Lamborghini Espada, essai d’un coupé vraiment hors-normes

Publié le par Benjamin

Lamborghini Espada, essai d’un coupé vraiment hors-normes

Dire qu’on a soif de V12… c’est assez évident. La noblesse de ces mécaniques fait qu’elles attirent tous les amoureux de belles automobiles. On a déjà goûté au V12 BMW, au V12 Mercedes, aux V12 de Maranello et, s’il nous en manque d’autres à notre tableau de chasse, il fallait bien qu’on essaye un V12 Lambo ! Il s’avère qu’en plus j’ai un amour tout particulier pour les moutons à 5 pattes. Forcément, la Lamborghini Espada était sur la liste des autos à faire. Je ne me suis pas fait prier… et j’y retournerais bien. En route !

Tout comme l’Aston Martin V8 Volante dont l’essai est ici, elle sera proposée lors de la vente Osenat du 18 Juillet.

L’histoire de la Lamborghini Espada

Nous sommes dans la deuxième moitié des années 60. Ferruccio Lamborghini, le constructeur de tracteur, a réussi son pied de nez à son ex fournisseur de plaisir mécaniques basé à Maranello. D’abord avec les 350 et 400 GT et il a enfoncé le clou avec la fabuleuse Miura. Mais il faut maintenant étendre la gamme et aller chercher de nouveaux clients.

C’est ainsi qu’on renouvelle les GT avec l’Islero et qu’on sort, en parallèle, la Lamborghini Espada. La voiture est un concept… basé sur d’autres concept. Le constructeur de Sant’Agata Bolognese fait appel au même designer que pour ces précédentes créations : Bertone. Pour ce coupé 4 places on va repartir des concept Marzal et Pirana (ce dernier, basé sur une Type E) et sortir la 4 places la plus rapide du monde !

La Lamborghini Espada sort en 1968 et va connaître trois séries distinctes jusqu’en 1978 avec une puissance qui augmentera petit à petit et des retouches esthétiques plus ou moins visibles. Quand elle quitte la production, c’est la Lamborghini la plus produite avec 1227 exemplaires.

Notre Lamborghini Espada du jour

Si vous avez déjà vu une Lamborghini Espada, vous devez vous en souvenir. L’italienne dégage une impression visuelle assez unique avec des lignes et des proportions très originales. Tant qu’on est dans l’inédit, est-ce que vous avez déjà vu une Lamborghini Espada peinte avec cette couleur Bronze ?

Lamborghini Espada par Mark pour News dAnciennes 14- Lamborghini Espada

Dès l’avant on retrouve une auto très éfilée, très basse. Si l’auto est réellement basse, c’est encore accentué par les proportions de la voiture. Le capot est très long et percé par deux prises d’air NACA. Tout à l’avant, on retrouve une bouche béante. La calandre est simple, une grille aux ouvertures carrées spécifiques aux S3, avec deux paires de phares qui l’encadrent.

Le pare-chocs n’en est presque pas un, c’est une ligne chromé qui souligne le tout mais on doutera facilement de la protection qu’il apporte à la Lamborghini Espada. En dessous, ça repart en pointe, avec une légère fente permet de faire entrer de l’air frais sous le grand capot, avec les clignotants à chaque bout. On voit même légèrement le moteur en dessous, aucun spoiler n’étant inséré dans cette face avant.

C’est le profil qui est, de mon point de vue, le plus original. On peut y voir cet avant long et bas, avec un gros porte-à faux. Pour une sportive qui loge quand même un V12 à l’avant, il faut bien ça puisque l’habitacle arrive vite. Les surface vitrées sont grandes. Si le reste de la ligne sera toujours futuriste, ce simple constat nous replonge de suite dans les années 60/70.

C’est ce profil qui donne aussi des indices quant à la destination de la Lamborghini Espada. Aller vite, ça c’est pour le fait qu’elle soit basse et prête à fendre l’air. Mais surtout elle est prévue pour 4 personnes. La porte est donc longue, la vitre de custode est de taille conséquente et le pavillon ne redescend vraiment qu’une fois l’axe de la roue arrière passé ! C’est un coupé… mais ça ressemblerait à un break si l’arrière n’était pas si fuselé.

On remarque sur ce profil plusieurs détails : des ouïes d’aération, une ligne noire qui court sur tout le flanc de la voiture et un logo Bertone bien visible sur l’aile avant. À l’arrière on retrouve le monogramme de l’Espada, superbement stylisé et rappelant qu’Espada signifie en espagnol, et pas en italien, Épée.

Le profil de la Lamborghini Espada impose cet arrière original. La lunette arrière est grande, large, ouvrable, mais elle est tellement inclinée qu’il a fallu trouver une parade pour la visibilité arrière (quand le coffre n’est pas chargé) avec une seconde vitre arrière verticale, sous la lunette.

En dessous, entourés de chrome et clairement « à l’américaine », on retrouve les larges feux et la plaque. Et puis la carrosserie s’efface sous la voiture, ne laissant que deux feux supplémentaires et, surtout, deux choses qui donnent envie d’aller plus loin : les deux doubles sorties d’échappement.

Sous le capot : enfin lui !

Il ne justifie pas cet essai à lui seul… mais pas loin. Et encore, pour le moment on ne va que l’observer. Et pour ça, il faut se pencher, examiner, fouiner. Le V12 de 4 litres de la Lamborghini Espada est logé au chausse-pied sous le capot de l’auto. La difficulté de « mettre les mains dedans » n’est pas l’apanage des autos modernes, notre italienne est un cas d’école !

Avec 3929 cm³, c’est un beau bébé. En fait, il n’est pas très différent de celui de la 400 GT 2+2, lui même étant une évolution du V12 de la 350. Conçu par Bizzarrini, il mêle fonte (pour les chemises notamment) et aluminium (carters, pistons). Double arbre à cames en tête, ce moteur supercarré permet de sortir 350 ch et 393 Nm. Est-ce assez ? Bonne question, on le vérifiera sur la route.

Dernier point, et heureusement pour nous, cette Lamborghini Espada n’est pas l’une des 55 autos à boîte auto Chrysler. Elle fait bien appel à la boîte 5 vitesses maison.

Pour le reste de la technique, sachez que la Lamborghini Espada utilisait un châssis semi-monocoque. Afin d’éviter que le gabarit, plutôt costaud, de la belle ne se sente trop, plusieurs pièces en alu permettent de limiter les dégâts. Les freins sont évidemment à disque (ventilés à partir de la S2) avec trois pistons, sur les quatre roues, toutes indépendantes.

À l’intérieur : de l’Espace

On ouvre la longue porte pour découvrir un habitacle très original. Celui des S1 et S2 était plus classique, celui de la Lamborghini Espada S3 est entièrement tourné vers le conducteur. Petite entorse à l’origine, le revêtement alu a laissé place à du (faux) bois, mais c’est bien réalisé et ajoute une touche de luxe.

Lamborghini Espada par Mark pour News dAnciennes 21- Lamborghini Espada

L’instrumentation est très complète. On retrouve les deux compteurs les plus importants derrière le volant, fin simple et orné du taureau : le compteur de vitesse généreusement gradué jusqu’à 280 tandis que le compte-tours grimpe jusque 9000 tours ! Les autres manomètres sont placés de part et d’autres. Notons d’ailleurs que ceux de gauche sont au dessus… de l’autoradio ! À droite, les boutons sont larges et on retrouve une grille de voyants prête à clignoter en cas de souci. Devant le levier de vitesse, implanté haut, on retrouve les commandes de la ventilation.

Tout autour, on retrouve une finition assez simple et un cuir beige bien patiné. Mais les sièges qui m’intéressent le plus sont en fait à l’arrière. Bien séparés par le tunnel de transmission, larges et profonds, on y accède relativement facilement. Un accoudoir est même prévu de chaque côté à l’extérieur et des appui-tête sont au programme. Si on ne peut pas parler de grand espace, on voit quand même bien l’extérieur à travers la vitre qui peut s’entrebâiller. Et puis on a de la place aux jambes à défaut d’en avoir sous le pavillon. La Lamborghini Espada est bien une 4 places. Preuve que ces sièges devaient servir : ils ont même leur allume-cigare et leur cendrier !

Au volant de la Lamborghini Espada

La Lamborghini Espada est belle et étonnante, mais j’ai assez tourné autour. Maintenant, il faut que je la conduise quand même. Je me laisse glisser dans l’habitacle. C’est bien plus aisé que dans bien des autos à la fiche technique moins sympathique et on voit l’avantage qu’a une auto dont « espace à bord » est une ligne du cahier des charges ! La position de conduite se règle bien. Dommage pour ceux qui n’aiment pas les accoudoirs, avec le tunnel haut, ce n’est pas une option, c’est plus que de série.

Je tourne la clé. Le démarreur a fort à faire pour lancer les douze gamelles dans leur bloc tandis que les six Weber crachent leur mélange. Le moteur démarre. Ça y est, j’ai démarré un V12 Lamborghini. Et je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin. Je claque la porte et baisse les vitres, électriques, pour profiter du beau temps… bon c’est surtout pour entendre le moteur, chut.

Je passe la première avec le levier minuscule de la Lamborghini Espada. Le débattement est court, le verrouillage suffisant pour le sentir sans se tromper. Je lève le pied gauche et enfonce à peine le pied droit. Le V12 n’a pas la force d’un V8 américain mais son couple fait que l’italienne s’élance sur un filet de gaz.

Ce filet de gaz est suffisant dans les premiers tours de roue. Ils s’effectuent en ville et même si on est loin des ruelles, la chaussée a l’air de se rétrécir au passage de la Lamborghini Espada. Les voitures garées à droite ont l’air bien proches, mais les autos qu’on croise le sont aussi. Les 1m86 de large de l’engin sont une chose à appréhender, surtout que le capot est aussi bas que la position de conduite et que le corolaire c’est qu’on ne sait pas trop où il est. Heureusement, aucun flou dans la direction.

Lamborghini Espada par News dAnciennes Inter- Lamborghini Espada

Voilà que la chaussée s’élargit et qu’arrive un premier rond-point. Là, il faut se mettre dans le bain de la circulation moderne qui se caractérise de plus en plus par une conduite nerveuse et où le respect de l’autre conducteur, fusse-t-il au volant d’une Lamborghini Espada, est oublié. Du coup, il faut s’insérer avec la force du pied droit. Et le V12 4 litres répond présent. La première tire assez long pour ne pas avoir à s’occuper du changement de vitesse avant d’être déjà bien lancé sur le rond-point. La petite envolée lyrique donne envie de recommencer mais la mécanique n’est pas à température… et moi non plus.

De longues lignes droites et de belles courbes me permettent d’apprécier une auto qui sait voyager. Les rapports s’égrènent alors que l’aiguille du compte-tours ne s’affole pas plus que ça. La Lamborghini Espada évolue sur un filet de gaz, sur le couple, et atteint vite un rythme de croisière légal. Trois occupants à bord peuvent discuter sans s’égosiller et celui placé à l’arrière peut même avoir un autre sujet que son ostéopathe alors que le passager mesure son mètre quatre-vingt.

Les virages sont des formalités. Quand ils se resserrent, j’effleure à peine la pédale du milieu et relance sans changer de rapport. Facile. Très facile. Surtout que le gabarit finit par rentrer. Bref, l’italienne est une vraie invitation au voyage, serein, confortable.

Maintenant, il est temps de réveiller un peu la mécanique. Si elle se plie à une conduite coulée, est-ce que les chiffres qu’elle aligne avec tant de fierté peuvent réellement s’exprimer. Un feu rouge va permettre de jauger tout ça. L’aiguille de température d’eau affiche une valeur honorable, personne devant, je peux enfoncer la pédale de droite sans sourciller. La Lamborghini Espada bondit. Le premier rapport est vite oublié et je continue sur le second. La vitesse augmente dans une poussée qui fait apprécier le moelleux des sièges et ne cesse pas, la deuxième partie du compte-tour est escaladée avec autorité. Le couple maxi est atteint à 5500 tours mais le moteur semble encore plein et continue d’envoyer !

Alors que je passe la troisième en étant déjà « large » niveau tachymètre, je peux vous livrer mes impressions sur un point important : la sonorité. Si vous aimez la pureté d’un V12 de Maranello, sachez que la sonorité de notre V12 de Sant’Agata peut ressembler… mais de loin. Comme si on l’avait croisé avec un V8 américain façon rock n’roll. C’est plus rauque, plus rocailleux. Mais rassurez-vous, ça prend aux tripes et on a juste envie de jouer avec la boîte, toujours délicieuse, pour avoir le plaisir d’entendre ces vocalises.

Ces vocalises s’accompagnent toujours d’une mise en vitesse expresse. L’avantage avec la Lamborghini Espada c’est qu’on ne se demande pas si on peut relancer sur tel ou tel rapport. On peut. Le couple est largement suffisant pour avaler n’importe quelle citadine qui croirait bon de vous boucher la trajectoire avec un 70 des familles. Vous aussi vous pouvez transporter la famille. Mais à 70 vous allez la décevoir !

Les vitesses autoroutières ne sont pas problématiques tant la stabilité est bonne. Les virages sont avalés sans ralentir, à peine doit-on lever le pied en cas de doute. Et puis si on se fait surprendre, les disques ventilés de la Lamborghini Espada S3 rassurent.

Quand les virages se serrent, il faut quand même calmer le jeu. L’italienne n’a rien d’une berlinette, son capot n’est pas haut, mais ce qui se cache en dessous est bien lourd. La trajectoire s’élargit vite et il faut corriger. La Lambo n’est pas une ballerine mais limite la casse en étant rassurante et pas joueuse pour un sou. En même temps, ce n’est pas pour ça qu’elle a été conçue.

On se contentera des longues accélérations sur des routes bien dégagées. Là où la Lamborghini saura être à l’aise. Et même si j’aurais bien traversé la France à son volant, l’aiguille du réservoir indique la récré est terminée. Il est temps de rentrer.

Conclusion :

Le 18 Juillet, je serais jaloux. Celui qui remportera l’enchère tiendra là une magnifique auto. Une italienne qui dégage quelque chose, qu’on la regarde, qu’on la conduise, ou qu’on en soit simple passager. Qu’il n’hésite pas à la conduire comme bon lui semble, piano s’il veut juste se balader, forte s’il veut décrasser ses carbus et profiter d’une bande son que la bande FM ne pourra lui apporter. Surtout, avec son espace intérieur, il pourra partager avec ses amis et sa famille. Et il fera encore plus de jaloux.

Les plusLes moins
La ligneLe coût de l’entretien
Le moteurLa consommation
L’espace intérieurLa fiabilité électrique
Les performancesLe sport s’arrête aux virages
La bande son
(J’ai envie de dire tout)
CritèreNote
Budget Achat10/20
Entretien8/20
Fiabilité13/20
Qualité de fabrication15/20
Confort16/20
Polyvalence19/20
Image14/20
Plaisir de conduite18/20
Facilité de conduite18/20
Ergonomie15/20
Total14,6/20

Conduire une Lamborghini Espada

Les Lamborghini Espada n’ont pas l’aura des autres Lambo, c’est un fait. Son image n’est pas celle d’une supercar… comme bien des Lamborghini de ces années là. Car il n’y a pas eu que les Miura et Countach pour construire l’histoire du constructeur !

Niveau prix, une Espada S1 sera la plus chère et peut aller chercher au dessus des 150.000 €. La S2 est plus proche des 100.000 tandis que les S3, les plus abouties, dépassent les 110.000 € aisément.

Celle qu’on a essayé est estimée par Osenat entre 70 et 80.000 € ! Une belle affaire puisque on peut vous confirmer qu’elle fonctionne parfaitement. Le fait que son moteur ait été changé joue peut-être… mais justement, celui d’origine est aussi fourni ! Vous trouverez plus d’infos à son sujet par ici.

Il faudra faire attention au fonctionnement de la Lamborghini Espada. Si elle n’a pas été entièrement restaurée, la première grosse intervention risque d’être le début d’une série qui ne vous plaira pas. L’accessibilité est pénalisante et puis le réglage de 6 carbus n’est pas donné à tout le monde. La corrosion est évidemment un potentiel souci sans qu’il ne soit si courant.
Enfin, n’oubliez pas que le coût d’usage d’une telle machine est conséquent, et la consommation ne sera que la partie visible de l’iceberg.

Merci à Agustin, Eliot et Stéphane de la maison Osenat pour avoir permis cet essai.

Fiche techniqueLamborghini Espada
AnnéesSérie 1 : 03/68 à 11/69
Série 2 : 12/69 à 11/72
Série 3 : 12/72 à fin 1978
Mécanique
Architecture12 cylindres en V
Cylindrée3929 cm³
Alimentation6 Carburateurs double-corps
Soupapes24
Puissance Max350 ch à 7500 trs/min
Couple Max393 Nm à 5500 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Poisition MoteurLongitudinale Avant
FreinageDisques Ventilés AV et AR
VoiesAV 1490 mm / AR 1490 mm
Empattement2650 mm
Dimensions L x l x h4738 x 1860 x 1185 mm
Poids (relevé)1775 kg
Performances
Vmax Mesurée245 km/h
0 à 100 km/h7,9s
400m d.a15,2s
1000m d.a27,8s
Poids/Puissance5,07 kg/ch
Conso Mixte± 18 litres / 100km
Conso Sportive± 30 litres / 100 km
Prix± 110.000 €

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Gougnard

    superbe espada bravo et merci

    Répondre · · 27 juin 2022 à 19 h 16 min

  2. HADET

    Très beau reportage sur ce modèle encore méconnu, merci !

    Répondre · · 28 juin 2022 à 0 h 02 min

  3. Alain Berbonde

    Très beau reportage, très belles photos

    Répondre · · 4 juillet 2022 à 22 h 49 min

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