Brève hivernale : 900 bornes en échange d’un lever de soleil

Publié le par Mark

Brève hivernale : 900 bornes en échange d’un lever de soleil

Cela faisait un long moment que je ne vous avais pas embêté avec une de mes errances nocturnes à bord d’une vieille Béhème grise des années 80. Faut dire que la pandémie et d’autres tracas se sont évertués à chasser mon naturel fugueur, me contraignant à une certaine forme de sédentarisation. Mais vous le savez aussi bien que moi, le naturel fini toujours par revenir, et c’est le fil conducteur de notre petite histoire du jour.

Mardi 14 mars 2023 : Prêt à craquer

Je l’avoue, ces derniers temps, la plupart de mes sorties étaient devenues plus pragmatiques. Adieu les 1000 miles, bonjour les virées moyennement longues ou ayant toujours un but. Voir des potes, visiter du patrimoine, faire des essais, partir en vacances, ou encore la classique petite promenade dominicale, etc… Alors d’un côté c’est super cool et je ne suis absolument pas à plaindre, au contraire. Mais voilà avec cette normalité relative, une part de moi, plus déraisonnée, égoïste, se sentait mourir, et ce malgré un beau craquage autour des alpes l’été dernier.

Bref, c’est à 5 heures ce matin-là que je me suis levé à l’image d’une cocotte-minute. J’avais la dalle, et ce besoin presque vital de bouffer des bornes, et de la montagne avec ma trapanelle grise ! Plus la journée avançait, plus cette phrase d’un ami raisonnait dans ma tête comme une forme d’incitation : « Mark, vous vivez l’automobile comme un de ces dinosaures passionnés par la contemplation d’un instant furtif ».

En parallèle la raison ne cessait de vouloir me ramener dans le droit chemin. L’essence est à deux balles ! Tu veux aller où ? La météo est pourrie ! T’es claqué t’as pratiquement pas dormi ! T’as pas de chaines ! Les routes sont salées ! Assez, il me faut des montagnes, un lever de soleil, et une vue !

C’était décidé, il fallait que je m’arrache de ce carcan raisonnable pour embrasser de nouveau une de ces sorties rêveuses que j’aime tant. Toute la journée j’ai erré comme un fichu zombie derrière le PC ou dans les couloirs du boulot. J’étais là sans y être, dans ma tête j’étais déjà parti, mais où, telle était la question.

Les Vosges ? Ce n’est pas super loin, mais pas le bon temps pour voir les Alpes et pas vraiment de neige. Le Jura ? Un peu comme les Vosges, c’est une distance raisonnable mais le temps s’annonce bouché, et trop de trafic le matin en direction de la Suisse. Je veux du calme. Le Semnoz dans les Alpes ? Tain ça fait 900 bornes quand même et il a neigé aujourd’hui… Cela dit, si j’arrive à grimper en haut, j’y trouverais certainement mon salut, d’autant que la météo s’annonce bonne pour demain !

Finalement, c’est le naturel qui a fini par trancher faisant voler en éclat les 5-600 kilomètres que je m’octroyais. Et puis entre nous, les Alpes en hiver avec une vieille propu biodégradable… Ce n’est pas une belle idée bien stupide ?

Mercredi 15 mars 2023 : Vous me mettrez un instant de rêve automobile s’il vous plait

Cette nuit c’est à minuit que le réveil a retenti, cette fois pas de temps à perdre dans une consommation excessive de caféine soulignée du doux son des tics tacs de l’horloge. Non, cette fois c’est avec une certaine frénésie que j’ai foncé retrouver ma fidèle E30 endormie dans le sous-sol. Pas le temps de niaiser, la batterie tout juste rebranchée, je m’évaporais dans la nuit en direction de mon dealer d’octane préféré. La taxe pour cette évasion payée, il ne me restait plus qu’à m’évanouir dans les rêves d’une nuit presque blanche rythmée par le 6 en ligne et le défilé des signalétiques.

Dijon, Dole, Lons le saunier, les villes s’enchaînent tout comme les nappes de brouillards. Tandis que je dévore les 420 premiers kilomètres de cet aller-retour inutilement fatiguant, je ne me pose qu’une seule question. Vais-je réussir à monter cette montagne et voir le spectacle pour lequel je suis en route ? Ou plutôt : à combien de kilomètres du sommet je vais me tanker ? Oui au risque de vous surprendre j’ai mis les voiles dans la précipitation, sans rien préparer, ni même savoir si j’allais pouvoir atteindre la destination.

Annecy, je n’ai pas vu le temps passer, a vrai dire je me suis contenter de dévorer les lignes blanches comme un bon film, sans même prendre la peine de marquer une pause en chemin. Les panneaux commencent à indiquer le Semnoz, et tandis que je m’engage sur les pentes du sommet haut-savoyard le dénouement s’approche. La nuit commence à se faire plus claire, le verglas, puis la neige envahissent la chaussée laissant place à la réalité de l’hiver Alpin. La monté se veut tantôt marrante, tantôt plus… chaude, mais finalement cette brave e30 ne me plante pas et le sommet est en vue.

Fiou, par moment j’ai bien cru ne pas arriver à monter mais nous y voilà a environs 1600m d’altitude. Il est à peine 6 heures du matin, vous vous en doutez, personne n’est assez débile pour aller se les geler là-haut sans réelles raisons. Au milieu de ce paysage immaculé, il n’y a guère que moi, ma monture grise, et un silence ressourçant.

Il fait froid, la fatigue se ressent, mais ce n’est pas grave car je suis là où je dois être et le soleil ne tarde pas à se lever sur les Alpes. Alors en place pour admirer le spectacle ! Et quel spectacle ! En face de moi les Aravis, le mont blanc, à droite les bauges les aiguilles d’Arve, le tout sous la lumière cristalline d’un lever de soleil hivernal mêlant à merveille les nuances oranges et violettes !

Cela peut sembler incompréhensible pour certains mais cette représentation valait bien cette escapade d’une nuit et ses 900 kilomètres. 7 heures du matin, j’ai vu ce que je voulais voir, pris les photos que je voulais prendre, et retrouvé cette part de moi que j’avais mis en suspens.

Je suis rassasié, alors il ne me reste plus qu’à rentrer à la maison l’esprit libéré comme si de rien n’était. Comme si ce Semnoz était à l’autre bout de la rue. Car finalement est ce que ce ne serait pas ça la magie de l’automobile ? Être dans les Alpes ou ailleurs le matin, admiratif devant des paysages grandioses, pour se retrouver à cuisiner chez soi 450km plus tard, l’esprit encore rêveur à midi ?

Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. christian sermon

    Chapeau Mark

    Répondre · · 22 mars 2023 à 10 h 58 min

  2. FBe69

    J’adore ! Et le lever de soleil sur la montagne hivernale, difficile de lutter !

    Répondre · · 22 mars 2023 à 15 h 23 min

  3. Lannoo

    Ca faisait un trop long moment que je n’avais pas rêvé en lisant ta prose Mark ! c’était chouette, comme à chaque fois, l’envie de prendre la route vers nos montagnes m’envahit, comme à chaque fois…. et en plus tu reparles des 1000 miles, toujours dans un coin de ma tête….

    Répondre · · 28 mars 2023 à 2 h 23 min

    1. Mark

      Alors fonce :p. En tout cas merci et ouais j’ai peu pensé au fait que tu lises lorsque j’ai écris ces quelques lignes .

      Répondre · · 30 mars 2023 à 12 h 39 min

  4. Sylvain

    T’es un grand malade … mais c’est beau à lire (et à contempler) ! 🙂

    Répondre · · 9 mai 2023 à 19 h 07 min

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