Renault Juvaquatre, passeuse de témoin

Publié le par Benjamin

Renault Juvaquatre, passeuse de témoin

La Renault Juvaquatre est une auto qui rebat quelques préjugés. Déjà celui qui voudrait que le losange ne produisait que des autos haut de gamme avant-guerre. Et puis celui qui voudrait que la 4CV ait été seule dans la gamme de l’après-guerre. On revient donc sur l’histoire de cette auto attachante et pas si courante.

Contexte propice, innovation et peut-être une copie, la genèse de la Renault Juvaquatre

Au milieu des années 30, la gamme Renault comprend surtout des autos haut de gamme. On produit encore des autos à 6 et même 8 cylindres en ligne et le « bas de gamme » est alors la Celtaquatre qui est une 8CV ! Pourtant Louis Renault traîne la patte et ne veut pas entendre parler d’une descente en gamme. Le secteur des 6CV est alors très prisé mais cela n’attire pas le patron.

Pourtant dans les bureaux d’étude on se lance dans l’étude d’une auto du segment et on voit les choses en grand. Pas question de rester traditionnel quand la concurrence se modernise. La Traction est déjà sortie et sa version 7CV enfin fiabilisée se vend bien.

Alors on innove. D’abord côté technique avec la première carrosserie monocoque de la marque, entièrement en acier (et avec une licence payée au créateur du genre, l’américain Budd). Ensuite on la dote de suspensions à lames et amortisseurs verticaux à l’avant mais les roues sont indépendantes.
Côté moteur c’est un nouveau 4 cylindres qui est étudié. Le 488 est à soupapes latérales et cube 1003 cm³ en sortant 23ch.

Côté carrosserie, les premières études font ressembler l’auto à une Celtaquatre réduite. On envisage de partir sur une version de base coupé deux places et un coach 4 places.

Sa forme finale sera un coach, à deux portes et quatre glaces. Louis Renault serait tombé sous le charme de l’Opel Olympia en 1935 et notamment de l’intégration des phares. Ces formes sont donc reprises sur la future Renault. Pour ce qui est des portes, on note qu’elles s’ouvrent vers l’avant et donnent également accès à la deuxième rangée de siège.

Au début de l’année 1937 la Renault Juvaquatre est prête. On avait d’abord prévu de l’appeler Junior, mais Juvaquatre (Jeune en latin et le nombre de cylindres) colle bien mieux aux autres noms des autos de la marque.

La direction a donné son aval, le losange va descendre en gamme !

Des tests peu concluants

Une trentaine d’auto de pré-série sont fabriquées à la fin du printemps. Confiées à des agents Renault, elles doivent servir de tests. Et c’est un peu la douche froide.

Les pare-chocs sont jugés trop petits, le pont est bruyant, des pièces se touchent dans le compartiment moteur, le confort est médiocre et le freinage pire encore. On bûche alors pour modifier ces aspects !

La Juvaquatre avant-guerre

Salon de Paris 1937 : début de la carrière de la Renault Juvaquatre

C’est cependant cette version de présérie qui est exposée au salon de Paris 1937 marquant les grands débuts du modèle. L’accueil est bon et les commandes affluent. Les délais s’allongent vite car la voiture ne sera en fait mise en production définitive qu’en Mars 1938.

Elle bénéficie d’un coup de pub avec un record de distance sur l’Autodrome de Linas-Montlhéry (on en parle plus en détail ici). Quelques jours plus tard c’est la sobriété de l’auto qui est démontrée puisqu’un exemplaire fait un Paris-Bordeaux à 65 km/h de moyenne et ne consomme que 7,13 litres aux 100 kilomètres.

Par contre, Opel se rebiffe. On menace d’un procès pour plagiat tellement la française ressemble à l’Olympia. Il n’aura jamais lieu et puis l’Opel ressemblant le plus à la Renault… est sortie après !

En septembre 1938 on propose également une version fourgonnette, avec 250 kg de charge utile qui va peiner à convaincre… sauf les PTT qui sont en fait à l’origine de la création de l’auto !

Autre souci, on reproche à la Juvaquatre son unique carrosserie Coach quand les concurrentes Simca 8 et Peugeot 202 offrent plus de variété.
Une version découvrable va apparaître en début d’année 1939. Réalisée par une modification effectuée par SAPRAR, elle occasionne un sacré surcoût, mais un toit ouvrant, plus simple, est aussi proposé. Ensuite c’est une version Coupé qui apparaît, en Juin 1939.

En mars c’est un break vitré qui rejoint le catalogue. Mais surtout en Avril on dote la petite Renault d’une version 4 porte très attendue, et plus logique puisqu’on s’adresse quand même à une clientèle familiale.

À l’automne 1939 on remédie en partie au problème du freinage avec un système hydraulique sur tous les modèles, mais il a fallu pour cela payer une licence à Lockheed… ce qui explique que le système apparaisse si tard.
La fourgonnette attendra Janvier 1940 pour les recevoir et voir sa charge utile passer à 300 kg. On en profite aussi pour modifier la carrosserie de façon à ce que le coffre puisse s’ouvrir de l’extérieur.

Mais la guerre est aussi arrivée à l’automne. La production de la Juvaquatre chute mais n’est pas stoppée, du moins pour les version Coach, 4 portes et fourgonnettes.

La Juvaquatre après-guerre

La Renault Juvaquatre reprend du service

La Juvaquatre est le modèle d’avant-guerre le plus récent du constructeur et le plus abordable aussi. C’est donc logique que ce soit lui qui soit relancé en premier. Mais les impératif de remotorisation du pays sont aussi calqués sur ceux de la reconstruction. En novembre 1945 la production redémarre donc avec la fourgonnette et quelques coupé sont terminés en fin d’année pour être vendus à l’export. En Janvier 1946 c’est au tour de la berline 4 porte de repartir, et la Juva est la seule auto produite par le losange désormais nationalisé.

On présente la 4CV en 1947 et elle sera au catalogue aux côtés de son ancêtre durant quelques mois. Mais en Novembre 1948 la berline 4 porte s’arrête elle aussi. La fourgonnette est également arrêtée en Juillet 1949 tandis que la familiale reste la seule Juva au catalogue. Et elle va perdurer puisque la 4CV a un moteur à l’arrière et ne peut donc être transformée en break ! Elle séduit d’ailleurs la Gendarmerie qui les équipe de grandes antennes pour la radio située dans le coffre. Le seul changement notable à cette époque c’est en 1951 quand on décide de sous-traiter l’assemblage des caisses chez Chausson.

En 1953 elle évolue même. On la dote du moteur 662-3 de 747 cm³ de la 4CV tandis que la version fourgonnette fait son retour. Les chiffres de production sont plutôt bons et il faut en fait attendre 1956 pour que la Juvaquatre ne soit stoppée… du moins sous ce nom là !

La Dauphinoise

La conception de l’auto a beau avoir trente ans, elle rend de fiers services dans la gamme Renault. On la fait évoluer en la dotant du moteur 670 apparu sur la Dauphine. D’ailleurs elle est renommée Dauphinoise et existe toujours en break et en fourgonnette. On les reconnaît à leur logo rouge sur la calandre et à l’ouverture de la porte arrière qui est articulée sur la gauche.

Ces deux versions seront finalement en production jusqu’en mars 1960, et 52.000 Dauphinoises auront été construites !

Conclusion

La Juvaquatre a une importance dans l’histoire de Renault qu’on oublierait volontiers en pensant aux 4CV et autres R4 et R5. Mais est-ce que la marque aurait pu si bien repartir après guerre sans ce modèle qui la fit descendre en gamme ? Et est-ce qu’une auto plus haut de gamme aurait pu passer à ce point le témoin entre les deux gammes qui sont si éloignées ? Vu qu’elle a bien existé, il n’y a pas besoin de se poser la question !

La Renault Juvaquatre de nos jours

Si on y regarde bien, on croise forcément plus de break et de fourgonnettes que de berline ou de coach. C’est normal, avec 130.000 autos produites après-guerre, elles représentent plus d’autos que toutes les autres versions réunies !
Les versions fourgonnette font le bonheur des amateurs de véhicules publicitaires et se retrouvent sur tous les rassemblements de France avec des couleurs vives, pas toujours d’époque d’ailleurs !

Pour ce qui est de la cote, les break sont les plus abordables avec un prix autour des 3000 €. Les versions coach et berline sont au double tandis que les très rares versions coupé et découvrables sont autour des 10.000 €.

Les Dauphinoise sont moins chères, entre 2000 et 3000 € et peuvent se vanter d’avoir une bien meilleure disponibilité de pièces, leurs billancourts étant plus répandus que le 488 !

Banniere PA Renault copie- Juvaquatre

Source : l’Automobile Ancienne

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.