Panhard 24, la belle étoile filante qui n’a pas exaucé de vœux

Publié le par Benjamin

Panhard 24, la belle étoile filante qui n’a pas exaucé de vœux

Ne cherchez pas plus loin, c’est la toute dernière voiture de la doyenne des marques. Une auto qui a fêté ses 60 ans cette année et qui a marqué la fin des espoirs d’une marque tout en la symbolisant parfaitement. On vous raconte l’histoire des Panhard 24 car, non, il n’y a pas que les CT et BT au programme !

Quand les chevrons se font plus présents

Panhard a beau être la doyenne des marques automobiles, au sortir de la guerre son envergure en a pris un coup. Pour pouvoir continuer la production, il faut se caler dans le plan Pons. Heureusement on débotte un projet quasiment « tout fait » et on peut lancer une auto en alu, ultra moderne, avec un vaillant bicylindre. C’est la Dyna X.

Cette petite voiture a de gros avantages mais elle est chère et les ventes sont bien loin de celles des autres constructeurs. Panhard persiste dans cette démarche et lance la Dyna Z en 1953. Ce lancement est catastrophique, en grande partie à cause de soucis industriels et de prix de revient.

Ce lancement a mis à mal la trésorerie de la marque qui est obligée, pour se sauver, de céder aux sirènes de Citroën et de laisser les chevrons prendre une participation de 25% dans l’entreprise. Cela monte même à 45% en 1958, juste avant que Panhard ne propose la PL 17 qui n’est qu’une évolution de la Dyna Z…

En vendant ainsi ses parts petit à petit, le constructeur du Quai d’Ivry (dans Paris) se retrouve en mauvaise posture. Certes, Citroën permet à la marque de continuer d’exister, notamment en assemblant les 2CV Camionnette dans son usine tandis que le réseau de distribution, mutualisé, s’est étoffé sans pour autant que les ventes ne s’en ressentent. Mais surtout les chevrons ont un droit de regard sur tous les projets qui sont développés par Panhard.

Et cela se ressent. Tout d’abord on abandonne l’étude d’un nouveau moteur, un 4 cylindres en étoile qui aurait remplacé le bicylindre sous le capot des berlines de moyenne gamme. Sauf que Citroën est en train de sortir de son positionnement étrange, fait d’un grand écart entre la 2CV et la DS. Ce positionnement laissait le champ libre aux productions de Panhard qui concurrençaient les Aronde et éventuellement la 403. L’Ami 6 et la nouvelle ID vont combler une partie du trou dans la gamme tandis qu’on pense déjà à la berline de milieu de gamme (le Projet F qui n’aboutira pas).

De fait les chevrons s’opposent totalement à l’apparition d’une nouvelle berline Panhard qui viendrait concurrencer ses propres productions. Par contre, quand les autres constructeurs hexagonaux ont des coupés dans leur gamme, Citroën et Panhard n’en proposent pas directement, bien que leurs mécaniques soient utilisées par de nombreux artisans. On lance donc la conception d’un nouveau coupé… en se disant que les déclinaisons berline et break pourront suivre en cas de succès.

Ses lignes vont être dessinées par Louis Bionier puis développées par son équipe. Dessinateur chez Panhard depuis les années 30, il a signé le style Louis XV de la Dyna X et les rondeurs des Dyna Z et PL 17. Pour son coupé, il va chercher dans un autre registre, toujours excellent au niveau aérodynamique mais avec des surfaces plus plates et tendues. La forme générale peut faire penser à une Chevrolet Corvair, notamment à cause du gros coffre qui n’accueillera cependant pas le moteur sur la Panhard. Les quatre phares sous vitre seront remarqués… et feront naître des rumeurs pas totalement infondées au niveau des DS, on en parle ici.

Notons que les relations avec Citroën sont déjà établies et que Flaminio Bertoni va proposer lui aussi un design. Celui-ci est vraiment dans la même veine pour l’avant mais il est bien différent pour la partie arrière, notamment pour ce qui est du pavillon. Finalement on tranchera en faveur du design « maison ».

Côté technique, si on a les mains liées pour ce qui est de la mécanique, on va axer le développement sur la sécurité. Contrairement aux voitures modernes et leurs structures déformables, on mise ici sur une monocoque avec une caisse ultra rigide. Le pli central de la carrosserie y contribue tout comme des tubes dans les montants de toit pour protéger en cas de retournement. Les pare-chocs en inox débordent sur les côtes, devant comme derrière, les essuie-glace sont efficaces (pour une fois) et on propose même des ceintures en option.

Sinon, on fait appel à des roues indépendantes aux 4 coins et, évidemment, le bicylindres est sous le capot et entraîne les roues avant.

Structure Panhard 24 Panhard Racing Team- Panhard 24

La Panhard 24 débarque

On présente la nouvelle voiture le 24 Juin 1963 à la Roseraie de Truffaut à Versailles. C’est 8 jours après les 24h du Mans, l’épreuve qui donne son nom à la Panhard 24. Pour l’anecdote, l’édition 1963 est d’ailleurs la première depuis 1949 sans mécanique Panhard sous le capot d’une voiture au départ !

La ligne de la voiture séduit vite, même les détracteurs des productions de la marque ne peuvent que trouver la ligne réussie. La marque en joue d’ailleurs dans ses publicités sans pour autant oublier que ce seul argument ne suffira pas à faire décoller la carrière de ce petit coupé.

Ce lancement se fait avec de vrais coupés 2+2. La gamme est composée de deux modèles qui affichent clairement leurs ambitions sous une carrosserie strictement identique. Les deux modèles de Panhard 24 sont bien équipés avec des sièges avant réglables en hauteur et en inclinaison et un volant réglable en profondeur.

D’un côté on retrouve la Panhard 24 C avec son moteur M6 de 848cm³ qui sort 42ch et l’emmène à 140km/h. Une belle vitesse qui paraît anecdotique puisque Panhard mise sur le côté familial et bourgeois de cette auto qui est pourtant l’entrée de gamme. Au moins cette mécanique est la plus souple. Elle se distingue aussi avec ses sièges revêtus d’une mousse de nylon. Son tableau de bord n’a rien de sportif : c’est celui des PL 17.

De l’autre côté c’est la Panhard 24 CT. Celle-ci se veut la sportive de la gamme avec son moteur M8S (le moteur Tigre) porté à 50ch qui l’emmène à 150km/h. L’équipement se doit de justifier les 700francs d’écart alors cette version se dote d’une banquette rabattable et d’un miroir de courtoisie éclairé. On ajoute aussi un nouveau tableau de bord, plus sportif avec ses compteurs ronds, dont un compte-tours.

Le public devra, lui, attendre le salon de Paris en Octobre 1963 pour découvrir les nouvelles Panhard 24. Son dessin est encore souligné, « Pinin » Farina l’estimant la plus belle voiture du salon, elle est présentée au Général de Gaulle et à de nombreuses personnalités.

La Panhard 24 au Salon de Paris 1963 Panhard Racing Team- Panhard 24

La Panhard 24 débute sa carrière commerciale dans la foulée. On se rend vite compte que la C n’attire pas les foules malgré un prix plus bas, certainement trop proche de celui de la CT. Malgré quelques améliorations apportées en Mars et une victoire de classe remarquée au Mobil Economy Run en Mai 1964, la C va tirer sa révérence dès cette première année de production après 1623 exemplaires produits.

La CT elle-même n’est pas un immense succès. 8774 exemplaires au total, c’est trop peu mais on compte bien sur une gamme plus large pour montrer la vraie valeur de l’auto.

Diversification rapide

À l’automne 1964, les Panhard 24 sont encore les reines du stand au salon de Paris. Si la C a disparu, deux nouvelles déclinaisons de la Panhard 24 sont dévoilées et il y a du changement. Les B et BT anticipent l’arrêt de la production de la PL 17 en se voulant encore plus logeable. Un coupé comme alternative à une berline en fait… c’est qu’il s’agit de garder les (rares) clients de Panhard dans le giron de la marque ! D’ailleurs la marque qualifie ses nouvelles voitures de Berlines et vante leur habitabilité !

Pour créer ces autos plus logeables on a en fait créer des Panhard 24 « longues ». Le châssis gagne 25cm d’empattement qui bénéficie notamment aux places arrières (qui profitent également d’un plancher abaissé) mais aussi au coffre. On distingue notamment ces autos avec leur vitre de custode qui est plus allongée.

Côté équipement, la Panhard 24 B reprend celui de la C et la BT celui de la CT. C’est simple. Côté mécanique, les Panhard 24 B sont calquées sur la C et reprennent le moteur de 42ch mais leur gabarit réduit leur vitesse de pointe à 135km/h (on peut encore faire des pointes à l’époque). La Panhard 24 BT est équipée du moteur Tigre mais elle aussi est un poil moins véloce.

La gamme Panhard 24 est en ordre de bataille et on lance la grande offensive en 1965. Sur les modèles existant, on apporte de grosses améliorations. Les BT et CT reçoivent des freins à disques tandis que la CT reçoit le moteur Tigre M10S qui améliore encore ses performances.

À l’autre bout de la gamme on introduit la BA à la finition extrêmement dépouillée pour contrer le fait que la Panhard 24 soit une voiture chère. Elle reprend évidemment le moteur de base, possède un intérieur vraiment dépouillé (la boîte à gant est juste creusée et pas fermée) tandis qu’extérieurement on a juste fait l’économie des prises d’air sous le pare-chocs avant.

Les espoirs déçus

L’année 1965 est un véritable tournant pour la carrière de la Panhard 24 mais aussi pour la marque. Citroën finit par racheter complètement la marque. Les performances commerciales sont par contre bien moins bonnes. On a vendu 10.880 Panhard 24, à peine plus que l’année auparavant sachant qu’on même plus la PL 17 pour assurer un fond de production supplémentaire. Citroën en profite pour augmenter la cadence de production de la 2CV Camionnette si bien que l’usine tourne bien.

C’est le début de la fin. On ajoute à ce tableau qu’il est très difficile de convaincre les agents Citroën de distribuer des Panhard 24 (une habitude lors des rachats d’une marque par une autre) plutôt que de vendre une DS… quand bien même les deux autos n’ont strictement rien à voir !

La BA symbolise cet échec. Elle est arrêtée après 161 exemplaires produits, dès 1966. Cette année-là on ne fabrique que 5224 Panhard 24. Les autos n’ont pas été améliorées depuis 1965 et la marque n’a plus ses victoires de classe au Mans pour rester dans l’esprit des acheteurs. Les victoires à l’Economy Run ne compensent pas (Jean Robic, le vainqueur du Tour de France 1947 l’emporte en 1966).

Le 20 Juillet 1967, la dernière Panhard 24 sort de production. C’est en fait la toute dernière Panhard de l’histoire. Cette année là on aura vendu 2456 autos.

La Panhard 24 et le bureau d’études

Avec le rachat, le bureau d’études de Panhard est vite réorienté. Notamment vers la finalisation de la Dyane qui ne doit pas que son nom à la doyenne des marques.

On pense pourtant à améliorer la 24 pour lui redonner une jeunesse à l’image du projet de Panhard 24 à moteur NSU, pourtant bien avancé en 1966 (les infos ici) on a pas abandonné l’idée de développer plus avant la 24, notamment en profitant des synergies avec Citroën. Ainsi on va travailler sur une auto utilisant soubassement et suspensions de la DS (système oléopneumatique compris). Le moteur est celui de la DS21 et sort 123ch. On ira même plus loin avec un 1987cm³ double arbre et double carbus double corps pour 143ch. L’auto peut filer à 200km/h, est très aboutie mais le projet sera arrêté.

L’idée de greffer un V6 Maserati sous le capot, celui de la SM évidemment, n’ira pas plus loin… qu’un prototype roulant qui servait en fait à tester les composants de la SM. En même temps ce proto est réalisé en 1970 alors que la marque Panhard est déjà enterrée.

Et puis il faut revenir en arrière. Au tout début du projet V527 qui donnera la Panhard 24, on pense encore pouvoir proposer une véritable gamme. Ainsi une berline, une vraie, est dessinée, ainsi qu’un break (très réussi). Un cabriolet est même envisagé mais Citroën enterrera toutes ces versions.

Les Panhard 24 de nos jours

Si les Panhard 24 sont encore visibles, c’est surtout du fait que ces modèles étaient des coupés et que c’étaient les dernières Panhard. Sinon, leur rareté les auraient vite fait disparaître du paysage automobile national. 28651 voitures ont été construites.

Si, pour beaucoup, la 24 est la 24 CT, c’est simplement parce que c’est ce modèle qui fut le plus produit. Avec 14.181 exemplaires, il devance la BT et ses 10.649 exemplaires. Les autres modèles sont donc complètement confidentiels. La C a donc été produite à 1623 exemplaires en un an, la B, qui est restée plus longtemps, n’a atteint que 2037 exemplaires et la BA est devenue une archi-rareté du haut de ses 161 exemplaires.

Pour ce qui est de l’achat, on trouvera tous ces modèles sous les 10.000€ mais les beaux modèles, roulants et sans travaux s’approcheront voire dépasseront les 15.000€. Attention d’ailleurs aux travaux. En dehors des classiques précautions à prendre au niveau de la corrosion, les Panhard demandent un entretien suivi et bien réalisé, notamment au niveau de leur mécanique, mais il ne faut pas oublier les trains roulants pour autant.

Source (exceptionnelle) principale : Charly Rampal
Photos additionnelles : Car Design Archives

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. denis

    ah la 24 ct !!! quelle belle voiture, en 65 j’ai roulé (passager) en 24 ct MAGNIFIQUE !
    mais comme peugeot avec talbot, on enterre ce qui n’est pas de chez nous et ………………….

    Répondre · · 27 janvier 2024 à 12 h 02 min

  2. Kurek

    Magnifique rétrospective de cette marque française. Mais comme d’habitude c’est le pognon qui décide. Et là dessus Citroën à bien su gérer. Dommage cette 24 avait tout d’une grande.

    Répondre · · 28 janvier 2024 à 17 h 10 min

  3. Bouhours

    Nostalgie après avoir vu dans la famille ,1 dyna 2 pl17 et. 1 24ct 1,24bt Que de bons souvenirs

    Répondre · · 28 janvier 2024 à 22 h 16 min

  4. Denis

    Super Article. Véhicules admirables mais une entreprise ingénieurs (doués) et pas de commerçants. Citroën est en train de vivre avec Peugeot ce qu’il a fait à Panhard…

    Répondre · · 29 janvier 2024 à 13 h 55 min

  5. RAMPAL

    Merci Benjamin pour avoir mentionné à la fin de ton article, la source issue de mon travail sur l’histoire de la 24 et de Panhard dans tous ses domaines déclinés sur mon site du Panhard Racing Team.
    Mes salutations à Vincent Decours s’il fait toujours parti de votre équipe.
    Charly RAMPAL

    Répondre · · 8 février 2024 à 15 h 09 min

  6. GERARD MOREL

    j’ai eu une 24 BT que j’avais modifiée ( carbu de la CT ) , de mémoire 38 NDIX au lieu du 36, je crois, je gagnais 7 ou 8 kmh, 8 , c’est ça , je l’ai chronométrée à 153 KMh, puis une 24 CT de 1965 ou 66 , plus tard, mais habitué à rouler avec des alfa, je la trouvais trop molle, obligé de jouer sans arrêt avec la boîte pour avoir un régime assez haut afin d’avoir des perfs acceptables, elle avait vieilli..La tenue de route super des panhard, la beauté , bien sûr, un confort certain…En tout une floppée de panhard, des PL17, dont une modifiée par un garagiste panhard ( possible à l’époque) il avait mis toute la mécaanique d’une 24CT, des freins à disques de 24 CT et un double échappement !!! Elle coinçait un peu dans les cotes, à cause du poids, mais sur le plat , un bon 160 chrono..Plus d’un ont fait la gueu…e..Et deux des 160 CD

    Répondre · · 8 février 2024 à 23 h 57 min

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