L’Humeur d’Hugo : J’irai cracher sur vos répliques !*

Publié le par Hugo Baldy

L’Humeur d’Hugo :  J’irai cracher sur vos répliques !*
Hugo Baldy 1-

Hugo Baldy est depuis des années (toujours en fait) plongé dans la voiture ancienne. Après des années au sein d’une célèbre maison d’édition, il est spécialiste des véhicules de collection chez Aguttes. Il nous livre son billet d’humeur une fois par mois, les autres sont ici.

Début d’année 2014. Une longue soirée d’hiver au coin du feu. Je feuillette une revue consacrée – c’est étonnant ! – à l’automobile ancienne. Un article m’interpelle : l’essai d’une Ferrari 250 GTO. C’était il y a 10 ans, et il s’agissait déjà de la voiture la plus chère du monde, avec 35 Millions de dollars pour la dernière transaction enregistrée. Aujourd’hui, l’un des 39 exemplaires du mythe s’échange pour plus du double… Et même les happy few qui ont les moyens de s’offrir leur rêve doivent redoubler de patience et d’effort, puisque les autos à vendre sont rarissimes.

Et c’est là que je dois vous avouer que l’essai était en fait consacré à une réplique. Pas une évocation sur base de Datsun 240 Z ou autre Pontiac Fiero. Non, une réplique 100 % conforme de La Joconde automobile, basée sur une Ferrari 330 GT « donneuse d’organes ». Une copie parfaite. Le journaliste, après un court essai, concluait son papier d’une façon qui m’avait laissé songeur, indiquant qu’il n’éprouvait « rien. Aucune excitation. Pas le moindre soupçon de plaisir. » Et de conclure que la voiture dont il descendait n’était qu’une « maquette à l’échelle 1, finie dans ses moindres détails, mais sans aucun vécu, ni aucune épopée à raconter. »

Un constat que j’avais trouvé très dur, et que j’avais du mal à comprendre. Si les objets pouvaient parler… Oui, nos chères autos nous raconteraient des kilomètres de route, des milliers d’anecdotes et de pannes, des récits de courses homériques. Mais ce sont des objets, des monstres mécaniques dénués de toute conscience, même si le film Christine essayait en 1983 de nous faire croire l’inverse. Mais c’était de la science-fiction justement.

Ayant la chance depuis de nombreuses années de vivre de ma passion, j’ai souvent l’opportunité de prendre le volant d’autos extraordinaires, parmi lesquelles Ferrari F40 ou 250 Châssis Court, Bugatti 35 C ou 43, Delahaye 135 Course ou 235 Cabriolet, AC Ace-Bristol ou Cobra 289… dans ce court inventaire – ni exhaustif, ni neutre – se cache quelques répliques. Mais pour la plupart des répliques essayées, j’ai également eu la chance par le passé de conduire les originales…

Je suis certainement un piètre pilote (mon palmarès le prouve, et mon jeune voisin me rappelle que je suis nul à chaque fois que je lui explique que j’ai participé à une course et qu’il me demande si j’ai gagné), mais je peux affirmer qu’une voiture, aussi exclusive et performante soit elle, et sa copie conforme m’apporte chacune les mêmes sensations (je ne parle pas de cuir et de peinture craquelé, ni de patine, qui peuvent de toute façon être aussi artificiels qu’originaux).

Il paraitrait que La Joconde, qui attire quotidiennement au Musée du Louvre des milliers de touristes venus du monde entier, ne serait ainsi qu’une copie, parfaitement exécutée, l’originale, inestimable, étant conservée dans un endroit parfaitement sécurisé, et dans un environnement parfaitement adapté à sa conservation. Ceci est très certainement valable pour d’autres œuvres d’art. Après la grotte de Lascaux, fermée au public et reconstituée à l’identique, on peut légitimement s’attendre dans les années et les siècles qui arrivent, que certains monuments soient ainsi épargnés, fermés au public pour pérenniser leur sauvegarde, et répliqués, pour que nous continuions à en profiter.

Pour en revenir à la Joconde, la majorité des visiteurs ne se doutent pas de la supercherie, et s’émerveillent devant l’œuvre qu’on leur présente. Et s’ils savaient, ils auraient par la suite bien du mal à expliquer pourquoi la copie parfaite leur procurerait moins de sensation. C’est la même chose avec nos chères autos, qu’il s’agisse d’AC Cobra, de Ferrari 250 GTO ou de Bugatti Grand Prix… et de leur clone.

Arrêtons de cracher sur les répliques… Et vous, qu’en pensez-vous ?

*En référence à J’irai cracher sur vos tombes de Vernon Sullivan, aka Boris Vian.

Jaguar Type C Replica par News dAnciennes 85-

Hugo Baldy

https://aguttes.com

Hugo est tombé jeune dans le monde de la voiture ancienne... et il y est resté ! Après de nombreuses années dans le groupe La Vie de l'Auto, il rejoint la maison de vente Aguttes en tant que spécialiste des véhicules de collection. Il livre ses billets d'humeur sur News d'Anciennes depuis la fin 2022.

Commentaires

  1. GUIGON Alain

    Entièrement d’accord !!!

    Répondre · · 25 février 2023 à 10 h 49 min

    1. Ian Wilson

      Je suis d’accord, tant qu’ils sont expliqués pour ce qu’ils sont. Je conduis une Austin Seven Special, seul le châssis est d’origine ! Toutes les autres pièces sont également d’origine, juste de différentes années au cours des 92 dernières années !!! C’est pourquoi on l’appelle un spécial. Je l’aime. Tout n’est vraiment original qu’une seule fois……

      Répondre · · 2 mars 2023 à 11 h 11 min

  2. Gouvy

    Je suis assez d’accord : une réplique parfaite peut apporter la même émotion esthétique et le même plaisir de conduite qu’une authentique.
    Mais attention, à condition qu’elle soit parfaite et dans ce cas on tombe sur un risque : l’escroquerie devient possible, on peut la faire passer pour vraie, pire lui attribuer un palmarès ou une histoire qui n’est pas à elle !

    Répondre · · 25 février 2023 à 11 h 21 min

  3. Vincent

    Est-ce que les répliques sont toujours vendues en tant que répliques ? Hum ?

    Répondre · · 25 février 2023 à 11 h 39 min

  4. Robert-Louis BREZOUT-FERNANDEZ Responsable des Concours d'Etat et de Restauration Automobile de la FFVE

    Les répliques sont des anciennes neuves . . . le seul vrai problème réside dans le fait de vouloir gruger le monde des collectionneurs en les faisant passer pour plus anciennes qu’elles ne sont.
    Ceci mis à part, laissons leur le temps, elles deviendront anciennes, elles aussi, et acquerront leur propre histoire, avec le temps. On doit pouvoir prendre autant de plaisir à leur volant que le premier propriétaire en a pris au volant de la sœur de l’originale quand elles furent neuves.

    Répondre · · 25 février 2023 à 11 h 48 min

  5. Régis V

    Voici relancé l’éternel débat sur les répliques et vous avez sur beaucoup l’avantage certain de pratiquer aussi quelques originales.
    Tout n’est question de nuances et d’acceptation intellectuelle.
    C’est pourquoi j’évite ce genre de discussion avec les (nombreux) adeptes du manichéisme.
    Je vous suis pas à pas au travers de l’exemple de la Joconde et votre article réveille un souvenir ainsi qu’une interrogation: je suis curieux de savoir ce que sont devenues les répliques de Ferrari 250 GTO élaborées (en France) dans le début des années 80, vendues en Suisse et ayant fortement défrayé la chronique.
    Leur prix, qui n’était qu’une fraction de celui de l’une des 39, indiquait clairement la nature de l’objet.
    Outre l’aspect monétaire l’autre élément d’importance est le positionnement intellectuel: « vessie ou lanterne »?
    Autre nuance: une reprise de fabrication par la marque ou un atelier agréé s’appelle « continuation ». Il est indéniable qu’au fil du temps les modèles enviables sont préservés et se multiplient, avec plus ou moins de bonheur quant à la qualité de réalisation.

    Répondre · · 25 février 2023 à 12 h 37 min

  6. denis

    quand la réplique est aussi bien faite que l’original : pourquoi pas !!
    mais quand on en voit certaines ……………………………………..

    Répondre · · 25 février 2023 à 13 h 17 min

  7. jean chambault

    Je ne suis pas totalement d’accord. Une voiture n’est qu’une masse métallique qui, justement, peut être reproduite sans trop de problèmes et les 35 Pur Sang marchent très bien mais ce ne sont évidemment pas des Bugatti. Est-ce qu’une auto d’Argentine est aussi intéressante voire excitante que celle qui est restée dans la même famille depuis les années 30 ?

    L’historique d’une auto est important, savoir que votre joyau a eu une vie mouvementée et bien documentée la rend beaucoup plus « vivante » et attachante. Un exemple = une March F1 des années 70 est une monoplace sympa pilotée par des pilotes charismatiques. Pensez à une March particulière = elle fut pilotée par la SEULE femme, depuis 1958 (de Filipis) qui se qualifia jamais dans le championnat F1, Lella Lombardi, à 12 reprises et marqua même en Espagne. Toutes les autres pilotes n’ont pu franchir la barre des qualifications. Est-ce que cette auto n’a pas plus d’intérêt que sa réplique qui marche aussi bien voire mieux ?

    Bentley a gagné 4 fois au Mans et beaucoup d’autres autos de la marque ont eu de nombreux succès plus modestes : mais est-ce que les « nouvelles anciennes » Bentley juste refaites par Bentley racontent la moindre histoire ? A part nous faire connaitre le patrimoine élevé de l’acheteur ? Dire qu’une réplique est sympa et fun est une chose et on ne doit pas cracher dessus, bien d’accord. Mais souvent sous entendre que c’est aussi bien qu’une vraie est oublier l’histoire de celles qui nous ont fait les aimer.

    Répondre · · 25 février 2023 à 14 h 53 min

  8. Rudolf Bouten

    J’aime autant une réplique qui roule régulièrement, qu’une originale enfermée dans une collection privé.

    Répondre · · 25 février 2023 à 16 h 20 min

  9. Nb

    Pas tellement d’accord avec vous. Je préfère une vraie 2cv à une fausse gto. Si on se cantonne au plaisir de conduite, alors peut être qu’une réplique est agréable, mais elle ne sera jamais une voiture ancienne avec une histoire, des anecdotes, des drames et des joies. Il y a peut être du snobisme à conduire une Cobra, tellement de gens ne font pas la différence entre une vraie et une fausse. Mais un authentique amateur de véhicules de collection, cherche l’histoire, redonner vie à un objet qui a un vécu. Les pionniers de la collection, Pozzoli, Malartre, Charbonneau, etc. n’auraient pas admis ce type de transgression.

    Répondre · · 25 février 2023 à 22 h 07 min

  10. Jean–Charles VALLET

    Si quelqu’un a une réplique de Bugatti disponible, 35B au hasard, une 51 pourquoi pas, même une 37 ! J ai du sopalin et un jet d eau j’essuierai volontiers les crachats.
    Et roulerai tranquillement moins des lamas

    Répondre · · 27 février 2023 à 21 h 59 min

  11. Patrice De Bruyne

    Les répliques autos et motos ainsi que d’avions et de bateaux qui étaient le fait de passionnés voulant posséder leur part de rêve sont devenues une industrie d’abord basée sur les récupérations ensuite sur des refabrications réalisées par Ferrari, Bentley, Rolls, Jaguar, Cobra, avec certifications « usine » en ce compris celles de numéros de châssis avec répertoires officiels. Vous pouvez ainsi acquérir une Cobra 427S/C neuve avec N° de châssis « continuation » et cela fonctionne tellement bien que Jaguar s’est mis à fabriquer des TypeD neuves et Bentley des Three-Fifty compresseur neuves… Avant Artiroli et VW pour les Bugatti on construisait légalement en Argentine des nouvelles Mercedes SSKL et surtout des Bugatti 35 avec moteurs à l’identique ainsi qu’éventuellement des documents neufs « d’époque »… Ferrari agit de même, VW aussi et ce qui était des « répliques-amateuristes » dans les années ’60 et ’70 est devenu une industrie. C’est pareil avec les sacs Vuiton et Hermes fabriqués vrai ou faux à l’identique en Chine ce qui a donné lieu à un cocasse jeu d’imbécilité des douanes ne sachant plus détecter les vrais et faux car étant de même provenance et fabrication. Nous sommes victimes de nous-mêmes et du consumérisme… Il est fréquent qu’un même numéro de châssis se retrouve dans plusieurs mêmes authentiques « choses » au point ou, discutant avec Tracfin concernant une Alfa des années trente et la fameuse Bugatti du lac de Cuemo dont le n° de châssis était utilisé sur une vraie-fausse-vraie Bugatti vendue par Artcurial (Bonhams fait pareil) à un Japonais l’année précédent la découverte de la seule vraie que la même maison d’enchère a vendu à un collectionneur américain… Les gens de Tracfin m’ont dit qu’ils ne pouvaient plus rien entreprendre car plus de 40% des œuvres d’art du Louvre sont fausses et que c’est une soupape de sécurité qui évite aux marchés de s’effondrer et aux Etats de créer des valeurs artificielles… La résultante est qu’il est heureux que notre temps de vie est limité pour ne pas devenir totalement fou dans un monde qui l’est totalement… Les plus philosophes sont assurément les marchands d’art et d’automobiles dites « de collection » qui se moquent de ce joyeux bordel et en tirent profit tout comme les éditeurs de presse, quoique la presse « papier » tend à tomber à rien… Venez lire http://www.GatsbyOnline.com... Amicalement à toutes et tous…

    Répondre · · 2 mars 2023 à 11 h 36 min

  12. cédric emmanuel thierry lesage

    Réplique ou non, c est avant tout le plaisir… Réplique, évocation ….elles sont tantôt le lien, tantôt la suite. Sans elles, nous ne pourrions craquer, vibrer, partager le bout historique, héroïque….

    Répondre · · 10 mars 2023 à 21 h 02 min

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