Essai d’une Ford Escort RS Cosworth, redoutable d’efficacité

Publié le par Fabien

Essai d’une Ford Escort RS Cosworth, redoutable d’efficacité

Quand on est né dans les années 70, on a grandi parmi les youngtimers alors qu’elles étaient neuves. Et certaines d’entre elles ont été l’objet de rêves fous. Non, pas les GTI qui étaient des rêves somme toute accessible, mais des voitures de dingue où les canassons étaient rentrés au chausse pied ou carrément des autos de course arrivées sur la route par obligation réglementaire ! Parmi elle, la Ford Escort RS Cosworth tenait une place de choix.

Alors difficile de résister à la tentation d’essayer celle de mon voisin, Richard ! Une auto qui est proposée à la vente par Collector Cars Auction dès dimanche prochain.

Notre Ford Escort RS Cosworth du jour

Si on demande à un amateur d’automobiles la caractéristique la plus marquante de la Ford Escort RS Cosworth, immanquablement, il évoquera la fameuse « Whale tail » ou « queue de baleine » en français. Ce fameux aileron, apparu sur la Ford Sierra Cosworth et repris ici.

Mais notre Ford Escort RS Cosworth du jour ne l’a pas. Quel est donc ce sacrilège ? C’est vrai que question discrétion, il ne faisait pas dans la dentelle et que sans lui, notre Cosworth se fond beaucoup facilement dans la circulation. Avec cet aileron discret et ses feux carrés, elle possède de faux airs de BMW série 3-E36 compact.

Ford Escort RS Cosworth de la vente Collector Cars Auction

Il s’agit pourtant d’une configuration totalement d’origine. Si en France, seules des autos équipées de l’aileron ont été vendues, il n’en a pas été de même chez nos voisins, notamment italiens et suisses, Et justement, notre accompagnatrice du jour est d’origine helvète. C’est d’ailleurs la seule chose qui diffère des versions françaises.

Niveau production, les Escort sont sorties du site Karmann de Rheine, en Allemagne. Ce sont en effet les ingénieurs de cette officine qui ont développé les outils nécessaires à l’assemblage de la carrosserie de l’Escort Mk5 sur des châssis affûtés issus de la Sierra Cosworth. Donc notre Ford Escort RS Cosworth ne possède avec les modèles standards de la compacte de Ford qu’un air de ressemblance, tout ou presque lui étant spécifique.

Physiquement, la Ford Escort RS Cosworth est une Mark 5 qui aurait poussé de la fonte comme en témoignent les ailes avant largement élargies et sans transition avec les portières, situées sur un autre plan. Une solution très à la mode dans les années 90, que l’on avait vu apparaître sur la F40, on aura vu pire comme comparaison ! On retrouve aussi sur notre auto la lame avant, qui semble dévorer l’asphalte, et les deux énormes grilles d’extraction d’air situées sur le capot.

Et même si le design des ailes arrières est plus fluide, les séances de bodybuilding paraissent nécessaires pour accueillir des jantes déportées de 16 pouces à 5 branches (ou plutôt 5 colonnes) spécifique, et la monte pneumatique en 225, identique à l’avant et à l’arrière. Oui, c’est énorme, surtout si on parle d’une compacte !

Un intérieur très civilisé

Pour une reine des rallyes, on aurait pu s’attendre à un intérieur plus rustique. Mais sur notre Ford Escort RS Cosworth, tous les compteurs à fonds blancs sont bien intégrés au design du tableau de bord, dont les plastiques ont plutôt bien résisté aux affres du temps.

Les moquettes sont profondes, et les baquets designés spécifiquement par Recaro, sont en velours (l’option cuir était disponible en version luxe). Ils n’ont, eux aussi, conservé leur fraîcheur, sans accroc ni avachissement. C’est assez logique pour une auto de seulement 21.000 km !

Ford Escort Cosworth details 12- Ford Escort RS Cosworth

Un détail amusant : ces sièges semblent être interchangeables, conducteur/passager, les commandes de réglage étant identiques à gauche et à droite de l’assise. Pour s’assurer de cela, il aurait été nécessaire de démonter ce que nous ne nous sommes pas autorisé à faire !

Alors que sur les 2500 premiers modèles, destinés à l’homologation en Groupe A, il était impossible de trouver des gadgets comme les vitres éléctriques ou le toit ouvrant, on a ici tout le confort que l’on peut attendre d’une auto de cette gamme dans les années 90, jusqu’à la centralisation de fermeture de portes. Même si vous vous offrez une Ford Escort RS Cosworth pour les performances, avouez qu’un peu de confort ne fait jamais de mal !

Le seul gros point négatif que l’on peut trouver à cette Ford Escort RS Cosworth qui est quand même, bien qu’en hatchback trois portes, une compacte dite familiale, c’est le coffre. Et pas de notion de seuil de chargement ou d’ouverture exigüe, car le hayon autorise un plein accès.

Non. Le problème vient de la monte pneumatique et d’un accessoire que l’on a presque oublié dans les autos modernes : la roue de secours qui occupe une bonne partie de l’espace. Partir à quatre personnes (plutôt 2 adultes – 2 enfants), l’accès aux places arrières étant assez large et aisé, imposera de faire valise commune.

Technique : la mécanique du plaisir

Côté châssis, on retrouve celui de la Sierra Cosworth, légèrement remanié pour lui permettre d’être plus compact : c’était le point noir de cette voiture en compétition. On a donc une intégrale, qui sur les modèles de seconde série tels que notre voiture d’essai du jour, c’est à dire au delà des 2500 exemplaires initiaux, a une répartition typée propulsion (34% sur le train avant et 66% sur l’arrière), alors que l’Escort Mk5 est une traction.

Sous le capot, le 2 litres Cosworth est positionné longitudinalement, alors que là encore tout le reste de la gamme Escort Mk5 a une implantation transversale. Homologation compétition oblige, Ford a conservé ce qui a fait le succès de la Sierra.

Ce bloc de base est un L4 de 1993 cm³ à culasse 16 soupapes qui remplit bien l’espace sous le capot : mieux vaut ne pas perdre la douille pour bougies là-dedans, même s’il faudrait le faire exprès tant les espaces vides sont limités. Et ceci sans renfort de carters plastiques comme on peut en voir aujourd’hui.

Ford Escort Cosworth details 23- Ford Escort RS Cosworth

Ce moteur restera identique pour tous les modèles de 1992 à 1996. La grosse différence se fera sur la suralimentation entre les modèles Motorsport d’homologation (Cosworth YBT Turbo) et les suivants (Cosworth YBP Turbo).

Initialement, le moteur était gavé par Turbo Garrett T34 (un hybride T3/T04B). Un ensemble surdimensionné, équipé d’un intercooler air/eau. Ces éléments destinés à atteindre des puissances de l’ordre de 400 chevaux en version compétition Groupe A, ont été revus à la baisse dans notre Ford Escort RS Cosworth.

C’est donc un Turbo toujours de chez Garrett, mais en version T25. Cette réduction permet un temps de latence plus court et en théorie, un usage routier plus agréable. Nous verrons cela lors de notre prise en main.

Ceci dit, les conséquences de cette adaptation à un usage routier du turbo sont une augmentation de la puissance de la voiture qui gagne 7 chevaux, soit un total appréciable de 227 « bourrins », et une légère amélioration de la v-max, que de toute façon nous ne vérifierons pas lors de notre essai routier.

Les accélérations de 0 à 100 km/h perdent presque 1 seconde, mais avec 6,4 secondes théoriques, notre Ford Escort RS Cosworth du jour est loin d’être ridicule même comparée à des autos modernes. Et question assistance électronique, les calculateurs ne sont là que pour s’assurer que tout tourne rond et non pour aider un apprenti pilote à se prendre pour meilleur qu’il ne l’est (ça, c’est dit…).

Au volant de la Ford Escort RS Cosworth

Le grand moment arrive : prendre la route avec cette Ford Escort RS Cosworth (celle qui est ici, d’ailleurs). Richard, le propriétaire, du moins jusqu’à dimanche, me tend la clé. C’est parti pour l’essai. Comme il est venu par la route, la voiture est déjà à température, comme le mettent en avant les témoins au tableau de bord. C’est une bonne chose.

Je glisse donc mon quintal dans le baquet conducteur. Jusque là tout va bien : le siège maintient bien. Réglages simples mais intuitifs, pas de sensation de mouvements limités. Bref, les choses commencent bien. Pas besoin de retoucher au réglage du volant, il est en bonne position et le levier de vitesse tombe sous la main.

Je ferme la porte. Le contrefort de porte n’est pas excessif, mais l’espace entre mon bras gauche et la porte est loin d’être excédentaire ! Je me sens à la limite un peu décalé, mais ce n’est qu’une sensation : le pédalier et le volant sont bien alignés sur mon assise. Et à l’usage, en fait, on oublie vite cette sensation.

Contact. Le moteur s’ébroue au quart de tour, presque en silence. Pas de bruit d’échappement travaillé en ingénierie acoustique. La puissance, on la sent dans ses reins et non par ses oreilles. Finalement, sans l’aileron en queue de baleine et sans bruit façon rallye, notre Ford Escort RS Cosworth est assez discrète.

Un coup de marche arrière pour sortir de la place puis première pour prendre la route. On sent que l’on n’est pas au volant d’une citadine : la direction est certes douce, mais le rayon de braquage impose de l’espace.

On roule. Compte tenu de la hauteur de caisse, un ralentissement conséquent est requis au passage des dos d’ânes et autres casse-vitesses, mais la Ford Escort RS Cosworth filtre bien les irrégularité de la route et reste confortable. On est loin de la planche à laquelle je m’étais attendu. Cet essai commence bien, d’autant que le moteur est souple.

Il est cependant nécessaire de bien choisir son rapport, car si notre Ford Escort RS Cosworth est volontaire, le couple ne fait pas tout. Peu importe, le maniement du levier de vitesse est un vrai plaisir : ferme mais souple, précis, et un bon verrouillage de chaque rapport.

Ford Escort Cosworth 49- Ford Escort RS Cosworth

Vivement que l’on sorte des villages, où il n’est pas nécessaire de garder l’oeil sur le compteur pour savoir que l’on respecte la limitation. Le ronron du 2 litres suffit. Et question prise en main, sensations de freinage, tous les signaux sont au vert.

Fin d’agglomération, une ligne droite, troisième au sélecteur… j’enfonce la pédale de droite et instantanément, ça s’affole sur les compteurs, quatrième, ça pousse fort. Nouveau village, je tombe les rapports, freinage mordant. Les 50 sont respectés.

Pour cette Ford Escort RS Cosworth, même si les « runs » sont un exercice auquel elle se plierait volontiers, et où elle peut enrhumer une majorité de ce qui roule, le plaisir n’est pas là. Son domaine, on le sent dès que l’on en prend le volant, ce sont les petites routes, les lacets, les épingles. Ça tombe bien, Richard comme moi connaissons le coin et ça ne manque pas !

Alors quand le premier virage se profile, c’est goulument que j’y jette la Ford Escort RS Cosworth. Et les virages s’enchaînent au même rythme que le plaisir augmente. La voiture semble être « ventousée » à la route qui pourtant est loin d’être parfaitement sèche, sous le ciel encore menaçant. Impossible de prendre la motricité en défaut sur le parcours. Les aiguilles dansent dans les cadrans. Plaisir.

La Ford Escort RS Cosworth pèse quand même près d’une tonne et demi, pourtant, elle reste très agile, bondissant d’un virage à l’autre quelle que soit la ligne droite entre deux qui est avalée instantanément.

Quel que soit le rythme, on sent toujours ces vibrations dans les reins, grisantes, qui renvoient des informations précises, tout comme la direction remonte chaque centimètre carré de la route au bout des doigts, et les vitesses passent à la volée tant à la montée qu’à la descente des rapports. Ce type de sensation est rare et finalement perturbant : l’environnement est feutré, mais le potentiel est bestial.

Ces sensations mettent en avant que clairement la Ford Escort RS Cosworth n’est pas le genre de voiture que l’on mènera à sa limite tant celle-ci semble être lointaine. Clairement, aussi, elle fait comprendre que l’on peut prendre du plaisir avec elle, mais qu’elle peut être diabolique et nécessiter de vrais talents de pilotes pour la mener tambour battant.

Conclusion

Cela fait partie des essais frustrants… Cette Ford Escort RS Cosworth, on a envie de rouler avec, de l’apprivoiser, de repousser ses limites et trouver le compromis idéal avec celles du pilote. Par contre, en arriver à ce niveau, je la soupçonne de devenir un véritable gouffre à points (et sûrement aussi à sans-plomb). Mais peu importe tant la belle est envoûtante ! Une danseuse.

En comparaison avec la R5 Turbo ou la 205 T16 (notre match est par ici), elle est beaucoup plus civilisée, comme une GTI aux performances explosives, bien loin des 205 et Golf (les essais par ici et par là).

Bref, elle est à vendre et si votre banquier est d’accord, cette Ford Escort RS Cosworth constituera surement un achat avec beaucoup de plaisir en perspective. Pensez juste à bien choisir votre terrain de jeu !

Les plusLes moins
confort familialconsommation
performances « sans plafond »entretien
adéquation moteur/châssisvolume de coffre
ligne sobre de notre modèleligne trop sobre sans l’aileron ?
transmission intégrale
image 3- Ford Escort RS Cosworth
Fiche techniqueFord Escort RS Cosworth
Années1994-1996 (Cosworth YBP Turbo)
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée1994 cm³
AlimentationInjection Multipoints et Turbo
Soupapes16
Puissance Max227 ch à 5750 trs/min
Couple Max300 Nm à 2500 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
Transmission4 roues motrices
Châssis
Position MoteurLongitudinale Avant
FreinageDisques Ventilés AV et AR
VoiesAV 1465 mm / AR 1490 mm
Empattement2550 mm
Dimensions L x l x h4210 x 1740 x 1425 mm
Poids (relevé)1450 kg
Performances
Vmax Mesurée230 km/h
0 à 100 km/h6,4s
400m d.a14,4s
1000m d.a26,8s
Poids/Puissance6,39 kg/ch
Conso Mixte± 10 litres / 100km
Conso Sportive± 19 litres / 100 km
Prix± 50.000 €

Conduire une Ford Escort RS Cosworth

On parle là d’une auto iconique. Une Ford Escort RS Cosworth n’est pas qu’une simple Escort. Pour autant, elle est plus facile à trouver que beaucoup des « voitures de rallyes d’homologation » car contrairement aux Groupe B et leurs 200 exemplaires, on devait en produire 2500… mais le succès a fait qu’on en a finalement produit 7145 exemplaires ! Pour autant, ça reste une diffusion faible face à des GTI, mais on ne joue pas dans la même cour !

Côté prix, notre voiture du jour est estimée entre 35 et 45.000 €. Vous aurez tous les détails par ici. C’est notable car l’auto est finalement moins chère que la cote qu’on peut retrouver sur le marché où certaines s’affichent au dessus des 80.000 € voire 100.000 €. Pourtant notre auto du jour est peu kilométrée. Une affaire ? Probablement !

Par contre, n’oubliez pas qu’après l’achat, il faut entretenir votre Ford Escort RS Cosworth, et il faut le faire scrupuleusement vu que le moteur est quand même assez pointu. Révision tous les 5000 km et changement de courroies tous les 40.000 km sont impératifs. N’oubliez pas non plus de laisser le moteur tourner avant de l’arrêter, afin de refroidir la mécanique ! Enfin, certaines autos ont été bidouillées ou préparées plus ou moins habilement. Si vous avez un doute et que le prix est élevé… fuyez !

Un grand merci à Marion et Arnaud de Collector Cars Auction mais surtout à Richard pour cet essai.

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

Commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.