Rover SD1, carrière gâchée pour une berline originale

Publié le par Benjamin

Rover SD1, carrière gâchée pour une berline originale

Quand de nos jours toutes les autos d’un même segment se ressemblent (et beaucoup ressemblent d’ailleurs à un SUV), il fut un temps où certaines autos se démarquaient avec leur dessin. C’est une des caractéristiques de la famille des Rover SD1. Mais il ne faudrait pas réduire cette auto à sa seule ligne.

Un double remplacement

Le projet qui nous intéresse commence en 1971. Le but est alors de remplacer la Rover P6… alors que la Rover P5 est encore sur le marché !

Mais chez British Leyland on vise même encore plus loin puisque la future auto devra aussi se substituer aux Triumph 2000 et 2500. Gros programme donc.

Ce projet nommé RT1 (pour Rover Triumph Number 1) devient en fait rapidement Specialist Division 1 : SD1. La specialist division ? C’est le petit nom donné à l’entité qui regroupe à la fois Rover et Triumph.

Niveau dessin on va mettre en concurrence les équipes des deux constructeurs. C’est celui de David Bache de chez Rover qui est choisi. Clairement les lignes rondes et bi-corps sont originales et loin des P5 et P6. Le designer dévoila bien plus tard que les observateurs avaient raison : il s’est inspiré des Ferrari 365 (Daytona et GTC/4) et un peu d’une étude réalisée par Pininfarina pour BMC.

En résulte une auto avec un capot (très) long et un arrière rond, ramassé, mais pas fastback. Une ligne que la Rover SD1 alors vue comme novatrice.

Côté habitacle, on fait simple, carré, mais avec de beaux équipements et de la modernité… Ce qui veut dire qu’on oublie le bois, c’est la caractéristique la plus visible et qu’on fait appel au plastique. Le bonheur des années 70… On le pense aussi de façon à être symétrique et donc accepter facilement le montage de volants à droite ou à gauche : la grille d’aération passager sert à passer la colonne de direction et le combiné d’instrumentation est inversable.

La Rover SD1 joue la rusticité

Pour la partie technique, Rover va faire machine arrière. Si la Rover P6 avait été novatrice, adoptant notamment un pont arrière De Dion, la nouvelle auto sera plus simple. Cela traduit à la fois les attentes de la clientèle, plus favorable à des solutions éprouvées, et du réseau, puisque c’est plus facile à réparer. Le petit hic c’est que pour Rover cela entraîne de repasser aux tambours à l’arrière… un choix qu’on valide sans sourciller.

Pour le moteur on choisit LE moteur des Rover haut de gamme : le V8 3.5 ex-Buick. Mais ça ne fait pas tout. Alors on envisage de la doter également d’un 4 cylindres, mais un gros 2.2 alors à l’étude. Non seulement on refuse cette éventualité du côté de British Leyland, mais en plus on fait stopper les études ! Par contre pour les plus petites cylindrées, c’est à dire en dessous de 3.5 litres, on fera appel au 6 en ligne de Triumph.

Pour la transmission on opte dès le départ pour deux choix : la boîte manuelle à 5 rapports ou la BorgWarner 65 à trois rapports.

La production est prête, on a même agrandi l’usine de Solihull qui produit des Triumph TR7, aux frais de l’état… ce dernier est venu en 1975 renflouer son géant industriel. On envisage de produire 150.000 exemplaires… chaque année !

Celle qu’on ne verra pas : le break

En 1975 une autre version est prête : le break. Du moins on a réalisé deux prototypes. Mais la ligne n’est pas tellement réussie et ne convainc pas. Elle restera presque au placard puisqu’une des autos sera utilisée le président de British Leyland !

Rover SD1 Break Prototype- Rover SD1

Les Rover SD1 débarquent en fanfare

En Juin 1976 la nouvelle Rover 3500 est lancée sur le marché anglais. 3500 ? Oui, en vérité le nom SD1 regroupe la famille des autos qui seront toutes désignées par leur cylindrée.

L’auto est saluée par la critique en raison de ses nombreuses qualités… même si en vérité de gros problèmes persistent. Ainsi la peinture a tendance à s’écailler et donc les autos doivent revenir à l’usine pour être repeintes ! De l’argent par les fenêtres… De plus les joints de porte ne sont pas au point, on peu voir le jour au travers !

Les performances sont là : l’auto utilise ses 157 ch et son couple de 269 N.m pour arracher les 100 km/h en moins de 10 secondes et accrocher le 200 km/h ! Pas mal pour une auto qui n’est pas une ballerine avec 1450 kg sur la balance et 4.7 m de long !

Ces soucis, vite réglés, n’empêchent pas la première des Rover SD1 de remporter le titre de Voiture Européenne de l’Année 1977… alors même qu’elle n’est pas disponible partout en Europe.

Pour cela il faut attendre le salon de Genève 1977… et encore ce n’est que sa présentation. Parce que les concessions continentales n’ont au final aucune voiture à vendre en conduite à gauche à cause de retard entraînés par plusieurs conflits sociaux !

L’auto est finalement disponible quelques semaines plus tard. En Novembre 1977 la gamme des Rover SD1 est complétée avec l’arrivée des 2300 et 2600. Le 6 cylindres y développe respectivement 123 et 138 ch.

La carrière des Rover SD1 est chaotique. L’outil de production arrive mal à suivre les cadences et les 6 cylindres ne sont pas au point, on déplore de nombreuses casses d’arbre à cames. Les autos ne voient que quelques menues corrections esthétiques, dont la modifications des badges ou encore l’apparition de nouveaux écussons ou de rétroviseurs chromés.

En 1978 apparaît la 3500 S, le haut de gamme des Rover SD1, suréquipée et avec une sellerie cuir remarquée.

En 1980 on note l’arrivée d’une Rover SD1 sur le marché américain. Le pare-chocs est forcément modifié, les phares carénés sont abandonnés pour deux phares ronds. L’équipement est celui des versions S. Une belle auto sur le papier mais elle ne convaincra pas, malgré des tarifs plus bas que les concurrentes allemandes.

Gros changements en 1982

En 1982 ça déménage.. au sens propre. La production des Rover SD1 cesse à Solihull et elle est transférée à Cowley. En parallèle on a mis en place l’équipe chargée de préparer le remplacement de la famille SD1. Si ses ventes ont baissé après le choc pétrolier de 1979, on ne l’abandonne pas pour autant.

Ainsi cette année là voit débarquer la phase 2. À l’extérieur les phares sont désormais affleurants et non plus encastrés. Les pare-chocs sont revus. Surtout l’intérieur est entièrement revu, il gagne en qualité et en raffinement : il retrouve le bois !

Techniquement la phase 2 accueille une nouvelle boîte auto, d’origine GM. Surtout on dévoile deux nouvelles versions de la Rover SD1, les Rover 2000 et 2400 D Turbo. Les deux partagent une caractéristique : leurs moteurs sont produits par l’italien VM. Le bloc essence de 1994 cm³ sort une cavalerie respectable de 101 ch quand la version diesel (déjà sous le capot du Range Rover depuis 3 ans) plafonne à 91 ch.

Enfin de l’autre côté de la gamme on propose aussi du changement. La finition Vandenplas sur les 2600 et 3500 se pare de cuir, propose des rétroviseurs, un toit ouvrant et des vitres électriques, un verrouillage centralisé, une chaine stéréo à 4 haut-parleurs, des lave-phares, un ordinateur de bord, un volant réglable, ou un régulateur de vitesse. Seule la clim’ reste une option.

Mais la Rover SD1 la plus remarquée arrive alors : la 3500 Vitesse. Déjà l’auto s’est faite une place en sport auto (on en reparle plus bas) mais cette version « GTI » amène le dynamisme sur la route. Ainsi, avec l’injection électronique, le V8 sort 193 ch et 298 N.m. Le 0 à 100 descend à 7,3 secondes et la vitesse de pointe grimpe à 217 km/h.

Pour autant les Rover SD1 sont en nette perte de vitesse commercialement parlant. La remplaçante arrive en Juillet 1986… à point nommé. C’est la Rover 800, née de la coopération avec Honda et l’auto conserve tout de même quelques traits de sa devancière.

Le bilan commercial : mauvais. 303.345 exemplaires ont été produits en 10 ans, c’est 5 fois moins qu’espéré. En même temps le timing était mauvais. La longue gestation de l’auto l’a en effet fait sortir après des concurrentes sérieuses. On notera par exemple les Lancia Gamma et surtout la Citroën CX qui partageaient en plus cette originalité du dessin.

Les Rover SD1 en sport automobile

Une berline de cette taille en sport automobile ? Absolument ! L’auto était une Groupe A, et courrait donc en tourisme au début des années 80. On l’a même vue en rallyes !

En 1980 les premiers engagements en BSCC ramènent une victoire. Ensuite les autos sont revues par TWR à partir de 1981 et l’usine s’engage officiellement. Résultat : trois victoires dont un triplé. En 1982 le compteur passe à 5 victoires.

Rover SD1 Tourisme France- Rover SD1

En 1983 Steve Soper (5 victoires), Jeff Allam (2 victoires) et Pete Lovett (4 victoires), tous sur Rover Vitesse remportent l’intégralité des 11 manches du British Saloon Car Championship. Las, une réclamation entraîne leur disqualification et British Leyland annonce son retrait.

Pub Rover Vitesse- Rover SD1

L’année suivante, la Rover Vitesse est tout de même engagée par 4 équipes en BSCC. Résultat : victoire d’Andy Rouse en championnat avec 7 victoires en 11 courses !

On ajoutera 5 victoires pour Walkinshaw et Percy en Championnat d’Europe des Voitures de Tourisme 1985, cinq manches l’année suivante dans le Championnat FIA des voitures de tourisme et l’ultime consécration : le titre DTM de Kurt Thiim en 1986 !

La Rover SD1 s’est aussi montrée en France. Ainsi René Metge remporta à son volant le Championnat de France Supertourisme en 1982 avant d’être imité en 1986 par Jean-Louis Schlesser.

Du coup, on a autant de chances de croiser une Rover SD1 en course que sur les événements de voitures anciennes « classiques » où elles sont bien rares !

Photos additionnelles : Wheelsage

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. philippe

    Merci pour cet article, attention les 4 cylindres BL 2.0 « O Series » en provenance de la Morris Ital et de l’Austin Ambassador et VM 2.4 n’ont rien à voir l’un avec l’autre. De même surprenante l’assertion selon laquelle l’essieu rigide imposerait les tambours ? Les Jaguar Mk2 ou Alfa Giulia démontraient le contraire.

    Répondre · · 26 mars 2021 à 23 h 07 min

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