Renault 8 Gordini, c’est l’histoire d’un mythe…

Publié le par Benjamin

Renault 8 Gordini, c’est l’histoire d’un mythe…

Qui ne s’est jamais retourné pour détailler une Renault 8 Gordini qui passait dans la rue ou allait simplement se stationner sur un rassemblement ? La petite bleue, car c’est sa couleur la plus courante, est ancrée dans les mémoires de bien des passionnés, d’automobile comme de course. Avant de pouvoir en voir une, en compétition, sur le Tour Auto, on revient sur son histoire et son mythe.

De la R8 à la Gordini

Tout commence avec la Renault 8. En 1962 Renault présente celle qui doit remplacer son best-seller, la Dauphine. La nouvelle auto en reprend la recette et même la base technique. Les différences viennent du style, avec une ligne plus carrée et plus moderne. Surtout, sous le capot de la petite berline on a logé le nouveau moteur « Sierra » apparu sur les Caravelle et Floride.

Dès l’année suivante on ajoute une version un peu plus haut de gamme : la Major. Mais il manque toujours une version encore supérieure, notamment au niveau de la mécanique.

C’est d’ailleurs de la Major que va partir l’histoire de la Renault 8 Gordini. C’est bien elle qui va lui prêter sa caisse et la base de son moteur : le cléon-fonte avec 1108 cm³ de cylindrée. Ensuite on va apposer le traitement subi par la Dauphine Gordini : un mélange de performances en hausse et de haut de gamme.

La Renault 8 Gordini « 1100 » débarque

On va commencer par cette partie haut de gamme. Car la Renault 8 Gordini n’est pas une bombinette dépouillée et prête à tous les sacrifices pour gagner quelques secondes sur le chrono. Ça, ce sont les pilotes qui vont le faire.

Ainsi l’intérieur est bien traité : instrumentation complète avec compte-tours, température d’eau, le tout avec des compteurs ronds qui sont alors l’apanage du haut de gamme. On trouve également un éclairage intérieur, une poignée de maintien pour le passager, un chauffage à deux vitesses et un pare-brise feuilleté. Ajoutez une sellerie en simili ou en tissu noir sur des sièges inclinables et on est loin de l’auto dépouillée.

Le côté sportif, on commence à en prendre la mesure à l’extérieur. La caisse est identique à celle des Major. Ne vous y trompez pas, les quatre phares n’arriveront que plus tard ! On peut néanmoins rajouter des feux additionnels, le pré-cablage est de série. Par contre la Renault 8 Gordini est uniquement proposée en « bleu de France » (418) avec des bandes blanches. Et ça fait sportif !

Mais le vrai sport, on l’obtient au niveau de la technique. La caisse est quand même renforcée, au niveau des longerons, de la traverse avant et une barre de renfort s’ajoute au support moteur. Les trains sont renforcés au niveau de leurs triangles, les ressorts sont plus courts et le train arrière reçoit deux amortisseurs. On termine le tableau avec une direction plus directe avec 3.25 tours de butée à butée.

Et la « vraie » patte du sorcier alors ? C’est bien sur le moteur de la Renault 8 Gordini qu’Amédée Gordini a travaillé. La base est donc le 1108 de la Major. Cependant c’est le haut moteur qui va être le centre de toutes les attentions.

On commence par la culasse hémisphé(é)rique, avec bougie au centre et une soupape de chaque côté. On ne s’arrête pas là puisque le cléon est gavé par deux Solex double-corps 40 PHH2, la boîte à air, le filtre à air et l’allumage sont spécifiques. Dernière modification et non des moindres, on ajoute un radiateur d’huile. Le tout transmet la puissance de 77,5 ch DIN (ou 95 SAE si vous voulez) aux roues arrières via une boîte 4.

Succès immédiats !

Dévoilée au salon de Paris 1964, la Renault 8 Gordini fait sensation. C’est une voiture haut de gamme, mais ce sont surtout ses performances qui la font remarquer. L’auto dépasse les 170 km/h, ce dont aucune auto française, mis à part les Facel Vega et leur gros V8 américain, ne peut se vanter.

Renault a bien calculé son coup puisque la Renault 8 Gordini est également moins chère qu’une Mini Cooper S ou une Cortina Lotus. Un vrai coup de maître qui en fait la première « bombinette », la première sportive abordable dérivée d’une grande série. L’injection est loin, mais l’appellation GTI pas tant que ça !

Presentation R8 Gordini Salon de Paris 1964- Renault 8 Gordini

L’accueil est bon côté presse. Les performances sont louées, le comportement routier aussi, le tout à l’arrière est alors encore très courant et il n’y a que la commande de boîte et l’absence d’un 5e rapports qui reçoivent quelques critiques.

Jean Vinatier se charge de les faire taire. C’est lui qui connaît le mieux la Renault 8 Gordini puisqu’il en a été le pilote de développement. C’est également lui qui va remporter le Tour de Corse 1964 avec Roger Masson à peine quelques semaines après la présentation de l’auto.

C’est d’ailleurs la compétition qui va rythmer les premières années de la carrière de la petite bleue. Très vite les succès s’accumulent. En 1965 elle remporte le Rallye de Norvège, le Lyon-Charbo, une nouvelle fois le Tour de Corse (Orsini-Canonici). En 1966 elle remporte le Rallye de Sardaigne, le Tour de Madère et une nouvelle fois le Tour de Corse (Piot-Jacob). La Renault 8 Gordini aime les iles !

C’est surtout cette année là que Georges Fraichard, ancien rédacteur en chef du magazine Moteurs s’intéresse à la voiture. Les propriétaires de l’auto peuvent participer à la Coupe Nationale Renault 8 Gordini, soutenue par Renault et Dunlop. Ils doivent concourir en course de côte et en rallye, marquer des points et c’est Robert Mieusset qui remporte le titre sur cette première saison.

La 1300 rejoint la partie

En Septembre 1966, la Renault 8 Gordini passe la seconde. Avec 2626 voitures vendues en deux ans, on ne peut pas dire que le succès soit énorme. On fait donc évoluer l’auto et cette fois le côté haut de gamme n’est plus la priorité. La 8 Gord’ reste bien présentée et équipée. Mais c’est surtout sur la technique qu’on va travailler.

Première étape : le moteur. La Renault 8 Gordini devient 1300 avec l’adoption d’un cléon poussé à 1255 cm³. Toujours équipé de la mythique culasse, il reçoit cette fois des Weber 40DCOE 25/30 pour grimper à 88ch DIN (110ch pour les optimistes adeptes du SAE). Surtout c’est une boîte 5 vitesse qui transmet désormais la puissance aux roues.

Ces roues sont d’ailleurs plus larges, c’est un des signes de reconnaissance de la nouvelle 1300. Mais ce qui marque le plus à l’extérieur ce sont les 4 phares à l’avant. Ajoutez des ouïes de refroidissement derrière le pare-chocs avant, pour les freins et vous avez une auto qui se reconnaît.

Mais on en a pas fini avec la partie technique. La caisse est encore renforcée sur des points clés, et on utilise des tôles plus fines pour la carrosserie. On ajoute également un autre réservoir d’essence à l’avant qu’on peut connecter avec un robinet situé entre les sièges.

Les engagements en rallye continuent. La Renault 8 Gordini « 1300 » remporte le Portugal, les Açores ou le Maroc en 1967 et 1968. Elle se fait moins présente sur des terrains roulants ou les Alpine sont reines et où la concurrence des Porsche 911 est redoutable. Plusieurs championnats nationaux sont également enlevés par les autos bleues, de la Bulgarie à l’Afrique du Sud.

La « Coupe Gordini » a mué dès 1967 en ne proposant plus que des épreuves sur circuit. Les autos sont nombreuses au départ, les bagarres en piste font rêver le public. Si les vainqueurs se nomment Laccareau, Trollé, Lagier et Mangé, c’est la Coupe qui est l’école des champions que vont devenir les Andruet, Cudini, Jabouille, Darniche, Jarier, Leclère, Thérier… et l’inénarrable Jean Ragnotti.

Clap de fin

La Renault 8 Gordini ne connaîtra pas de grosse évolution. La seule notable, c’est l’arrivée de coloris plus variés pour l’année modèle 1969 quand du blanc, du jaune, du gris, du bordeaux ou du vert foncé s’invitent dans la gamme.

Mais ça sent déjà la fin. Les dernières Renault 8 Gordini sortent en Mai 1970. 11607 voitures ont été produites et ce sont donc les 1300 qui représentent les 3/4 de ces ventes.

Sa remplaçante, la Renault 12 Gordini est lancée le « Jour G », le 19 Juillet 1970. Elle prendra la place de la R8 dans la « Coupe Gordini » à partir de la saison 1971.

La Renault 8 Gordini est devenue mythique

Sa remplaçante va être importante pour comprendre l’aura de la « Gord ». La R12 sera une traction, plus lourde, plus pataude, moins joueuse et au palmarès moins fourni. Elle n’égalera jamais la 8 dans le cœur des apprentis pilotes, ce qui contribuera à faire de la R8 un vrai mythe.

On a surtout gardé à l’esprit son côté sportif de la R8 Gordini, en éclipsant le côté haut de gamme. Au final, c’est aussi et surtout dû à la promotion de l’auto où la course auto et le diptyque performances-prix serré ont été vraiment mis en avant.

Même si certaines ont connu un destin funeste en course, beaucoup ont été bien préservées. La côte montant, certaines ont même pu se payer une restauration complète lors des 20 dernières années, chose bien rare quand on parle d’une auto née populaire, même haut de gamme.

Côté prix, une R8 Gordini dépassera presque obligatoirement les 40.000 €. Certaines autos en excellent état, sortant de restauration, ou très bien préservées dépasseront les 60.000 €. Les quelques autos avec palmarès pourront même s’approcher des 80.000 € ! Notez que la différence est faible entre la 1100, l’originelle, et la 1300, la plus performante1.

Évidemment vous pouvez trouver des « Renault 8 Gordini » moins chères… mais il y a des chances que ce ne soient pas de vraies Gordini. L’aura de l’auto et sa base technique facile à trouver ont motivé de nombreux passionnés à modifier leurs autos.

Pub R8 Gordini- Renault 8 Gordini

Comment reconnaître une Gordini ?

La plupart du temps, les fausses Gordini s’annoncent comme telles. Notez déjà que ce seront rarement des 1100, les 1300 étant plus performantes ont plus fait rêver.

Dans tous les cas vous retrouverez très souvent de fausses Gordini avec des moteurs qui n’ont rien à voir. Certains ont greffé des Cléon de R5 Alpine, d’autres des Cléon plus ou moins bricolés. Les fausses Gordini s’embarrassent rarement de la culasse créée par le sorcier. C’est un gros détail mais qui sera suffisant pour vous mettre la puce à l’oreille.

Ensuite il faudra inspecter la caisse. Le type de l’auto (R1134 pour les 1100 et R1135 pour les 1300) ainsi que le numéro de série sont frappés sur le plancher, le long du rail du siège avant droit. Ensuite, on vous l’a dit, les renforts sont nombreux, sur les 1100 déjà, mais encore plus sur les 1300. Sur ces dernières vous pouvez regarder sous la banquette arrière : un bossage doit y avoir été embouti pour laisser passer la boîte 5.

Niveau carrosserie, la face avant à 4 phares n’est pas spécifique à la R8 Gordini puisque les S, apparues en 1969 en sont également équipées. Inspectez les phares intérieurs, s’ils sont d’origine, ils doivent comporter une languette et non des trous. Il faudra aussi vérifier les ouïes sur le bouclier avant, spécifiques aux 1300.

Dans tous les cas, les R8 Gordini commencent à être bien surveillées alors n’hésitez pas à faire appel à un expert qui connaît le modèle en cas de doute… surtout quand on parle de ces sommes là !

1 : Source Collector Car Value
Photos additionnelles : Artcurial

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Unplwd

    A propos de la 1300: « Ces roues sont d’ailleurs plus larges »
    Ses jantes seulement. Les pneus (d’origine) sont quant à eux plus fins qu’une « normale ».

    Répondre · · 17 avril 2022 à 21 h 33 min

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