Citroën Ami, les « superdeuche » qui ont su se réinventer

Publié le par Benjamin

Citroën Ami, les « superdeuche » qui ont su se réinventer

Alors que l’électrique Citroën Ami est en précommande, c’est le moment de reparler des premières autos du genre. Fruit d’une éternelle volonté des chevrons d’étendre leur gamme, elles ont été à la fois marquées par la controverse et le succès commercial pendant 17 ans.

La Genèse de la Citroën Ami 6

La gamme Citroën et sa disparité a été au centre de nombreuses attentions entre les années 50 et les années 70. D’un côté on avait la 2CV apparue en 1948 et située dans un segment relativement délaissé et très bas de gamme, de l’autre on avait les Traction 11 et 15 avant leur remplacement par la DS en 1955. Et entre les deux les clients de la marque n’avaient rien à se mettre sous la dent. Ils se tournaient alors vers Renault, Simca et Peugeot qui proposaient des 4, 6 et 8cv.

Michelin, le propriétaire de Citroën en était bien conscient et fait travailler le bureau d’étude des chevrons.

Les premières études

Entre 1953 et 1956 c’est une dizaine de prototypes qui sont construits par l’équipe d’André Lefebvre, sous le nom de projet AM (Automobile Milieu de gamme). Le but est d’utiliser le plus d’éléments possibles de la gamme existante, provenant plutôt de la deuche, tout en ayant de bonnes performances. Cela aboutit à la création de la C10, une auto mue par le 425 cm³ de la 2CV, ne pesant que 382 kg et avec un habitacle suffisamment grand pour quatre occupants et leurs bagages. Les performances sont majoritairement dues à l’aérodynamisme de l’auto, très poussée.

Mais le projet n’est finalement que difficilement industrialisable. Et pour parachever le tableau, la forme est beaucoup trop futuriste et pourrait nuire aux ventes.

On revient alors aux tables de dessin pour étudier une nouvelle auto.

Les solutions retenues

On réfléchit alors à doter Citroën d’une auto de milieu de gamme reprenant la suspension hydropneumatique qui a marqué les esprits sur la DS. Mais cette solution est encore trop chère. Plutôt que de faire un milieu de gamme proche du haut, on va le faire proche du bas. C’est donc sur une « Super 2CV » qu’on planche.

La voiture doit faire moins de 4 mètres et reprendre le châssis et la mécanique de la deuche. Par contre elle doit être plus habitable que cette dernière. En plus l’auto doit être une trois volume, pas question de partir sur une solution utilitaire avec un hayon, chose qu’execre Paul Bercot, directeur de la marque.

C’est ainsi que Flaminio Bertoni va proposer cette lunette arrière inversée, en Z. Elle offre plusieurs avantage. Tout d’abord elle n’impose pas aux adultes assis à l’arrière de pencher la tête vers l’avant. Ensuite elle permet l’ouverture d’une véritable malle arrière. En bonus, ni la pluie ni la neige ne se déposent dessus !
Pour le reste de la ligne, on ne retient pas les études menant à une auto proche de la DS pour l’avant. On va différencier la future auto des autres modèles de la gamme Citroën. Déjà avec l’apparition de phares rectangulaires, innovation à l’époque. Ensuite en adoptant un capot concave et plongeant, malgré des ailes droites.

Malgré l’emploi de polyester pour le toît la future auto sera plus lourde qu’une 2CV. De fait la mécanique 425 cm³ va s’avérer trop juste. C’est ainsi qu’on la modifie et qu’on crée le moteur 602 cm³ qui fera une belle carrière. Avec 22ch, il doit permettre d’emmener l’auto au dessus des 100 km/h.

Pour le reste de la mécanique on ne réinvente rien. On reprend un châssis dérivé de la deuche, il est notamment plus épais mais les trains roulants sont similaires à ceux de la 2CV. C’est le gage d’une bonne suspension avec ses systèmes à tirants et ressorts horizontaux et bien sûr les quatre roues indépendantes. Seule différence, le diamètre des tambours avant est majoré pour répondre à l’embonpoint.

Enfin, l’intérieur va être l’objet de bien des attentions. Pour justifier le milieu de gamme, et en dépit de l’emprunt des nombreux éléments de deuche, il faut mettre le paquet. Exit les sièges de la 2CV, ceux de la future auto se rapprochent beaucoup plus de la DS, épais et moelleux. Le volant aussi s’inspire de celui de la grande sœur avec une seule branche. Reste le tableau de bord, avec peu d’instruments et de décoration.

Reste la question du nom. On va reprendre dans le nom de l’Automobile de MIlieu de gamme. Ensuite le 6 fait directement référence à la cylindrée du moteur (et pas la puissance fiscale qui est de 3CV). C’est d’autant plus intéressant que Ami 6 se rapproche de l’anglais Mrs, quand l’auto vise clairement le titre de deuxième auto de la famille, celle de madame !

La Citroën Ami 6

1961 : La Citroën Ami 6 débarque

La production de la nouvelle Citroën débute dans la toute nouvelle usine de la marque à Rennes et la Citroën Ami est dévoilée en Avril 1961. Un seul modèle est au catalogue et il fait parler.

Ses feux rectangulaires et sa lunette sont au centre de l’attention. Les premiers retours ne sont pas excellents. Un peu comme la Traction en son temps la nouvelle chevronnée n’est pas tellement au point. On lui reproche des tôles trop minces ou encore un problème de stagnation de l’eau dans les gouttières… qui refluent vers le pare-brise au freinage. Autre souci, les cardans homocinétiques ont tendance à casser sur les premiers modèles. Problème, les freins sont accolés à la boîte et deviennent donc inopérants.
Une fois ces problèmes solutionnés, les Citroën Ami 6 se révèlent de bonnes autos, capables de performances très correctes lorsqu’on les conduit pied au plancher, dans un confort qui est loué.

Dès le millésime 1962, lancé fin 1961 on note l’apparition de vitres arrières (à moitié) coulissantes.

Aparté : Les Citroën Ami 6 américaines
Fin 1962 Citroën lance sa nouvelle à la conquête des USA. Ces autos se différencient en adoptant deux optiques rondes à l’avant, des pare-chocs chromés additionnels et une calandre en inox. Leur moteur passe à 26 ch tandis que les amortisseurs sont hydrauliques. Enfin à l’intérieur on note que les pédales de frein et d’embrayage sont suspendues. Elle y resteront jusqu’en 1968 mais ne seront vendues qu’à quelques dizaines d’exemplaires.

Néanmoins les ventes en dessous des objectifs la première année, et elles baissent dès 1963. Pourtant on propose des évolutions et on récupère les amortisseurs hydrauliques et le moteur 26 ch des américaines. Rien n’y fait, il faut réagir !

Le salvateur break Ami 6

Deux problèmes sont vite identifiés : l’image (et les capacités) très urbaines et la ligne elle-même. Le break va en être la solution et finalement la Citroën Ami 6 se dote bien d’un hayon, l’état-major des chevrons ne peut que s’y résoudre.

Cette nouvelle carrosserie est proposée Janvier 1964 et dévoilée au grand public au salon de Paris la même année. Elle offre donc plus de place et peut faire de l’Ami 6 une voiture utilitaire et qui va chasser directement la clientèle de la 2CV et de la Renault 4 ! On note d’ailleurs des publicités moins urbaines et plus provinciales. La ligne est aussi plus consensuelle tandis que les performances sont en hausse grâce à un meilleur aérodynamisme !

Grâce à ce break, la gamme Ami trouve son équilibre. Au bout d’un an le break a supplanté la berline et représente les deux tiers des ventes !

Au printemps 1966 les Citroën Ami voient leur système électrique abandonner le 6V pour le 12V. À l’automne c’est une première refonte qui attend la chevronnée du milieu de gamme puisque la calandre adopte trois barres horizontales, le tableau de bord est nouveau et l’insonorisation progresse.

À la fin de l’année c’est la consécration. Profitant d’une division des chiffres de vente de la R4 entre les 4 et les 5cv, la Citroën Ami 6 est la voiture la plus vendue en France. Merci le break !

Cette année là, la « 3cv » est aussi la reine des raids. En janvier Citroën organise un premier coup de pub. Pour ceux qui raillent les performances de l’Ami 6, trois autos quittent l’usine de Rennes pour s’offrir un tour d’Europe de 3323 km à 92 de moyenne !

En décembre, trois autres entament le « Tour de Gaule d’Amisix ». Elles ne seront que deux à l’arrivée (un peu moins de 24h plus tard) mais les 2077 km sont bouclés à la vitesse moyenne de 90 km/h.

En Octobre 1967 c’est d’ailleurs le break qui inaugure la nouvelle finition Club. Avec des optiques avant empruntées au modèle export, des enjoliveurs spécifiques et une meilleure finition, c’est le haut de gamme de l’Ami 6.

On note d’ailleurs que le milieu de gamme est renforcé par l’apparition de la Dyane.

Au début de l’année 1968 les feux arrières abandonnent leur aspect « téton » pour se regrouper dans un feu rectangulaire. En Mai de la même année, la remplaçante de l’Ami 6 est en vue avec un nouveau moteur de 35ch avec carbu double corps que l’ancienne auto adopte volontiers, avec une nouvelle boîte en « cadeau ». Une version break service, sans porte passager est disponible au même moment en version tôlée et vitrée.
Enfin à l’automne la Citroën Ami 6 Berline Club fait son apparition au catalogue.

Elle aura une carrière particulièrement courte. En mars 1969 les deux versions club disparaissent du catalogue… et la berline aussi ! La Citroën Ami 8 est arrivée et remplace progressivement la 6. Elle restera disponible en break jusqu’au salon de Paris avant de tirer définitivement sa révérence.
1.039.384 Ami 6 auront été produites en 8 ans dont 551.880 breaks.

La Citroën Ami 8

Pas forcément au programme mais présente quand même

En 1966 Citroën a remis de l’ordre dans sa gamme. L’Ami 6 cartonne, la Dyane qui pourrait remplacer la 2CV avec son moteur 435 est sur les rails et le projet G vient d’être relancé pour vraiment offrir un milieu de gamme aux chevrons qui ne soit pas une super deuche. Mais l’Ami 6 est quand même importante et a trouvé sa place. Alors on lance des études pour la moderniser.

Côté ligne, le but est d’adoucir les traits tout en gardant un lien de parenté avec la 6. C’est Robert Opron qui est aux manettes et ses équipes vont commencer par faire sauter la fameuse lunette en Z tout en laissant de la place pour une version break. En fait la nouvelle auto se dotera toujours d’un coffre, malgré sa carrosserie à deux volumes. Plusieurs faces avant sont proposées et on choisit au final un capot moins plongeant et ne s’ouvrant pas en totalité. Les projecteurs rectangulaires sont englobés dans un habillage chromé et la calandre en trapèze est retenue. Néanmoins plusieurs éléments de la caisse sont communs à l’Ami 6.

Côté technique on se limite à des évolutions. Le moteur reste le 602 cm³ mais cette configuration M28 le dote d’un carbu double corps qui porte la puissance à 35 ch. Il est accolé à la boîte 4 repensée que l’Ami 6 a reçu en 1966. Pour l’alimenter et gagner en autonomie le réservoir s’agrandit. Autre changement notable, l’adoption d’une barre anti-roulis.
Elle recevra un nouvel intérieur, plus grand avec un volant mieux positionné.

Son nom sera la Citroën Ami 8.

Présentation au salon de Genève

C’est en Mars 1969 que la Citroën Ami 8 arrive donc sur les moquettes du salon de Genève. Seule la berline est pour le moment au programme et les commandes arrivent. Deux modèles sont proposés : la confort à 8560 francs et la club à 8984 francs qui se dote de baguettes latérales, d’entourages de porte inox, de sièges avant séparés et d’une moquette au sol.
En plus on peut doter la voiture de quelques options dont les ceintures de sécurité, l’embrayage centrifuge ou un autoradio.

Dès Juillet de la même année elle évolue en se dotant de freins à disques à l’avant, commandés par un circuit hydraulique alimenté en LHM.

Au salon de Paris en Octobre ce sont les versions breaks, vitrée et tôlés, qui débarquent. Leur hayon est plus grand que sur l’Ami 6 et le seuil de chargement est plus bas.

En fin d’année est présentée la Citroën M35, dérivée de l’Ami 8 mais qui n’a en fait plus grand chose à voir.

En Juin 1970, première évolution pour la nouvelle auto. Déjà elle se pare de chevrons sur la calandre. À l’intérieur on note une nouvelle garniture de porte, nécessitée par l’autre grande nouveauté : des vitres descendantes.

Au salon de Paris à l’automne, Citroën propose sa première vraie auto de milieu de gamme, une 6CV, le segment idéal, c’est la Citroën GS et elle se placera au dessus de toutes les petites Citroën à bicylindre.

La Citroën Ami 8 n’est plus au centre de la stratégie de la marque. Cela se ressent sur les évolutions qui sont moindres. En même temps les ventes ne sont pas au niveau de celles de l’Ami 8, la concurrence est plus féroce que jamais, ne serait-ce qu’en interne avec la Dyane 6 !

Ce n’est qu’en Janvier 1973 que les Ami 8 vont évoluer.

Mais la nouveauté c’est surtout la Citroën Ami Super. Ce n’est plus une 3CV mais une 6CV en reprenant le moteur 4 cylindres 1015 cm³ apparu sur la GS. Le châssis et le freinage sont renforcés pour l’occasion. Une deuxième barre anti-roulis est également au programme. On la reconnaît à quelques aération supplémentaires sous la calandres et un badge 1015 sur les ailes avant.
Elle est disponible elle aussi en version Confort et Club, avec les mêmes agréments que sa petite sœur, et en carrosserie break vitré et service.
Dès Septembre elle se dotera d’un autocollant courant sur le flanc de sa carrosserie et de jantes ajourées.

Néanmoins elle est peu fiable et sa consommation la rend trop éloignée de l’Ami 8. Elle est supprimée du catalogue en version club dès Mars 1975 et la version confort s’arrête un an plus tard après 44.820 autos produites…

Pendant ce temps, l’Ami 8 a vu ses ventes passer sous le seuil symbolique des 100.000 exemplaires par an. C’est faible mais Citroën la laisse au catalogue. Une légère évolution est à noter en 1974 avec l’adoption du tableau de bord marron et du volant moussé des Ami Super. Ensuite en Juillet 1976 avec le doublement du circuit de freinage.

Ultime évolution en Juillet 1977 quand la Citroën Ami 8 reçoit des ceintures de sécurité à enrouleur.

Ça sent la fin surtout que Citroën, désormais bien intégré à PSA, prépare la LN pour occuper ce segment de sa gamme. L’Ami 8 Berline est arrêtée en Juin 1978 et les breaks vitré et service ne feront de la résistance que jusqu’en Mars de l’année suivante.

755.955 Citroën Ami 8 auront été produites. Loin de l’échec, c’est quand même bien loin des scores de l’Ami 6. Le point commun reste que le break compose plus de la moitié du contingent avec 386.582 autos construites.

Conclusion

Les Citroën Ami n’étaient certainement pas la réponse idéale au problème de la gamme du côté des chevrons. Placées proches de la 2CV elles ont su tirer leur épingle du jeu en répondant aux attentes : être prêtes rapidement et réutiliser au maximum les éléments mécaniques déjà produits par les chevrons.

Au final l’Ami 6 est la plus marquante. Déjà parce qu’elle a été plus produite, mais également à cause de sa ligne si particulière. Pour preuve quand on parle d’une Citroën Ami, c’est cette fameuse lunette qui est évoquée en premier, plus que le break ou les plus conventionnelles Ami 8. Cette dernière a d’ailleurs fêté ses 50 ans en 2019 sans grande cérémonie. Il est vrai que les collectionneurs étaient focalisés sur le centenaire de la marque (voir notre article sur le rassemblement du siècle) plus que sur un modèle en particulier.

Les Citroën Ami de nos jours

Comme les deuches, les Ami ont vu leur cote s’envoler. Oui, ces populaires d’alors sont loin d’être abordables.

Côté Ami 6, les break se négocient entre 6 et 8000 € quand les berline peuvent monter vers les 10.000 €, autant qu’une deuche en fait.

Les Citroën Ami 8 sont bien plus abordables. Plus discrètes et récentes, elles s’échangent autour des 3000 €, sauf les rarissimes services qui flirtent avec les 5000 €.

Les Ami Super démarrent un peu au dessus des 4000 €, mais il faudra les trouver ! La version service encore plus rare vise les 7000 €.

Banniere PA Citroen- Citroën Ami

Photos additionnelles : Citroën Origins
Source : L’Automobile Ancienne et l’A2CF

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

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