Oltcit, quand Citroën visait l’est

Publié le par Benjamin

Oltcit, quand Citroën visait l’est

C’était certainement LA curiosité visible sur l’esplanade du Salon de Rouen. Bien que peu de collectionneurs ait eu le regard attiré par ses formes, cette auto grise ne manquait pas d’intérêt. Car, non, ce n’était pas une Citroën Axel. On se replonge dans l’histoire de cette Oltcit Club qui montre qu’il n’y a pas que Renault qui ait construit des autos en Roumanie.

Une multiplication de coups d’arrêt

Un, deux, trois projets !

Tout commence avec la rengaine habituelle de Citroën au milieu des années 60 : le trou dans la gamme. Au dessus de la 2cv et en dessous de la DS, on ne trouve que les Citroën Ami… qui sont bien trop proches de leur petite sœur.

Citroën commence un rapprochement avec Fiat et on étudie une petite auto, le Projet Y, qui sera basé sur la 127. Le géant turinois devant racheter Citroën, selon le plan de base, l’histoire nous dit que le projet n’est jamais allé au bout. Mais du côté des chevrons, même avec l’arrivée de la Citroën GS au milieu de la gamme, on a toujours besoin d’une nouvelle auto.

On continue l’étude avec le projet TA, une auto plus petite que la GS mais qui reprend sa mécanique. Une Ami Super en plus moderne en fait. Le projet avance bien et on se prépare à son industrialisation… au moment où Peugeot rachète le constructeur. Citroën doit abandonner ce projet, remplacé par la LNA à partir des caisses de la Peugeot 104 en version 3 portes.

Pour autant les bases du projet TA seront conservées. Quelques années plus tard, une fois remanié et combiné à des mécaniques venues de Sochaux, cela donnera la Visa.

Mais ce n’est qu’une modification et entre temps on va trouver comment rentabiliser l’étude de cette auto. Le salut de ces études va venir d’un pays où il fait froid et où on porte des chaussures à fermeture éclair : la Roumanie. Depuis plusieurs années on se dit que le projet peut être revendu clés en main dans un pays « du tiers monde ». Ceaucescu cherche, de son côté, à dynamiser son pays avec un second constructeur automobile, exactement sur le même principe qui porte la collaboration entre Renault et Dacia.

Pour ce nouveau projet on voit les choses en grand. Le constructeur nouvellement créé aura une usine flambant neuve, financée par le gouvernement roumain ET par un constructeur étranger. Deux candidatures s’opposent : Volkswagen et Citroën.

Le français a de multiples cartes à jouer. D’abord son patron, Georges Taylor, qui doit son nom à son père anglais, qui a fait ses études en France mais qui est né en Roumanie. Ensuite le gouvernement français et le ministère des affaires étrangères qui voit là un bon moyen de faire glisser la Roumanie « à l’ouest » quand le pays prend ses distances avec Moscou.

Et puis Citroën amène une voiture prête à produire : le projet Y ressort des cartons.

Le français en sort vainqueur le 30 Décembre 1976. Oltcit (Olt est le nom d’un affluent du Danube, Cit pour Citroën) va naître, détenu à 36% par Citroën et 64% par l’état Roumain.

L’accord complexe derrière Oltcit

Au total les deux actionnaires mettent 2,5 milliards de francs sur la table pour construire l’usine de Craiova. 130.000 autos doivent sortir des chaines chaque année et Citroën a un gros rôle à jouer. En effet, si le constructeur aux chevrons trouve un parfait débouché pour ses pièces, on y revient juste après, en l’échange de leur entrée en Roumanie, il faut que le constructeur absorbe 40% de la production. Un bon moyen pour une Roumanie « pas très riche » de faire rentrer des devises occidentales.

La voiture produite, parlons-en. C’est un aboutissement du projet TA mais il a été adapté aux conditions locales. Ainsi on garde la ligne mais on passe de 5 à 3 portes. Ensuite l’auto est réhaussée afin de moins souffrir sur les routes locales.

Côté motorisations on va donc avoir besoin de pièces Citroën. L’Oltcit Spécial sera le bas de gamme : elle reçoit le bicylindre 652 cm³ des Deuches et Ami. Mais le cœur de la gamme c’est l’Oltcit Club. Sous le capot c’est le 4 cylindres de la GS qui fait sa place avec ses 1129 cm³ et ses 56ch. On prend cependant le temps de les adapter au marché local avec un carburateur qui résiste bien aux grands froids.

L’auto est prête… mais pas l’usine. L’administration roumaine est tentaculaire (et les dessous de table certainement importants). L’implantation ne cesse de changer de place et la construction est loin d’être finie en 1980, date prévue initialement.

L’Oltcit Club est enfin lancée !

15 Octobre 1981. Presque 5 ans après que l’accord ait été signé, 12 ans après que les premières études du projet Y aient été lancées, l’Oltcit fait ses grands débuts à la Foire de Bucarest. La presse locale est emballée, la presse de l’ouest, beaucoup moins.

Pour autant les débuts sont timides. Si vous regardez une carte d’époque, vous voyez bien que Craiova est au milieu de nulle part dans l’ouest de la Roumanie. Forcément la culture industrielle locale est inexistante. La plupart des ouvriers sont des paysans et leur formation est longue. La première année seules 7915 Oltcit sortent des chaines. Comme la formation des ouvriers d’assemblage n’explique pas tout, il faut aussi pointer du doigt les sous-traitant qui fournissent des pièces immontables et retardent l’industrialisation.

En 1983 on atteint le chiffre de 8500 autos.

Le débouché à l’export : la Citroën Axel

En 1984 la production va faire un bond en avant. Citroën lance l’importation. En Europe de l’Ouest, le badge Oltcit disparaît, comme l’appellation Club (la spécial n’est pas au programme). Elle sera vendue sous le nom de Citroën Axel.

Trois versions sont au programme : l’Axel et la 11R partagent le moteur de base de 1129 cm³, la seconde est mieux équipée. Et puis on trouve la Citroën Axel TRS, dont la mécanique est également tirée de la GS mais avec 1299 cm³ de cylindrée et 63ch. Sa finition est également plus poussée avec notamment des jantes alu !

Par contre, niveau embouteillage dans la gamme, la Citroën Axel se pose là. Elle entre en concurrence avec la LNA, qui l’a poussée à s’exiler, et la Visa qui est en fait la version aboutie pour le marché occidental de la roumaine rebadgée. Ne parlons même pas de la Deuche ou de l’AX qui se profile et vous voyez le casse-tête.

La voiture n’est pas mauvaise avec des moteurs plutôt performants, un intérieur logeable avec un tableau de bord très marqué Citroën et des freins à disque aux 4 roues. Mais elle souffre de sa provenance et de son style, clairement démodé. Et encore, on parle des autos « montrables », c’est à dire celles qui sont passées par la case réassemblage dans l’atelier dédié au sein de l’usine d’Aulnay.

Du coup, pour donner un avantage à l’auto, on la brade. Elle est vendue moins cher que la deuche mais les clients s’en méfient… et ils ont raison.

En fait la Citroën Axel souffre de gros soucis de fiabilité. Le calculateur peut rendre l’âme dès 10.000 km, avec moult fumée (il est mal positionné et n’aime pas le chaud)… ou continuer en étouffant le moteur. Et puis la peinture s’écaille, les fauteuils s’affaissent et les pneus d’origine sont clairement dangereux.

Citroën va vite sentir le vent tourner. La Citroën Axel n’est plus proposée à partir de 1990. En France on en a quand même mis 28.000 sur les routes et 60.000 sur tous les marchés. Quelques temps du moins.

Pendant ce temps, en Roumanie

Les soucis de qualité et de fiabilité des Axel amènent Citroën à mettre les bouchées doubles auprès d’Oltcit. Des ingénieurs sont dépêchés sur place pour améliorer la qualité.

En 1986 les roumains veulent la jouer roublards et vont s’en mordre les doigts. Ils font face à de grosses difficultés financières. Les volumes de vente ne sont pas atteints et l’importation des pièces Citroën est chère. Du coup ils en importent moins… mais ne baissent pas la cadence. En fait ils s’adressent à Dacia pour acheter des système de freinage et des boîtes de vitesse qui sont montées sur les Oltcit locales. Les Axel gardent tous leurs sous-ensemble made in France.

En 1988 Citroën s’en rend compte. C’est la dernière preuve que l’aventure est vouée à l’échec. Citroën se désengage d’Oltcit, tout en continuant à vendre des Axel pendant deux ans.

Oltcit se sent libre et étudie l’Oltena qui est la version 4 portes de l’auto déjà produite. Elle ne sera pas commercialisée, contrairement à des pick-up et utilitaires qui arrivent au début des années 90 quand la Spécial et son moteur de deuche sont arrêtés. On sort environ 12.000 autos chaque année et cela dure jusqu’en 1996.

Néanmoins, il faut préciser qu’à partir de 1995 ce ne sont plus des Oltcit qui sont produites mais des Rodae. Ce nom trahit le nouveau propriétaire : Daewoo (ROmanian Daewoo). L’auto est une Oltcit avec des pare-chocs plastiques mais ne sera proposée qu’une année avant que l’usine ne se tourne définitivement vers la production de Daewoo.

La Rodea- Oltcit

Les Oltcit et Citroën Axel de nos jours

L’exemplaire d’Oltcit vu au salon de Rouen est donc une rareté. Même avec sa plaque belge, elle n’aurait jamais dû quitter la Roumanie.

En tout cas, que ce soient des Oltcit ou des Axel, elles sont rares sur nos routes. Et forcément ce ne sont pas les préférées des Citroënistes… quand bien même elles rouleraient.

Si d’aventure vous cherchez une de ces autos, sachez que vous n’aurez pas de PEL à casser : les Axel 12 TRS sont les plus chères mais seront vôtres pour 2000 € maximum ! Après, on vous souhaite bonne chance pour en trouver une !

Photos supplémentaires : Citroenet

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Vincent

    Le seul point positif de ce « vilain petit canard » : Une très bonne tenue de route associé à un confort de suspension Citroën.

    Répondre · · 25 septembre 2021 à 10 h 26 min

  2. Jean-Christophe

    All shit !

    Répondre · · 25 septembre 2021 à 18 h 59 min

  3. HORENBEEK Michel

    Merci pour l’article.
    Cette voiture a été vendue neuve en 1989 en Tchécoslovaquie (à l’époque).
    J’en suis le 3ème propriétaire, et je l’ai ramenée par la route depuis Prague à Bruxelles.

    Répondre · · 26 février 2022 à 9 h 32 min

    1. Benjamin

      Félicitations en tout cas !

      Répondre · · 28 février 2022 à 8 h 42 min

      1. Antonio Solimeno

        Grazie per la storia. Io ho acquistato una Axel 11 R nuova in Italia nel 1986 che ho ancora. Poi ho acquistato nel 2013 anche una Oltcit Club 11 R nuova ferma dal1991. Belle auto, mi piace il motore boxer. Sono ultimo progetto Citroën prima del passaggio al gruppo PSA.

        Répondre · · 18 mars 2022 à 22 h 14 min

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