L’Humeur d’Hugo : Le plus beau métier du monde

Publié le par Hugo Baldy

L’Humeur d’Hugo : Le plus beau métier du monde
Hugo Baldy 1-

Hugo Baldy est depuis des années (toujours en fait) plongé dans la voiture ancienne. Après des années au sein d’une célèbre maison d’édition, il est spécialiste des véhicules de collection chez Aguttes. Il nous livre régulièrement son billet d’humeur, les autres sont ici.

La sonnerie du téléphone retentit. Heure tardive. Seul au bureau. Tasse de café froid à moitié vide. Des livres éparpillés partout devant le clavier de mon ordinateur. Ambiance. Absorbé par mes pensées, je décroche le combiné à la troisième sonnerie. C’est la magie de mon métier, on ne sait jamais pour quoi on nous appelle, si ce n’est pour parler automobile.

Quelques mots échangés, certains font tilt : succession, grand père ou grand-oncle, propriété qui tombe en ruine, quelques voitures qui sommeillent là depuis des dizaines d’années. Parfois, cela me rappelle l’excellente publicité Canal +, où une jeune femme expliquait à une amie le film qu’elle avait vu la veille. Nous étions embarqués dans la tête de ladite amie, et visionnons alors le film qu’elle se faisait d’après le récit initial.

Je vous laisse imaginer ce que cela pouvait donner avec des long-métrages comme La marche de l’empereur (on y voyait des mini Napoléon déambulant sur la banquise !) ou Brokeback mountain… Dans mon cas c’est pareil. J’ai déjà la maison en tête, belle propriété solognote par-exemple, le long chemin boisé pour y accéder, et l’atmosphère endormie des lieux.

Parfois, le rêve s’arrête là, sur un simple indice, comme cet homme qui nous proposait la collection de Ferrari de son père… avant de conclure la discussion par une précision de taille : il s’agissait de 1/43e… des miniatures, donc ! Parfois, on touche du doigt le graal.

En mars, après des mois et des années d’échanges téléphoniques, à prendre des nouvelles l’air de rien, j’ai réussi à me faire ouvrir un immense parking en sous-sol, dans le 16e arrondissement de Paris. Dans l’obscurité, derrière les immenses toiles d’araignées, sous une épaisse couche de poussière, quatre belles endormies : trois Vermorel, et une exceptionnelle Voisin à la carrosserie Transformable signée Belvallette.

Plus récemment, façon loi des séries, nous avons découvert quatre icones des années 1960, aux quatre coins de la France. La première, une Porsche 356. Après des dizaines d’échanges téléphoniques avec son propriétaire, je suis enfin invité à découvrir la voiture. Une porte de box rouillée, difficile à manipuler, qui grince. Et sous un amas de bazar, des phares caractéristiques, qui concrétisent mon imagination débordante. Elle est-là. Elle existe. Et elle est conforme à l’idée que je m’en faisais. Bonne pioche.

La deuxième ? Une Ferrari 365 GT 2+2. Un ami me donne un numéro de téléphone. J’avance à pas feutrés. En douceur. Il faut créer du lien, et tourner autour du pot avant d’entrer dans le vif du sujet. Comme une serrure, le bon geste permet à un moment donné d’entendre le déclic. Je suis invité à venir voir la belle endormie. Un réveil aux aurores, un train, un taxi, des mauvais sandwichs, des litres de café (heureusement je ne fume pas), et je me retrouve devant une grande porte de garage, presque anodine, dans une grande ville de province.

Surement un peu masochiste, j’aime à ce moment-là faire durer le suspense, et continuer l’échange quelques dizaines de minutes avec mon interlocuteur. Sens en éveil, imagination hyperactive : la porte s’ouvre. Lumière blafarde. Un cheval cabré (repeint en rouge) m’attend. La bête est belle. Attendant patiemment son prince charmant (pas moi, un futur acheteur).

La troisième ? Encore un box parisien. Des circonstances floues. Des relations, des tuyaux, des indics. Comme pour un flic ou un journaliste. Une voiture immobilisée depuis 20 ans. Invisible de prime abord tant elle est cachée par tout un tas d’encombrants… Deux phares jaunes. Une jolie couleur Orange Tangerine. Une Porsche 2.2 S Targa marquée par la vie, mais complète.

Et émouvante par tout un tas de détails dont une trousse à outils signée Bilstein. Boite à gants et vide poches remplis de témoins du passé : des amendes pour mauvais stationnement (visiblement jamais payées), des pièces en Francs, des cartes de visite (au moins cinq) qui commencent toutes par : « Votre voiture m’intéresse, contactez-moi ! »… Si les voitures pouvaient parler !

La dernière ? Une Jaguar Type E 3.8 Roadster, plancher plat. Encore dans un incroyable état d’origine, et qui « tombe » par tout un tas de tuyaux, des heures de téléphone, et des voyages improvisés à l’autre bout de la France. Plus que tout, vous l’aurez compris, j’aime « chasser » des belles endormies, ces fameuses sleeping beauties. J’aime bien sur rouler, restaurer, bricoler, tomber en panne… mais plus que tout « chasser ». Pour les belles histoires à raconter, les nuits à rêver, et le plaisir de partager tout cela, et de transmettre le témoin, à l’occasion d’une vente aux enchères…

Je fais le plus beau métier du monde !

Vous pouvez retrouver la Ferrari 365 GT 2+2 et quatre autres autos sur le stand d’Aguttes à Epoqu’Auto (Hall 4) jusque Dimanche soir. Hormis la Voisin, les autres seront en vente à la fin du mois lors de la Vente d’Automne. Pour voir notre sélection dans le catalogue, c’est par ici :

Hugo Baldy

https://aguttes.com

Hugo est tombé jeune dans le monde de la voiture ancienne... et il y est resté ! Après de nombreuses années dans le groupe La Vie de l'Auto, il rejoint la maison de vente Aguttes en tant que spécialiste des véhicules de collection. Il livre ses billets d'humeur sur News d'Anciennes depuis la fin 2022.

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