limousines sportives largement reprise notamment par les premiums allemands. Le modèle exposé (1964) correspond à la 1ère série, la 2ème série se différenciant notamment par ses phares ronds jumelés.

En 1971, Maserati présente le prototype de la 2ème génération nettement plus moderne, toujours dessinée par Frua. La ligne est élégante, de petites « paupières » recouvrent partiellement les phares, et on retrouve le V8 de 4,7l. Mais entre-temps Maserati a été racheté par Citroën et le projet est abandonné. Seules 2 voitures ont été construites, dont celle qui est présentée. A ses côtés, la Quattroporte II officielle a été conçue sous le contrôle de Citroën.
C’est une traction avant avec suspension hydropneumatique et le moteur est le V6 développé pour la SM. La ligne dessinée par Gandini est très différente (j’ai personnellement une nette préférence pour la proposition Frua), mais la voiture est assez lourde, sous-motorisée, et donc moins performante que la 1ère génération. Avec les difficultés de Citroën et la crise pétrolière, la Quattroporte II ne sera produite qu’à 13 unités, une rareté extrême.



En 1979, sous la direction De Tomaso, la Quattroporte III retrouve les gênes de la Quattroporte Maserati, avec un design acéré signé Giugiaro (sur une base de De Tomaso Deauville) et surtout en propulsion avec le V8 de 4,2l sous le capot. Plus de 2000 unités seront produites en une dizaine d’années.

Concept Alfieri
Le concept Alfieri est le dernier modèle exposé lors de cette rétrospective. Nommé en l’honneur d’Alfieri Maserati, il a été dévoilé au Salon de Genève 2014 pour commémorer le centenaire de Maserati. Le concept Alfieri reflète l’héritage sportif de la marque, et a été salué par le public et nommé « voiture conceptuelle de l’année 2014 » par un jury international d’experts lors de la Nuit du design automobile à Genève. Bien que l’Alfieri soit restée un concept, elle a influencé le design des modèles Maserati suivants.


Un mot de déco
Décoration sobre pour l’exposition Maserati 110 ans, la beauté des voitures présentées suffit ! Dans l’espace compétition du rez-de-chaussée, une grande photo rend hommage à Alfieri Maserati, pilote, ingénieur, visionnaire et l’âme de Maserati, disparu trop tôt malheureusement sans doute pour l’entreprise.
Proche de l’espace pop-up compétition du rez-de-chaussée, une Maserati Folgore « 110 ans » symbolise le future de Maserati, avec ce grand coupé GT 100% électrique.
Sur la mezzanine, une grande fresque s’étale sur le mur de l’espace GT, reprenant l’histoire de Maserati, des origines à nos jours. Plusieurs vitrines de miniatures sont disséminées dans l’exposition, permettent de présenter toutes les Maserati produites, y compris celles qui ne sont pas exposées.
Signalons également la présence de quelques motos siglées Maserati. Bien que portant le nom et le trident, elles n’ont en fait pas été fabriquées par Maserati Automobiles, mais une autre branche de Maserati dont l’activité principale était les bougies d’allumage et les batteries. Naturellement, la boutique du musée Autoworld s’est mise au thème Maserati pour proposer livres et miniatures sur la marque de Modène.





Conclusion
Incontestablement, Autoworld a réuni une sélection exceptionnelle de modèles de course et de route pour cet hommage vibrant à Maserati, une marque qui a connu une histoire en montagnes russes, mais a toujours conservé une belle image de marque auprès des connaisseurs. L’exposition est visible jusqu’au 23 Février.
A noter aussi, en parallèle à cette exposition Maserati, une autre exposition anniversaire est consacrée à Jacky Ickx qui aura 80 ans le 1er janvier 2025.
La visite de l’exposition Maserati 110 ans est incluse dans le prix d’entrée au musée. Retrouvez ici toutes les infos pour visiter Autoworld Bruxelles.


nounours8529
magnifique ce reportage merci Thierry
· · 6 janvier 2025 à 16 h 27 min
lotodé
je ne pouvais me deplacer pour cette expo et vous remercie infiniment pour cet article tres bien construit avec de tres belles photos ….merci encore
· · 11 février 2025 à 14 h 29 min