La préemption, une solution pour sauvegarder le patrimoine automobile français ?

Publié le par Benjamin

La préemption, une solution pour sauvegarder le patrimoine automobile français ?

Beaucoup crient au scandale quant à la vente prochaine de la Matra MS670 qui était jusqu’à présent au Musée de Romorantin et pour cause : c’est une pièce de l’histoire automobile qui pourrait quitter notre pays. Comment faire pour s’assurer qu’elle reste en France ? La préemption lors de la vente Artcurial du 5 Février 2021 serait une solution…

La préemption qu’est ce que c’est ?

Avec la préemption l’état est en fait déclaré vainqueur d’une enchère. C’est abrupt mais c’est bien la vérité.

La loi du 31 décembre 1921 définit le droit de préemption qui ne peut être appliqué que par l’état (du moins un de ses représentants) ou toute autre collectivité lors d’une vente aux enchères.

Le mécanisme est quand même un poil subtil. Avant toute vente aux enchères le commissaire priseur doit fournir à l’administration le catalogue de la vente. Cette administration le consulte et peut juger qu’une œuvre possède un qualité propre à la faire entrer dans une collection nationale. Au départ cantonné aux œuvres d’art, le droit de préemption a été élargi en 1979 et peut être appliqué sur toute pièce relevant du patrimoine artistique ou historique.

Une fois que l’administration a repéré un lot elle ne doit pas le faire fuiter pour que les enchères suivent leur cours. Car il y aura bien des enchères. Le commissaire priseur prendra les enchères, le prix grimpera et le marteau tombera. À ce moment l’agent public présent dans la salle des vente devra annoncer à voix haute :

« Sous réserve de l’exercice du droit de préemption de l’État. »

Et c’est bien sous réserve ! En fait l’état a 15 jours pour se positionner définitivement. S’il le fait il devra payer la valeur d’adjucation au vendeur. S’il ne le fait pas l’enchérisseur ayant avancé la valeur d’adjucation pourra prendre possession du lot.

Comme le note la Gazette Drouot (d’où nous avons tiré ces informations), « La préemption est souvent contestée par les propriétaires d’œuvres et les collectionneurs. Le vendeur de l’œuvre peut estimer qu’il ne bénéficie pas du prix qu’il pourrait attendre de son bien si l’État participait réellement aux enchères.« 

On notera également que la préemption ne se soustrait pas au prix de réserve. Si ce prix n’est pas atteint au moment de l’adjucation et que le vendeur ne baisse pas son prix (et dans ce cas là il aurait tort de le faire) l’état ET le dernier enchérisseur ne seront pas acquéreurs.

Vous l’aurez compris ce droit assez abrupt peut être controversé, surtout qu’il n’existe qu’en France et est mal perçu par les étrangers. Rien n’empêche cependant un représentant de l’état de rentrer dans le jeu des enchères…

Un précédent dans le monde automobile

Le 6 Février 2015 lors de la vente de la collection Baillon par Artcurial les prix s’envolent.

Ainsi une Panhard Dynamic Coupé X-76 de 1936, le lot n°33, estimé entre 25 et 35.000 € atteint 56.024 € sous le marteau de maître Poulain. Mais un représentant du Musée de Compiègne préempte le lot.

Inscrite à l’inventaire du Musée national de la Voiture et du Tourisme de Compiègne quelques jours plus tard la voiture a ensuite commencé sa restauration. Elle a d’ailleurs été soutenue par Motul et la Fondation du Patrimoine qui ont faire revenir l’auto à Rétromobile en 2017. La restauration se poursuit (du côté de Mulhouse, Compiègne ne possédant pas d’atelier adéquat) et on espère la voir prochainement !

L’état peut-il préempter la Matra ?

L’état a donc déjà préempté une auto pour l’un de ses Musées Automobile. C’est bien. Cela prouve que c’est possible.

Néanmoins notre fameuse Matra ne joue pas dans la même cour. Là on parle d’une estimation entre 4 et 7.5 millions d’euros. La somme est conséquente et on voit mal le Musée de Compiègne, la Cité de l’Automobile ou même le ministère de la Culture ou la Fondation du Patrimoine (même avec un budget d’une centaine de millions d’euros) préempter une telle auto…

Les alternatives ?

Dès lors comment s’assurer qu’un tel joyau puisse reste en France ?

Du côté étatique il y a un autre mécanisme qui est la déclaration d’une auto en tant que « Trésor National ». Dans ce cas les enchères peuvent se tenir, l’état peut même préempter à la fin, mais quoi qu’il en soit le certificat d’exportation ne sera pas délivré et empêchera à l’objet de quitter le territoire. Par contre ceci ne s’applique qu’aux « biens culturels ». Pas sûr qu’une automobile puisse être définie comme telle par le ministère de la culture… quoi que notre âme de passionné puisse en dire.

Évidemment rien n’est perdu non plus du côté des collectionneurs. Certes les collections françaises se dispersent plus qu’elles ne se forment. Mais peut-être qu’un enchérisseur passionné au porte feuille bien garni pourrait acquérir une telle auto. Si on va jusqu’à penser à quelqu’un qui pourrait la faire rouler, les acheteurs potentiels sont peu nombreux.

Enfin il est toujours possible qu’un grand groupe face du mécénat. Des incitations fiscales ont été crées en ce sens pour permettre à l’état d’acheter certaines œuvres.

Et puis si on se met à beaucoup (mais alors vraiment beaucoup) on peut peut-être se la payer. Rêvons un peu…

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. philippe

    Elle sera conservée, visible dans le concours style Pebble-Beach si emmenée aux US. Elle restera visible par internet, quel est le problème ?
    Il serait logique que les frises du Parthénon quittent le British Museum et regagnent le Parthénon, que l’Obélisque regagne Louxor puisqu’ils ont été arrachés au décor mais une voiture ?

    Répondre · · 8 octobre 2020 à 11 h 58 min

  2. Julien A

    L’autre solution pour garder la voiture en France (très pénalisante pour le propriétaire et les autres pays) est de la classer Trésor National comme la Turcat-Méry « Duc de Montpensier » et à ce titre, la voiture, peut importe son propriétaire, ne pourra sortir de France qu’épisodiquement.
    Je rejoins Philippe : on ne peut pas garder tous les monuments de l’automobile française en France. Ma préoccupation serait plutôt de savoir si on va la revoir en France et surtout l’entendre…

    Répondre · · 8 octobre 2020 à 13 h 23 min

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