Les Facel Vega FV, une gamme placée sous une bonne étoile

Publié le par Thomas

Les Facel Vega FV, une gamme placée sous une bonne étoile

Octobre 1954, Paris. Un an avant la Citroën DS au même endroit, le public découvrit bouche bée une nouvelle venue : la Vega. Tirant son nom de l’étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre, l’auto marqua indubitablement les esprits. Ses évolutions jusqu’en 1958 permirent d’écrire en lettres d’or de nouvelles pages du haut de gamme français. Retour en détails sur les Facel Vega FV, première gamme de modèles du constructeur.

Le contexte

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe se trouvait dans un état désastreux. Outre le choc évident causé parmi les millions de morts du conflit, la situation économique était au plus mal. En France, les survivants étaient partagés entre le soulagement que les affrontements aient pris fin et une colère à la fois envers les forces de l’Axe mais aussi les collaborationnistes du régime de Vichy. S’il fallait reconstruire politiquement et socialement, c’était également le cas du côté industriel. En effet, les bombardements avaient notamment visé stratégiquement visé les usines de production si bien que certains recoins de l’Hexagone s’apparentaient à de véritables champs de ruines.

L’automobile faisait partie des domaines prioritaires à relancer, un secteur porteur financièrement et pouvant employer une grande quantité de main-d’œuvre. Le ministère chercha alors les solutions les plus adaptées et envoya sur le pont ses meilleurs éléments. On chargea Paul-Marie Pons, un ingénieur renommé, de mettre sur pied un plan quinquennal (rétrospectivement appelé plan “Pons”) afin de redresser l’industrie automobile. “Le plan Pons prévoit la construction entre juillet 1945 et juillet 1950 de 1.700.000 véhicules dont 670.000 utilitaires” racontait le journal La France Nouvelle dans son numéro daté du 10 mai 1946.

Afin de rationaliser les coûts, il fut décidé de regrouper des marques sous certaines appellations comme la Générale Française de l’Automobile (GFA) contenant Delahaye, Simca, Delage ou encore Laffly. D’autre part, on créa des créneaux spécifiques en fonction de la puissance fiscale des véhicules. Le groupe des 4CV fiscaux intégrait par exemple la Renault 4CV et la Panhard Dyna X tandis que celui des plus de 12 CV était dominé par la Citroën Traction 15/6.

Bien que les résultats furent probants et que le plan permit de remonter la pente, celui-ci avait un énorme défaut : il délaissait les productions haut de gamme. Les constructeurs de luxe se retrouvèrent d’un coup sur le banc de touche, privés de moyens et de matières premières.

Leurs réalisations se contentèrent d’être des laboratoires d’études ou bien d’être achetés par des personnalités fortunées et majoritairement étrangères. L’hémorragie fut importante, à tel point que de nombreuses sociétés ne s’en relevèrent pas. En quelques mois, les fermetures s’enchaînèrent à un rythme effréné : Delage ferma ses portes en 1953, Delahaye l’année suivante tandis que Talbot fut rachetée par Simca en 1958. Même chose pour Hotchkiss, contrainte de fusionner en 1956 avec l’entreprise Brandt. Pas mieux pour Bugatti, dont la production au compte-gouttes tranchait avec l’ère florissante de l’entre-deux-guerres….

Dans ce contexte plus qu’incertain, comment dès lors imaginer s’inscrire durablement sur un marché dont les protagonistes disparaissent un à un ?

À Dreux, la société Bronzavia, dirigée par Henri Feuillée et spécialisée dans l’aéronautique, lança en 1939 une filiale dénommée Facel (pour “Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et-Loir”) afin de sous-traiter la fabrication de pièces embouties.

Autre filiale du groupe, Métallon était elle chargée d’importer des aciers de qualité pour le compte de la maison-mère. Située en zone occupée, Bronzavia se retrouva sous domination allemande pendant la guerre. On missionna alors Jean Daninos, directeur technique, de trouver des solutions à l’étranger, au Royaume-Uni mais surtout aux États-Unis. Né en 1906 à Paris, l’homme était passé par l’usine Citroën avant de se retrouver en Eure-et-Loir. Ingénieur talentueux, il avait su gravir les échelons et figurait parmi les jeunes prometteurs du pays.

Le conflit terminé en 1945, le groupe fut réorganisé et décision fut prise d’associer deux branches précédemment évoquées afin de créer la société Facel-Métallon et c’est de façon quasi naturelle que Jean Daninos en prit la tête. Son orientation était claire : il fallait sous-traiter la production de carrosseries pour le compte d’autres marques. 

Ainsi, Facel-Métallon fut d’abord choisie pour assurer la fabrication de la coque en aluminium des Panhard Dyna X à partir de 1947, une voiture importante dans la relance de l’industrie automobile. Elle approcha ensuite Simca afin de signer un nouveau contrat, une collaboration qui aboutit dès 1948 à la réalisation des Sport (d’après un coup de crayon dû aux Stabilimenti Farina), d’abord sur base de Simca 8 puis d’Aronde.

De son côté, Ford SAF avait en point de mire le créneau des coupés élégants. Naquit en 1951 la Comète, dotée d’un bloc V8 et joliment dessinée. Jean Daninos tenta même l’aventure Cresta et Cresta II, deux modèles basés sur des châssis de Bentley Mark VI (rien que ça !) dont treize exemplaires sortirent au total de l’atelier.

La Facel Vega arrive

Toutes ces expériences avaient le même point de convergence : produire pour d’autres s’avérait être une excellente chose mais pourquoi ne pas aller plus loin ? C’est ainsi que l’idée de lancer sa propre marque germa.

Le chantier fut mis en route par Jean Daninos dès 1952. Le chemin fut tracé pour la conception d’un coupé luxueux orienté grand tourisme. Afin d’obtenir de hautes performances, il fit jouer ses relations américaines tissées pendant la guerre et se tourna vers le groupe Chrysler pour la signature d’un contrat fournissant des moteurs V8, ce qui fut accepté.

Début 1953, Facel-Métallon fut scindée en deux entités différentes pour devenir Facel S.A. et Métallon S.A. Trois prototypes furent réalisés dans la foulée. Le deuxième d’entre eux (numéroté 54-002) est l’un des deux parvenus jusqu’à nous aujourd’hui et fut vendu en 2016 par Artcurial à Rétromobile.

Par rapport aux exemplaires de série, il affiche plusieurs différences. Sa face avant indique la mention “Vega” uniquement, patronyme trouvé par Pierre Daninos, frère de Jean, qui faisait référence à l’étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre. Il s’agit aussi d’un coupé 2+1, avec place arrière montée transversalement. L’habitacle dispose également d’une planche de bord façon bois tandis que l’arrière de la carrosserie intègre une malle descendant jusqu’au pare-chocs.

En octobre 1954, 54-002 fut exposée au salon de Paris, de couleur grise avec un toit noir. C’est là que les journalistes et le public découvrirent la Vega. Sous le capot, ils purent découvrir un bloc V8 DeSoto 4.528 cm³ développant 180 ch, associé à une boîte de vitesses manuelle à quatre rapports sortie des ateliers de Pont-à-Mousson. La vitesse de pointe annoncée frôlait les 200 km/h, chiffre colossal à l’époque ! Le succès fut au rendez-vous, si bien que la production en série devint de l’ordre du possible.

Voir partie 2 :
Facel Vega FV à FV2B, les premières Facel Vega
(1954-1956)

Thomas

https://numeroschassistb.com/

Passionné d'anciennes en général mais vouant surtout un culte aux Facel Vega (au grand dam de son entourage...), il a rejoint News d'Anciennes en 2015 suite à une discussion impromptue lors de Rétromobile avec Benjamin. Il est propriétaire d'une Talbot Samba Cabriolet datant de 1983.

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