Fin septembre, Marc et moi avons été conviés par Corinne à suivre l’une des sorties du Bugatti Club de France. Un rallye Bugatti qui prenait pour décor le Pays de Retz en Loire Atlantique (44) et qui célébrait le centenaire de la mythique Bugatti Type 35.
Une seule d’entre elle vaudrait à elle seule le détour, pourtant c’est bien une bonne quinzaine de modèles de Molsheim qui répondait présent à ce rallye. A l’origine, c’est pourtant quasiment le double qui était inscrit. La cause de ces nombreux abandons, provient de l’entretien et les réparations nécessaires après la participation de bon nombre de ces Bugatti au Circuit des Remparts d’Angoulême le week-end précédent.
Heureusement, les vaillantes venues à ce rallye Bugatti n’ont pas pris peur devant la première étape de ce périple : le baptême. Dès le petit matin, les Bugatti se rendent aux abords du passage du Gois, une route submersible au grés des marées, reliant l’île de Noirmoutier au continent. Après une semaine à la météo agitée, c’est sous un ciel bleu que les autos bleues s’apprêtent à s’élancer pour cette traversée pittoresque.
















Contre vents et marées
C’est Régis qui vient ouvrir la voie de ce Rallye Bugatti. Arrivé en sens inverse au volant de son pick-up Chevrolet, il a effectué au préalable un repérage du terrain. J’en profite pour grimper dans la benne et prendre quelques photos de cette traversée exceptionnelle.
La magie opère : le son des moteurs rugissants nous décroche immédiatement de grands sourires. La pureté des lignes et la patine des modèles sont époustouflantes. Aveuglé par le soleil et secoué par le revêtement de la route, je tente d’immortaliser l’exploit qui ne dure que quelques brefs instants.












A la sortie de cette traversée, je retrouve les voitures ainsi que leurs occupants littéralement « repeints ». Les sautes-vent n’auront pas suffit à protéger les équipages. Les voilà parés de leurs peintures de guerre. A la fois charmés et amusés par l’expérience salée, les membres du club filent aux Petits Bassets, pour une dégustation d’huitres. L’occasion pour Marc et moi de faire le tour des modèles présents pour cette première exposition statique et paisible au cœur des marais.








Vers la plage des Dames
Après cette première escale, notre Rallye Bugatti en Pays de Retz reprend sa route vers le cœur de l’Ile de Noirmoutier. Les belles ont reçu l’autorisation de s’exposer sur la Plage des Dames. Ce nouveau décor est idéal pour apprécier ces chef-d’œuvre d’esthétisme et les partager avec le plus grand nombre. La scénographie rappelle dans une certaine mesure le dernier Concours d’Elégance de Dinard.








L’heure de la restauration
Après la plage, le rallye Bugatti retourne dans les terres de l’Ile pour restaurer les équipages. Ce changement d’atmosphère continue de nous faire apprécier le charme de ces anciennes au milieu de la verdure.
















Le meilleur d’une Bugatti : la conduite
Après toutes ces balades et pauses, il est temps de rouler. L’objectif est de rallier Pornic sans trop traîner. J’embarque aux côtés de Philippe dans sa MG TA de 1936. Ancien concessionnaire Morgan en Touraine, il est venu en MG car sa Bugatti a, elle aussi, quelques soucis mécaniques.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que sa voiture « de secours » n’est clairement par ridicule derrière les Bugatti. Le convoi roule à bon rythme et la MG de Philippe montre de franches reprises. Je ne suis pas mécontent d’avoir une poignée à laquelle m’accrocher ! Des performances stupéfiantes pour une voiture d’avant-guerre ! Malgré cette conduite dynamique, la MG offre suffisamment de confort et de place pour deux, sans imposer une proximité trop forte entre conducteur et passager.
Le paysage des marais salants est somptueux et très généreux en virages : un plaisir pour tous les équipages de ce rallye Bugatti ! La direction de la MG comporte un peu de jeu et la difficulté pour Philippe est peut être plus présente en ligne droite qu’en courbe. Quoique… Il arrive que Philippe s’aperçoive qu’il peut tourner un peu plus le volant une fois arrivé au milieu du rond-point. Cela nous laisse échapper de grands fous rires mais me donne aussi une brève idée de la dureté de cette direction non assistée. Une vraie voiture de jeune !












Après cette balade digestive animée, nous arrivons à Pornic avec près d’une demie heure d’avance sur l’horaire initialement prévu. Les voitures sont exposées sur l’Esplanade de la Ria, derrière la gare. C’est ici que se tient l’habituel rassemblement mensuel de l’Auto Rétro Pornic chaque 1er dimanche du mois. Un rendez-vous déjà connu de Marc, qui nous en parlait ici il y a maintenant trois ans. Le lieu et l’ambiance nous charment et ne peuvent que nous inviter à y revenir.










Un dimanche au bord du canal de la Martinière
Dimanche matin, les Bugatti quittent Pornic pour la dernière étape de ce Rallye Bugatti en Pays de Retz : le canal de la Martinière au Pellerin. Au programme, visite de l’ensemble des édifices avec Jean-Marie, un bénévole de l’Association culturelle du Canal maritime de la Basse-Loire (ACCAM). Une visite captivante pour le groupe puisque ce patrimoine industriel technique regorge de mécanismes, chaudières et accumulateurs en tous genres.











Quatre cylindres et cent bougies !
J’approche de la doyenne centenaire de ce rallye. Bouba, son propriétaire est le référent Brescia du club. Sa Bugatti est une Type 23 de 1924. Son empattement a été raccourci par le carrossier anglais Oliver Way pour revenir aux dimensions d’une Type 13 Brescia. Avec cette allure intrépide et sportive, la Brescia de Bouba participe à de nombreuses courses et rétrospectives.
« Les Bugatti sont des voitures ludiques et faciles à utiliser. C’est pour ça que c’est toujours un vrai plaisir d’en prendre le volant. »
Comprenez par là que les Bugattistes aiment rouler sans compter ! Leurs trésors ne sont pas des reliques et enchainent les kilomètres ! La mécanique reste simple, robuste :
« On arrive toujours à réparer, sauf quand on coule une bielle évidemment, mais le principal c’est de finir le rallye. »
Tous les deux ans, il participe au Solo Brescia, un rallye réservé aux modèles du éponymes et dont la prochaine édition partira de Beaune pour finir au circuit des remparts à Angoulême.








Dernière mise au point
Ce Rallye Bugatti en Pays de Retz nous offre l’occasion de revenir sur le centenaire de la Bugatti Type 35. Le tout premier modèle Bugatti conçu et pensé exclusivement pour la course. Le 3 août 1924, à l’occasion du Grand Prix de l’ACF, Ettore Bugatti descend lui-même de Molsheim pour présenter la Type 35 et la confronter à la course. Des débuts hélas non couronnés de succès car compromis par des problèmes de pneumatiques. Ces avaries seront rapidement oubliées car l’ingénieuse Bugatti Type 35 et ses évolutions cumuleront près de 2500 victoires !
La Type 35 ne brille pas seulement par ses succès en compétition. Elle est aussi une véritable réussite sur le plan esthétique. La carrosserie est un subtil mélange d’élégance et de finesse. De nombreux détails comme la calandre en forme de fer à cheval ou son arrière en pointe restent encore aujourd’hui gravés dans la mémoire collective.
Avant l’ultime départ, j’interroge Peter à propos des Bugatti de courses, aussi appelées « Grand Prix ». Ce dernier est le président du club Bugatti du Danemark.
« Les Bugatti Grand Prix naissent il y a 100 ans avec la Type 35. Celle-ci était en son temps une voiture de sport très performante. Elle n’était pas la plus rapide, ni la plus puissante ou la plus agile, mais c’est la bonne combinaison de ses qualités qui la rendent extrêmement polyvalente et compétitive.
La Type 35 était avant tout une voiture de gentlemen drivers. Vous pouviez venir par la route, remplacer l’essence par un mélange plus performant à base d’alcool, faire la course puis rentrer par la route. Elle ne nécessitait pas une équipe de mécaniciens. Tout ceux qui pouvait se l’offrir, étaient donc éligibles à de nombreuses courses. La Bugatti Type 35 connut plusieurs déclinaisons pour s’adapter aux différents règlements de l’époque. Certaines versions pouvaient donc avoir une capote, un saute-vent ou un pare-brise, voire un démarreur. »

Pour chaque modèle de course, il existait un modèle de tourisme avec le même moteur et quelques modifications. Par exemple, la Bugatti Type 35 de course servait de base à la Type 38.
Côté technique, la première Type 35 embarque un moteur huit cylindres en ligne de 1991 cm³ à arbre à came en tête. On la reconnait par ses emblématiques roues en aluminium. Elle connait une version simplifiée et moins puissante (75 ch), la Type 35A mais dont le vilebrequin est celui de la Type 38. Elle est identifiable par ses roues Rudge à rayons.
Suivrons d’autres variantes :
- La Type 35C : 8 cylindres, 1 991 cm3, compresseur dont on peut deviner la présence par l’orifice situé sur le haut du capot, développe 120 ch pour une vitesse de pointe de 202 km/h.
- La Type 35T : 8 cylindres, gonfle sa cylindrée à 2 260 cm3, reconnaissable à son radiateur plus large, 105 ch, 190km/h
- La Type 35B : 8 cylindres, 2 260 cm3, compresseur, 140 ch, 210 km/h
- La Type 37: 4 cylindres,1 493 cm3, développe 60 ch, 150 km/h.
- La Type 37A : 4 cylindres,1 493 cm3, développe 90 ch, 185 km/h.
- La Type 39 : 8 cylindres,1 493 cm3, développe 90 ch.
- La Type 39A : 8 cylindres,1 493 cm3, compresseur, 120 ch.

Peter est également le co-pilote de cette Bugatti Type 39. Un exemplaire dans un état exceptionnel mais surtout à l’historique assez unique. En effet, cette Type 39 participa au Grand Prix de l’ACF à Montlhéry en 1925 avec à son volant le pilote Bugatti Meo Constantini. A l’époque, elle arborait une carrosserie touring avec des ailes comme sur cette photo. Puis la voiture est renvoyée à l’usine, la carrosserie est échangée pour l’actuelle. Elle est ensuite envoyée au Grand Prix de Monza où elle termine 3ème. En 1926, la Type 39 part pour l’Australie où elle participe à de nombreux GP.

Après ces explications fort instructives, le départ est donné. Les équipages enfilent casques et bonnets pour se prémunir du froid devenu humide et mordant. Les Bugatti se réveillent une à une dans un rugissement. Elles s’élancent au loin.
Cette découverte du Bugatti Club France était riche en émotions et en apprentissages. L’ambiance y est très amicale et décontractée. Les voitures sont magnifiques et leurs histoires plus encore. Vivement la prochaine rencontre !









Un grand merci à Corinne pour cette invitation inoubliable. Bravo aussi à Charles, Régis, Aurélie et Pierre pour leurs contributions respectives à l’organisation de ce bel événement. Enfin merci à Philippe pour le baptême en MG TA, pour ses nombreuses plaisanteries et merci à l’ensemble des participants pour leur accueil chaleureux !








Bougnoux
Superbe reportage et photos sur ce rallye exceptionnel à Noirmoutier
et toutes les BUGATTI passant le Gois !
une belle leçon pour les « modernes »
Merci et bravo à vous deux, les reporters
Sportivement
Régis B
· · 10 octobre 2024 à 19 h 59 min
Vincent
Il est vrai que les pilotes n’avaient pas peur de rouler et faisaient amplement honneur à ces belles mécaniques !
Bravo à eux et encore une fois bravo aux organisateur de l’événement !
Bien amicalement,
Vincent
· · 10 octobre 2024 à 21 h 18 min
LANNOO Antoine
Récit captivant, photos magnifiques qui seront surement parmi les plus belles de l’année, merci messieurs ! Vous donnez envie d’en connaitre un peu plus sur la marque et ces modèles d’époque
· · 11 octobre 2024 à 13 h 47 min
Jean-Christophe
Merci ! Un très chouette reportage, ça fait plaisir.
· · 13 octobre 2024 à 16 h 05 min