Matra Murena kit 142, essai d’une française qui en voulait plus

Publié le par Benjamin

Matra Murena kit 142, essai d’une française qui en voulait plus

Les coupés français ne sont pas légion, et plus on se rapproche des années 90, plus ils sont rares. Dans le lot, certains sont vraiment à part, notamment le duo venu de Romorantin avec leurs trois places de front. C’est la plus jeune des deux qui me passe entre les mains. Une auto à part, étonnante et qui servira de base à l’ultime évolution du modèle : la Matra Murena kit 142.

On passe sur l’historique de l’auto puisqu’on vous a déjà proposé un article dédié. Vous le retrouvez ici :

Notre Matra Murena Kit 142 du jour

C’est une belle auto de 1982 qui se présente devant nous. La Matra Murena a inauguré ce gris titane et c’est vrai qu’il lui va bien. Si les teintes colorées étaient encore disponibles sur la Murena, on restait loin des teintes flashys et 70s de la Bagheera. Et il faut dire que ce gris très sobre ajoute un côté haut de gamme à la Matra Murena Kit 142.

Matra Murena kit 142 par Ludovic pour News dAnciennes 6- Matra Murena

D’ailleurs, dès l’avant, on note « un truc qui va pas ». Pour vous refaire l’histoire du modèle rapidement, la Murena est née avec des moteurs 1.6 et 2.2. Mais elle était jugée sous-motorisée. D’où l’arrivée de la Matra Murena Kit 142, une évolution moteur qui finira par donner la Murena S, seul modèle de la gamme dans le dernier millésime. Et un des anciens propriétaires, jugeant que son auto n’était pas assez reconnaissable (le Kit n’avait pas de monogramme), décida d’ajouter cet autocollant des Murena S.

On le retrouve donc tout au bout de l’auto. Dans le coin. Car l’avant de la française est particulièrement saillant. Dire que c’est un pare-chocs… ça ne vaut pas pour les piétons ! En dessous on retrouve deux blocs optiques avec clignotants et longue-portée. La plaque masque un peu la discrète entrée d’air strictement rectangulaire. La lame est étonnante… parce qu’on est dans les années 80 et elle est assez haute. On ne parle pas d’un ramasse-miettes !

Le capot est très très plat, du moins à l’avant. Les phares en ressortent totalement carrés. Deux légers plis en découlent, qui viennent mourir devant le pare-brise. D’ailleurs, si ce dernier est plat, le fait que le capot remonte un peu, pour se marier avec les montants, fait qu’on lui donnerait une incurvée !

Une impression qui disparait sur le profil. le coin est bien visible sur l’avant. On remarque également que le moteur central permet d’avoir un capot qui descend vraiment près du passage de roue avant. On remarque ici quelques particularités de la Matra Murena Kit 142 avec les bas de caisses plus large et les filés rouges. C’est aussi sur le flanc qu’on annonce la couleur : le moteur est bien le 2.2 et ça se voit ! Seules les jantes renvoient, elles aussi, à la Murena S.

Là encore, le dessin est simple, les surfaces vitrées sont plutôt larges et on remarque une garde au sol généreuse, à contre-courant complet des coupés modernes (voir même des berlines) qui affrontent pourtant les ralentisseurs généralisés ! Au dessus, on voit bien une chose que n’aurait pu se permettre une S : le toit ouvrant !

La forme de la Matra est montante et du coup l’arrière présente une énorme lunette mais vraiment très à plat ! Attribut particulier de la Matra Murena Kit 142 : la présence de l’aileron qui sera ensuite repris sur la S. D’ailleurs, encore une fois, le monogramme rouge est un emprunt à la S, notre Murena étant sortie en 1982 avec un monogramme noir.

Aucune particularité dans le bloc optique, massif, résolument d’époque. En dessous le bouclier est extrêmement simple. Il est percé pour laisser l’air chaud venant du moteur s’échapper et le silencieux est particulièrement visible sous la voiture.

Au final, la Matra Murena est équilibrée dans son dessin, plutôt élégante à défaut d’être originale. Mais son originalité, justement, on va y arriver.

Techniquement en avance

Illustrer la partie technique d’un article sur la Matra Murena est bien compliqué. Ne serait-ce que pour voir le moteur, ce n’est pas facile. Celui-ci est coincé entre le coffre « avec chauffage intégré » et l’habitacle.

On y retrouve donc le moteur « Chrysler » de 2.2 litres… un bel arrondi pour 2155 cm³. C’est la plus grosse version de ce moteur né sur les Simca-Chrysler 160 et 180, d’abord en 1,6 et 1,8 litres donc, puis passé à 2 litres. Dans la corbeille au moment de l’absorption de Simca par PSA, il va équiper des Talbot, des Peugeot et donc cette Matra. Elle était disponible avec le plus gros Poissy, le 1592 cm³ des 1510 GT mais culminait à 92 ch. Le Chrysler, de base, sortait 118ch.

Et pour ceux qui trouvaient ça encore trop léger, arriva la Matra Murena Kit 142 en 1982. Monté par le concessionnaire ou un mécano plutôt doué, il passait la puissance à 142ch avec un arbre à cames, un allumeur, une boîte à air, une pipe d’admission spécifiques mais surtout avec les deux carbus Solex C40 ADDHE. Évidemment son implantation reste strictement centrale et il est accolé à une boîte 5 conçue par Citroën pour sa CX… et pour la Lancia Beta !

Banniere Garage Clement copie- Matra Murena

Sur la technique, la Matra Murena abandonnait le train arrière à barres de torsions pour des bras tirés. L’avant était dévolu à des barres de torsion et une double triangulation. Mais c’est le châssis de la Matra Murena qui était plus intéressant : c’était le premier au monde à être galvanisé à chaud. Une chance quand on connaît l’amour de la Bagheera pour la rouille. On déposait 65 microns de Zinc en fusion sur tout le châssis (y compris dans les corps creux), ce qui représentait quand même 20kg de matière et améliorait la rigidité en plus de la protection apportée.

Intérieur : Nulle Part Ailleurs

Si l’émission de télévision est lancée bien après l’arrêt de la Matra Murena, l’intérieur n’est finalement pas si innovant… puisqu’il reprend tout simplement la configuration de la Bagheera. Pourtant il faut bien dire qu’hormis les deux Matra, seule la McLaren F1 reprendra le système des trois places de front et encore, pas sur le même plan.

Matra Murena par News dAnciennes 41- Matra Murena

Évidemment le siège du milieu est un peu particulier. Il est d’ailleurs rabattable pour former un large accoudoir central. L’habillage ? C’est du velours et c’est d’époque. Heureusement on se passe du beige à boutons !

Pour le reste on retrouve une instrumentation assez banale avec des compteurs à fond noir et indications blanches, une batterie de voyants en dessous. Ah, l’élégance de la batterie de cadrans des années 60 est bien loin. La planche de bord forme une casquette et elle est assez carrée. Les commodos sont particulièrement fins, le levier de vitesse est très proche du siège (pour ne pas gêner le passager du milieu) et les commandes de ventilations sont regroupées au centre.

En dessous on retrouve l’autoradio et à droite on retrouve un vaste vide-poche ouvert, à la manière des Peugeot 204. Dernière chose à noter : la forme du volant, originale aussi, mais on parlera quand on l’aura en main.

Au volant de la Matra Murena kit 142

Allez, c’est mon tour de m’installer dans ces sièges. Ils n’ont pas que l’air accueillants, ils le sont vraiment. Quand on connaît le « confort » des sièges des sportives et bombinettes actuelles, on ne peut que louer celui de notre coupé franchouillard des années 80. Tout tombe sous la main et le volant ne tombe pas sur les jambes (prenez ça les PMA). J’avance un peu le siège, faut croire que je suis le seul à aimer pouvoir bien enfoncer les pédales et je lance le moteur.

La ligne Inox montre que le « Chrysler » peut donner de la voix, même au ralenti. C’est parti. Comme toute bonne conduite, ça commence par un petit village. Jean-François m’a prévenu, n’empêche, le rayon de braquage est quand même énorme. Heureusement les manœuvres sont vite passées et me voilà sur la route. Arrive vite un stop, je n’ai passé que la seconde. Bon, le système de freinage de la Matra Murena Kit 142 n’est pas pris en défaut. C’est reparti, mais pas trop vite puisqu’un ralentisseur me permet de tester l’amortissement. Il est d’époque. Là encore, la sécheresse des sportives modernes n’est pas de mise.

La sortie de village se fait en montée. C’est l’occasion de voir si les 142 canassons sont bien là… parce que le mécano qui s’occupe de la voiture en doute. S’il en manque quelques uns, ils ne sont pas nombreux. Ou alors c’est vraiment la légèreté de l’auto, même grevée de ses occupants, qui joue vraiment. La vitesse limite est atteinte rapidement, même sans trop écraser l’accélérateur… ce qui est tellement simple avec une pédale au plancher. Vitesse stabilisée, je passe la 5e et j’avoue que là, on tombe dans un autre monde.

Matra Murena par News dAnciennes 47- Matra Murena

À vitesse stabilisée et aux 80 km/h, qui n’étaient pas vraiment dans la tête de l’équipe de Philippe Guédon au moment de la conception, la Matra Murena se fait routière. Le confort est vraiment bon et on a de la place à l’intérieur. La ligne inox ne fait pas tant de bruit que ça. Le paysage file dans le large pare-brise de la française. Bref, on est bien. Le freinage est bon, les virages se passent en levant simplement le pied et ça donne très vite l’impression d’aller… vite justement.

Un nouveau village confirme mes impressions sur les suspensions, et là encore la sortie se fait en montée. Mais j’ai fait le tour des qualités routières. Maintenant, je veux voir ce que voulait dire SPORT à Romorantin au début des années 80.

C’est parti. Je tire sur la seconde et les deux carbus Solex font le travail. La vitesse augmente vite et je recommence en tirant sur la troisième. Je n’ai plus tellement le temps de regarder le compteur mais ça va vite. La Matra Murena Kit 142 propose un moteur vivant. Bon, ce n’est pas un foudre de guerre mais il convient bien à la définition de l’auto. Voilà qu’arrive une série de virages. C’est là qu’on va voir si l’implantation centrale du moulin est un avantage.

Pas besoin d’enfiler un col alpestre pour m’en rendre compte, quelques lacets et épingles plus tard, la réponse est OUI. La Matra Murena ne vire pas à plat, c’est courant pour les autos de ces années là, mais elle ne s’écrase pas pour autant. La direction me place exactement où je veux. La boîte est un poil lente, mais bon, elle n’a pas vraiment été conçue pour aller jouer sur le Turini. Son maniement est un poil flou (et si je ne passe pas la 5e dans ces conditions, il faut bien dire qu’aller la chercher n’est pas si évident) et le verrouillage pas toujours franc.

Mais c’est bien le châssis qui fait le travail. Vif, bien équilibré avec un centre de gravité placé au bas du dos du conducteur, il renvoie tout ce qu’il faut d’informations pour bien emmener la française à bon rythme. Les virages s’enchaînent, le moteur prend toujours des tours et n’hésite pas à forcer quand j’approche de la zone rouge. Il est vigoureux et pousse tout ce qu’il faut. En fait, c’est le placement parfait de l’auto qui lui permet de ne pas paraître dépassé par les conditions.

La Matra Murena Kit 142, c’est vraiment une bonne auto. Alors oui, sur certains virages, je passais bien plus vite avec la Dino 246 GTS… mais la cavalerie, la définition ET le blason invitent à ne pas trop comparer. La française ne montre par contre aucune tendance à la dérobade. Dommage pour ceux qui veulent des sensations mais tant mieux pour 95% des conducteurs/collectionneurs. L’équilibre est parfait et on ne se pose finalement plus la question de savoir si on peut passer fort puisqu’on sait qu’on peut.

Après plusieurs kilomètres à s’amuser, ni les freins, ni le moteur, ni même le conducteur ne montrent un quelconque signe de fatigue. La française roule et elle aime ça. Quel que soit le rythme, elle sait se montrer agréable et plutôt sportive. Mais bon, à un moment, il faut bien rendre le volant !

Conclusion :

Quel dommage que Peugeot n’y ait pas cru. Du moins que les concessionnaires n’aient pas plus poussé cette auto pétrie de qualités et qu’ils en aient freiné, pas toujours sciemment, la diffusion. Si la Matra Murena Kit 142 donnera finalement la Murena S, ce ne sera que la fin d’une aventure mal menée.

Alors, oui, la Matra Murena Kit 142 est déjà la plus aboutie de la gamme. Mais ce châssis bien pensé et bien né aurait pu, aurait du, viser encore plus haut niveau moteur. Le Chrysler avec culasse ROC et ses 16 soupapes, voire en version Turbo, auraient clairement fait de cet original et dynamique coupé une vraie sportive, celle qui aurait pu viser les PMA. Celle qui aurait peut-être pu mieux s’en sortir face aux GTI alors en pleine expansion. En attendant on se contente de cette auto agréable et on peut profiter de son originalité… sans se ruiner !

Les plusLes moins
Son équilibreSa rareté
Son originalitéPourrait être plus puissante
Son tarif
Son confort
image 12- Matra Murena

Conduire une Matra Murena Kit 142

Rouler en Murena, ce n’est pas si facile. 10.680 exemplaires, c’est finalement assez peu. Les versions 1.6 sont les moins chères avec de beaux modèles à dénicher dès 10.000 €. Les versions 2.2 offrent quand même un regain de puissance qui fait du bien. La 2.2 « de base » se trouve un peu plus cher et il faut rajouter encore un peu pour trouver une belle Murena S : entre 12 et 18.000 €. La version « Kit 142 » est la plus rare. Elle n’offre rien de plus qu’une S, sinon un bout d’histoire. Les prix sont sensiblement les mêmes.

Pour ce qui est des choses à surveiller, la bonne nouvelle, c’est le châssis galvanisé. Aucune grosse corrosion ne sera à trouver de ce côté là… à moins que les corps creux n’aient été maltraités ou réparés sans soin. Certaines autres tôles (tablier par exemple) et les bras de suspension arrière peuvent cependant être touchés, il faut vraiment les surveiller surtout qu’on en trouve pas en neuf ! D’ailleurs cette dispo des pièces sera un problème en cas de souci pour la carrosserie ou pour l’intérieur… mais il existe un spécialiste des Simca/Talbot/Matra qui saura vous combler.

Par contre, niveau mécanique, l’avantage non négligeable c’est qu’on parle de pièces Simca/Talbot/PSA donc trouvables. Le seul souci, ce sera l’accessibilité du moteur… un pont ou une fosse seront de bons alliés. Heureusement, la fiabilité joue pour vous !

Un grand merci à Jean-François pour cet essai rapide mais complet.

Fiche techniqueMatra Murena Kit 142
Années1982 : 74 exemplaires
1984 : devient Murena S, 480 ex
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée2155 cm³
Alimentation2 Carbus double corps
Soupapes8
Puissance Max142 ch à 6000 trs/min
Couple Max187 Nm à 3800 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Poisition MoteurTransversale centrale
FreinageDisques AV et AR
VoiesAV 1410 mm / AR 1502 mm
Empattement2435 mm
Dimensions L x l x h4070 x 1752 x 1220 mm
Poids (relevé)1125 kg
Performances
Vmax Mesurée207 km/h
0 à 100 km/h8,6s
400m d.a15,6s
1000m d.a29,2s
Poids/Puissance7,92 kg/ch
Conso Mixte± 10 litres / 100km
Conso Sportive± 18 litres / 100 km
Prix± 17.500 €

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Guillout

    Super reportage. Je me souviens avoir essayé une S, avec ce volant ovale, en 1986. Le vendeur de la concession n’était pas motivé pour la vendre, alors je me suis rabattu sur une 1300 junior
    PS : pourriez vous faire une relecture, parce que les fôtes d’aurtograff, ça pique un peu

    Répondre · · 17 octobre 2022 à 19 h 54 min

  2. BENOIT RABEL

    De nouveau un très bon article bien écrit et très intéressanr
    Merci

    Répondre · · 18 octobre 2022 à 22 h 01 min

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