Les Groupe B, c’était aussi aux 24h du Mans !

Publié le par Benjamin

Les Groupe B, c’était aussi aux 24h du Mans !

Le Groupe B. Quand on l’évoque, on a des images de voitures filant dans des nuages de poussière, fendant la foule au Portugal ou décollant sur les tremplins finlandais. Mais le Groupe B, ce n’est pas une classe d’autos de rallye. Non, le Groupe B c’était une nouvelle classe de la FIA pour créer des classements spécifiques dans les épreuves. Et il n’y a pas qu’en rallye qu’on a pu les voir, les 24h du Mans ont aussi eu leur dose !

Le Groupe B qu’est ce que c’est ?

Revenons en 1978. C’est le 1er Janvier de cette année qu’on révèle aux constructeurs les nouvelles classes qui définiront le sport automobile… 5 ans plus tard, à partir du 1er Janvier 1983.

C’est une grosse simplification des règles qui est mise en œuvre dans cette nouvelle catégorisation qui reprendra trois grands groupes au lieu des 9 précédents.

Le Groupe N débarquera pour remplacer les Groupe 1, des voitures de tourisme, ou sportives, très proches de la série et produites à plus de 2500 exemplaires au lieu des 5000 alors demandées.

Le Groupe A remplacera les Groupe 2 avec des voitures qui s’écartent un peu plus de la série mais toujours avec une base d’homologation située à 2500 exemplaires.

Le fameux Groupe B est annoncé. Lui, remplacera les Groupe 4 et Groupe 5. On modifie les deux catégories puisqu’on doit désormais produire 200 exemplaires d’homologation au lieu des 500 du Groupe 4 (aucune n’était nécessaire au Groupe 5) tandis qu’on pourra fabriquer 20 autos dites « Evolution » qui vont plus loin encore dans la préparation.

Enfin, on retrouve le Groupe C qui remplace à la fois le Groupe 5 pour les courses sur circuit mais aussi le Groupe 6 et ses prototypes. Par contre, on impose cette fois des voitures fermées.

Cette nouvelle réglementation est donc en vigueur à parti de 1983. Dès 1982 pourtant, certains constructeurs les ont appliqué dans quelques championnats. Ainsi le championnat du monde des rallyes combinait les Groupe 4 et les Groupe B tandis qu’en Endurance, on retrouvait des Groupe 4, 5 et 6 en présence des toutes nouvelles Groupe C et, théoriquement, des Groupe B. Oui, vous avez bien lu !

Les Groupe B en Endurance

Si l’année 1982 les autorise à courir en endurance, il faut finalement attendre 1983 pour voir les Groupe B s’attaquer vraiment aux grandes courses. Pour autant, n’imaginez pas voir sur la piste des Audi Sport Quattro ou des Peugeot 205 T16. Le Groupe B n’est pas un « type » d’auto mais une classe de réglementation. Donc toute auto qui se conforme au règlement est une Groupe B. C’est comme ça qu’on va les voir arriver aux 24h du Mans à partir de 1983.

Les Groupe B aux 24h du Mans 1983

Finies les IMSA GTX, les Gr 4, 5 et 6. Le Championnat du Monde des Voitures de Sport 1983 n’accepte que les deux catégories du Groupe C (C et C junior) mais aussi les Groupe B. Ce sont les Groupe C qui se taillent la part du lion dans la liste des engagés… mais on retrouve pourtant 8 voitures engagées en Groupe B ! Ces autos sont en fait les seules « GT » au départ.

Les Porsche sont les plus nombreuses. En effet, les 930 Turbo avec leur moteur 3,3 litres sont modifiables pour répondre aux normes du Groupe B. Et comme la 930 Turbo 3,3 litres a été produite à plus de 200 exemplaires, cela ne pose aucun problème. On trouvera au départ X voitures :

  • la 91 de Yvon, Lemerle et Krankenberg
  • la 92 de Memminger, Wiess et Müller
  • la 93 de Cooper, Smith et Ovey
  • la 94 de Haldi, Steckkönig et Schiller
  • la 95 des frères Alméras et Guillot
  • la 96 de Touroul, Lateste et Bienvault

On ajoute d’ailleurs une autre Porsche. C’est la voiture de Raymond Boutinaud mais ce n’est pas une « 911 », c’est une PMA : une Porsche 928 S construite par ses soins et engagée pour lui-même avec Gonin et Le Page et elle porte le n°97.

Porsche 928 S Boutinaud 24h du Mans 1983 Luc Joly-

Que des Porsche ? Presque. Une autre marque, allemande elle aussi, est pourtant engagée. Le Brun Motorsport engage en effet une BMW M1 pour Leopold de Bavière, Pallavicini et Winther avec le n°90.

Groupe B aux 24h du Mans 1983 Dominique Force-

Forcément, ces Groupe B ne sont pas parties pour remporter la course. Les qualifications donnent un aperçu. La pôle est signée par Jacky Ickx sur une Porsche 956 du Groupe C en 3:16.56 tandis que le meilleur temps des Groupe B revient à la BMW M1 en 4:10.370 ce qui les classe 45e sur la grille de départ, à plus de 2 secondes de la moins rapide des Groupe C Junior (hormis la Harrier RX83C Mazda qui s’est ratée).

Pourtant, en course, la fiabilité paye. Finalement c’est la Porsche 930 #93 du Charles Ivey Racing qui remporte le Groupe B aux 24h du Mans 1983. Elle se classe à une belle 11e place en 303 tours… avec un tour d’avance sur la Mazda 717C qui remporte le Groupe C Junior et 67 tours de retard sur les vainqueurs. La 930 de Memminger est 13e (299 tours), celle des Alméras est 15e (279 tours) et celle de Lateste est 20e et dernière classée (264 tours).

Avec 234 tours couverts, la Porsche 928 S de Boutinaud est à l’arrivée mais elle n’est pas classée. Toutes les autres Groupe B ont abandonné, la 91 étant même la première de la course après seulement 7 tours.

Pour le championnat, on note d’ailleurs que c’est BMW qui s’adjuge le plus de victoires mais que c’est Porsche qui est titré. Il faut dire qu’en dehors des 24h du Mans, la marque de Stuttgart compte aussi sur les Porsche 924 GTS pour marquer des points. Ford est également présent, via des voitures de tourisme aux 1000km du Nürburgring qui lui permettent de monter sur la troisième marche du podium !

Les Groupe B aux 24h du Mans 1984

On prend les mêmes et on recommence ? Ça y ressemble en tout cas ! En tout cas le contingent a fortement réduit de taille. En fait, 1984 marque l’entrée en vigueur de l’autorisation des voitures venues des USA, les IMSA, de courir en Championnat du Monde des Voitures de Sport et donc, aux 24h du Mans. 8 Groupe B ont voulu s’inscrire mais 5 seront au départ. Elles seront complétées par 4 autres GT, une IMSA GTX et trois IMSA GTO.

En Groupe B on retrouvera donc :

  • la BMW M1 #101 de Winther, Mercer et Jensen
  • la Porsche 930 #106 de Haldi, Heger et Krucker
  • la Porsche 928S #107 de Boutinaud, Renault et Guinand
  • la BMW M1 #109 de Dagoreau, Yvon et de Thoisy
  • la Porsche 930 #114 de Lateste, Bienvault et Segolen

Le meilleur temps revient à la BMW M1 #101, celle du Team Castrol, qui signe un chrono de 4:09.930 qui représente une amélioration… mais on est loin de la 512BB IMSA GTX qui a tourné en 4:00.200 et de la Porsche 930 des frères Alméras, cette fois engagée en IMSA GTO qui a tourné en 4:02.750.

Almeras aux 24h du Mans 1984 les 24 Heures-

Comme l’année précédente, la fiabilité et le rythme en course vont primer. Ainsi, au volant de la M1 Castrol, Jensen signe le meilleur tour en course des Groupe B avec 4:12.000, mieux que Jean-Marie Alméras, meilleur temps des GTO avec 4:13.300. La M1 du Team Castrol ne verra pourtant pas l’arrivée, renonçant après 96 tours et elle a déjà été devancée par la Porsche 930 de Lasteste au bout de 70 tours.

Trois Groupe B terminent ces 24h du Mans 1984. Si ils ne devancent pas les C2 cette année là, les français de la BMW M1 #109 terminent à une belle 14e place en 291 tours. La Porsche 930 de Claude Haldi est 16e en 284 tours, deux révolutions devant la première IMSA GTO. Boutinaud parvient, lui, à terminer avec sa 928S, dernier classé avec la 22e place, mais un podium de classe tout de même !

Au championnat, les marques Porsche et BMW sont les seules à se disputer les points. C’est BMW qui l’emporte haut la main avec 5 victoires et 100 points contre 42 points à Porsche. Un titre qui vient finalement couronner la M1 dont la carrière avait très mal commencé !

Les Groupe B aux 24h du Mans 1985

En 1985, le plateau des GT se dépeuple. Aucune IMSA GTO n’est retenue dans la liste des engagés. Au contraire, toutes les Groupe B qui font la demande sont engagées ! Par contre, cela ne représente que 4 autos.

On retrouvera d’ailleurs surtout les BMW M1 qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu les années précédentes. Claude Haldi qui avait fait rouler une 930 engage d’ailleurs sur une M1, avec le numéro 152 et l’auto est confiée à Grohs, Heger et Köning. On retrouve une auto engagée par Gall pour Dören, Burrane et Libert avec le n°151 et une autre engagée Pallavicini pour lui-même, Calderari et Vanoli avec le n°157.

Une seule Porsche est au départ. Etonnamment il ne s’agit même pas d’une 930 mais d’une SC. C’est celle de Raymond Touroul qui court avec Perrier et Dermagne.

Gros gain de performance cette année là. Harald Grohs signe la pôle des Groupe B en 3:54.280 ce qui assure la 39e place au départ pour la M1. Les autres autos sont au-delà des 4 minutes et la Porsche de Touroul ferme la marche sur la grille.

En course, la M1 de Haldi ne couvre que 32 tours avant de renoncer. La Porsche de Touroul se retire après 107 tours, la M1 de Pallavicini n’en couvre que 9 de plus avant d’abandonner.
Reste une seule Groupe B en course, la M1 de Gall qui va donc être la seule GT classée lors de ces 24h du Mans 1985 avec une 15e place et la victoire de classe.

C’est d’ailleurs la seule Groupe B à s’engager et à briller avec des victoires de classe « faciles » sur d’autres courses en championnat. De toute façon, aucun titre n’est attribué en Groupe B cette année là.

Les Groupe B aux 24h du Mans 1986

Début Mai, les Groupe B font parler au Tour de Corse. C’est le rallye où Henri Toivonen et Sergio Cresto sortent de la route avec leur Lancia et décèdent. Le Groupe B est arrivé à sa limite et une réunion extraordinaire a lieu le 3 Mai et interdira le Groupe B en compétition à partir du 1er Janvier 1987.

De fait, aux 24h du Mans, on sait déjà que c’est la dernière année des Groupe B. Deux autos remplissent une demande d’engagement et une seule est prise ! Elle bataillera d’ailleurs avec une Porsche 961.

La Porsche 961 n’est pas une Groupe B ?

La Porsche 961 est en effet une voiture qu’on aurait cru pouvoir caser dans les Groupe B qui ont couru aux 24h du Mans. Cette auto est pourtant la version de compétition de la Porsche 959, elle-même conçue par Porsche pour pouvoir courir en Groupe B. Néanmoins, elle ne va pas être engagée en Championnat du Monde des Voitures de Sport mais en championnat IMSA aux USA. Elle n’est donc pas une Groupe B !

La dernière bataille des GT

C’est donc un duel quasi inégal qui va avoir lieu en GT entre la seule Groupe B, la BMW M1 #111 du MK Motorsport engagée par et pour Michael Krankenberg, accompagné de Witmeur et Libert mais qui reste une M1, donc une Groupe B « bricolée » mais pas vraiment soutenue par l’usine et un vrai monstre de course, soutenu par Porsche et piloté par des pilotes de premier plan et expérimentés : Claude Ballot-Léna et René Metge.

En qualification, il n’y a pas photo. La Porsche 961 montre que les 4 roues motrices peuvent bien marcher au Mans. Elle se qualifie seulement à 4 centièmes de la première IMSA GTP et à la 26e place. De son côté la BMW M1 est forcément en pôle dans sa catégorie mais avec son 4:08.680 elle n’est que 50e sur la grille !

En course, la Porsche 961 va prendre une belle 7e au général, 3 tours devant la meilleure des C2 et 23 tours devant la meilleure des IMSA GTP ! La BMW M1 rate son coup. Elle abandonne après 264 tours couverts. La dernière des Groupe B à s’engager au Mans ne remporte même pas sa catégorie !

On note d’ailleurs que c’est la seule Groupe B à courir une autre manche du Championnat. C’est au Nürburgring, mais elle ne voit pas non plus l’arrivée.

Et sinon, c’étaient quoi les Groupe B d’Endurance ?

La BMW M1

Avec 453 autos construites, non sans mal, jusqu’au début de l’année 1981, la BMW M1 peut prétendre au chiffre fatidique des 200 voitures construites pour s’engager en Groupe B… alors qu’elle était prévue pour le Groupe 4. Certaines courent également en Groupe 5 jusqu’à la fin de l’année 1981. Au moment du changement de réglementation, il n’y a en fait presque pas de modifications à faire pour pouvoir passer l’auto en Groupe B d’où le fait qu’elle soit finalement une voiture « facile » à engager en Endurance.

En Groupe B, la BMW M1 a également couru en rallye. C’est Oreca qui a préparé l’auto pour BMW France qui l’a engagée jusqu’en 1983. L’auto arrachera d’ailleurs trois rallyes du Championnat d’Europe (sur 15 participations) mais abandonnera au Tour de Corse 1983, son seul engagement mondial.

La Porsche 930 Turbo Groupe B

Porsche et Groupe B, on pense à la 959, on pense du coup à la 961 même si on a tort, mais pas à la 930 Turbo.

C’est bien l’usine qui a l’idée de développer une voiture pour le Groupe B. Mais le faire à partir des voitures existantes est compliqué. Les 934 et 935 sont des monstres de puissance, y compris la première. Finalement on s’oriente vers une modification des Porsche 930 Turbo, comme pour les 934 et 935, mais dont le moteur est désormais porté, sur la route à 3,3 litres. Les autos qu’on verra en piste sont des Evolution mais ne seront pas construites par l’usine mais assemblées à partir de kits vendus aux équipes souhaitant engager des Porsche en Groupe B.

Dans la liste des modifications on trouve l’embrayage et la boîte des 935 qui peut encaisser le couple du moteur Turbo qui développe ici 364ch. Les freins restent ceux des 930, au départ, avant d’emprunter ceux des 935 à partir de 1984. On note d’ailleurs que ces autos sont relativement lourdes. Les Porsche 930 Turbo Groupe B sont dans la classe des 5 litres atmo et ne peuvent peser moins de 1235kg. Le gros réservoir de 100 litres aidera dans ce domaine et permettra aussi de bien répartir le poids.

Six autos seront transformées ainsi. Le souci, c’est qu’à partir du moment où elles pourront devenir des IMSA GTO, avec un règlement bien moins restrictif, les Porsche 930 Turbo Groupe B seront modifiées et ne courront plus dans cette classe.

Conclusion :

Il fallait essayer ! Les Groupe B se sont donc aventurées sur des terres où elles étaient sûres de ne pas se battre pour la victoire finale. Les Groupe C étaient largement au-dessus. Mais elles auraient eu tort de s’en priver puisque les écuries et pilotes ont pu goûter au podium des 24h du Mans avec des victoires de classe !

L’épopée des Groupe B ne s’est donc pas écrite que sur les spéciales du Championnat du Monde des rallyes. Mais on sait pourquoi on n’a pas forcément le souvenir de leur épopée en Endurance !

Photos : Luc Joly et Les 24 Heures

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Christian CHAZALON

    La 928 de Raymond Boutinaud est présentée dans sa livrée de 1984 jusqu’à dimanche à Avignon Motor Passion – édition 2024 sur le stand du Club Porsche 928 France Hall J

    Répondre · · 23 mars 2024 à 9 h 11 min

Laisser un commentaire

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.